21 - Je n'ai pas le choix.

Avez-vous déjà imaginé redécouvrir la vie, le monde, ses éléments à foison dans ses plus grands élans de beauté ? La seule façon serait peut-être de prendre le temps d'observer, de considérer ses alentours, ou d'être passionné. La seule manière que l'on entrevoit vraiment, se situe ici, comme dans ses rêves.

Arwan est immergé d'enthousiasme. Ses yeux sortent de leur orbite. La bouche complètement béante, des cheveux froissés par l'une de ses mains. Honnête, il interroge :

- Woah mais c'est quoi tout ça ?!

- Mon labo, c'est tout.

Même face à cette réponse rationnelle, il ne peut s'empêcher d'aller toucher des yeux, et des mains discrètement, l'ensemble de ces inventions. Il y en a partout. Il se trouve dans un grand salon bordé d'un escalier. La luminosité tamisée est violacée. La pièce est assez sombre pour émerveiller, assez claire pour en mettre plein la vue.

C'est une ambiance féerique qu'imposent les bocaux et liquides des fumées qui s'en dégagent. Il y a sur les tables, de nombreuses concoctions et mécanismes à vapeur. La salle est disposée en grand rectangle où s'exposent de larges tables de cuisine en pierres noires, exactement comme le coin des Forge-coeurs qu'il avait pu contempler avant de se faire poursuivre par les peaux multicolores.

Pour l'instant, la jeune fille ne dévoile aucun sourire. Elle ressemble à Ayna sur ce point. Il se rappelle d'ailleurs, que cette dernière est seule face à ce qui semble être son frère, sans sa mère pour l'épauler.

C'est cool mais, je ne peux pas rester. Pense-t-il attristé.

Il se plonge dans les yeux bleu de la tressée-blasée, et plisse les yeux d'incompréhension. Plus il la regarde, plus il se demande pourquoi et comment ça se fait qu'elle est ainsi. Comment peut-on être aussi insensible face à ce lieu du futur. Peut-être qu'elle a l'habitude, et c'est justement cette pensée qui relie cet instant à son passé, et plus exactement son oncle.

Ce dernier et son neveu s'étaient installés confortablement sur un large canapé, à côté d'un grand hublot qui démontre l'allure fantastique de l'océan. Ils vivaient comme à leur habitude : sur une péniche.

C'était une période de rébellion pour le petit. Il commençait sérieusement à s'isoler, et n'avait que pour seule compagnie ses dessins pour ne pas penser à la difficulté d'être nomade. Ils l'étaient par circonstance, impossible de rester bien longtemps sur le sol. Alors, au cœur de cette période de doute et d'instabilité, John avait décidé que c'était le moment. Il était temps de l'encourager à garder le meilleur pour l'avenir. D'une tendre tonalité, il lui avait adressé ces mots :

- Je vais te dire quelque chose. Écoute-moi bien attentivement, c'est important.

- D'accord...

- Tu as beau n'avoir que sept ans, tu comprends énormément de choses. Alors peut-être que tu ne vas pas saisir tout de suite le sens de mes mots, mais tâche de t'en rappeler, okay ? Un jour, ça pourrait servir . Plus tu vivras, moins tu seras émerveillé par le monde qui t'entoure. C'est déjà le cas, n'as-tu pas remarqué ? Je suis triste de te voir aussi fermé, car tu manques de profiter de ce que la terre a de meilleur. Je parle aussi des autres. Des relations que tu pourrais avoir. Des amis, un amoureux, une amoureuse... Promets-moi que tu seras curieux, que tu essaieras d'apprécier la vie, car il y a plus de beauté que l'on voudrait bien le croire...

Ce qu'il lui disait prenait sens, tout en restant inexplicable. C'était une sensation particulière, une chaleur, un amour reçu en cadeau pour le petit homme. Alors il ne put s'opposer, il se contenta simplement d'acquiescer :

- Mhh. Okay, promis...

- Promesse du petit doigt ?

C'est ainsi que les auriculaires se sont entrelacés, autant que les souvenirs qui lui reviennent à présent...

L'évolution du regard humain se rapporte en trois étapes. En premier, le bambin : il entrevoit de ses yeux neufs, toute la richesse que la nature et son fonctionnement apportent. En second, l'enfant : il commence à s'y habituer. Alors qu'un adulte n'y fait plus attention : il banalise.

Ces marches vers le progrès sont ce que la civilisation a développé. Plus les découvertes s'enchaînent, plus le monde se complexifie jusqu'à perdre son essentiel. C'est comme grandir. On passe trop de temps à croiser le chemin de ce que l'on voit en surface, sans jamais observer ce que l'on a devant soi...

C'est maintenant qu'il le comprend. Aujourd'hui. C'est maintenant qu'il saisit le sens de ces mots. Sa gorge se noue, ses larmes montent pour redescendre. Son cœur se crispe : c'est son tonton, il lui manque énormément... Il est tellement las, épuisé de devoir se battre et échapper à tant de choses qu'il se rabat sur une chaise sans même demander s'il pouvait s'asseoir. L'expression de la jeune fille l'a mené à déprimer un peu.

Trop pensif, nerveux, mais aussi drainé d'énergie positive. Il aurait tous les droits de faire la même tête, de se laisser aller à ses émotions négatives, mais Arwan se bat. Pour lui, pour survivre sans repères, mais garder le peu qui reste : son cœur et sa bienveillance...

Il ne sait pas comment rentrer, s'il le pourra, quand il le pourra. Une nouvelle fois bloqué par des circonstances mystérieuses, se laisser abattre n'est plus une option, et il ne laissera certainement pas sa langue rangée bien sagement.

Son sourire disparaît. Le phoenix déploie un regard intense, perçant. Sa voix s'alourdit, se stabilise pour imposer d'une voix plus grave :

- Qui sont ces gens, et qu'est ce qui se passe, donnez-moi une réponse, s'il-vous-plaît.

Embarqué dans ce qui le dépasse, son jeune âge freine la considération d'autrui : ils tournent tous autour du pot. Il eut au moins le cœur de rester polie. Ainsi, la seule solution qu'il ait trouvé pour avoir ses réponses, ne réside que dans l'autorité.

Chose qui a l'air de fonctionner, au vu des explications données par l'assomeuse :

- Nouveau ici, hein ? Ça a pas toujours été comme ça, mais depuis que les seigneurs ont remarqué notre présence, il y a de moins en moins de surveillance. Du coup, pas mal de criminels sont en liberté. Bienvenue chez moi sinon, c'était pas vraiment à moi, mais maintenant que je suis toute seule, ça l'est.

- Toute seule à ton âge ?! rétorque-t-il surpris.

- Hey ! Je suis pas si jeune. J'ai quinze ans quand-même. Tu t'es vu ?

Le petit s'est mit à ouvrir la bouche, choquée, et c'est ainsi qu'ils se sont mit à rire. Le stress est enfin dépassée, ce qui leur permet de faire plus ample connaissance. Elle se montre plus courtoise, plus chaleureuse. Ils se sont installés sur une table ronde, des cookies à disposition. Son aînée, devenue soudainement curieuse, se mit à le questionner :

- Donc tu n'es pas né ici, d'où est-ce que tu viens ?

- Ah ! Ma mère me dit toujours que je suis un fils de l'océan, parce qu'elle m'a donnée vie sur une péniche. En même temps, après ce que le monde à traversé alors que je n'étais même pas né, la terre était un luxe. Il fallait être riche ne serait-ce que pour prendre des vacances sur le peu d'îles qu'il y avait...

- C'est une belle histoire ! Tu en as de la chance, moi, je ne sais pas d'où je viens.

- Oh je suis désolé. Mais alors... Qui a pris soin de toi ?!

- J'ai été élevé dans un orphelinat...

- Oh, ça a dû être dur.

- Non, c'est ma famille, et je leur envoie de l'argent, mais ça ne suffit plus. Je dois faire plus, beaucoup plus...

Elle semble contrarié, crispé, elle se ronge les ongles et serre les poings avant de reprendre :

- Je n'ai pas trop envie d'en parler, désolé. Sinon, je t'ai trouvé impressionnant là-bas, on peut dire que c'était chaud !

Un petit sourire complice se dessine entre les deux individus avant qu'il fasse preuve de vantardise :

- Et encore, tu n'as rien vu ! Je peux soigner aussi ! Je crois que ce sont mes larmes qui font le travail...

Elle s'est mise à froncer les sourcils, avant de répliquer :

- QUOI ?! Je veux dire, comment c'est possible ?

- Je suis pas sûr, mais on m'a dit que j'ai une plume de... Oh non oublie.

Il s'est rappelé qu'en dire trop est peut-être une erreur. Il est surpris de la réaction colérique de cette dernière :

- ROH DIS MOI. crie-t-elle en tapant sur la table.

- Hein ? Ça va ? Tu m'as fait peur...

- Oui, oui, je suis un peu stressée en ce moment je.. je vais nous servir une infusion, tu en veux ?

- Euh.. Oui, okay..

Elle se met à murmurer des choses, à se gratter la tête, tandis que le petit porte son regard vers les différents vases, plantes et sujets de laboratoires. Il n'avait pas remarqué qu'il y avait une ribambelle de petits être enfermés dans des cages. C'est une scientifique, ça c'est sûr. Elle revient vers lui, et lui offre sa tasse.

Il en ingère une gorgée, et sent son corps s'abandonner. Sa vision s'obscurcit. Il se lève et perd l'équilibre avant d'entendre les mots de la brune :

- Désolé, je n'ai pas le choix. Pardonne-moi.

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Prochain chapitre : Ma famille.





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