Chapitre 45. GTA

Chapitre 45. GTA

Eythan

Dix heures du mat'. Est-ce à cause de ce matelas aussi doux qu'un nuage que je me réveille si tard ? Je ne sais pas et je m'en fous, j'ai perdu trop de temps à dormir.

« Monsieur a-t-il bien dormi ?

– Mmh... On est quel jour déjà ?

– Nous sommes le 3 janvier monsieur. Le petit déjeuner de monsieur est servi. »

Le 3... Ça veut dire qu'hier on était le 2. Qu'est-ce que j'ai foutu hier moi déjà ? Ah si, je me souviens. Quand ce David Schiller parlait de m'amener dans un hôtel, je m'attendais à un lit, une douche et un placard. Pas à dix chambres, cinq salles de bains, deux majordomes et un cuisinier privé.

Je ne sais pas comment le prendre. Je suis sûrement dans un des hôtels les plus luxueux de Paris. Le choix de cet établissement vient forcément du Président lui-même. Croit-il que le luxe suffit à me corrompre ?

À vrai dire, j'ai presque envie de ramener tous les sans-abris de Paris dans ma suite. Ça donnerait du boulot à tous ces gens auxquels je n'ai rien à demander.

Je ne sais pas si le Président le prendrait mal. Tant mieux si c'est le cas. Officiellement, je ne peux pas encore me pointer à l'Élysée car ses ministres se méfient de ma dangerosité pour leurs corps et leur réputation. Le Président se charge actuellement de les convaincre de mon utilité.

Mon œil. S'il me fait patienter, c'est simplement qu'il n'a pas apprécié le fait que je parte me balader quelques jours à Lyon alors qu'on avait rendez-vous. Il a le seum d'avoir été pris pour un clown. Il veut se venger de mon manque de respect. Rien d'autre.

Ce plan d'amener des sans-abris au chaud sur des lits moelleux entourés de nourriture luxueuse semble être sans faille. Pourtant, je ne le mettrai pas en application. Et ce, pour une raison simple. La flemme.

Je me lève de mon lit et viens m'allonger contre le sol. Je m'élève, serre les poings et fixe l'horizon. Une phrase tourne en boucle dans ma tête : « sans arme, tu ne sais protéger personne ». La préparation détermine le résultat des guerres.

Je... J'ai duré moins de trente secondes en gainage. Il va vraiment falloir que je travaille ça. On verra plus tard, ma priorité est ailleurs. Je saute dans mon jean et part attraper un croissant chaud. Je risque de passer plus de temps que prévu à Paris. Un sweat et un tee-shirt ne vont plus me suffire.

« Tiens, rends-toi utile et trouve moi un itinéraire de bus jusqu'aux Champs-Élysées. Je vais faire un peu de shopping chez Versace et compagnie. J'estime que c'est pas trop vous demander, sachant que ce sera ma seule demande de la journée.

Pourquoi choisir des vêtements hors de prix alors que ceux d'Akaji et de Tigre Style me vont très bien ? Justement parce qu'ils sont hors de prix. En me voyant débarquer, le gérant d'une marque de luxe ne saura réfréner sa haine envers moi et me virera. Mais le gérant d'une autre marque, ne pouvant réprimer son admiration pour moi, me proposera d'obtenir des articles gratuitement en échange d'une story sur son magasin.

Grâce au prestige de ces marques qui m'accepteront et à ma popularité, je vais me faire plusieurs milliers d'euros de bénéfice en les revendant. Un pauvre ne saurait détruire le monde capitaliste.

– Mais monsieur, ignorez-vous qu'occupant une chambre dans notre merveilleux hôtel, vous avez un accès gratuit à nos taxis partenaires ? De plus, voyager au moyen d'un autobus n'est pas fait pour quelqu'un d'aussi reconnu que vous !

– Voyons très cher, un roi doit rester proche de son peuple ! Et puis pour rester dans une sainte tranquillité, je vais me munir du masque et de ce « bandana » qu'un fieffé coquin m'a remis il y a peu. Faites donc ce que je vous ai quémandé.

Je ne sais pas s'il a compris que je me foutais de sa gueule. Il faudrait être stupide pour ne pas le remarquer. Mais il faut croire que les majordomes sont de meilleurs acteurs que ceux qui défilent sur les tapis rouges.

Je n'ai pas choisi cet hôtel. Le luxe est répugnant. Contrairement aux apparences, je ne profite pas tranquillement du confort qui m'est donné, avec trois personnes à mon service. En vérité, je suis en plein territoire ennemi.

Les bourgeois et leurs enfants méritent largement plus de crever que les violeurs.

Non, je ris. Quoique, si je le dis c'est qu'il doit y avoir un fond de vérité.

***

Si j'expose une vérité et qu'elle implique une injustice, je me dois de la corriger. C'est à peu près le principe que je suis. Fait chier.

Pourquoi ai-je dit que s'en prendre à un innocent sans raisons était injuste ? Je vais perdre mon temps à faire un détour. Oh, je ne parle pas de ceux qui m'ont reconnu malgré le masque, le bandana et la capuche.

Ils ont l'air d'avoir compris qu'il ne faut pas m'emmerder sous peine d'immenses représailles. Ce ne sont pas eux qui me dérangent. Il s'agit d'un seul passager du bus.

Un homme, debout. Je me suis toujours dit que les mecs qui restent debout alors qu'il y a des places assises sont chelous. J'en ai la preuve sous les yeux.

Ce mec frotte sa bite contre la jambe d'une madame. Tout le monde semble l'avoir remarqué. Tout le monde fait comme si de rien n'était. Ses yeux emplis de détresse cherche une assistance parmi cette foule d'inconnus. Ses larmes coulent quand son sexe remonte.

Elle ne me dévisage pas particulièrement. Je pourrais faire comme tous les autres et finir ma journée sereinement. Et honnêtement, ça me ferait chier d'intervenir. Je devrais perdre mon temps à rejoindre le commissariat le plus proche. Il est à deux kilomètres selon mon GPS.

Je n'ai aucune envie d'intervenir. Ayant planifié d'aller ailleurs, mon cerveau est trop mécontent pour ressentir de la haine envers ce mec. M'occuper de lui ne m'arrange pas du tout. Pourtant, je vais intervenir.

Se proclamer incarnation de la Justice n'aurait aucun sens sinon.

Je sors mon Glock de mon sac de sport. Je n'imagine pas comment j'aurais fait si je l'avais oublié à l'hôtel ! La personne assise à ma droite est en état de choc. On ne fait pas d'omelettes sans casser d'œufs.

Je me lève et pointe l'arme vers le ciel.

« Excusez-moi ! »

Je presse la détente. Le bruit du tir me surprend. Décidément, je ne m'y ferais jamais.

Comme je l'espérais, le chauffeur prend son courage à deux doigts et appuie sur le bouton d'ouverture des portes. La terreur les a tous gagnés, ils se bousculent les uns les autres comme s'ils risquaient de mourir.

C'est exactement ce que j'espérais. Je profite de la cohue pour me rapprocher de ces gens bizarres. Je plaque le canon de mon arme contre l'arrière du crâne de ce salopard. Je n'ose pas imaginer la montagne de temps qu'il va me faire perdre.

« Essaie de t'enfuir ou de m'attaquer et j'te bute. Allez, sors de là, on part en ballade. »

J'ai à peine le temps de voir une lueur de gratitude dans les yeux de la dame qu'elle disparaît, emportée par la foule.

Il fait vraiment chier. La terreur l'a paralysé. Je suis obligé de m'acharner sur ses couilles pour le faire bouger. Quel plan de merde. Je me retrouve à devoir me repérer avec une arme à la main dans une ville inconnue.

Heureusement qu'il me reste pas mal de données mobiles. Un doute m'envahit. Dois-je d'abord me diriger vers un sex-shop ?

Je n'ai pas l'intention de lui faire plaisir, mais je risque de me faire serrer par les flics si je ne remplace pas ce pistolet par une paire de menottes.

Je ne sais pas. Il a l'air d'être une pure victime, alors je pourrais juste ranger mon arme. Mais mieux vaut ne pas prendre de risques. S'il prend en compte ma faible puissance physique, il s'enfuira à coup sûr.

Vider mon chargeur sur lui en plein Paris ne m'apportera que des emmerdes. Tuer trop de monde pourrait me transformer en terroriste aux yeux de l'opinion publique. Ce type de réputation me privera de pas mal d'alliances.

Je ne peux pas non plus lui demander de cacher mon arme avec ses mains. Il pourrait me désarmer facilement. Fait chier.

« Voilà ce qu'on va faire. Tu vas avancer seulement selon mes ordres. Si tu fais ce que je te demande, je te remettrai aux flics sans la moindre blessure. Si t'essaies de m'échapper, de crier à l'aide, ou même de parler pour te justifier, je te descend. Crois-moi, tu me casses trop les couilles pour que j'hésite. »

Il n'a pas idée du temps que je vais perdre à cause de lui. Putain de frotteur. Il faudra que je pense à les exterminer dans ma prochaine vie.

Le Glock dans une main, le GPS dans l'autre, on se met enfin en mouvement. La tension est pire que palpable. Tout le monde se retourne sur notre passage. De nombreux fils de pute en rêvent, ils ne savent pas ce que ça signifie.

Certains partent en courant, d'autres fixent l'arme avec un air ébahi. Malheureusement, la plupart s'empressent de coller leurs téléphones à leurs oreilles. Il ne faut pas être un génie pour deviner qui ils appellent.

Je pourrais les démotiver et les disperser en tirant au hasard. Malheureusement, ce monde n'a pas été bâti par Rockstar.

Putain de merde. Il n'y a rien à faire, si ce n'est lui foutre des coups de pieds au cul. Ici c'est Paris. Pas un village perdu. La police mettra moins de dix minutes à se pointer.

Ce n'est pas parce que je suis un itinéraire qui m'envoie vers un commissariat que j'ai envie de les voir. À vrai dire, je n'ai même pas besoin de les voir...

« Changement de plan. Je n'ai personne à appeler pour m'enlever des étoiles deux secondes avant de te livrer aux flics, je vais t'abandonner à un endroit et ils viendront te cueillir. Bref, tourne à droite. »

Ma nouvelle destination se trouve à sept-cent mètres. Dire que je suis plus proche d'un sex-shop que d'un commissariat. Le monde est bizarre, n'empêche. Pour une fois, je suis content que les gens préfèrent le sexe à la Justice.

Si seulement les exécutants du gouvernement représentaient vraiment la justice. Je n'en serai pas là. Enfin, ce n'est pas de leur faute s'ils ne sont pas à la hauteur. Disons juste que, malheureusement, ils ne sont pas tous pourris.

Si tel était le cas, je pourrais tirer sur tout le monde sans me poser de question. La belle vie. À mon plus grand regret, je ne vis pas dans GTA. Bien que mon existence ne soit qu'une succession de cheat codes.

« N'ayez pas peur, j'ai un colis pour vous.

Le vendeur du sex-shop s'est caché derrière son comptoir à la vue de mon arme. Heureusement, la boutique est déserte. Je rentre à l'intérieur sans forcer.

– Eythan ? T'as pas trop la tête d'un livreur. »

– Ouais je sais, mais la poste paye étonnamment bien et c'est une mission spéciale. J'ai chopé ce fils de pute en train de se frotter à une meuf dans le bus. J'me suis dit que vous auriez des menottes pour l'occuper en attendant que les flics débarquent.

– Je vois. Tiens, prends-les. Ils arrivent quand ?

Heureux qu'on puisse s'entendre. Je m'agenouille et force cet abruti à m'imiter. Je plaque son poignet au sol et le menotte au pied du comptoir.

– Merci, t'es un mec bien. Malheureusement je les ai pas encore appelé et je dois y aller, donc ça va être à toi de t'y coller...

– Todd, je m'appelle Todd. Mais quand ils seront arrivés, je leur dit quoi ?

– T'as un crayon et une feuille ? Je vais leur laisser un message, témoignant de ce que j'ai vu. Tu le leur remettras.

Il fouille parmi ses tiroirs, l'air stressé. Lorsque sa vision périphérique détecte mon Glock, il a un mouvement de recul.

« Calme-toi, je ne fais que le ranger. On est du même côté toi et moi Todd, celui de la Justice. »

Je referme la poche intérieur dans laquelle il se trouve. Il ne faudrait pas que quelqu'un tombe dessus par hasard. Todd soupire de soulagement. Quelques dizaines de secondes plus tard, je finis d'écrire mon témoignage. J'écrase le visage du frotteur avec mon pied droit. Il lâche un gémissement. Merde, je viens de graver ma semelle sur son visage. Pour ne laisser aucune trace, je vais devoir brûler mes pompes et m'en acheter des neuves.

Mais ce n'est pas ce qui me préoccupe le plus. Comment assurer les flics que ce message est bien de moi ? Une célébrité traditionnelle le signerait. Mais je n'ai aucune signature.

Je pourrais confirmer son authenticité en envoyant un message au compte Instagram de la police parisienne. Mais ce trou du cul serait innocenté faute de preuves avant que l'information ne remonte.

Ah, je sais. J'écris « Eythan : 1213 » en bas de la feuille. La postérité reconnaîtra l'authenticité de ce témoignage. Mais en attendant, faute de preuves, il sera relâché.

Avec un peu de chances, de bons poulets le tabasseront à mort pendant son passage au commissariat. Mais il est très probable qu'il en ressorte comme s'il n'y était jamais entré. Alors quoi, mon intervention était inutile, la justice n'a pas été respectée ?

N'importe quoi. Il suffit de le regarder pour s'en convaincre. C'était un prédateur, le regard plein de mépris pour sa victime. Ce n'est plus qu'une machine à pleurs. Juste une coquille vide habitée par un traumatisme.

Il ne fera plus de mal à une mouche. Je ne sais pas comment les frotteurs cohabitent, s'il y a une société secrète des frotteurs de Paris, ou juste un groupe Facebook. Mais je compte sur lui pour faire passer le message : il y a un nouveau shérif en ville.

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