Chapitre 16. Jusqu'à Rome

Chapitre 16. Jusqu'à Rome

Eythan

C'est vrai que je ne suis pas tout à fait normal. Sérieusement, qui pourrait rester de marbre devant le cadavre d'un homme à peine sorti de la puberté ? À part moi, évidemment. Un cylindre de métal s'est logé dans son estomac. Sa mort a dû être rapide. La chance. En revanche, la balle s'est brisée en milliers de petits morceaux, tous plus douloureux les uns que les autres. Moins la chance.

Rapide mais douloureuse. Un bon compromis pour un enfant venu me voler mon jouet le plus précieux. Je suppose que je suis triste de ne pas pouvoir attribuer une personnalité à chaque mort. Leurs proches protégeront leurs mémoires jusqu'à ce qu'eux aussi disparaissent en fumée. Sombre affaire que le deuil. Sombre état à cause duquel je me suis ennuyé une année supplémentaire en sixième. Pourtant, le deuil ne m'a jamais approché et il n'a pas intérêt à se rapprocher de moi en envoyant ma camarade dans un autre monde.

Je m'accroupis à ses côtés et dépose deux doigts sur sa jugulaire. Aucun battement à déplorer. Aucun gonflement du torse non plus. Aucun clignement d'œil. Mouais. S'arrêter à ces quelques indices ne fait pas partie du programme. Détacher sa tête de son corps en revanche...

... Ce serait trop long. L'avis et la vie d'Hélène comptent bien trop à mes yeux pour les relayer au second plan. Qu'être humain est étrange. Il est gentil et insensible. Prêt à se sacrifier pour une étrangère mais incapable de lever un doigt pour sauver ses parents. Bref. Une balle de plomb dans sa tête m'ira très bien aussi.

Je tends mon bras, ferme un œil, crispe mes oreilles et... Rien ne sort. Hm. Un magasin peut contenir jusqu'à cinq munitions et j'en ai dépensées cinq sur le trajet. Le chargeur enfoncé dans mon Glock est vide, c'est mathématique. Pourquoi tant d'erreurs stupides ? Telle une machine, j'attrape un magasin dans la poche la plus haute et regarde son semblable frapper la terre avec la force d'une bouteille d'eau. J'exécute les dernières commandes avec lassitude lorsqu'une boule noir posée à quelques mètres attire mon attention. Pas exactement une boule. Plus... Un pistolet. Rien que ça.

Je me souviens de comment saboter un Glock AA. Dans les grandes lignes. Ce n'est pas le souci. C'est juste... Flemme. Autant le briser. Deuxième fois que je choisis de défoncer une arme avec mon pied aujourd'hui. On pourrait presque dire que j'y prend goût. Presque.

Mon talon prend un malin plaisir à chuter au ralenti. S'il pouvait se grouiller, je l'en remercierais. Je ne peux pas m'agenouiller auprès de ma propre jambe ! Tout part en couilles lorsque les membres acquièrent une conscience à part. Donc ce petit bout de pied va vite reprendre sa place. Merci.

Un crâne n'a pas la solidité d'un Glock. Mais lorsque je relève mon pied, je suis plutôt fier du résultat. Les munitions ennemies baignent dans la gadoue. Tant pis. Elles ne m'auraient pas été d'une grande utilité.

Vingt cylindres métalliques me suffiront largement. Je vide mes poumons avant d'avaler un grand bol d'air frais. L'Amazonie ne me purifierait pas aussi bien. Je suis heureux d'être ici.

Une détonation résonne jusqu'à Rome. Dix-neuf cylindres de métal me suffiront largement. Le bout du canon fume, l'odeur de chair pourrie et mon envie de vomir inexistante conquiert mon entourage. J'espère qu'Hélène se cache loin, en-dehors de l'emprise de cette odeur nauséabonde.

Parfois, le scénario le plus heureux ne correspond pas au scénario le plus réaliste. Pour notre plus grand malheur à tous. Je préférerais la savoir au calme chez elle à... Faire des trucs, j'imagine ? Je n'ai aucune idée de ce qu'elle fait pendant son temps libre. Lire ? Garder les enfants du voisinage ? Courir ?

Trois idées potentielles et divertissantes. Peu importe laquelle, mon cœur sourit à l'idée de l'accomplir avec elle. Quinze ans de lutte contre la faiblesse pour tomber en un jour devant une seule innocente.

Je ne changerais jamais. Aucune ailes ne pousseront jamais sur mon dos. Pourtant, quelques habitudes laisseront leur places à de nouvelles d'ici peu de temps. On verra comment progresse notre rapprochement. Pour l'instant, m'assurer notre survie à tous les deux surpasse la question de l'orientation de notre relation.

Il est temps de repartir. J'ai fait ce que j'avais à faire ici. Le temps de boire un jus d'orange et de tous les retrouver pour leur faire payer, je suis de retour à la maison. Je n'ai pas si hâte. Me séparer d'Hélène pendant plusieurs heures ne sera pas une partie de plaisir. On verra le moment venu. Pour l'instant, je dois trouver le prochain cadavre. J'ai ma petite idée sur la méthode à employer.

Suivre les empreintes de pas à nouveau n'innove pas assez à mon goût. Trouver chaque cadavre avec une technique différente ne va pas rentrer dans mon budget temps. La limite m'est inconnue, mais elle ne dépasse le ciel en aucun cas. Mais j'imagine que pour le deuxième dessert, je peux négliger un peu mon capital urgence. Que peuvent-ils bien faire face à moi ?

Laisser mon instinct me guider n'a pas vraiment de sens. Néanmoins, l'odeur de désespoir... Me paraît une bien meilleure piste. Snif snif. Ils ont les chocottes au collège. Rien à faire. Mon odorat ne doit pas sortir d'un rayon de quatre cents mètres. Rester concentré et se servir de son cerveau. Pas comme ces idiots qui n'ont pas compris qu'aucun preneur d'otage ne s'amuserait à leur faire découvrir ses goûts musicaux.

Paniquer n'améliore en rien les choses, ces fils d'Internet devraient le savoir. Pourtant je peux sentir leur peur d'ici. Celui qui craint pour sa vie se ridiculise seul. Jusqu'à preuve du contraire, la valeur de la vie réside dans sa rareté.

    La mettre en jeu devrait être la raison même de notre existence, pas une peur insurmontable. Parier sur sa propre perte est le moyen le plus accessible et efficace de s'amuser. Pourquoi se privent-t-ils toutes et tous ?

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