Tome 1 I Chapitre 11 - Mind Game




"Though I couldn't give enough

Hope you'll be safe in the arms of another

'Cause I can't take the weight of your love"



*********





— Et toi, Ash, tu en penses quoi ?

— Hein, tu me parlais ?

— T'es lourd, mec. Laisse-tomber.


Visiblement vexés que je ne partage pas leur délire, les deux gars de mon groupe de TD retournent à leur conversation. La plupart du temps, je ne m'attarde pas sur le campus, je n'y entretiens que peu de relations avec les étudiants. Mes horaires de travail ne me laissent pas trop de temps, et quand je ne m'occupe pas d'Elias, je me traîne parfois à quelques soirées, mais ça s'arrête là.

Les rares fois où je zone sur le campus, j'arrive à tomber sur Sky, par hasard peut-être, mais j'ai l'impression que peu importe où je vais, je la vois. Si je fais un peu plus attention aux autres, il est fort probable que je reconnaisse bien plus de visages dans les bâtiments de la fac. Toujours est-il que c'est sur elle que se pose toujours mon regard. Parce qu'elle m'a pris la tête pour un flirt et un petit-déj ? Maintenant je la vois évoluer dans sa vie étudiante avec sa coloc, son groupe d'amis, et maintenant son mec, le beau Josh, alors que le reste des gens me semblent toujours aussi transparents.


Moi, je me suis entêté à faire fuir toutes les personnes autour de moi, même les mecs qui sont là à discuter à deux pas m'ignorent autant que moi je me fous d'eux. Tout est factice dans mon comportement envers les autres, sociabilité et sentiments, rien n'est vrai, car j'ai tout rejeté en bloc.


Je ne sais pas à quels démons elle tentait d'échapper le soir où je l'ai vue pour la première fois, ceux qui la poussaient à changer radicalement, quitte à renier la personne qu'elle était vraiment. Mais je pense, en la voyant, qu'elle fait de son mieux pour ne plus avoir à les affronter. Moi je suis devenu un fantôme dans cette université, et je ne peux plus rien gagner parce que j'ai tout perdu. Sur ce constat, j'attrape ma besace et me barre sans un au revoir.


-              Hey attends, Ash, tu vas où ?

-              Bosser.

-              On devait pas aller à une soirée ensemble ?

-              Je t'avais dit qu'il nous présenterait pas de meufs, lui murmure l'autre sur un ton de reproche.


Je rumine dans mon esprit ces instants de Sky épiée en compagnie de son petit-ami. Elle semble épanouie... Pourquoi je me soucie de cette fille, bordel. Sors de ma tête.


J'en reviens presque à regretter de l'avoir laissée dans cette chambre. Est-ce qu'elle m'obsède parce que nous n'avons pas fini notre partie ? Est-ce que je peux être frustré de ne pas avoir conclu avec une fille dont je me fiche éperdument ? Je m'en cogne des réponses, je veux juste l'effacer de mon esprit, et si je dois doubler mon service au Village Deli's ou baiser toutes les autres filles de la fac pour penser à autre chose, je le ferai.



Le carillon du restau sonne à mon entrée un peu trop tonitruante. Nous sommes entre deux services et même si le diner est ouvert en permanence la journée, les clients sont peu nombreux à cette heure de la journée.


-              Ash ? Tu es en avance, me dit Miss Parks en guise de bonjour.

-              Je n'avais rien de mieux à faire...

-              Soignez ton humeur peut-être ?

-              Désolé.

-              Viens t'asseoir mon garçon, j'allais prendre mon café, tu vas me tenir compagnie.


C'est la troisième année que je bosse au Village. Ça n'a pas été facile au début avec Miss Parks, elle a du tempérament et de l'énergie à revendre pour son âge. Elle me rappelait trop ma grand-mère et c'est pour ça que c'était difficile. Ma mère morte pendant mon enfance, mon père ne s'étant jamais présenté à moi, c'est ma Nanny qui m'a élevé. Quand elle est morte, je n'avais plus de famille. La revoir dans les traits de Miss Parks me rendait nostalgique et c'était très inconfortable. Maintenant, c'est exactement parce qu'elle me fait penser à mon aïeule que j'aime autant bosser au Village. J'ai plus d'atomes crochus avec cette septuagénaire qu'avec n'importe lequel des étudiants.


Je m'assois en face d'elle, elle se brûle les lèvres sur la tasse trop chaude, je ne peux m'empêcher de rire. Bientôt quarante années qu'elle prend un café à la même place, à la même heure, et elle est encore capable de se cramer la bouche. Si on ne devient pas plus sage en vieillissant, c'est foutu pour moi. Je lâche un petit rire amusé devant sa maladresse.


— À part te moquer d'une dame âgée, jeune homme, tu pourrais commencer par me dire pourquoi tu es de mauvais poil.

-—Rien, je vous assure, Miss Parks. Rien qui ne m'empêchera de cuisiner pour vos clients.

— Les plats ne sont jamais aussi bons que lorsqu'on les cuisine avec le moral. Ton humeur maussade est contagieuse, alors il va falloir déballer ton sac, sinon ça va faire fuir la clientèle. Comme tu as fait fuir cette petite damoiselle la dernière fois.

Laquelle, j'ai envie de dire ?

— Celle qui t'a réclamé un petit-déjeuner. Elle avait plus de culot que de cul, ce qui change de tes conquêtes habituelles. Elle m'a tout de suite plu. Et j'ai plutôt bon goût. Tu l'as revue au moins ?

— Sky ? Désolé de vous décevoir, mais elle n'est pas dans ma to do list.


J'ai failli dire n'est plus sur ma liste, mais je me suis retenu par égard pour Miss Parks. Je ne sais même pas pourquoi je lui réponds, mais son caractère franc du collier m'incite à le faire. C'était comme lorsque j'avais fait une bêtise et que Nanny essayait de démêler le vrai du faux. Elle menait toujours son interrogatoire d'une main de fer dans un gant de velours. Elle aurait fait un flic du tonnerre et Miss Parks aussi. Ce n'est pas tant qu'elles sont menaçantes, c'est que leur franchise instaure une confiance naturelle. Pour preuve de son respect, Miss Parks n'a jamais cherché à comprendre mon mal-être, mon attitude de play-boy, elle accepte ses facettes de moi avec son tempérament de feu.


— J'avais parié sur elle, peu de filles réussissent à se faire cuisiner un repas par mon ado rebelle.

— Je ne suis plus un ado, Miss Parks.

— Alors arrête de te comporter comme tel ! Et laisse-moi un peu d'espoir.

— Il n'y a pas d'espoir à avoir, ni pour mes relations, ni pour moi. Et certainement pas pour cette Sky qui s'est trouvé un footballeur.

— Ah ces sportifs... Et tu en viendrais presque à la regretter ?

— Quoi ? Bien sûr que non ! Au moins, elle ne me courra plus après.

— Oh voyez-vous ça ? Je ne l'ai pas vue se ruer ici alors que tu y travailles presque tous les jours. Elle est passée à autre chose et c'est bien fait pour toi mon garçon. Si tu veux te morfondre dans ta caverne, libre à toi, mais sache que le monde continue de tourner au-dehors. Alors, ne t'étonne pas que d'autres oiseaux grappillent les miettes de bonheur qu'on a semées devant ta porte ! Dans la vie, on n'a pas le temps de regretter d'être con, on a juste quelques occasions de plus pour ne plus l'être.

— Attendez, c'est ça votre méthode pour me changer les idées ?

— Oui. Si te dire que tu es un abruti peut t'empêcher de l'être la prochaine fois, alors c'est ma méthode.


Elle se siffle son café sans doute encore très chaud et claque la tasse sur la table. Elle ne m'a même pas laissé finir. Je ne regrette pas Sky, je veux juste la sortir de ma tête.


— Bon, on a du boulot ! Finis ton café et tu pourras commencer ton service, je pense que Miguel sera content de débaucher plus tôt pour rejoindre ses gosses.

— Oui, madame.


Alors qu'elle commence à se diriger vers le comptoir, je la rappelle.


— Miss Parks ! Merci...

— Tu vois, tu es déjà un peu moins bête, me dit-elle sur un ton plus doux, de la tendresse dans la voix.


Plusieurs émotions m'envahissent, beaucoup provenant de mon enfance et des moments privilégiés que j'ai vécus avec ma grand-mère. Je ne peux m'empêcher de faire la comparaison entre le gosse que j'étais, diablotin en puissance, et l'homme que je suis aujourd'hui. L'espièglerie s'est bien ternie, moi tout entier même je dirais. Miss Parks a raison, je me comporte comme un idiot. Sky avance dans sa vie, grand bien lui fasse. La mienne est entre parenthèses, je reste au point mort et ça me va. J'avais mis deux options pour la sortir de ma tête : le travail et le sexe. Mais si même ma patronne se met à me parler de Sky... il ne me reste plus qu'une alternative. Je pianote un SMS rapide à une fille qui, je sais, ne me dira pas non. Je me comporte comme un abruti parce que c'est mieux ainsi. Et j'excelle dans ce domaine...

Quels sont vos théories sur Ash ? Dites nous tout!

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