4 - Le Gardien
La colère du ciel s'écrase de partout. Des flashs aveuglent en continu. Le sol est foudroyé. Il part en éclats. Un éclair frappe les parois. Qui se creusent. S'affaissent. Explosent à l'impact. La roche se brise. Les pierres se projettent aux alentours. Alors que les bruits sourds d'explosions se doublent par l'écho. Se triplent par les cris affolés.
- COUREZ !
Le groupe décampe à l'opposé mais se fait rattraper par la foudre. Seule.
En pleine course. L'électricité trace sa lumière. Elle glisse sur les murs. Puis courbe soudain sa trajectoire pour tenter d'atteindre l'enfant. Heureusement un bras le tire vers l'arrière. C'est celui de Jack. L'énergie suit sa route. Droite et rapide. Elle s'abat plus loin. C'est comme si elle était vivante. Semblant souple et agile.
"Sûrement contrôlée", pense Jack à l'affût. Une idée lui vient. Il stoppe son élan brutalement. Puis ramasse un amas de pierres. Qu'il balance par où ils sont arrivés. L'éclair la suit. La pulvérise d'un bond. Surpris, ses yeux grossissent. Il croit avoir compris.
- NE BOUGEZ PLUS.
Face au danger, Jack semble loin d'être d'idiot. Tout le monde s'arrête... À côté, la lumière réduit son intensité. Elle semble se diriger à l'aveugle, serpentant. Elle heurte même des murs.
Jack avait encore de quoi jeter. Il esquisse un sourire nerveux. Un claquement de ses doigts envoie le premier caillou. Il explose en vol. Suit le second qui éclate un instant plus tard, à l'entrée du tunnel.
"Son rayonnement est moins ardent " constate-t-il.
Le capitaine catapulte le dernier vers la galerie. Puis détale en vitesse vers la porte. À la surprise générale. En dépit de toutes réflexions ; on le suit.
- ATTEND NOUS ! Beugle Rat'mo.
Tout le monde cavale. Jack dévale le couloir et se jette dans la salle. Il se saisit de la porte pour la fermer. Elle ne bouge pas. Il y met toute sa force en la prenant à deux mains. Il réussit difficilement. Mais ça bouge. Un à un, ils s'y réfugient. L'enfant semble être le dernier.
Mais non. Ce n'est pas le cas. On la remarque plus loin. La blondinette est à quelques mètres et se fait courser par l'énergie. Elle trébuche. La porte est sur le point de se refermer. Arwan débarque comme une fusée. Sort dans l'interstice encore ouvert. Puis bombarde à grande foulée pour la sauver. Il lance son carnet en vol. La foudre le pourfend. Alors qu'une étrange brume s'en échappe.
Un ouragan de poussière enveloppe les lieux. L'atmosphère est devenue sombre et irrespirable. On n'y voit plus rien. Les toux se multiplient. On entend les pas de courses. Une main sort de l'ombre. c'est Arwan qui porte la dame-rat sur son dos. Jack agrippe sa main et le tire. La porte se referme...
Tout le monde tousse dans cette pièce sans lumière.Les rats, exténués, décident de remédier au problème. La bourse émet une lumière lorsqu'elle est ouverte. C'est tout naturellement qu'ils en profitent.
Rat'zia se tient la cheville. Elle est gonflée. Arwan la pose délicatement au sol. Son frère surgit auprès de sa violoniste préférée.
- Zia, ne t'inquiètes pas. Ton frère va s'occuper de toi. Attends-moi je vais te bander. S'affole-t-il en trifouillant dans sa bourse magique.
Il y sort une gourde, puis un rouleau de tissu. À partir de là, il œuvre d'une grande habilité pour la soigner. Le bandeau est enroulé autour de la blessure et la gourde est utilisée comme source de froid. Cela, afin de dégonfler la tuméfaction...
Se révèle à présent, légèrement ombragée : un immense escalier en colimaçon. Il est situé au centre de la pièce. S'éclaire autour : de petits menhirs collés aux quatre murs. La salle est assez grande pour en voir une pléiade. Une écriture safran couvre chacun d'entre eux. Le plus curieux s'avance vers eux. Manifestement, c'est ce bon vieux roi-pirate. Il ne comprend rien à ce qui est écrit mais charge Barnady de prendre des notes.
Entre-temps, Arwan se fait les poches pour trouver quelque chose d'utile. Il trouve un allume-feu. Eureka ! Il regarde autour de lui pour savoir quoi allumer. Une torche se dessine au loin. Se levant pour y aller ; un lustre inonde de son brillant...
L'environnement s'éclaircit. Les murs plantent le décor. Sont accrochés des tableaux. Se dévoile, des peintures réalistes, surréalistes. Ils dépeignent des paysages variés et fantastiques. L'une d'entre elle, représente une cité sur un sol nuageux. Une autre, des routes sur des branches d'arbres...
Après cette illumination soudaine ; Rat'mo se lève d'un coup et tape du pied.
- " Ok. Là ça fait beaucoup. Trop de choses se passent en un rien de temps. Vous. Pointe-t-il du doigt Jack et Arwan.
Oui, vous bande d'insoutenables buses. Au lieu de voler partout sans penser ! Utilisez.Votre. Tête ! À moins que vous l'ayez vendu ? Ma soeur ne se serait pas blessé sans vos idioties. Les Rakuzas ne se sont pas engagés à ça. "
Arwan sent son corps s'alourdir. Les larmes lui montent. Son corps tremblote. Il se tient droit, contracté et tête baissée. Il s'accroche même à son manteau.
- Je..j-je voulais pas ça...
Jack de son côté, transpire lourdement depuis son entrée ici. Il n'a pas l'air bien. Il manque subitement de tomber mais les bras de Barnady l'en empêche.
- Capitaine... C'est à cause de la pièce ?
- Ah.. décidément, je fais tâche pour un roi. Je vous demande pardon, petit rat des forêts. C'est ma faute, n'en voulez pas au petit gars. Gémit-il.
Rat'zia enfourche le col de son frère. Elle le tire vers elle et rouspète.
- Non mais ! crier sur un enfant tu n'as honte de rien ! Pour ta gouverne, Jack nous a sauvé la mise. Arwan a sauvé la mienne. Sans eux on aurait servi de dîner à cette chose là-bas !
Son frère ne dit mot. Il tourne sa tête et soupire. Quelque part, il sait pertinemment qu'elle a raison. Mais il est trop fier pour l'admettre. Il préfère de loin rougir de honte de son côté...
Le roi-fou s'adosse à l'un des murs, épaulé par son second. Il est pâle, livide, et semble malade. Il peine à respirer. Dans sa tête résonne des voix. Les voix du passé. Il y a celle de son père qui n'arrête pas de lui crier dessus. Une voix grave que ce pirate-ci ressent avec rancœur et chagrin :
- Tu ne sortiras jamais plus d'ici !
Le moustachu, contemple les yeux perlés de larmes du petit poucet. D'une hallucination, il se voit en lui. Celui qu'il était, plus jeune. Il s'était battu pour que plus personne ne l'atteigne. Pour n'être en-dessous de personne. Cela fait longtemps qu'il avait la ferme volonté de ne plus perdre son sourire.
Maintenant qu'il pensait avoir réussi, qu'en est-il des autres ?
- Barnady. Ramène moi auprès du petit.
Le petit métisse s'était positionnée dans un coin. Le visage sur ses genoux repliés. Reniflant pour ravaler ses larmes. Jack le rejoint pour se placer juste à côté. Quelques forces demeurent, juste assez pour lui dire ceci.
- S-sèche tes larmes garçon. Ne laisse personne te faire pleurer. T..tu entends ?
- Mais j'ai-
- Rien qui mérite tes larmes.Ton sourire..il..il est precieux. Finit-il par conclure d'un sourire coupé par la grimace.
- Monsieur Jack.. répondit l'enfant d'un visage inquiet.
Son second cherchait une solution. Son chef souffre de claustrophobie. En regardant autour de lui, il n'y avait qu'une option.
- Cap' je t'emmènes à la surface, tu respireras mieux d'accord ?
Les voilà qui montent aux escaliers. Les rats sont si éreintés qu'ils ne bougent pas d'un pouce. Le pré-ado se décide à les suivre. La violoniste quant à elle, leur hurle d'être prudent cette fois. Du côté de son frère, lui, continue d'être indifférent...
Les trois mousquetaires sont en route. Plus ils prennent de la hauteur, plus les symptômes s'envolent. Les marches sont larges, le plafond est sans fond. Regarder en haut signifie percevoir la lumière d'or. Elle varie parfois d'intensité. Monter semble infini, mais cela semble valoir le coup...
Depuis qu'il peut marcher tout seul, l'écumeur des mers se prend d'envie de papoter. Quelque part, tout ceci est nouveau pour lui. Il n'aurait jamais penser partager sa route, et encore moins devenir complice avec un aussi petit gaillard.
- Dis-moi petit, le second m'a dit que toi aussi, tu viens d'ailleurs.
- C'est ça. Ça fait quelques années maintenant.
- Et, qu'as-tu découvert ?
- Ma mère me raconte parfois des histoires... Mais moi je n'ai pas le droit de sortir.
Jack se fige un moment.
- Toi aussi on t'a... Le regarde-t-il peiné.
Le roi-pirate ressasse son passé. Encore et encore. Une boucle infernal qu'il espérait avoir oublié. Qu'il aurait voulu lâcher dans une bouteille à la mer. Mais elle est revenue à lui. Il revoit le désespoir et la peur se transformer en colère...
Il revoit le jour où son père a signalé la disparition de sa mère. Il n'a jamais pu le supporter. Au lieu d'aider son fils à traverser l'épreuve, il l'a enfermé. Car si sa femme avait disparue, peut-être que son fils serait le suivant. Cette simple pensée, avait forgée une cage autour de son fils...
- Ja.. monsieur Ja... Entend-il d'un son étouffé.
L'enfant ne cessait de l'interpeller. Sans réponse.
- MONSIEUR JACK ! S'écrie le jeune.
Le souverain des océans revient à lui.
- Oui. Pardon je.. pourquoi.. je voulais te demander pourquoi cette interdiction.
- Oh... Parce que ce serait trop dangereux pour moi...
- Je ne peux pas affirmer que ce n'est pas le cas mais à un certain âge, il vaut mieux découvrir le monde n'est-ce-pas...
- Oui... Je sais qu'elle fait ça pour me protéger. Mais ça m'énerve. Beaucoup d'ailleurs.
- C'est tout à fait normal. Ce n'est pas mes affaires mais, un jour, il faudra qu'elle te laisse voyager. Lorsque tu auras l'âge bien sûr. Considère cette aventure comme une petite entrée en matière...
- Mais.. je ne veux pas être seul. J'espère qu'elle viendra avec moi...
- Je l'espère aussi petit. Je l'espère aussi...
Les dernières marchent offre leur nouveau panorama. La lumière dorée n'était autre que celles de gigantesques lustres. Ils pendent d'une poutre située devant l'immense plafond en vitraux.
Les aventuriers tombent sur une gigantesque bibliothèque. Les sens se réveillent. Une belle odeur de livre ancien remplie les narines. Une autre, plus étrange, captive. Celle d'une vapeur qui berce l'olfaction de fleur d'oranger. Une toux brise le silence qu'implique ce lieu de recueil. Les trois petits monstres se cachent par réflexe. Derrière une muraille de livre, ils entrevoient un enfant. Il se trouve derrière quatre autres rangées de livres. Il regarde dans leur direction avant de prendre la parole.
- Je sais pertinemment que vous êtes là.. Je ne suis qu'une enfant. Rassurez-vous, je ne vous ferai aucun mal.
Pas très rassurant pense le roi-mer. La façon qu'elle a de s'exprimer paraît bourgeoise. D'autant plus qu'après tout ce qu'ils avaient vu, ils n'étaient pas à l'abri d'une mauvaise surprise.
Le grand barbu ne supporte pas la vue d'un enfant en difficulté. C'est pourquoi il s'en va à sa rencontre. Jack ne peut rien lui dire, il agit tout aussi instinctivement.
La voilà. C'est une enfant finalement. Sa voix était simplement plus grave. C'est une blonde vénitienne. Sa peau vampirique luit de transpiration. Son teint est telle qu'on dirait qu'elle n'est jamais sortie d'ici. Elle a l'air mal en point. Elle n'arrête pas de tousser, à bout de force. Elle prend toutefois la peine de lever ses yeux aubergines vers eux.
- Mon enfant, qu'est-ce qui t'arrives ! S'inquiète le grand barbu.
- J'ai parcouru toute la pièce..mais je n'ai pas réussi...
- Quoi, tu as pas réussi quoi ? Dis moi ce que tu as ! Qu'on puisse t'aider.
- J'ai tout essayé. Je voulais trouver un remède...
- On est là. Tu as juste à nous dire ce que tu as.
- Je suis atteint d'arganie.
- Je connais. S'empresse de lui dire Barnaby. Il y a de quoi faire des concoctions ? De quoi mélanger les plantes ?
D'un faible geste, elle lui pointe du doigt un endroit de la bibliothèque. Le second reprend alors :
- Jack, Arwan. Cherchez partout. Absolument partout pour trouver des plantes et ramenez moi tout ce que vous trouverez.
- Des plantes dans une bibliothèque ? Rigole le commandant.
- Elle en a sûrement ramenée. Il faut y croire jusqu'au bout. Et puis regarde autour de toi... démontre le bras-droit du doigt.
Effectivement, à mieux y regarder. La pièce est rempli de grandes racines d'arbres. Ils s'étendent le long des parois, sur des vitres, et sortent parfois du sol. Avec de la chance, il y a peut-être une serre ici-bas.
Ils se mettent à courir. À tout traverser au peigne fin. L'empereur et son apprenti pirate arrachent des racines, des plantes, tout ce qu'ils peuvent ramasser. Dans l'empressement, ils reviennent en en faisant tomber. Alors qu'ils allaient revenir au point de départ, un verre se brise.
Déboulant pour voir ce qui se passe ; le grand barbu est immobile. En face de lui, une inconnue : sa silhouette fantomatique flotte dans les airs, entourée d'une espèce de vapeur rayonnante. Aussi blanc que neige. Une allure effrayante qui se retourne vers eux. Ses iris sont baignés d'une encre violacée. Sa courte chevelure grisonnante lévite et ondule. C'est une femme, pas une enfant.
Le barbu s'étrangle à parler.
- Mais où ! Où est passé l'enfant ! Un fantôme a kidnappé l'enfant ?!
Elle lève légèrement son menton, regarde chacun d'entre eux, puis répond d'une voix douce et envoûtante :
- Permettez-moi de me présenter plus honnêtement. Je suis Noor, la gardienne d'Atlas.
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Prochain chapitre : Tout risquer.
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