Chapitre 41. Partie 1. Celui que je ne peux battre
Chapitre 41. Partie 1. Celui que je ne peux battre
Média : So Clock - Exil
Eythan
J'ouvre une porte. Un lit et un balcon se cachaient derrière. Une enceinte cylindrique posée sur la couette murmure les dernières notes d'une mélodie. Une humaine accoudée sur le balcon admire le ciel étoilé.
Les bruits de mes pas la font sursauter. Son visage se découvre à moi.
« Mon prénom c'est Eythan, j'suis la Justice de ce mon-
– Je suis lesbienne ! »
– Et alors ?
J'ai un amer goût dans la bouche. Qu'a-t-elle cru ? Que j'en avais quelque chose à faire ?
– Désolée, j'ai paniquée. T'aurais pu toquer.
Je m'installe à sa gauche et tourne mon regard vers la lune.
– Toquer, c'est demander la permission d'entrer. Demander la permission, c'est pour les autres. »
Elle ne trouve rien à me répondre. Ou elle préfère ne pas me répondre. En tout cas, un long silence s'installe. Au moment où j'allais me retourner pour me faire chier en bas, elle m'annonce :
« Je m'appelle Hélèna.
Mes mains s'unissent.
– M'en branle. Ton prénom, ton origine, ton âge... Ça ne me dit pas qui tu es.
Elle se met à rire.
– C'est profond comme question ça.
Aussi profond que les trous dans le crâne de mes victimes. Ces incapables de preneurs d'otages n'ont jamais compris une chose : il est déplacé de viser les jambes. C'est prendre son adversaire en pitié, c'est lui manquer de respect. Maintenant qu'ils sont en Enfer, ils doivent se rendre compte de la futilité du sexe.
Hélèna m'étonne. Elle ne cherche pas à savoir des choses sur moi. Le monde entier en brûle d'envie pourtant. Même Hélène aimerait me connaître.
– Je suis... Moi.
Cette fois, c'est à mon tour d'être amusé.
– Bravo, c'est à la fois la pire et la meilleure réponse que tu pouvais me donner.
– Dis... Tu crois en Dieu ?
– Ben oui, puisque je crois en moi.
Elle secoue la tête en souriant, comme pour libérer ses oreilles des conneries que je raconte. Elle pose sa main sur sa joue et son regard sur la plus haute étoile.
– Moi... Je pense que Dieu, c'est chacun de nous. On a tous le potentiel d'inspirer de l'espoir, de l'amour et du bonheur à quelqu'un d'autre.
Quand elle dit nous, elle veut parler des humains, ou des êtres vivants en général ? Selon elle, inspirer le bien à une autre personne, c'est se comporter en Dieu. Du moins je suppose. Elle a beau être coréenne, elle n'est pas très claire.
– Donc selon toi, les célébrités qui inspirent des dizaines voire centaines de milliers de personnes sont, quoi, des Super-Dieux ?
– On pourrait les voir ainsi. Enfin, ce n'est pas parce qu'un humain est un Super-Dieu ou même un Super-Méga-Dieu qu'il faut l'idolâtrer. Ce statut ne donne pas le pouvoir d'esquiver les erreurs. Et malheureusement, les stars sont soumises aux règles d'un jeu qui les empêche d'être des divinités bienfaisantes. Pour rester au top, ils doivent garder l'attention sur eux. On parle toujours des trains qui arrivent en retard, mais jamais de ceux qui arrivent à l'heure. Alors, pour les stars, mieux vaut se taper ses meilleures polémiques que de disparaître.
Je comprends. J'aime bien quand on me parle en termes de règles du jeu.
– Les autres sont devenus marteaux pour pouvoir enfoncer le clou du spectacle.
– Les autres ?
– Tout le monde me connaît. Ça fait de moi une star non ?
– Moi j'te connais pas. Qui es-tu vraiment, au fond de toi ?
Je souris.
– Touché.
– Coulé même. Mais bon, admettons. Il existe surtout deux types de stars : les artistes et les hommes d'affaires. De quel côté es-tu ?
J'imagine qu'elle considère les sportifs comme des artistes de la performance. Je sais qu'elle considère les hommes politiques comme des businessman. J'ai déjà fait quelques affaires, mais ce n'est rien en comparaison avec ce qui arrive.
– Plutôt artistique.
Qui a dit que la violence n'était pas une forme d'art ?
– Pourquoi pas. Alors, dis-moi, faut-il séparer l'homme de l'artiste ?
Elle m'attend au tournant. Si je ne les sépare pas, je devrai admettre qu'un artiste transmet obligatoirement ses idées à sa création. Si je les sépare, je devrai dire qu'on peut créer de l'art de manière purement mécanique, sans émotions ni attachement.
– Bah... Je m'en bats les couilles.
– Tu devrais pas, c'est grave intéressant. C'est comme le débat sur la peine de mort, ça révèle tes valeurs profondes.
C'est bien la première fois que quelqu'un me dit quoi faire et que je ne songe pas à le massacrer.
– Et toi, t'en penses quoi ?
Les gens posent souvent des questions pour pouvoir partager leur réponse.
– Je pense que tout le monde fait fausse route.
– Comment ça ?
– Imaginons qu'une femme réalisatrice ait violé un enfant de cinq ans. Ceux qui refusent de séparer l'humain de l'artiste feraient tout leur possible pour condamner le film. Mais une création n'est pas responsable de son créateur. Les humains n'ont pas à répondre des folies de Dieu. Il faut séparer l'artiste de l'art.
– Pas bête. Mais pour imposer cette idée à tous, il faut être très bien placé.
– C'est pas ton objectif, de monter tout en haut de la pyramide ?
En dix minutes, elle m'a mieux compris qu'Axel, qu'Essaim et que mon frère réunis.
– C'est au sommet qu'on a le meilleur point de vue. J'avoue que je ne sais pas du tout ce que je ferai une fois que j'y serai. Ce monde vaut-il vraiment la peine d'être sauvé ?
– Tu sais ce qu'est un vaccin ? La version faible d'une maladie.
– Je sais, mais alors ?
– On vit dans un monde où chaque poison contient son antidote. Je crois qu'avec ça j'ai tout dit. »
Je mettrais bien ces deux dernières phrases dans ma biographie Instagram. M'enfin, flemme. Les réseaux sociaux m'intéressent peu comparé à elle.
Elle est la raison qui fait que ce monde en vaut la peine. Elle est celle que je ne peux vaincre. Celui que je ne peux battre... Je ne connais que trois solutions pour gérer une telle situation : en faire son allié, trouver un domaine dans lequel je peux le battre, et...
La musique interrompt le flux de mes pensées.
« L'argent ne fait le bonheur que de celui qui sait s'en servir. »
« C'est qui ce génie ?
– So Clock. C'était mon cousin éloigné.
– C'était ?
– Il est mort. »
C'est la vie. Ou la mort. Je ne sais plus. C'est beau, ou alors triste. Je ne sais plus. C'était écrit ou un accident. Je ne sais plus. En tout cas, ça lui a arraché le cœur. Je peux le voir dans ses yeux.
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