28- Ils sont nés part III

La nature humaine naît de l'influence. C'est une transmission, une connexion entre les autres qui nous unis. Mais comme toute polarité, parce que toute chose a son opposé, elle peut nous séparer, ou nous maintenir sous contrôle. Pour l'idée que l'on se fait du mal, l'influence entre comme un parasite dans l'esprit de sa victime, pour agir sur ses choix avant qu'elle ne puisse en avoir conscience. Et si par miracle elle s'en rendrait compte, les dégâts seraient dors et déjà irréversible.

Puis il y a les liens : ceux qu'on utilise pour un pantin, et celles qu'on tisse pour ne plus être seul. Parmi toutes celles et ceux à qui les chaînes briment leur véritable identité, il y a en chacun un cœur qui ne demande qu'à les briser...

Le moindre pas lacère la poitrine de Drystan sans qu'il ne puisse comprendre pourquoi. L'officier et la personne qu'il est se dispute, l'un pour obéir, l'autre pour rappeler son humanité, sa conscience réprimée, bien enfouis au fond de lui. Ils avancent en silence, sortent de la pièce macabre pour retrouver le gouffre, tous deux perdu dans leurs pensées et tourments.

Le petit est affaibli, étourdie par la manifestation d'une énergie puissante en lui qui a tout de suite réagit à la menace. Cette force continue de lui faire du mal, des fragments de mémoires, d'émotions instable gouvernent son coeur et ses pensées, mais tout est floue et chaotique. Tout semble familier, mais quelque chose lui dit que cela ne vient pas de lui. Il s'est senti soudain capable de balayer d'un geste ses ennemis, et dans le même temps, étouffé par une puissance maléfique.

'' Comment peut-il obéir à..ça. Est-ce qu'il les voient vraiment ?''  pense le jeune homme, déboussolé par le comportement de l'argenté. 

La gorge nouée, les mots souhaitent sortir mais quelque chose le retient, comme si le son lui-même n'autoriserait pas qu'il les prononcent...

Ils parcourent ainsi un long chemin, après avoir passé la herse du camp principal. Tout un labyrinthe défile peu à peu, entre les différentes portes, portails et tunnels. Le prisonnier et son geôlier sont dans une impasse, perturbés, court-circuités par la confusion que ces évènements prodiguent. Ils ne savent plus quoi faire, comment réagir, se comporter pour sortir de leur état, pour retrouver la paix, la légèreté que tout homme chasse comme idéal. Ils sont désormais isolés, loin d'eux-mêmes, embrumés.

Après quelques zigzagues par-delà les sentiers du gouffre, il y a par-delà la poussière ambiante, un mur colossal qui se dessine au loin. À y voir plus clair, il s'agit d'une porte en acier noir. Il n'y a étrangement personne, mais leur arrivée au pied de celle-ci, le centre du mur s'est illuminée  : une pyramide s'est mise à briller. Le gris, l'argent, le bronze, l'or, toutes ces couleurs resplendissent d'une lumière mouvante, comme un liquide qui se baladerait entre les lignes.

Un cadre transparent se dévoile, et le cœur du petit s'emballe. L'inconnu qui se dresse derrière cette glace n'est autre qu'un masqué, il les reconnaîtrait entre milles. Le blanc éclatant. Sans bouche, nez ni cheveux. Une mascarade qui porte au visage le dessin de yeux étirés en diagonales, d'une sclère entièrement éclairée de rouge: un membre de l'ordre. Arwan voudrait hurler mais n'a plus la force de rien. Il se contente d'entrouvrir la bouche, de trembler, serrer ses poings alors qu'il y a en lui une énergie qui ne sait pas où se placer. Ses yeux font mal, ils s'illuminent par instant, il claque alors son visage pour cacher ses yeux. 

Face à cet effroyable rencontre, Drystan n'est pas étonné, laissant le jeune garçon abasourdi. 

Il n'y avait là pas de colère, mais du chagrin, une déception profonde qui pèse énorme sur les épaules de l'enfant. Plus rien ne semble avoir de sens, la sensation que le monde se ligue contre lui, qu'il s'effondre sur lui-même. Abattu, il se trouve las, épuisé, résigné au sort qu'on lui réserve...

Ce qui rend perplexe l'argenté en revanche, c'est qu'il ne faut qu'un regard au membre de l'ordre pour le laisser passer. On lui avait jusqu'alors tout interdit, mais les portes s'ouvrent à présent sans opposition...

Soudain, on entend un mécanisme assourdissant : le métal tremble, bouge, puis ouvre un petit passage qui se referme instantanément après avoir été passé. Les voilà dans l'obscurité totale.

'' On y est enfin, nos réponses se trouvent ici Mamie, attends-moi. ''...


Quelques années auparavant, dans une salle de classe de l'orphelinat.

- OH ! IL EST LÀ ! Drystan est rentré ! annonce un enfant heureux. 

Les autres boutchous sautent de leur chaise pour venir l'interpeler joyeusement.

- Drystan ! 

- Drystan ! 

Le jeune homme, tout juste dix-neuf ans, entre dans la classe après une expédition pour travailler ici, à l'orphelinat. Ses multiples blessures au visage font frémir les petits qui ne s'approchent pas trop près.

- Oui, oui je suis là, chht. Calmez vous les petits d'hommes. Faites attention ! murmure-t-il.  les autres instructeurs risquent d'arriver à tout moment. En attendant, je vais vous livrer quelques secrets, à garder pour vous par contre !

C'est ainsi qu'ils leur livraient discrètement quelques informations recueillis de l'extérieur, de ce monde qu'ils ne connaissaient pas, qu'ils ne pouvaient pas connaître. Ils n'attendaient que ça, ce savoir enseigné était pour eux le plus beau des cadeaux. Sa présence faisait de lui, l'incarnation de noël, de l'espoir et des meilleurs moments de leur vie.

Les règles ici-bas étaient formelles, ''les informations ne sont accessible que sous supervision''. Bien évidemment, si le jeune instructeur était vu, il serait châtié par la pire des manières. Aucun enfant n'avait l'autorisation d'un adulte pour ce genre de sujet, encore moins s'il s'agit de dehors. Ils jetaient, brûlaient les livres qu'ils avaient réussis à voler, jusqu'à virer de l'orphelinat ceux qui rééditaient, comme ils l'ont fait pour Uriel et Juyo, les frères de coeur de Drystan...

Quelques instant plus tard, on entend des discussions venir du couloir. Tout le monde se met à leur table, concentré, sans un bruit avec leur livre d'apprentissage. 

- Qu'est-ce que c'est que ce raffut ? Qu'est-ce qu'ils font debout eux ?! signale amèrement une vieille dame à binocle qui entre soudainement, armé d'un bâton noir, fin et souple comme le serait un fouet.

Deux d'entre eux n'ont pas pu se rasseoir, ils étaient debout, presque assis. L'instructeur joue son rôle à la perfection : 

- J'ESPÈRE POUR VOUS QUE VOUS RETIENDREZ LA LEÇON, PARCE QUE ÇA NE ME DÉRANGE PAS DE VOUS PUNIR JUSQU'À CE QUE VOUS NE PUISSIEZ PLUS L'OUBLIER !

- Ou..OUI MONSIEUR ! s'écrient les deux enfants en sueur, alors qu'ils perçoivent du coin des yeux, le clin d'œil masqué de l'instructeur. 

- Bien, sourit la vieille dame, satisfaite. Les anciens requièrent votre présence, monsieur Drystan.

- Je vous suis, Orga...

L'orphelinat est un lieu très étrange, comme la plupart des endroits de l'orphelinat d'ailleurs. La classe et les lits sont les seuls endroits qui demeuraient classiques, à l'exception du fait qu'ils tombaient en lambeaux. Des chaises à échardes, jusqu'aux tables en bois instables, il n'y avait rien d'idéal, c'était voulu.  

Le jeune instructeur se voit accompagné jusqu'aux directeurs des lieux par deux autres éducatrices, les pestes qu'il connaît depuis toujours. Celle qui s'est mise en avant pour lui annoncer la nouvelle, éclaire leur route avec une lanterne. Drystan, lui, tente de cacher sa nervosité, les mains retroussés dans les manches, puis se hâte de suivre la trace de la dame à binocle. 

Ils longent des couloirs sombres en pierres, entre quelques cris et pleurs, claquements et croassement de corbeaux en cage. Une ambiance féérique et très accueillante, où rien n'était sûr ni illuminé. Il fallait favoriser l'austérité : la douleur et l'inconfort sont donc prioritaires.

- C'est bien la première fois qu'ils t'appellent, j'ai hâte de te voir fuir en pleurant mon cher. s'exprime la binoclarde sous les rires des deux autres qui ont jusqu'alors ''éduqué'' fermement les jeunes pousses. 

''De vrai gamins''. pense-t-il les yeux en l'air.

Il ne les regardent plus avec colère, mais avec pitié car il sait que sans ses frères il n'aurait pas pu maintenir le cap. Après tout, on ne quitte jamais vraiment l'orphelinat. Lorsque les enfants grandissent, ce sont eux qui prennent le relai pour la génération à venir... 

Une énième porte s'éclaire partiellement par les flammes où de longues ailes noirs sont représentées, centrées autour d'une pyramide colorée. Une gravure gothique et orientale qui marque les consciences...

Orga s'approche pour poser l'une de ses bagues en forme pyramidale sur une fente de l'entrée, la porte se dématérialise d'un seul coup : elle a disparu. Cette étrange mécanisme le fait sursauter. 

''Ils ont la sale manie de tout faire en grand ces vautours...''

Ils s'infiltrent au cœur de l'immensité, un vaste palais qui se transcrit par d'immenses statues ailées, alignés derrière chacune des chaises d'un large banquet. Des bougies parsèment chaque recoin et établisse une atmosphère glaçante. Il remarque à présent la haute table qui l'entoure. 

Elle forme un énorme rectangle qui l'encercle, De gigantesques chaises épousent la silhouette de chacune des ombres présentes. On ne voit pas grand chose, ils sont encapuchonnés, seul leur bouche est admirable. Une voix profonde rompt le silence. Drystan se tourne vers son interlocuteur et croit halluciner, sa bouche n'a pas l'air humaine, on dirait..un ours ? Il ricane nerveusement, pensant que sa tête lui joue des tours.

- Nous t'attendions. Ce soir, nous délibérons. Tu t'es rebellé contre nous lors de la phase de motivation, mais tu en sors grandi, regardes-toi maintenant...

''Motivation... Ah oui c'était très motivant de se faire martyrisé, d'être privé de sa famille, de ses rêves et du monde extérieur, d'être toujours dans un mal être qui ne te quitte pas.''

Au lieu de suivre ses pensées, son sourire hypocrite parvient au regard de ces ''anciens'' sur leur piédestal, à cela il entrouvre la bouche pour répondre, mais l'un d'entre eux reprend le flambeau.

- Oui, je l'ai toujours eu à l'œil, je pense qu'il est prêt à nous servir d'avantage. 

- Doubiel, Gadrel, je ne vous comprends pas. Cet hum-.. le numéro 46 a peut-être gagné son nom, mais il nous a prouvé qu'il est capable de trahison. 

- Allons, avoir du caractère n'est-il pas ce que l'on cherche d'un officier ? Sans leadership, comment cadrera-t-il nos nettoyeurs et nos privilégiers, nos instructeurs et nos prisonniers ?

Drystan connait maintenant sa position : on souhaite lui offrir ce grade, il se rapproche enfin de ses objectifs

Les directeurs se mettent à jurer, à se disputer jusqu'à ce que ''gueule d'ours'' appelé Doubiel, cesse les affronts. 

- SILENCE. Maintenant, votons à main levé. 

Il y a une égalité parfaite, le maître de cérémonie s'adresse alors à celui qui est au centre de leur préoccupation : 

- De ma plus grande bonté numéro 46, Drystan, je t'offres la possibilité de choisir ton destin. 

C'est l'instant qu'il a cherché depuis des années. Le moment de leur donner une condition, la seule et unique qui compte : 

- Si vous permettez, je vous laisserai ma vie à disposition, je vous implore de sauver ma grand mère.

C'est à cet instant qu'il eût scellé son sort et celle de sa famille. Un double échange qui permet à sa mamie d'être prise en charge par leur médecine, de retarder la maladie jusqu'à ce qu'il trouve le moyen de la sauver. En échange, il vouera sa vie au projet du sanctuaire, en tant qu'officier...


Maintenant

Il y a un brouhaha lointain. Quelques lueurs plus loin les guident, tout comme ces sonorités divers et variés. Une source d'eau ne semble plus très loin d'eux. Ils marchent sans voir où ils mettent les pieds, jusqu'à tomber sur une arche, à côté d'une cascade. Il y a des renfoncements circulaires, des stands et des acheteurs, des marchands et des citoyens. 

Au centre un cercle de pierre, bordé d'un escalier de roche, surélève une énergie en mouvement, prenant différentes formes. Ce portail est enfermée par une tantième herse. Plus loin, on y voit de nombreuses personnes se pavaner en toute quiétude : ils semblent faire marcher une économie d'inventions, à base de cœur ou encore de cerveaux de monstres.

Cette vision est déstabilisante, mais Drystan est au courant de ce que les déphasés deviennent. Ce qui le dérange néanmoins, c'est de savoir que c'est une véritable attraction. La brèche ne semble même pas dangereuse, il y a des habitations ici-même... Ils semblent tous plus ou moins riche, leurs beaux vêtements en disent long...

 Trois hommes sortent soudain du portail, ils rigolent à foison et personne ne semble faire attention à eux. Survient de l'ombre, derrière l'argenté, un membre de l'ordre qui continue  sa route pour parler à ses seigneurs. L'officier les reconnaît alors qu'ils ôtent leur cape. Le plus marquant : leurs yeux. Le néant, le vide, l'abysse, il n'y a dans le regard aucune lumière. Alors qu'il voit que l'un d'entre d'eux est un ours qui se tient sur deux pattes, il accroche le bras d'Arwan, et le tire vers l'arrière pour le protéger. Son regard se porte sur le garçon, et la peur qu'il entrevoit dans ses yeux, lui rappelle soudain ses frères avant d'être martyrisé...

Depuis tout à l'heure, le petit est en train de se battre intérieurement, il n'arrive plus à revenir à lui, tiraillé par des forces qui le dépasse. Et ce, plus intensément maintenant que ces démons sont là. Ces derniers se tournent, il le remarque, c'est leur ennemi, ça se lit sur leur visage, mais l'argenté remarque quelque chose.

'' Ils ont peur..''

L'officier au regard émeraude voit les liens qui le transforme en pantin lâcher lorsqu'ils s'avancent vers eux. Les fils se détachent, les uns après les autres, au fur et à mesure que ses supérieurs inhumains se mettent à courir vers eux. Le temps presse. Drystan, au quart de tour, se déhanche, tire puis soulève le petit à bout de bras. Ils déguerpissent dans l'obscurité avant d'entendre un battement. Quelque chose vole, se rapproche à grande allure.

- JE VOUS L'AVAIT DIT, C'EST UN TRAÎTRE !

 Soudain, une masse d'air les écrasent au sol, le petit est lancé au loin, hors de son champ de vision...


( Ah les amis... Je n'aurai jamais imaginé prendre tant de temps, ni autant de parties pour la finalité espérée, mais il s'avère qu'une partie IV est prévue ! Quelques jours plus tard, vous aurez pour sûr le dernier mot de la naissance...)





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