Chapitre 9. Made In Eythan

Chapitre 9. Made In Eythan

Eythan

Il paraît qu'il faut vivre une vie bourré de remords et vide de regrets. J'offre mon plus grand mépris à ceux qui se pensent légitimes pour dicter la bonne conduite. Selon cette théorie, je ne peux déjà plus rendre ma vie parfaite. Si je pouvais la recommencer, j'aurais sûrement amené la tête d'un intrus à ces faibles. Hier ils étaient tous en train de jouer les durs. Aujourd'hui ils se sont chiés dessus, à en croire l'odeur.

Une fois la porte refermée derrière moi, je tousse sous l'effet de la surprise. Autant dans la salle de musique une légère odeur de merde se dégageait des otages, autant ici le sang coagulé envahit mon nez. Je ne sais vraiment pas laquelle est la pire mais ce qui est sûr, c'est qu'aucune ne me donne envie de traîner. J'espère qu'Hélène n'a pas un odorat trop sensible.

Quand on parle du loup... Des mains dépassent d'une échelle métallique semblant flotter au-dessus du sol. Cette dernière cogne le plafond à intervalles réguliers. Malgré sa carrure, ma blonde préférée semble la manier comme un samouraï manie son katana.

Apparemment, avoir une mère militaire n'offre pas qu'une bonne connaissance des armes. Je m'écarte d'un pas et la regarde poser notre passeport pour la liberté contre le mur. L'air peu satisfaite, elle l'attire à elle et le repose deux centimètres plus à droite. Pile en-dessous de l'entrée du conduit. Sa précision doit être redoutable en cas de conflit armé.

« Tiens. »

Je reprends le cutter et y jette un rapide coup d'œil avant de le ranger dans ma poche. Sa teinte argentée me chuchote qu'elle n'a pas eu besoin de s'en servir. Tant mieux. Le souffle tranquille, elle m'adresse un petit sourire avant de détourner le regard.

« J'espère qu'ils la rassureront...

À mon humble avis, il ne faut pas compter sur eux pour prendre soin d'elle. Ils ont déjà tous beaucoup à faire avec leurs sous-vêtements collants. Sans oublier leur faiblesse d'esprit. Mais impossible que je lui réponde sincèrement. Je ne me serais pas embêté à la faire partir pour leur rendre une petite visite si c'était pour tout lui révéler maintenant.

Je n'ai pas honte de ce que j'ai fait. Mais elle désapprouverait à coup sûr et perdrait tout sourire en ma présence. Sans elle, je dois reconnaître que cette prise d'otage aurait beaucoup moins d'intérêt.

– Les gens ont tendance à partager leur nourriture en temps de famine.

Au contraire. Mais son visage trahit son envie de me croire alors je n'irais pas desservir mes intérêts.

– Mmh. On y va ? Plus vite on a terminé, plus tôt on pourra les libérer.

– Attends. »

Si l'un des quatrièmes se fait tuer en allant se nettoyer le cul, Hélène s'en voudra toute sa vie. Et une personne qui culpabilise n'amuse que ceux désirant la manipuler. Je m'approche d'une porte et descend sa poignée. Fermée. D'autres otages se cachent sûrement derrière. Tant pis, j'ai remarqué une salle de cours ouverte pas loin de la discussion passionnante de mes ex-gourous.

« Tu vas pas trop loin hein ! »

Généralement, je trouve les attentions du genre « Fais attention à toi. », « Reste prudent. » au mieux inutile, au pire stupide. Si une personne avait prévue de mourir, ces commentaires ne servent à rien. Si elle ne l'avait pas prévu, évidemment qu'elle ne va pas se jeter sous les roues d'un véhicule. Donc le lui demander est stupide. Mais dans ce cas-ci... C'est différent. Tout est différent depuis ce matin. Tout est différent avec elle.

Je trouve toujours que son commentaire est inutile. Mais au moins, il m'amuse. Non, pas exactement. Il réchauffe mon cœur saoulé par les pourritures que sont les quatrièmes. Merci Hélène. Je m'excuse auprès d'elle, je la remercie... La liste commence à être longue.

Loin de la guerre que se mène ma fierté et mon cœur, deux grandes flaques se rejoignent pour n'en former qu'une seule sous mes pieds. J'y éclabousse ma chaussure gauche et pousse la porte au maximum avec la main du même côté. Un petit saut et ma deuxième chaussure se teinte de rouge à la hauteur de la première.

Je crois que je préférais encore l'odeur de merde. On sous-estime bien trop la capacité de notre odorat à nous handicaper. Un putois vient d'emménager sous le plancher ou bien c'est une colocation ? Au lieu de gémir ainsi, dépêche toi de repartir avec une chaise. Pas con. Je vole au-dessus d'un bureau, en retire une pièce de bois et décolle pour retrouver Hélène. J'aurais bien volé celle du professeur, histoire d'exprimer mon point de vue sur les autorités illégitimes, mais ses roues la rendent beaucoup moins stable.

J'enjambe les deux cadavres tout en portant la chaise en bois à bout de bras. Je ne sais même pas comment du sang a pu atterrir sur leurs mains. Ah si. Je me suis essuyé le visage avec. C'est possible d'attraper Alzheimer à quinze ans ? L'important, c'est que je n'oublie pas l'important.

Le temps de relever la tête, j'ai dépassé les corps. Mon regard et mon corps bloquent. L'un sur celui d'Hélène, l'autre sur place. Elle s'est postée au milieu de l'échelle, prête à partir si un intrus pointe le bout de son nez. Une grande réflexion semble batailler dans sa tête tandis que ses yeux fixent le corps encore chaud du potentiel violeur.

Je ne suis pas Hélène. Mon prénom correspond à un ensemble de six lettres dont un Y. Pourtant, je sais qu'elle ne pense pas à l'agression qui s'est déroulée à son nez et à sa barbe. Tout est lisible sur un visage. Lire des sentiments à travers des expressions faciales ne nécessite pas autant de compétences que la lecture de pensées. Heureusement que je suis particulièrement fort dans ce domaine.

    Ma blonde préférée se questionne sur la moralité de nos actes. Est-ce vraiment juste de massacrer ces soi-disant méchants pour sauver tous ces soi-disant innocents ? Une logique froide et utilitariste calculerait un oui sans hésitations ni concessions.

Hélène... Ne pense pas comme ça. L'homme à ses pieds a violé l'intimité d'une fille devant elle. Hélène devrait ressentir le plus profond dégoût et la plus grande colère pour cet individu. Mais voilà. L'homme devant elle a été gravement blessé. Hélène n'a aucune motivation quand il s'agit d'haïr. Avant même d'être une personne, Hélène est empathique.

Selon elle, aucun être vivant ne mérite de connaître la douleur. L'aventure dans laquelle je l'ai emmenée massacre ses croyances les plus profondes. Je suis en train de massacrer l'enfant en elle. Son monde heureux plein de compromis, d'alliances et d'entraide est en train d'être ravagé par des bulldozers made in Eythan.

Dans le silence le plus complet, j'avance pas à pas, la tête basse pour éviter de croiser son regard. Pour une fois, la faiblesse ne me dégoute pas. Je lâche la chaise proche de la porte et pousse le dossier de manière à bloquer toute sortie de la salle de musique. Le haut du siège en bois empêche l'abaissement de la pièce métallique, tant que personne n'exerce trop de force. Si ces crétins pensent que la serrure a été verrouillée par une clef, je doute qu'ils insisteront. Si leur hippocampe leur chuchote d'une voix suave que la clef s'est sauvée avec on ne sait quel intrus... Adviendra que pourra.

« Tu viens ?

Je ne l'ai même pas entendu rejoindre le conduit. Heureusement qu'on n'est pas dans un merdier qui nécessite une ouïe exceptionnelle pour s'en sortir.

– Ouais j'arrive. »

L'un après l'autre, je monte chacun de mes pieds sur le barreau du dessus. Très rapidement, j'atterris au sommet du premier étage. Hélène a l'air... Très décidé à partir. Je n'ai pas le temps de l'interpeller qu'elle détale comme un lapin. Le temps que j'hésite à l'arrêter, elle est déjà trop loin. Je me permets un petit sourire. Son empressement soudain ne peut signifier qu'une chose.

Quelqu'un arrive. Et j'espère régler le problème avant qu'elle ne revienne. Je me tourne vers l'avenir et repose mes jambes sur le dernier barreau de l'échelle. Mon bras droit se tend pour pointer un pistolet sur l'intrus qui passera par là. Mes poches, trop remplies à mon goût, me pèsent. Elles risquent d'entraver mes mouvements, tout comme mon manteau. C'est quand je commence à descendre sa fermeture éclair que le gars décide de se pointer.

« Les mains sur la tête ! »

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