7 - L'autre côté (partie 1)

La roche est secouée par l'impact d'un poing sur une paroi : celui du roi-marin, encore une fois emprisonné malgré lui... Il fallait s'y attendre, ce sourire machiavélique avait tout, absolument tout d'une entourloupe.

Le poussin bronzé, secoue de ses petites mains la cape de son moustachu préféré qui réagit d'une inclinaison de la tête vers l'enfant. Le petit homme lui confie alors ses mots, d'une voix fluette.

- Monsieur Jack... Rappelez-vous.. Tout a un objectif.

Le grand navigateur gonfle ses yeux de surprise. Car au cœur d'une situation alarmante, le petit est capable de faire marcher ses neurones. Et ce, très efficacement. Malheureusement, plus l'endroit restreint les mouvements, plus la sensation d'être enfermée prend le dessus sur le capitaine...

Son regard devient instable. Son équilibre se perd. Il dérive, peu à peu, puis s'accroche à une stalactite avant de rassembler ses dernières forces dans l'espoir de passer outre. D'avancer. Pour ne pas être un poids. Il se projette vers l'avant, claudiquant. Puis, invite les autres à faire de même.

- Sortons de ce trou à rat...

- Oui, c'est le cas de le dire..ricane Arwan.

La nervosité accumulée se relâche. Ils se fendent la poire. Les larmes aux yeux. La barre au ventre. Tous à bout de ces histoires invraisemblables...

Les pas sont difficiles mais l'ambiance, joyeuse. Cet instant galvanise d'énergie positive et donne la force d'aller jusqu'au bout. Quelques virages plus loin : un long couloir offre un nouveau visuel.

Des centaines d'araignées grouillent au sol et sur les parois. Ils tissent leurs fils. Certaines, viennent se coller aux épaules des voyageurs. Dans son état, le chef-pirate ne peut pas danser, hélas. Le profond dégoût de ce dernier, qu'affiche ses grimaces, laisse place à la moquerie de son bras droit.

- Roh ! C'est pas la petite bête qui va manger la grosse !

D'un coup. Les arachnides se rassemblent. S'assemblent. Puis tissent une énorme toile. C'est une orbe. Une boule géante de toile. Elle vole. Lévite. Son discours change naturellement :

- J'aurai dû me taire...

Vite projetée. La sphère s'écroule.Perce le sol. Roule, s'eboule. Accélère. Se propulse vers eux.

- FUYEZ !

Ils se retournent. Vifs. D'une course effrénée. La grotte défile à toute vitesse. Virage à droite. À gauche. Ils glissent sous un plafond bas qui explose. En sort la géante. Qui débarque. Brise tout sur son passage et oriente sa trajectoire pour les suivre.

- C'EST PAS UNE TOILE ÇA ! Beugle Barnady.

En face : des murs en cristal orangé. Aucune entrée. Aucune sortie. Les trois s'avancent vers le mur. Se retournent vers l'ennemi. Qui accélère. Cisaille la roche. Se rue vers eux. Ils hurlent de toutes leurs forces. Quelques centimètres les séparent. Elle est juste là.

Foudroyant. Jack les pousse. Ses amis, projetés. Leur regard, suspendu, comme fige dans le temps ; observe un dernier geste. Un dernier sourire. Celui de leur sauveur ; qui s'efface d'un éclair blanc. Très vite. Il est emporté. La gargantuesque s'écrase sur le mur d'en face. Les deux autres frappent celui de droite. Puis, un tremblement. En haut, la pierre s'arrache. Tombe. Bombarde le sol.

L'enfant est paralysé. Il voit son heure arrivée. Lorsqu'au-dessus de lui : une pierre aiguisée se décroche. Ses paupières se ferment. Une vague de poussière déferle ; Puis le bruit s'allège...

Reste, des claquements de galets qui roulent et s'entrechoquent. Une tornade de poussière qui enveloppe tout. Et, petit à petit, la lumière revient. Flou, ombrée, une forme se détache au-dessus de lui. Il s'est imposé : le bras droit s'illustre face à l'enfant, bras tendus. Arwan est saisi d'angoisse, ce qu'il voit le choque, le tétanise de chagrin.

Une énorme roche siège sur le dos du second. Son corps, tremblant, tenant d'un gainage inhumain. Un faible faisceau lumineux donne l'illusion sur quelque chose d'anormal. Sur sa colonne : une croûte. Non, c'est une écorce. Barnady sourit tant bien que mal pour lui dire avec douceur :

- BOUGE DE LÀ J'EN PEUX PLUS !

Il s'exécute d'un bond. D'une roulade sur le côté. Brutalement, le vieil homme laisse tomber sa pierre. Puis tombe d'épuisement sur le ventre.

- AAAH ENFIN ! Gémit-il.

Ses douleurs se répètent et s'intensifient. Le petit fini par éclater en sanglots :

- JE SUIS DÉSOLÉ...C'est à cause de moi, c'est pour moi que vous avez fait tout ça...

Il s'avance. Rampe au sol, effondré de chagrin. Puis s'empresse d' agripper la main de grand-barbu. Ensuite, il remarque, observe, saisit du regard ; ce qu'il croyait être un mirage. Plus attentivement, il voit la tunique blanche déchiré, exposée la peau de barbe-argenté. L'entièreté de son échine est couverte d'écorce. C'est réel. Le timbre noué, le petit gars tente de le stabiliser.

- M'sieur Barnady.. qu'est-ce-qui se passe.. votre dos !

L'arbre-pirate se redresse doucement. Pose genoux après genoux au sol. Puis, s'adosse à l'une des énormes roches parsemant l'horizon.

- Arwan.. c'est rien, t'en fait pas. Tu sais, j'suis pas en sucre.

- Mais.. alors, vous avez un superpouvoir ! Dans ce cas, je suis sûr qu'on va pouvoir sauver monsieur Jack !

Les dents de barbe-grise grincent, et ses yeux couvre son minois d'une grande tristesse. Sa bouche est tombante, ses sourcils sont froncés. Son regard ; s'alourdit d'un poids venant aplatir son faciès. La source de l'âme, forme ses bulles-miroir qui glissent sur les rives de ses pupilles. Il renifle. Puis coupe, de la muraille de sa main tremblante ; les reflets de sa douleur...

- Je suis désolé petit, j'ai pas pu le sauver..

D'un mouvement. Ses bras s'abattent sur le petit corps de l'enfant. Un câlin sincère qui trouble le jeunot. De droite à gauche, les yeux de ce dernier s'affolent. Il ne comprend pas. Ou plutôt, il ne veut pas y croire. Non, Jack va revenir se dit-il.

- Mais il va revenir ! C'est le plus grand des pirates, il l'a dit !

Le vieil homme rabat son regard sur le jeune pousse. Ses petits yeux ronds, le fixe chaleureusement. Le garçon provoque en lui une étincelle de positivité. Quelque part, l'innocence est d'une éternelle magnificence. Mais d'autre part, c'est un voile d'ignorance sur une douloureuse réalité...

Le grand homme, place sa main sur l'épaule du petit.

- Oui, il l'a dit...Le plus urgent, là, tout de suite, c'est de trouver le moyen de sortir de ce bourbier...

Il place le reste de sa tunique déchiré sur son dos. L'artiste est intrigué. Sans aucune animosité, il se déplace jusqu'à atteindre sa carapace. D'une main fuyante, il l'effleure. Soudain. Elle claque celle de Barnady le repoussant.

- N'y touche pas. Ne regarde pas...

- Pourquoi ? Ça fait mal ?

Le barbu crispe son visage qui se ferme.

"C'est vous qui avez réussi à porter l'énorme pierre pour me sauver. Je suis sûr que vous allez nous sortir de là. Regardez, avec une force comme ça, on va certainement pouvoir battre tous nos-"

- MAIS PARFOIS ON PEUT PAS ! Parfois, on meurt. Et des fois, on est impuissant. La vie n'est pas faites comme un jeu. Lorsqu'on vit, on affronte la réalité. Même si elle est dure. On se le prend ce mur. On veut l'esquiver. Se tromper sur son existence. Le casser. L'oublier. Mais il est là. Et on peut rien y faire. On le heurte, on s'écrase dessus. Et on a beau se débattre, se dire que l'on est plus fort que ça. Mais c'est se voiler la face !

Déboussolé. Coupé. Alors qu'il était jusqu'alors au cœur d'une source joviale d'espoir ; le revoici à nager avec les abysses. Tourmenté, affligé, perturbé,l'enfant ne dit plus un mot. Ses yeux grands ouverts, sans un bruit. Ses jambes recroquevillées. Il se contracte, se rétracte sur lui-même. C'est ainsi, lorsqu'il est stressé. Et cela, le pirate le sait. Il comprend d'ailleurs assez vite son erreur.

Au fond, ce n'est pas contre lui qu'il avait crié. Mais contre lui-même. Parce qu'il a peur. Peur d'avouer ses faiblesses. Peur de se retrouver sans rien, sans personne d'un claquement de doigt...

- P'tit gars.. excuse moi mais..je ne veux juste pas..

Il ne savait pas comment lui dire. C'est un enfant. Ce n'est pas à un être aussi fragile que l'on avoue ce genre de chose...

- Je ne suis pas si petit, Barnady. Vous me cachez des choses, vous me faites peur, et maintenant vous êtes le plus négatif du monde ! Qu'est ce qui se passe ?!

Le second se met à chercher ses mots. À hésiter quant à lui dire, mais quoi lui dire ? Qu'un bout, lui mentir ? L'option de son instinct, était un mélange de tout.

- J'ai juste, peur comme toi... Tu sais quoi, je vais te raconter un truc. On va l'intituler " la rencontre  de Barnady et Jack. " Ça te dit ?

- D'accord...

- Bien.

Sa voix de conteur prend forme.

" Tout commence, lors d'une belle nuit étoilée ; là, où le ciel dépose ses rayons d'azur...

L'île de Tarka, dont je suis issue, se trouve au beau milieu d'un véritable champ de mine. Des centaines de maelstrom rendent le trajet quasi-impossible. Pourtant, la traversée a réussi. Tout cela, grâce au cœur d'un homme, et la folie de son  équipage. C'est ici qu'il m'a trouvé.

Au départ, il venait se recueillir auprès de moi. Puis, il a commencé à me comprendre. À communiquer, puis à se lier d'amitié avec moi. Et.. ici-bas, nous avons fait une promesse. Elle compte plus que tout. Alors oui Arwan. Tant que cette promesse n'est pas tenue, il reviendra. Jack reviendra... "

L'enfant est ravi de ce changement de point de vue. Il avait réussi par son discours, à changer la couleur d'un cœur.

- Vous avez raison. Je vous préfère comme ça...

Tout à coup. Un éboulement. Non, un creusement. Quelqu'un broie la roche. C'est en dessous. Ça va vite. Ça se rapproche. Quelque chose est sous terre.

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Prochain chapitre : L'autre côté ( partie 2)

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