Chapitre 31. Partie 1. On m'appelle Bête Noire

Hélène

Je m'assois sur un banc à côté de Flora. Ce qui ressemble à ses parents sont affairés quelques mètres plus loin avec des personnes en blouse blanche. J'essaie de regarder ma camarade le plus normalement possible. Son fauteuil roulant et elle n'ont pas besoin de ma pitié.

« Bah, ils sont où tous les autres ?

Elle avait pourtant envoyé l'heure de sa sortie d'hôpital sur le groupe de la classe. Ses yeux brillent, mêlant rage et tristesse.

– T'es la seule à être venue...

– Les autres doivent être occupés chez le psy, c'est énorme ce qu'on a vécu !

– Tu parles... Y en a pas un seul qui m'a envoyé un message de soutien. Tous des fils de pute !

– Ça va aller, je suis là moi.

Je prends sa main et la caresse avec douceur. Elle pose sa tête sur mon épaule, les larmes aux yeux.

– « Flora le sang, Flora t'es trop ma vie », ils sont où maintenant ? Tous envolés comme des cerfs-volants. Ces soi-disantes meilleures amies... »

On passe plusieurs minutes sans rien dire. Malgré ses propos, elle semble heureuse que je sois là. D'un seul coup, elle sèche ses larmes et remet sa tête au-dessus de son siège.

« Fini de déprimer ! Alors les amours, ça dit quoi ?

– Pourquoi tu veux toujours parler de ça, c'est une vraie obsession chez toi ! Toi, raconte.

– J'avais un peu autre chose à faire ces derniers jours moi. Donc rien n'a bougé comme une statue, y a toujours une certaine tension avec Essaim mais il osera jamais faire le premier pas. Et puis après ce qu'il s'est passé... Tu sais Hel, j'ai qu'un seul principe : ne jamais demander pardon à personne. Donc la situation ne se débloquera jamais. Mais pas grave, je compte bien profiter de mon adolescence !

Elle m'adresse un clin d'œil coquin qui ne me rassure pas particulièrement.

– D'ailleurs, il est où Essaim ? Ça m'étonne qu'il soit pas venu te voir.

– Il aurait escaladé la Voie Lactée pour me voir. Mais il est tombé de fatigue hier soir, il avait pas fermé l'œil depuis qu'il a appris pour mes jambes... Mais esquive pas la question !

L'incarnation même de la loyauté.

– Eh ben... Je sais même pas si j'ai le droit d'en parler, on en a jamais discuté.

– Tu peux me faire confiance, je serai muette comme une table ! Depuis la sixième j'ai rien balancé des secrets d'Alice !

Je la regarde avec des yeux ronds. Elle me tire la langue, me faisant comprendre qu'elle ne parlerait pas sous la torture.

– Mmh... Comment dire ? Avec Eythan, on... Plusieurs fois...

– Vous ?!

– Hein ? Non ! Bien sûr que non ! Enfin, pas encore... On s'est juste embrassé pour l'instant...

C'est moi ou il fait drôlement chaud tout à coup ?

– Eythan et toi, c'est pas si surprenant. Je l'ai surpris en train de te regarder à plusieurs reprises. Enfin t'as de la chance, contrairement à cette connasse d'Alice, je peux pas en vouloir à ton copain, c'est le seul de la classe à ne pas être sur le groupe.

– Alice est pas une connasse ! Elle a juste ses propres problèmes... Et je sais pas si on sort ensemble pour de vrai. On n'en a jamais parlé, je devrais corriger cette erreur...

– Mouais, si tu veux. En tout cas elle m'a jamais envoyé de message. Elle m'a laissé en vu comme tous les autres. Bon, et si on partait d'ici ? J'ai assez perdu de temps dans cet hôpital du manoir !

Elle a vraiment des expressions originales. Sans plus attendre, elle met son fauteuil roulant en marche.

– Tu veux qu'on demande à tes parents quand est-ce qu'ils ont fini ?

– T'es folle ? On n'a pas besoin de leur autorisation, on est libre ! C'est eux qui ont voulu des gosses, c'est pas à nous de leur obéir. Ils sont trop occupés avec les médecins pour même s'intéresser à moi ! Avec le bordel qu'a créé la foule de journalistes à l'entrée, y a même une chance qu'ils mettent dix bonnes minutes avant de remarquer ma disparition.

Elle a une sacrée audace. Jamais je ne pourrais penser comme ça, ma mère m'a trop aimé !

– Bon... Tu veux que je te pousse ?

– Non ! Si c'était pour m'offrir ta pitié, tu peux dégager ! Enfin... Si tu te transformais en étalon aux abdos d'acier, pourquoi pas !

Je peux comprendre qu'elle ait peur qu'on se moque de son handicap. Je serai probablement tendue aussi. Mais ce changement de ton instantané... Ça doit être son moyen de se protéger.

– Je croyais que t'avais des bails avec Essaim...

– Ouais, par message... Quand ça m'amuse. J'ai envie de goûter à tous les fruits du jardin, je vais pas me mettre des menottes non plus !

– Mais... Il pense comme ça aussi, Essaim ?

– Bah, si c'est pas le cas, tant pis pour lui. »

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