Chapitre 27. Droits de succession
Chapitre 27. Droits de succession
Eythan
« Je crois qu'on va rester ici un moment. Mais partez vous, histoire que les journalistes vous suivent et que mon frère puisse être tranquille quand on s'en ira du cimetière. Oui, même toi Anna. On a besoin d'être entre frères. »
Cette dernière me quitte pour aller câliner son copain, assis le regard vide face à une tombe à jamais fermée. Ibarra hoche la tête et, en silence, il se dirige vers le parking accompagné de ses deux collaborateurs. Je me demande si l'un d'eux est le secrétaire que j'ai eu au téléphone.
Peu importe. Si Isaac a validé leurs présences à cet enterrement très fermé, ils ont tous deux dû bien connaître mon géniteur. C'était ma volonté ainsi que celle de Maxime, de ne pas voir débarquer de simples connaissances à un événement si particulier à ses yeux. Il n'y a qu'une personne dont j'ai regretté l'absence. Un certain dénommé Essaim.
Chagriné comme il est, Isaac a dû oublier de le contacter. Parce que loyal comme il est, Essaim aurait couru des milliers de marathons pour venir. Il aurait pu déclamer un discours apportant du courage à mon frère, dommage. Hélène s'en est chargée. En parlant d'elle...
« On se revoit quand ?
J'aime bien sa manière de se mordre la lèvre. Son visage est emplie de timidité, comme si j'étais la star de ses rêves. Pour l'aider à se détendre, je caresse discrètement sa main. Je n'ai pas envie que notre proximité fuite aux yeux du monde.
– Malheureusement, ce soir avec de la chance. Quand mon frère sera prêt, on ira sûrement manger un morceau en ville. Et cet après-midi on a un rendez-vous chez le notaire pour faire un point sur le testament de notre père. Mais du coup, je vais avoir besoin de toi.
– Dis-moi.
– J'ai pas envie de retourner chez moi, mais j'ai pas non plus envie de passer deux semaines sans changer de vêtements. Je vais t'envoyer une liste d'objets par message, tu peux te charger de les acheter cet aprem' et de les livrer à l'appart ? Sers-toi dans mon sac de sport. »
Hélène est innocente, pas stupide. Ayant entendu ma conversation avec Ibarra et m'ayant vu débarquer à l'hôpital sans bagage, elle doit se douter du contenu du sac depuis un moment. Elle acquiesce, un sourire espiègle sur les lèvres. Je lui adresse un « merci, t'es un ange » et un baiser sur son front, la faisant doublement rougir.
***
Une brosse à dents et un tube de dentifrice. Six sweats qui tiennent chaud. Trois joggings et trois jeans. Douze paire de chaussettes, douze caleçons et douze tee-shirts. Ça devrait le faire.
Selon monsieur Martin, on doit attendre une personne en retard pour démarrer ce rendez-vous. J'en profite pour enfin envoyer la liste promise à Hélène. J'étais pas mal occupé à aider mon frère jusqu'à maintenant. Mais rien de tout ça n'est bon signe. En m'apercevant aux côtés de mon frère, le notaire de ma famille avait l'air embêté.
Monsieur Martin me jette un regard désolé. Mais ce n'est pas sa faute si un requin est en retard. Ah, le voilà ! Pendant mon attente, je suis passé faire un tour sur Internet, histoire de voire ce qu'on dit sur l'empire d'Ibarra. Son avocat lui a souvent permis d'échapper à la justice, voire de condamner des innocents qui nuisaient à son business.
Autant dire que je ne le porte pas dans mon cœur. Ce requin s'est permis d'être en retard, et le multimillionnaire censé être impitoyable se noit dans le chagrin après l'enterrement de son meilleur ami au point d'être trop faible pour une réunion administrative ? Quelle bande de parasites.
« Vous voilà, on va enfin pouvoir commencer. Ceci n'étant qu'une brève présentation du testament du défunt, je propose de commencer tout de suite. Je ne rentrerais pas dans tous les détails juridiques pour ne pas perdre Eythan et Maxime ici-présent, je vais me concentrer sur les informations qui vous concentrent tous. À vrai dire, ce testament est assez original. Bon, eh bien, autant commencer par le plus délicat....
Blablabla droits de succession blablabla héritage atypique blablabla j'm'en fous.
– Faites comme vous voulez. On n'a pas de temps à perdre dans des bails administratifs.
Maxime acquiesce en silence. Est-il réellement d'accord, ou trop concentré à faire bonne figurer pour s'intéresser à mes propos ? Le requin hoche lui aussi la tête, un air hautain sur le visage. Je serre le poing. Pense-t-il que l'enterrement était une excuse suffisante pour me séparer de Châtiment ? Jamais cette lame ne me quittera. Il a de la chance que je n'ai pas de temps à perdre avec une agression.
– C'est en rapport avec le testament de sa défunte épouse. Il est écrit qu'elle lui léguait tout son patrimoine, dont ses actions de Sourire Immobilier, à condition que lui ne lègue rien à son fils dénommé Eythan.
Oh la... Mon frère se lève d'un bond, furieux.
– C'est légal ça ?!
– Eh bien, tout comme le siège de Sourire Immobilier, il habite techniquement aux États-Unis, alors c'est leur législation qui s'applique. De plus, votre père l'a accepté alors...
– Calme-toi, c'est pas nouveau que notre génitrice me déteste.
Et puis, comme elle me l'a crié elle-même : « personne ne bâtit d'empire sans avoir du sang sur les mains ». Je ne veux ni ai besoin de son argent sale.
Comment ça, celui que j'ai gagné à la sueur de mon front auprès d'Isaac vient de ce même empire malhonnête ? Bon ben, tant pis. Au moins je mérite les 175 000 euros qu'il me reste.
Mon frère se rassoit sur sa chaise, toujours contrarié. Ses yeux lancent des éclairs au pauvre monsieur Martin. Ce dernier esquive son regard, ce qui ne fait que renforcer son courroux. Il suffit d'une autre mauvaise nouvelle pour qu'il explose.
– J-je continue... Hum hum, la suite n'est pas moins étrange. À son fils Maxime, il cède 208 millions d'actions de la société Sourire Immobilier.
Une nouvelle qui ne manque de laisser l'avocat sans voix. Tant mieux, le son de sa voix ne m'insupportera plus. En revanche, mon frère ne reste pas de marbre. Il croise les bras et, même s'il contrôle encore sa colère, n'a pas pu l'empêcher de doubler de taille.
– Je refuse ! Comment pourrais-je accepter de l'argent que je ne mérite pas ? Au nom de la famille ?! Mon frère ne touchera pas un putain de centime ! Allez vous faire foutre !
– Laissez-moi terminer. Quant à monsieur Ibarra, il héritera pour sa part de la voiture qu'à chérit son défunt ami pendant une trentaine d'années et la maison qu'il a occupé jusqu'à sa mort. »
La voiture qui a emmené mon frère en maternelle, en primaire, au collège, et au lycée ? La maison dans laquelle on a tous les deux fait nos premiers pas ? C'est trop pour Maxime. Il ne contrôle plus sa colère, c'est sa colère qui le contrôle. Il saisit le col de l'avocat et efface son sourire narquois à l'aide d'une droite. Réalisant son erreur en un instant, il le lâche. Avant de s'enfuir en courant.
De mieux en mieux. J'ai une seconde d'hésitation. Châtiment est dans ma poche. La clef du bureau à portée de ma main. Je pourrais les menacer ou les séquestrer. Mais rajouter de l'huile sur le feu ne nous aidera pas. Martin connaît mon frère depuis sa naissance. Il lui pardonnera.
Vu son absence totale de chagrin et son attitude hautaine, l'avocat n'a pas connu mon père en profondeur. Ce qui n'était possible qu'avant la mort de ma génitrice. Il est nouveau. Donc il ignore tout de nos relations avec Ibarra. Donc il ne se précipitera pas pour porter plainte, par peur de déclencher la fureur de son patron et de se faire virer. Je compte sur son bon sens.
Je me lève et je me casse. Je retrouve mon frère en train de se prendre la tête sur le parking. Littéralement. À s'arracher des touffes de cheveux. Je saisis ses bras et porte ses mains sur mes joues. Il ne pensait qu'à la haine qu'il éprouvait pour ses ennemis, il vient de se souvenir de sa volonté de protéger son innocent frère. Pattern interrupt.
Maintenant que sa lucidité est revenue, il cède à la peur.
« Il va me foutre un procès au cul. Ce fils de pute va me mettre au chômage, en prison, prendre tout mon argent, me voler mon enfance...
– Accepte le testament de papa. Prends les 208 millions.
– Tu veux aider ce connard à récupérer son argent ?
Haha. La colère me submerge un peu. Mes mains cherchent d'instinct à broyer ses poignets. Ces deux pingouins cruels ne sont pas mes alliés, mais mes ennemis. Lui non plus, je devrais relâcher la pression.
– On s'est mal compris. Deviens propriétaire des actions et tu le tiendras par les couilles. Si tu vendais un quart de son empire pour un petit euro, qu'est-ce qu'il se passerait à ton avis ? C'est rien de bien différent d'une prise d'otage. Sauf qu'aujourd'hui, c'est nous qui tenons les rênes. Laisse-moi négocier avec ce connard. Il nous laissera la voiture, la maison et y a même une chance pour que l'avocat te baise les pieds.
Ibarra sera bientôt à la tête d'une entreprise pesant un milliard d'euros. Forcément, il a les contacts et les moyens de pression qui vont avec. Il pourrait faire de la charpie de ce requin. Il ferait n'importe quoi pour ne pas me voir briser les genoux du projet de sa vie.
– Mais...
– On s'en branle des 208 millions ! Tu te sens pas légitime à y toucher ? Tant mieux, parce que lui aussi veut que tu laisses ses actions bien en place. Pour une fois qu'on a un intérêt commun... »
Mon frère finit par hocher la tête. J'appelle Isaac sur le chemin du bureau du notaire. Il va accepter mon offre. Tout le monde va se coucher satisfait ce soir, sauf peut-être l'avocat. Ibarra ne représente plus un problème.
Il continuera sûrement ses magouilles illégales d'homme d'affaires, mais je serai désormais là pour le surveiller. Qu'il franchisse la ligne jaune, je lui rappellerai que la vie de son fils ne tient qu'à un fil.
Je ne crois pas que le patron de Maxime ait des gosses. Peu m'importe.
Pour avoir exploité mon frère, il mérite que je lui brise les genoux. Ou quelque chose de bien plus fourbe encore.
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