29 - Ils sont nés part IV

Peut-être n'y a-t-il rien de pire qu'une solitude involontaire, plongé dans le chaos de notre esprit qui s'effrite comme une flamme, qui se perd dans ses dernières étincelles. C'est seulement avant de se rendre compte que l'on n'est pas si seul que ça.

Ils détalent, décampent à grande foulée au cœur d'une zone où la clarté est avalée. Ils fuient, s'envolent, s'évadent de cet étau d'obscurité qui se resserre à chaque seconde. Leur souffle se coupe, s'asphyxie par la pression de la chasse qui s'éternise sous les rires des assaillants. Ça se rapproche, ça vient vite. D'un moment à l'autre ils sentiront leur corps frémir au toucher de ces monstres. Ils sentent les regards qui se posent sur eux.


Des silhouettes se distinguent pour disparaître aussitôt : ils sont là. Drystan s'acharne à accélérer sans regarder derrière. Ils traversent, trébuchent et se relèvent aussitôt au cœur des couloirs étroits qui s'étranglent à chaque virage. La lumière devient rare, jusqu'à ce que les lueurs s'éteignent : ils sombrent et se perdent dans la nuit profonde; les visages se fondent dans l'obscurité, comme les mains qui glissent par la sueur de leurs angoisses, désormais décrochées et livrées à elles-mêmes...


Il n'y a soudain plus que le vide, que ces doigts qui tentent de se rattraper, se retrouver, circulant dans les ténèbres en vain... Il n'y a plus rien. Plus aucune trace de l'autre : disparu au beau milieu de l'inconnu...


C'est ici qu'un silence règne en pesanteur et résonne comme un poids sur les épaules. Ils murmurent alors, s'appellent mais ne peuvent crier. Ô qu'ils aimeraient hurler pour réclamer le calme, la liberté d'être, sans qu'aucun ne puisse dicter le moindre de leur pas. Ils veulent vivre, ils tiennent à leur propre survie au détriment du reste, mais c'est le fait d'être ensemble qui leur donne le courage d'affronter la suite. Hélas, ils sont désormais bien seuls...


Ils paniquent, bougent et se cognent à différents endroits qu'ils ne peuvent pas reconnaître, privés de lumière, aveugles, incapables de discerner le moindre objet si ce n'est de brèves mouvements. Des jeux d'ombres au travers la caverne propose des hommes ? de la fumée ? ils croient rêver. Leur instinct les poussent à suivre ce qui bouge par-delà le regard, à traquer toute présence qui surgit comme une illusion...


Puis quelque chose les poussent, les éjectent au sol la tête la première. Ils se redressent pour faire face, faire front mais leur environnement change : une pendule se plaque contre leurs rétines. C'es un œil , un trou noir et profond, sans issue, un abysse qui emporte leur regard dans les tréfonds de l'hypnose...


Chacun de leur côté, quelque chose prend place, à l'intérieur de leur corps, à l'intérieur de leur esprit. Leur gorge se crispe, leur langue tourne, seule, sans qu'il ne veuille lui-même intervenir. Leur voix s'active, seule, comme si quelque chose prenait soudainement le contrôle. Le petit se tient la nuque, porte la main sur sa bouche pour s'empêcher de parler, mais ça parle dans sa tête. C'est son timbre, le même qu'il utilise lorsqu'il se met à penser.


'' Que peut faire un petit dans cette situation ? dans tous les cas je suis le problème''


'' ET LUI ! À quel point faut-il être faible pour conduire un enfant ici ? droit dans la gueule du loup, oh oui bravo il s'en rend compte mais c'est pour mieux me perdre juste après ! Il est faible ! c'est qu'un lâche, il ne vaut rien, il sert à rien... ''


Ces mots envahissent ses pensées et ses émotions, il le pense vraiment, mais ce n'est pas ce qu'il souhaite dire, ni ressentir, mais c'est là; même s'il veut croire que cela vient d'ailleurs. Il ne peut pas admettre que cela ne vient pas de lui. C'est bien lui : l'ombre qu'il souhaite laissé derrière le soleil de sa gentillesse...


Drystan est accablé, criblé d'images, contrairement aux jugements perpétuelles que se coltinent l'enfant. Il fait les cents pas, se tire les cheveux face au regard de ses frères qui appellent à l'aide sans qu'il ne puisse réagir. Sur ces enfants qui pleurent à chaude larmes lorsqu'il s'est retrouvé à reproduire la file de la honte, nombres actions qui ne l'ont pas différencié de ceux qui lui ont fait du mal...


Lorsqu'il a mené des enfants à l'orphelinat, où des hommes au sanctuaire des damnés, que ces mêmes personnes se sont retrouvés piégés face au déphasés, sans que personne ne se rappelle d'eux, mais il se souvient de tous les noms...


''Alex, Suzie, Arthur, Tyrion, Mila...''


Et ça tourne en boucle. Les échos lointains d'Arwan le pousse dans le néant, au cœur de son chagrin. Ses regrets continuent de le noyer, sa culpabilité de le ronger, bloqué et incendié par ses propres insécurités...


'' Tout ça, c'est de ta faute, et tu ne pourras jamais retourner en arrière.''


Pendant ce temps, la colère est toujours en train de noircir le cœur du petit homme. C'est par la tristesse et son rejet du mal qu'il lui vient à l'esprit des mots, des conseils, si précieux. Une scène, si spécial pour lui : les seuls qu'il a pu connaître avant qu'il ne parte...


Sur la péniche de son enfance, Arwan n'a que sept ans, mais sa curiosité insatiable est ornée d'impatience, et il ne peut comprendre pourquoi on lui a interdit de les entendre. Il y allait avoir une conversation privée entre son oncle - qu'il n'avait pas vu depuis longtemps, et sa mère. Il commençait tout juste à placer son oreille contre la porte du pont qu'elle s'ouvre sous le sourire jaune du tonton :

- Je le savais, on essaie de voir si on peut te faire confiance, mais c'est pas encore le cas apparemment ! Tu es encore trop petit pour comprendre, si on te demande de ne pas entendre notre conversation, c'est qu'il y a des choses qui doivent rester entre adulte, chose que tu pourras mieux comprendre au fil du temps !


- C'est toujours pareil, je suis tout le temps exclu, si on me parle pas, COMMENT JE PEUX GRANDIR ?! réplique-t-il en courant vers sa chambre.


Le jeune garçon s'enroule dans sa couette, serre son oreiller et commence à taper contre les murs. Il cri dans ses peluches et les larmes montent, épuisé de se sentir seul sans personne pour comprendre qu'être enfant c'est se sentir à part, même de sa propre famille... C'est sans compter sur la porte de sa chambre qui s'ouvre sur le lancé d'un coussin qu'il n'arrive pas à esquiver. Une bataille de polochon éclate, et ce, jusqu'à épuisement...


Essoufflés, les voilà en mesure de parler calmement. John tente une approche :


- Tu te souviens des jeux qu'on découvre ? il y a toujours des instructions à suivre, qu'on doit apprendre avant de jouer.


- Mhh.. gromèle le boutchou.


- Et bien, la vie c'est pareil, mais version Ultra Méga difficile. Le niveau 1 du jeu, c'est l'enfance. Mais s'il y a bien une différence entre jouer et vivre, c'est qu'on ne redémarre pas depuis le début, et qu'on a pas de notice Alors le but n'est pas de grandir, mais d'apprendre à grandir, tu comprends ?


- Mais comment je suis censé-


- Attends, j'ai pas fini... Le tutoriel qu'on te donne, ce sont ces années à observer, à apprendre et se laisser le temps d'évoluer étape par étape, niveau par niveau pour que les boss du monde adulte soit plus facile à affronter. T'imagines si bébé on te mettait en costume pour aller demander du travail ?

Ils se mirent à rire avant qu'ils se câlinent...


C'est à dix ans qu'il comprend enfin le sens de ces mots....


Soudain il n'est plus ici, transporté d'une seconde à l'autre, ce n'est plus là où le vide faisait pression sur son esprit. Il se trouve au beau milieu d'un jardin, en face de deux géants arbres fruitiés. Ces deux, juxtaposés et centrés, ont des particularités fantastiques.


Celle de gauche propose une fresque multicolore, avec des fruits bleus, violets et verts. Tandis que celle de droite est d'une écorce rouge, où ses branches portent une séparation distincte entre l'ensemble de ses feuilles et fruits : le noir et le blanc. Ce dernier est d'ailleurs blessé, une sève grise s'en échappe.


Il s'apprête à faire un pas en avant, mais il y a une voix féminine dans son dos qui l'en empêche :


- Je savais que tu reviendrais me rejoindre, Arwan.


Il se retourne promptement avant de percevoir une silhouette, trop lumineuse pour la regarder de face, elle a un visage gracieux, des traits fins et une longue chevelure, mais tout est peint de blanc tant la lumière est intense.


- Madame la chevalière ! ? Vous-vous parlez normalement ?!


- C'est tout ce qui t'évoques nos retrouvailles ? pouffes-t-elle de rire.


- Oh que non ! Si vous saviez tout-


- Je sais, je ne vous ai jamais quitté. Et bien que j'aimerai jacasser, l'éden de votre âme est fin prête à recevoir son premier fruit karmique.


- Hein ? mais qu'est-ce que-


Surgit une lumière vive, une brûlure qui l'empêche de parler, saisissante, reprit par une douceur, un pouvoir, des forces qui le gagnent. Il s'écrit sur sa poitrine, une telle chaleur qu'il souhaite retirer son haut. Très vite. Vient alors un symbole sur son torse : une forme géométrique.


Elle est composée de traits gras et grand qui s'élancent par quatre cornes de béliers, les deux premières sont collés aux autres par effet miroir. Le centre sépare les deux parties par un prolongement en croix, qui forme un triangle en son milieu, et des flèches ou des pointes d'épées sur ses côtés.


Les coups de pierre qu'il reçoit le réveille d'un coup...



L'officier lui, perd pied, ses genoux s'écrasent contre le sol, ses larmes rencontrent la roche et distille une rivière de mensonge. Des pas décidés s'ébruitent, en sort un profil familier, sombre, un visage obscur dotée d'un sourire immonde qui se découvre et qu'il connaît jusqu'aux bouts des ongles : un ancien. Ce dernier ricane, s'approche sans crainte pour s'abaisser à sa hauteur et murmure à son oreille :


- Tu as toujours été notre propriété, abandonne, tout, ton identité, ta vie, c'est fini, ta rébellion prend fin aujour-

Un fil d'argent traîne le monstre sol jusqu'à remonter pour le suspendre au plafond, l'entourer façon ''momie'' avant que Drystan se frotte les mains et réponde :

- Désolé, Mamidou est plus convaincante.


'' Lâches-donc tes souvenirs va, le présent se vit pas dans le passé à ce que je sache ! '' disait-elle bien souvent.


Il regarde un instant l'oppresseur devenu saucisse, certain de l'avoir maîtrisé. Il s'apprête à lui tourner le dos quand une patte le bombarde sur le mur d'à côté. Tout s'écrase et tremble à l'impact. Sous la poussière, on le voit, tremblant sur son lit de fils qu'il a su déployer à temps. En face : un ours, ses longues griffes sont si affutée qu'il ressent encore le coup sur son corps, protégé in extrémis par ses câbles.


- JE PEUX PAS AVOIR UN PEU PLUS DE CHANCE DANS LA VIE ? ! hurle-t-il de douleur.


Au pieds du mur, il y a parfois des crevasses où s'engouffre des petites fées. Ici, c'est un poil différent, c'est le cas de le dire. Quelque chose s'échappe en mouvement, plusieurs mêmes: des petits êtres. Ils ne paient pas de mine comme ça, mais sont toujours très utile pour lancer un petit morceau de musique. Un solo de basse enclenche la manœuvre. Une pluie de petits cailloux lancés percutent l'hypnotisé d'un rythme endiablée.


- Toc toc ! On se réveille ici, c'est pas le moment de dormir.


Les vibrations de leur musique enferme les monstres dans des dômes et on les remarque clairement. L'un tient une peau teintée de nuit, où de légères tâches blanches font penser à une nuit étoilée, et l'autre à un animal : c'est un ours. Il se tient peut-être à quatre patte, mais il est indissociable d'un ours à qui on aurait mit une cape mystérieuse.


Tout le monde se fige face à ce qui se passe : Arwan est pris au piège par la force qui grandit en lui. Une énergie bourdonne en lui, comme si quelque chose allait sortir. Un cercle se dessine, s'illumine de feuille d'or au dessus de sa tête, comme un phare dans la nuit. La puissance solaire s'impose comme un astre puissant sur le point d'exploser.


Sa lumière, intimidante, étincelante et purifiante repousse la terreur nocturne des lieux. Un halo d'ange débarque pour annihiler le moindre maléfice de sa sonorité laser. Une fumée blanche l'entoure avant qu'un vent s'amasse et prenne une couleur. Soudain : une rafale surplombe et transperce le dôme d'une chaleur étouffante.


Tout le monde plie les genoux, impossible de se lever, accablé par la pression. La bourrasque dense et forcenée rencontre une puissante brume noire crée par la momie libérée de sa prison. qui lui fait face. Il pousse et repousse les abominations d'un cataclysme énergétique, un choc mythique qui foudroie les environs d'éclairs lumineux.


Ainsi la mort, venu pour cueillir leur faiblesse, n'a récolté que leur naissance et celle de nouvelles qualités...













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