Tome 1 I Chapitre 6 - A Fresh Start


"It's a new dawn 

It's a new day 

It's a new life

For me 

And I'm feeling good"


❀❀❀❀❀❀


Cela fait un mois et demi que les cours ont commencé. Nous sommes en plein milieu du mois d'octobre et l'automne est bien installé. Le parc du campus s'est paré de cuivre et d'or ainsi que tous les bois qui environnent Bloomington. Le début du semestre est plutôt intense, je n'avais pas envisagé d'avoir autant de travail. Certains étudiants, comme Veronica, s'amusent toute la semaine, enchainant les soirées et les sorties. Pour ma part, j'ai trouvé mon équilibre, j'accompagne parfois ma colocataire à quelques fêtes, mais j'étudie suffisamment pour ne pas avoir à me réveiller la semaine précédant les exams pour tout rattraper en urgence.


Depuis l'épisode avec Ash, j'ai oublié le projet de me trouver un gars pour le plaisir d'une nuit. Je n'ai pas eu besoin d'en faire mention à Veronica, qui a deviné, sans plus de détail de me part, que ça s'était mal terminé. Je pense que les choses parlent d'elles-mêmes parfois, ma conviction du début évaporée s'est lue sur mon visage probablement.


— Je te l'avais bien dit ma belle, mais au moins tu ne te tromperas pas deux fois. Ash c'est vraiment le sociopathe relationnel par excellence.

— J'ai cru comprendre.

— Tu sais, il accepte de nombreuses filles dans son lit, et il n'hésite pas à les repousser le matin venu, voire les jours qui suivent pour les plus accros. Il les met face à leurs contradictions, à leur manière d'être, et il te retourne le cerveau, il est super fort à ce jeu-là.

— Pourtant d'autres tombent encore dans le panneau.

— Un cœur inaccessible, ça attire la convoitise, tu sais.


Ce n'est pas l'inaccessible qui m'avait poussée vers Ash ce soir-là, pourtant, j'ai essuyé le même échec que toutes les filles qui avaient partagé son lit auparavant. Cette idée m'a enfoncée un peu plus dans ma déprime passagère, sans trop savoir pourquoi. Après tout, si Ash était bien le goujat que je pensais, il avait au moins eu la délicatesse de ne parler de notre incident à personne. Je m'étais ratée, mais seuls lui et moi le savions. Je l'ai recroisé par la suite une fois ou deux au campus entre deux cours, sans pour autant que l'on s'adresse la parole. J'ai rapidement conclu qu'il fallait extraire tout le positif de cette histoire et me voilà, ici.


— Sky ? Ohé, Sky !


J'éteins l'aspirateur et me retourne, surprise.


— Désolée Sybille, je ne t'entendais pas.

— Pas grave. Tu as allumé la machine à pop-corn ? On ne va pas tarder à ouvrir.

— Je l'ai fait, je dois me dépêcher de finir de nettoyer la moquette et on est bonnes pour une soirée de folie !

— OK, j'ouvre la caisse pour toi, tu t'occupes de la confiserie ce soir.

— Ça roule !


Depuis le début du mois, j'ai décroché un petit boulot au Magic Theater, le vieux cinéma de quartier de Bloomington. La jolie métisse qui me supervise, c'est ma collègue Sybille. Une étudiante comme moi, mais mon aînée de quelques années, à la fac comme dans ce travail. Avec elle, ça se passe super bien. Sa crinière brune en pétard aux ondulations parfaites auréole un visage poupin à la teinte légèrement ambrée. Elle affiche toujours un petit rictus mutin. Même quand elle fait la tête, on a l'impression qu'elle sourit, sans doute que cela a à voir avec ses yeux noisette pleins de malice. Toujours est-il que cette joie m'a tout de suite mise à l'aise et nous avons pu rapidement sympathiser, sans compter que nous avions beaucoup de goûts en commun.


Je n'avais pas besoin de ce job, mais je le voulais. Beaucoup d'étudiants, comme Ash, trimait dur pour se payer leurs études. Et ce jour, il m'a peut-être volontairement mis face à mes contradictions sentimentales, mais sans le savoir, il a aussi souligné celles que j'entretenais par commodité.


Si j'ai décidé d'aller à Bloogmington au lieu de l'UIC, c'était pour m'affranchir de ma famille castratrice. Pourtant, j'ai accepté sans broncher l'argent qu'elle me verse pour payer mes études. L'idée d'être assimilé à une gosse de riche n'est pas ce qui me dérange, ce qui l'est, c'est la provenance de cet argent. J'ai mal au cœur à l'idée d'en bénéficier... Mais ai-je seulement tenté de le refuser ? J'aurais pu renoncer à mes études, trouver un job, postuler pour une bourse, au lieu de ça, j'ai pris la voie la plus rapide pour quitter Libertyville, et ça passait par intégrer Bloomington, financé par mes parents.


Évidemment, un emploi à mi-temps au Magic Theater ne me permet pas l'autosuffisance, mais je vois ça comme un début. Plus dans ma tête que dans mon compte en banque, pour le moment.


À peine avons-nous terminé la mise en place que les clients affluent déjà pour la séance de ce soir, une rétrospective de James Dean. Le Theater verse plutôt dans les soirées thématiques et les films indépendants, les multiplexes hors de la ville drainant suffisamment la population sur les nouveautés. J'aurais pu postuler là-bas, ils embauchent en permanence, mais je suis tombé amoureuse de ce lieu plein de souvenirs et de magie. Après avoir passé une séance en solo à savourer mon pop-corn devant Autant en emporte le vent, j'ai décidé de répondre à la petite annonce laissée en évidence sur le guichet.


Les derniers clients entrés, nous voilà au calme pour deux heures.


— Il y a pas mal de monde ce soir, le patron sera content. Les soirées du club cinéma ont toujours la côte ! s'exclame Sybille en s'accoudant sur le comptoir à friandises. C'est bien toi qui t'occupes de la programmation pour la soirée d'Halloween c'est ça ? Tu as pas trop la pression ?

— Un peu, c'est plus de travail que je ne pensais, mais au moins ça me permet de m'intégrer dans la vie étudiante.

— Tu as déjà choisi la programmation ?


Je me gratte la tête, embêtée qu'elle mette le doigt sur mon dilemme, deux semaines avant l'échéance.


— Pas encore, j'hésite entre une spéciale Romero ou une intégrale de Freddy.

— Les deux choix sont intéressants, mais il va falloir trancher, conclut-elle en mimant le monstre au gant muni de lames.


Un groupe de quatre garçons arrive alors, des jeunes de la fac, des sportifs même puisqu'ils portent le manteau aux couleurs des Hoosiers, l'équipe de football de l'université. Alors que trois d'entre eux se pressent vers la salle pour ne pas perdre une minute de plus, le dernier s'arrête en cours de route, me regarde un instant, moi ou la confiserie, et demande à ses amis de patienter avant de s'élancer dans ma direction.


— Attendez-moi les mecs, je reviens.


Il trottine vers moi, sous sa tignasse rousse cuivrée, rétro à souhait. James Dean lui-même aurait adoré. Il est bien bâti et ses petites foulées pour parvenir à mon comptoir trahissent le féru de sport.


— Bonsoir, je vais te prendre deux paquets XL de popcorns sucrés, s'il te plaît.

— Ça sera tout ?

— Je ne sais pas, j'hésite encore.

— Hey Josh, bouge ! On va tout rater ! s'exclame ses amis, impatient.


Il leur fait signe d'attendre, avant de me fixer à nouveau. Il me lâche un sourire et fait mine de réfléchir.


— Tu ne devrais pas trop faire attendre tes amis, vous avez déjà raté une bonne partie du film.

— Je l'ai déjà vu récemment, ce n'est pas grave.

— Une soirée entre amis alors ?

— Oui, mais c'est surtout quand mes potes m'ont dit qu'ils allaient au Magic Theater où travaillait la nouvelle ouvreuse mignonne que j'ai sauté sur l'occasion pour venir.


Bim. Je ne l'avais pas sentie venir celle-là. Me voilà le nez plongée dans le pop-corn, les joues assurément rouges d'embarras.


— Je plaisante, je ne savais pas que tu travaillais ici, par contre je t'ai déjà vue en cours de bio, n'est-ce pas ? Malgré mes aptitudes évidentes d'espion, je ne connais pas encore ton prénom...

— Sky, dis-je doucement.

— Enchanté Sky, moi c'est Josh, comme l'ont beuglé mes amis, m'annonce-t-il en me tendant la main. D'ailleurs, tu voudrais pas venir boire un verre avec nous après ton service ?


Le dénommé Josh me fixe de ses deux yeux aux reflets d'automne, ces teintes insufflent une vraie intensité à son regard ce qui me trouble, moi qui adore cette saison en plus. Néanmoins, la saveur amère d'un précédent jeu de séduction qui a mal tourné refait surface à ce moment et j'ai le réflexe de décliner, en lui fourrant les popcorns dans sa main tendue.


— Non désolée, j'ai beaucoup de travail et je préfère rentrer directement après.


Il se mord la lèvre, l'air déçu, mais n'insiste pas. Il me règle ses sucreries et rejoint ses amis, non sans faire quelques pas à reculons pour garder le contact visuel avec moi encore quelques instants.


J'ai été un peu sèche avec lui, il n'était pas désagréable, ni d'apparence, ni dans sa manière de m'aborder. Qui l'avait repoussé ? Sky la petite fille sage ou Sky qui subit encore les séquelles de sa rencontre avec Ash ? Je n'apprécie aucune des deux.


À la fin de la séance, alors que je m'apprête à aller aider Sybille à nettoyer la salle, je distingue Josh dans le flux des spectateurs qui se rapproche du comptoir avec ses boîtes de popcorns vides.


— J'ai pensé que ça t'aiderait si je te les ramenais.

— C'est gentil. C'était une excuse comme une autre pour revenir me parler, n'est-ce pas ? dis-je en saisissant les cartons.

— J'avoue, confesse-t-il. Je n'insiste pas pour ce soir, j'ai bien compris. Mais au risque de passer pour un gros lourd, est-ce qu'une autre fois, une petite sortie est envisageable ?


Il me refait le coup de ses yeux hypnotiques. Est-ce que j'ai réellement envie de dire non ?


— Peut-être...

— Partie remise alors ?


Je lui souris en guise de réponse, Et alors qu'il s'éloigne pour sortir du cinéma, il se retourne une dernière fois, les mains en porte-voix :

— Au fait, mon numéro est écrit sur l'un des emballages !


Puis il s'enfuit dans la nuit pour rattraper ses amis. Moi, je me rends compte que j'ai déjà jeté ses paquets... Arrivée chez moi, j'entends encore le rire de Sybille, me regardant fouiller la poubelle pour les retrouver.

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