14 - Séraphins

- Ayna, calme toi. Vous vous connaissez ? interroge la mère.

-Mais enfin maman c'est un étranger ! Tous les Séraphins vont lui tomber dessus. En plus, il est seul. Il n'a pas pu échapper à l'ordre. Si ça se trouve, il l'a ramené jusqu'à nous !

- Ah parce que tu aurais voulu qu'on t'abandonnes pour ces raisons peut-être ? s'emporte la dame.

- C'est un miracle qu'on est réussi à s'en sortir jusque là. C'est pas pour qu'un inconnu vienne m'enlever la seule famille qui me reste !

- Petit ! Qu'est ce que tu fais ?!

Le jeunot ramasse son sac et s'en va s'en dire mot. Il court pour fuir, s'échapper, s'envoler loin des autres, loin de tout. Au fond de lui, réside une rancoeur envers lui-même.

Je ne veux pas être un fardeau..

Il dévale la colline, rebrousse chemin jusqu'à retrouver la dalle du couloir sombre. Il remarque que son centre est démarqué comme un bouton le serait. Lorsqu'il se place dessus, le mécanisme resurgit. Cette fois-ci ça monte.

Il plie les genoux et ne perd pas l'équilibre. Il est soudain projeté vers la lumière. D'un tunnel à l'étage, où figure une rambarde aux multiples statuettes de pierres, perçu de dos. Soudain, des braseros s'enflamment. Arwan angoisse. Il a peur quand ça s'allume seul, car c'est la marque que ce n'est pas abandonné.

Quelqu'un est peut-être là, quelque part, à l'observer comme c'était le cas pour Noor. C'est pourquoi il observe, absorbe ce qu'il peut sur ses alentours..

Comment j'ai pu manquer ça...

Il n'y avait peut-être pas de lumière, mais il était difficile de louper un horizon pareil. Les murs qui bordent le hall, ont à leur centre un cercle géant et lumineux. Elle est constituée d'une brume aux lueurs dorées, qui tourne et brille par sacade.

Happé, il se retrouve à la fixer la bouche ouverte. Si un portail lui semble magnifique, il est désormais d'autant plus hypnotisé par cet étrange force. Elle semble l'appeler. Une sorte d'attraction fait effet, il le sent...

Il se retrouve en face, presque sans savoir pourquoi il est là. Ses mains se rapprochent de la lumière, son corps et son esprit aussi. Au contact, il est aspiré.

Il fronce les sourcils, confus de voir où il a atterri : c'est le même hall. Excepté qu'un effet miroir lui a été donné. La porte s'ouvre d'un coup. Il y voit quelqu'un rentrer : une damoiselle. Il s'avance et s'apprête à la saluer mais elle le traverse comme un fantôme. Confus, il remarque qu'un petit grésillement est survenu au moment des faits : c'est un hologramme.

UN ESPRIT !?...

Elle s'avance avec grâce, remue sa longue chevelure bouclée, tandis que ses yeux noisettes se noient dans celle d'une autre : une immense statue à chevelure argentée, tout en armure, qui s'anime maintenant d'un souffle chaud sur son bloc de roche.

Sur la stèle, la géante d'acier saute légèrement pour atteindre le sol. Son poids s'écrase et lâche une vague de poussière. Suit son inclinaison, marque de respect partagée par la damoiselle. Sans un mot, ils procèdent à des mouvements sans armes, lents et amples. Survient des signes particuliers, une gymnastique singulière, le tout comparable à tout art martial.

À la fin de la séance, un cœur s'est dessiné sur le plastron de dame d'acier. La damoiselle, elle, s'est vu octroyer une peau reluisante d'une énergie multicolore...

Le petit voit sa tête sortir de ce monde holographique. Déboussolé, perplexe, il comprend d'instinct qu'il y a sur ces murs divers fragments de mémoires, qu'il est encore loin de pouvoir saisir entièrement. Il semble savoir sans connaître, renforcé par une impression de déjà vue.

Les éléments sur les murs, se déplacent selon la sélection de celui qui s'approche du cercle de lumière. Alors qu'il s'apprête à replonger, son esprit divague, réfléchis, interprète ce qu'il vient de voir.

C'était elle... Ce sont les origines du coeur sur son armure ? Mais je n'arrive pas à comprendre, est-ce la raison de la peau multicolore aussi ? En quoi sont-ils liés...

Tellement de questions laissées sans réponses, que le jeune homme se perd dans ses pensées. Soudain, les portes grincent, s'entrouvre, et laissent passer un faisceau de lumière, puis deux femmes affublées d'une longue toge à la couleur d'un ciel étoilé. Surpris, il fonce se cacher derrière un grand pilier dans le hall.

Deux petites voix murmurent, se parlent et se répondent, sans qu'on en comprenne le sens. Leurs ombres planent sur le sol, avant que ne résonne la lourde fermeture. Suit leur silhouette, fines et élancées, à la chevelure argentée. La première, métisse, ridé, dispose d'un regard émeraude. L'autre, plus jeune, porte un teint blafard et des yeux profonds sertis d'obsidienne.

Les paroles devenant plus audibles, Arwan tend l'oreille. La ténébreuse déclare :

- Depuis le début de notre civilisation, personne n'avait jamais réussi à mettre les pieds ici. Les signes ne trompent jamais. Un bouleversement est sur le point de se produire. Il est même sûrement déjà là.

- Ça peut être une coïncidence, tâchons de garder notre calme. Maintenant que nous y sommes, nous nous en remettons à Kalon.

Elles traversent le couloir, puis se figent devant la stèle. Bouche bée. Elles s'écroulent sur les genoux, se regardent en silence, prennent peur, et se relèvent doucement. La dame au regard d'ébène est la première à s'extérioriser.

- Je vous l'avait dit. Kalon a disparue. Cela ne peut vouloir dire qu'une chose...

- Non, non c'est pas possible. Ça fait des générations que ce n'était pas arrivé. Et puis si c'était vrai, on aurait dû le sentir non ?! On a dû l'emporter quelque part. Un voleur !

- Allons, entendez raison ! La question n'est pas de savoir si c'est vrai, mais qui a été choisi.e En notre qualité de chaperonnes, nous devons prévenir les magisters. Dépêchons !

Elles se mirent à faire demi-tour en vitesse. Leur présence s'efface à mesure qu'ils progressent vers la sortie. Une fois en dehors de l'enceinte des murs, le petit souffle, glisse sur le pilier pour s'étaler au sol. Son coeur bat fort. Elles n'étaient pas très loin de lui, si bien que par précaution, il s'est arrêté de respirer.

Alors qu'il place une main dans ses cheveux pour réfléchir et faire de l'ordre dans ses pensées, elle surgit devant lui. Il sursaute. En face : la fille de cristal, Ayna, est aux côtés de sa mère, habillée pareillement. Tous deux, en armure cristallisée, une lance à portée de main. Le jeunot s'écrie :

- ÇA VA PAS ! Vous m'avez fait une de ces peurs, qu'est ce que vous faites là ?!

- Chhht. Viens avec nous, tu seras plus en sécurité là-bas. murmure la mère.

Il plisse les yeux, scrute la fille qui croise les bras. Elle répond à son tour :

- C'est ma mère qui décide...

Il secoue la tête, baisse les yeux et serre les poings.

- Non. Vous finirez par m'abandonner vous aussi... Je ne peux faire confiance à personne. Et puis on est où d'abord ?!

- Fait ce que tu veux alors.

-Ayna ! Écoute, tu es au temple de Kalon, chez les Séraphins. Enfin, la plupart d'entre nous sont appelés Forge-coeurs, mais je ne peux pas tout te raconter ici. On doit faire vite, ils risquent de rappliquer.Suis-nous. Tu n'as pas besoin de tout endosser tout seul. Tu as dû en baver, mais je ne te laisserai pas. Je te traînerai s'il le faut !

Deux forces s'opposent en lui. D'un côté, le besoin du réconfort, de protection, d'attention et d'amour que l'on saurait lui porter. De l'autre, la volonté du solitaire, si fraîche, si récente, née de la rage de vaincre, de l'impuissance, des croyances limitantes que son coeur en souffrance propage en lui.

La bonne réponse, c'est la volonté du loup. Grandir seul, mais grandir en groupe. Chose, qu'il comprendra bien assez tôt...

- Mais je comprends pas. C'est quoi tout ça ? Pourquoi des peaux multicolores veulent m'enlever ?

Il balance tout ce qu'il a par la tête, mais il est laissé sans réponse. Les portes s'entrouvre à nouveau. Suit une dizaine d'ombres, une dizaine d'hommes. La mère l'attrape par la main et le traîne de force. Elle fonce et le trimballe jusqu'à la dalle, puis se retourne. Sa fille est restée en bas, face aux êtres à peau d'énergie. Arwan peut les voir de la rembarde : des personnes âgées en toge blanche, un marteau rougeoyant dessiné dessus. La maman se crispe mais se résout étrangement à la laisser. Le jeune n'est pas du même avis.

- Qu'est ce que vous faites, elle est en bas ! Il faut-

- Elle s'en sortira...

La dalle s'enclenche. Alors qu'il s'apprête à descendre au cœur du tunnel, il croit voir, en l'espace d'un instant, un cercle d'or se dessiner. Une lumière dorée, étincelante, qui aveugle et impose sa magnificence d'un halo au-dessus de la tête d'Ayna...

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Prochain chapitre : L'archange.

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