8 - L'autre côté ( partie 2)
Au sol : une ligne est tracée. Elle s'approche, se creuse. Ça vient. Très vite. Des pierres jaillissent sur son passage : elle est juste là. Puis subitement ; ça s'arrête... On entend alors ruisseler. De légers éclats rocheux nuancent la sonorité. Voilà une mélodie qui allie le sable versé, au claquement de petits galets.
Soudain se grave sur leur nuque un souffle chaud. Ils se tournent, lentement, et c'est ici qu'il le voit : quelque chose s'élève, sort du sol. Une masse de gravier grandit, s'élargit, prend de l'ampleur, de la hauteur. Elle, aux yeux étincelants d'or sablé.
Elle se développe de plus en plus haut, mais sa forme s'arrête à ses hanches. Une part d'elle pourrait être restée dessous. La créature s'assemble, se désassemble. Les pierres sont comme aimantées. Les blocs s'entrechoquent, se collent, se raccrochent les unes aux autres jusqu'à former une silhouette humanoïde, sans peau ni cheveux.
C'est un simple amas rocailleux qui se dresse, une sculpture à forme humaine aux muscles dessinés. Il n'y avait aucun moyen de fuir. Ils se prennent alors la main. Dans un dernier espoir d'y réchapper . Barbe-blanche, dans un dernier souffle, rie jaune :
- "Haha...Bienvenue en enfer qu'elle disait.."
La chose pivote en biais, bras élancé. Le poing fermé puis d'un flash. Son coup s'envole. Une frappe dantesque. Un gigantesque monstre s'écrase brutalement contre la roche. Qui se fend, se brise, se broie pour former un cratère. Le souffle de l'impact déferle sa puissance. Le monstre s'envole pour cogner le mur opposé. C'est, du moins c'était une chauve-souris géante, tapis dans l'ombre. Elle est désormais aplatis, derrière eux.
Les deux pirates se figent, choqués. Jusqu'à ce qu'un timbre retend. Une voix. Pesante et masculine. Lourde et rauque. Qui par l'écho, déploie une dimension imposante : celui d'un homme. Celui de l'être humanoïde qui se tourne vers eux.
- Pyorn...Pyorn ; c'est mon nom...Quel est le vôtre ?
De la peur au soulagement, une part de suspicion mène toutefois à la vigilance. Après avoir confirmé cette non-violence, Arwan répond à cet être effrayant.
- Hum..Merci monsieur pour.. votre coup de poing ? Je crois. Moi ? c'est Arwan. Lui, c'est Barnady. C'est bien la première fois que je vois un grand caillou parler ! Sans vouloir vous froisser. L'autre fois , c'était des rats alors..
Là où le pirate angoisse à coup de grandes sueurs froides, l'inconnu, lui, se marre.
- Hahaha. Je ne m'y attendais pas.
On ne lui avait jamais parlé aussi franchement. La plupart, à son approche, sortent leurs épées. Ou bien détalent à grandes enjambées. D'autres, hurlent avoir vue un monstre.
Toutefois, Arwan n'en est pas à son premier. Nombre sont les êtres sorties de l'ordinaire ici-bas. Il en a l'habitude. Bien plus d'ailleurs, que son compatriote à barbe. À moins que...
Ce dernier d'ailleurs, ne manque pas de mettre une main protectrice sur le buste de l'enfant. Par réflexe, au cas où il serait réellement en danger...
Subitement. L'inconnu change de forme qui creuse, se sculpte.
D'une façon, qui ne peut que surprendre nos voyageurs. Un véritable corps humain est en train de se construire. Celui d'un homme, chauve, aux traits marqués par la vie. Un homme trentenaire aux longs yeux.
Même le dessin d'une barbichette, se distingue. On dirait qu'il a simplement la peau grisonnante maintenant, à l'instar d'une statue, tout droit sortie d'un nuage de cendres après une éruption : une œuvre d'art s'illustre devant eux. Avec cette fois, un corps entier. Après ce tour de passe-passe, il reprend :
- C'est bien la première fois que l'on me parle normalement. J'ai travaillé maintes fois pour éviter de faire peur, mais c'est toujours resté un échec.
Forcément. Une enveloppe inhumaine qui sort du sol. Et ce, DERRIÈRE ses interlocuteurs. Sans oublier la révélation de sa force MONSTRUEUSE, on connaît plus rassurant. Pense le second.
- Je tiens donc à vous remercier de m'accorder votre temps. Pour tout vous dire, je cherche à m'allier. Moi et quelques uns de ma tribu, cherchons désespérément de l'aide pour passer ce palier. Et, vu que vous êtes dans ce compartiment du sanctuaire, vous êtes sûrement des nouveaux en enfer. Je me trompe ?
- Attendez. On est.. on est vraiment en enfer ? Bégaye le jeunot.
- C'est comme ça que Noor à nommé ce lieu. Et on est tous d'accord pour dire qu'elle l'a bien nommé. Cela fait maintenant quelques mois que nous survivons ici. Et c'est la première fois qu'on se sent proche d'une avancée.
- Avancée ? Pour aller où.? Vers l'autre côté ? Questionne Barnady.
- C'est exact. Nous approchons des nouveaux pour espérer trouver des personnes de confiance. En échange de votre aide, nous vous informerons. On a recueilli énormément d'informations. Tout ce que l'on sait jusqu'ici, pourra vous être utile...
Le barbue, devant Pyorn, se trouve plus autoritaire. Il en a marre de se faire berner. Il ne compte plus le nombre de fois, où sa gentillesse lui a valu des tracas. Tenez, avant Atlas, il avait aidé un pauvre dans la rue.
À la fin, il s'est retrouvé poursuivi par une ARMÉE ROYALE. Tout cela, parce qu'il avait aidé un soi-disant traître de la nation. Je peux vous dire qu'il se souvient avoir décamper de son hôtel en slip rose, devant la pointe des lances ennemis.
Il décide par conséquent, d'augmenter le ton. Pour annoncer qu'il n'est pas faible, et encore moins une proie facile.
- En guise de bonne foie, dites nous où l'on est exactement. Et qu'est-ce qui se passe ici. Ensuite, nous verrons...
- Oui, la gardienne peut s'avérer.. énigmatique. C'est sa nature. Bien. J'accepte votre condition. Pour résumé, on ne sait pas où l'on se trouve. On en parle comme étant l'enfer, ou le sanctuaire.
- Sanctuaire ?
- Oui, elle recueille des troupes. La gardienne l'a fondé dans un seul et unique but : vaincre les seigneurs. Ainsi, c'est un domaine où se rassemblent d'innombrables guerriers, armés de la même volonté : venir à bout des paliers. Des épreuves de sa création. Tout cela, afin de faire jeu égal avec les seigneurs, et leurs sbires. Du moins, c'est ce qu'elle nous a dit. Et il faut dire, qu'on est bien forcé de la croire...
Puis, après de nombreux échecs, Noor a décidé de corser le jeu...
- Attendez, c'est un jeu !?
C'est-à-dire.. que depuis quelque temps, l'enfer est devenu une véritable compétition. On pense.. qu'elle essaye de créer une élite. Et ainsi, enfermer ceux qui n'en font pas partie ; pensant nous sauver. D'où, le fameux "sanctuaire". Non pas, le "domaine d'entraînement". Et c'est pourquoi, nous essayons de former des alliances. Pour au moins, dans le pire des cas, réussir à sortir d'ici...
- Donc, vous voulez nous dire, que l'on nous a jeté vers un lieu inconnu. Extrêmement dangereux. Pour nous enfermer, ou nous transformer en super soldat, à la solde d'une folle venue d'un autre monde ?
- C'est..une manière de voir les choses oui...
Un hurlement perce les tympans.
- À L'AIDE !
Un cri strident est doublé par l'écho qui bourdonne dans les oreilles.
- PYORN ! AU SECOURS !
- LYONA ? S'écrie ce dernier.
Ils pressent le pas. Accélèrent. Zigzague. De droite à gauche dans les galeries. Émerge une lumière : au fond. Ils s'en approchent. Elle aveugle. De plus en plus. De plus en plus proche. Ils ne sont plus très loin d'une cavité.
Survient des bruits. Ces sons, étouffés. Lointains. Qui se rapprochent. D'un bruissement comprimé jusqu'au grondement réprimé. Du sourd ruissellement, jusqu'aux pétillement d'une source qui jaillit et crépitent doucement à l'horizon...
La sortie se dessine. Les corps en avant, véloces, se heurtent à la bourrasque. Violente. Brutale. Une puissante onde de choc qui annonce leur arrivée. Elle claque les oreilles et inondent d'air humide. La lumière les noient, agressent leurs yeux qui se plissent.Ils y sont, hors du tunnel. Une pierre tombe de haut ; vers le vide...
Autour d'eux : une petite plateforme rocheuse craquelée et mousseuse. Le paysage devant eux se dresse vers l'immensité qui se dévoile. Impossible en tant normal, d'avoir un tel monde sous la terre.
- Woah.C'est.. gigantesque. s'étonne le petit.
- C'est magnifique...reprend le barbu.
Sur les côtés, on retrouve deux immenses statues fissurées. L'une ailée comme un oiseau, ornée d'un Halo. L'autre, ornées d'ailes de chauve-souris, armée d'un bouclier chevaleresque. Ces deux, d'une main, semblent former des signes particuliers. L'angélique, signe d'un rond de l'index et du pouce. Le diabolique, d'un triangle des deux index et pouces.
En dessous : la féerie . L'abysse aboutit sur une plaine parsemée de fleurs lumineuses. Elle s'étend loin, très loin. Elle jonche une large colline, où sont exposées, - au plus loin de l'étendue gonflée, une dizaine d'arbres géants. Leurs branches titanesques imprègnent l'horizon d'un sombre mystère. Leurs formes, étranges et anguleuses, disparates et aléatoires, assombrissent le terrain. Tout comme les feuillages, venus peindre les environs de lueurs émeraudes...
L'éclairage du gouffre est azuré par la fluorescence des plantes. Des papillons-lucioles,translucides, flottent dans les airs. De même que des poissons globes, phosphorescents, virevoltent lentement dans l'espace.
Là, derrière la plaine caverneuse ; l'on entrevoit l' immense cascade. Ses torrents déferlent d'un vacarme assourdissant. On ne peut la voir que d'un petit cadre, derrière les bûches qui gouvernent les lieux...Mais ils ne sont pas là pour ça. D'une tape sur la tête, Pyorn les remets dans le droit chemin. L'objectif : la trouver. Pas à droite, pas à gauche. En bas ? Rien. En haut ? Non plus.
- LÀ-BAS ! Informe Arwan.
Elle est là. Sur cette même falaise. Plus haut que le point d'écoulement. Cette fameuse Lyona. En pleurs. Elle est différente. Sa forme est celle d'un arbre humanoïde, aux courbes féminines. Elle est accrochée, ligotée. Une corde étrange la retient. Elle semble seule. Le cordage est brumeux, fumant et noirâtre. Il semble enraciné par une force inconnue.
La dame-arbre se voit ensuite entourée par de nombreuses personnes. Tous encapuchonnés. Chacun, affublés d'une longue cape aux contrastes d'échiquier. Sont apposés sur leurs toges : de grand carreaux noir et blanc.
- LYONAAA ! J'ARRIVE ! BOUGE PAS.
- COMME SI JE POUVAIS IDIOT !
Les appuis sont fragiles. L'estrade, instable, n'offre aucune solution si ce n'est se jeter dans le vide. À moins de vouloir ressembler à une crêpe, il ne vaut mieux pas. Arwan s'imagine la tête plate, tout en rond : c'est pas très beau.
Le roche-homme disparaît dans le sol. Il fonce à l'opposé. Traçant, creusant dans le sol à toute vitesse pour rejoindre son amie. L'enfant s'apprête à le suivre et manque de tomber.
- NON MAIS ÇA VA PAS ? On ne peut rien faire Arwan. Simplement patienter.
- NON ! Elle est en danger, il faut aller la sauver ?
- On a pas sa force, petit. Tu peux te fondre dans la roche ?
- MAIS SI ! TOI, TU AS UN POUVOIR JE TE RAPPELLE.
- Non, c'est pas.. Argh. On doit déjà sauver Jack, écoute p'tit. Tu vois bien qu'on s'écrasera si on fait quoi que ce soit. Et si on y arrive, qui sait ce qu'on devra affronter après. Contentons nous de retrouver Jack, s'il est encore..
- JACK EST VIVANT ! J'aurai préféré que ça soit lui, avec moi. Car lui, c'est sûr qu'il aurait été plus courageux...
Son coeur. Comme percé. Empoigné. Se découvre une grande sensibilité. Une source d'émotions qui résonne par les mots durs du poucet.
Les larmes semblent monter, mais se ravisent. Barnady porte un regard glaçant. Sérieux. Presque colérique. Suit, sans tact, sa réponse crispante.
- Je vois. Tu te la joues dur à cuire. Méchant même. Dans ce cas. Place au rituel de tout pirate. Tâche de ne pas tomber, car ça va secouer.
- M'sieur je suis dé-
D'un coup. D'une main. Arwan est pris au col, emporté. Il voltige dans les airs avant de s'écraser sur le dos du pirate, qui dévoile son plus beau sourire machiavélique.
Barnady plie ses jambes. Ses muscles contractés, les veines bombées. Il bondit. D'un mouvement, d'un saut, dans le vide...
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Prochain chapitre : Le protecteur.
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