Chapitre 14. Sans Ailes

Chapitre 14. Sans Ailes

Eythan

Quatre hommes en noir sortent chacun leur tour de l'infirmerie d'un pas lent. Ils sont trop loin pour qu'un sniper puisse détailler leurs expressions depuis les toilettes. L'ambiance, en revanche, se palpe d'ici. Un nuage noir crache de la peine en petites quantités. Les hommes finissent par former un cercle autour de la porte qu'ils ont gardé ouverte.

Hélène s'est cachée derrière un pilier bleu à l'extérieur du bâtiment. Ils ne la verront que lorsqu'elle le décidera. Elle restera invisible à leurs yeux jusqu'à mon signal. Tout son corps s'humidifie en attendant. Apparemment, il pleut.

« Merde ! Je sais bien qu'on est censé garder la tête froide mais là... On sait même pas si Lion va réussir à le sauver !

– Arrêtez avec vos noms d'animaux de merde ! Mon p'tit frère est entre la vie et la mort ! Si je chope–

Un preneur d'otage surgit derrière eux. Il se frotte les mains d'un air gêné. Tous les autres se sont tournés vers lui.

– Il... »

Le nouvel arrivant n'informera jamais aucun de nous sur l'état de son collègue. Il ne terminera jamais sa phrase non plus. La bouche du Lion restera grande ouverte jusqu'à ce que les brebis égarées suivent son regard.

Derrière la porte vitrée, des fils assombris par les pleurs d'un ange gardien chutent sur un sweat violet. Vêtement presque aussitôt enlevé et jeté en direction des hommes armés. La fille leur envoie un baiser juste avant de tourner les talons. En trente secondes, son vêtement était déjà couvert d'une fine couche d'eau. Le garder n'aurait aidé qu'à la noyer.

Il existe deux types de personnes en ce monde. Il y a ceux qui éteignent les incendies et il y a ceux qui éteignent les pyromanes. Visiblement, le frère de Jo' appartient à la deuxième sorte.

Libérant toute sa haine, machin-truc-muche décolle vers l'innocente blonde. Comprenant que chaque mètre les séparant peut se transformer en menace pour leur sécurité, les quatre autres lui emboîtent le pas. Le meneur auto-proclamé frôle le mur de verre. Ce dernier s'écrase contre son support avec un calme étonnant.

L'adolescente n'a pas manqué de compter les pas pour évaluer la distance qui s'interpose entre elle et eux. Avec un compas dans l'oreille, le bitume attrape et attire le torse de l'ancienne otage. Elle retrouve l'équilibre et continue sa course. En revanche, ses talons esquivent avec difficulté une main gantée qui vient s'écraser au sol. La benjamine profite du temps accordé par cette chute pour gagner du terrain. La bête sauvage se relève toutefois avec une vitesse impressionnante et demeure en tête de peloton. Sa haine ne lui permet plus d'être considéré comme un être humain.

Quatre individus masqués la poursuivent, une boule au ventre. Ils savent que quelque chose cloche, mais n'arrivent pas à déterminer quoi. En conséquence, leur course diffère d'une marche de l'armée. Leur foulée, molle et désorganisée, certes plus rapide, n'atteint pas le même niveau de pression.

Obnubilés par l'idée obsédante de se rapprocher, aucun preneur d'otage ne se donne la peine de s'arrêter pour se stabiliser, viser puis tirer. Après avoir passé le portillon marquant la limite de l'enceinte de l'établissement, enjambé le cadavre d'un surveillant, slalomé entre les structures d'un parc pour enfants abandonné et percé un toboggan bleu en plastique à deux reprises, les adultes se sont presque tous perdus de vue.

Maintenant, deux bonnes centaines de mètres séparent le cinquième et le quatrième du troisième intrus. Leurs souffles se font de plus en plus courts, la distance entre chacun de leur pas réduit de plus en plus et leurs poumons reçoivent de moins en moins d'oxygène. Dans moins de deux minutes, ils se seraient mis à marcher, leur corps déjà poussés à bout par les efforts précédemment fournis, si leurs quatre joues, rouges à cause de l'effort, ne s'étaient pas écroulées. Leurs pulls identiques, noirs jusqu'alors, ont pris, doucement mais sûrement, une teinte rouge sang au milieu de l'estomac. Moins de dix secondes plus tôt, deux détonations assourdissantes s'étaient faites entendre.

Retour au présent, mes jambes passent au-dessus des deux corps ensanglantés. Ces derniers poussent des cris de douleurs par la faute des cylindres s'étant logés dans leurs dos respectifs. Une merveilleuse mélodie à vrai dire. Toutes mes cibles encore fuyantes, poussés par leur instinct xénophobe, s'arrêtent et se retournent vers l'origine de ces bruits. Leur motivation balbutie pendant que la peur prend le contrôle.

Le troisième homme, le plus proche, alors qu'il levait son arme en tremblant dans ma direction, arrête simplement d'exister au moment où il croise mon regard. Mes yeux sont vides. Vides de peur, vides d'amusement. Vides de sens, vides à en mourir. Ses yeux sont plantés dans les miens, et il ne pourra s'en défaire. Seule mon arme pourra le libérer.

Elle passe à autre chose lorsque qu'elle voit une munition de Glock transpercer sa boîte crânienne. Mes jambes reprennent leur mouvement habituel jusqu'à ce que les deux survivants soient faces à moi. Mon corps est là, raide et fixe devant eux. L'un des deux, celui de gauche, me met en joue. Mes mains dressent également mon arme vers lui. Celui de droite, me pense en véritable monstre. Il ne voit de mes vêtements que le sang de ses compagnons. Aussitôt, il tourne les talons en espérant en réchapper.

Décontenancé par le comportement de son collègue, le seul homme encore capable de me nuire obéis à son instinct. Ce même instinct qui dicte de toujours remonter à la surface. Ce même instinct qui dicte de toujours fuir le danger. Ce même instinct qui dicte de toujours faire attention aux autres. Monumentale erreur. À peine sa concentration perdue, un morceau de plomb lui troue une partie du grand intestin.

Le fuyard court toujours, même s'il s'agit plus d'une tentative désespérée de dépasser les cinq kilomètres à l'heure que de véritablement me semer. Mes jambes se remettent en marche. En course plus précisément. Arrivé à la hauteur de son dos, mon index droit appuie sur la queue de détente, ce qui déclenche une explosion assourdissante.

    Une munition longue de neuf millimètres pénètre la cheville de ce dernier. Les cris de terreur et de douleur que pousse le blessé ont le mérite de briser mes tympans, déjà fragilisés par les tirs. Chante, chante petit oiseau. Sans ailes, tu n'es bon qu'à aboyer.

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