Chapitre 11. Partie 1. Discorde

Hélène

Mon cœur n'arrête pas de s'affoler quand j'aperçois un semblant d'humain dans le conduit. Cela fait un moment que j'ai compris qu'Eythan ne me suit pas. Ma naïveté m'a chuchoté qu'il restait quelques minutes de plus auprès de la quatrième pour la rassurer.

Les quatre coups de feu successifs m'ont fait rater plus d'un battement. Ce n'est qu'à ce moment que j'ai envisagé de faire demi-tour. J'aurais dû le faire dès qu'Eythan s'est éloigné de moi.

Évidemment qu'il voulait en découdre avec l'intrus. La légende raconte qu'il est l'auteur de l'expression « On ne fait pas d'omelette sans casser d'œufs ». En tout cas, il ne semble jamais la négliger. Contrairement à moi qui fuis à chaque danger...

Pourtant ce n'est pas lui l'enfant soldat ! Et mon ego n'est pas le seul à qui cela pose problème. Eythan n'a jamais été formé à tenir une arme ou à surveiller ses munitions. Cinq minutes plus tôt, il tirait cinq cylindres de neuf millimètres. Aucun civil, et encore moins aucun collégien, soumis à une telle pression ne penserait aux défauts techniques d'une arme à feu.

Eythan s'est précipité pour sauver les quatrièmes et en est mort. Je ne l'ai pas assez bien informé, c'est ma faute.

« Désolé du retard y avait du monde sur la route.

En relevant la tête, j'aperçois mon camarade se poser devant moi. Son air insolent habituel me soulage. Je n'aurais pas sa mort sur la conscience. En revanche, son retard continue de m'inquiéter.

- Je peux savoir ce qui s'est passé ?

- Bien sûr. Dans l'ordre je me suis montré à visage découvert, j'ai gaspillé de précieuses munitions dans une épave. J'ai aussi provoqué celui qui décide de la couleur de l'avenir de tous les otages.

- J'espère que tu te fous de moi.

- Absolument pas. Et ils savent où on se cache aussi. »

Sa nonchalance commence à me taper sur le système. C'est tout le monde qu'il met en danger pour m'impressionner. Mes amies, mes camarades, mes professeurs, moi... On risque tous de mourir parce qu'un crétin préfère jouer avec l'ennemi plutôt qu'avec moi.

Je veux faire fuir l'arrogance de son visage. Il le mérite. Ma tentative de garder mon calme quitte le navire. Seule ma colère reste à bord pour le conduire à sa perte. Grâce à ma rage, il s'élève dans les airs et prend de la vitesse jusqu'à s'écraser contre la joue d'Eythan.

Grossière erreur. Lorsque je rouvre les yeux, sa main fouette mon visage avec une violence inouïe. La douleur me foudroie sur place et une plaque chauffante ne tarde pas à remplacer ma peau. Ce n'est pas le pire. Son regard me fait peur. Une haine pure et sérieuse a chassé son étincelle malicieuse que j'imaginais invincible. Ce n'est plus le même Eythan qui me fait face. Celui-ci est monstrueux.

Au cas où il deviendrait mon ennemi, je me dois de connaître ses points faibles. Premier point : je ne le laisse pas de marbre. Deuxième point... Il semble moins enclin à des négociations dans cet état.

Mais non ! Pourquoi deviendrait-il mon ennemi ?! Ah oui c'est vrai... Mais ce n'est pas ce que je voulais moi ! Je voulais juste qu'il redevienne le garçon moqueur que j'aime bien. Au lieu de reconnaître ses torts ou de m'annoncer qu'il m'a bien eu, il s'est caché sous sa carapace. Sa réaction me donne envie de disparaître mais il est dans son parfait droit. Il m'a juste rendu la monnaie de ma pièce. Ni moins, ni plus.

Je ne peux ni m'insurger, ni exiger un pardon. Je ne veux ni m'excuser, ni le remercier. Ni sourire ni pleurer. Je n'ai pas la tête à faire semblant de sourire. Ma tête me chuchote de ne pas pleurer. Que pensera-t-il si je craque devant lui ? Il sait comment j'ai été élevée. Il sait que je n'ai pas besoin de réconfort pour une si petite blessure physique.

Son regard traduirait un dégoût de ma personne si j'osais l'affronter. J'ai peur du futur avec un Eythan froid. Je crois que je vais craquer si je reste à leur merci une minute de plus. Je dois vite me tourner. Vite m'éloigner avant que... Eh merde.