13 - Forge-coeurs
L'ascenseur se referme. La transparence s'enlève pour laisser place à son fond beige. Il coulisse sur le mur de derrière, perle de sueur, et pousse un cri de soulagement. Aussitôt la cage est secoué . Une fois, puis deux. On frappe, bombarde les portes. L'impact est monstrueux. Elles se déforment, prennent une bosse. Puis des dizaines. Ils martèlent comme des dingues. Arwan se rue, glisse à terre avant de soulever sa main et taper n'importe quel bouton. Qui l'emporte brutalement sur le mur de droite et l'assomme sur le coup...
" Bienvenue à la galerie numéro 8, section 2. "
Réveillé par la voix, Arwan se lève. Des petits points noirs l'empêchent de voir. Debout, la tension tombe d'un coup : il trébuche de vertige. Sa tête pèse une tonne. Soudain, sa vue-mirage revient à la normale. Devant lui, s'exposent quatres entrées différentes. Sur le dessus de chacune d'entre elles, des motifs y sont gravés. La première propose un cœur. La seconde, une rose. La troisième, un crâne. La dernière, un oeil.
Il palpite, papillonne d'angoisse et d'excitation. Son imagination le pousse à s'inventer des scénarios, tous plus loufoques les uns que les autres. Il s'avance plus gaiement vers la première sortie, s'y enfonce, et découvre avec plaisir l'endroit bucolique. Un petit ruisseau au courant ascendant remonte, et fait fit de la gravité. De multiples roches plates y sont posées, pour y déployer un escalier. Son regard s'affine, jusqu'à se lever, se tourner et se laisser envahir par cet endroit majestueux.
Woah.. s'émerveille-t-il.
Au-dessus, de multiples faisceaux lumineux ondulent d'innombrables couleurs : à l'instar d'aurores boréales. Au sol, l'herbe longe les parois en pic, et des minuscules collines bordent le cours d'eau. Elles abritent d'ailleurs, de petits insectes qui écartent leurs ailes pour ouvrir les voies : une orbe transparente en sort. Elle flotte, monte en altitude avant de rejoindre les lumières.
Ces courants brillants, dégagent une énergie qui se condensent sur les bulles. Au contact, les sphères s'illuminent puis reviennent se loger à l'intérieur des bestioles. Ils resplendissent alors, d'une couleur propre à la lumière touchée.
Ces petits monstres virevoltent, dansent, puis entourent un nouveau né pour l'aider à voler. Un paradis enchanteur qui s'exprime avec splendeur. Le petit s'accroupit, prend le temps de savourer, de contempler la magie. Son corps, peiné par la douleur et la fatigue, souhaite au moins profiter d'un dernier instant de calme...
L'ascenseur s'est ouvert sur une inconnue à peau multicolore, armée d'un bâton, et serti d'une armure de cristal phosphorescente. Elle est à peine plus âgée que lui. Il la trouve magnifique. Son visage bronzé tient de grands yeux noirs. Elle le regarde. Ils se regardent.
Ne me dis pas que..
Elle le course. Ils courent à l'unisson. Arwan saute sur les marches-pierres, déborde sur l'eau et lui en jette par les pieds.
Aveuglée, la roche désormais glissante, son ennemie trébuche vers l'arrière. Le petit bondit d'un coup, bras vers l'avant. Ses paumes la projette sur la colline. Lui, s'écrase contre la roche. Une vive douleur le fait crier. Protégé par ses bras, celui de droite a tout pris. Ça bombarde de coups, brûle et résonne en puissance à l'intérieur. Il ne fait plus attention à rien. Si bien, qu'il ne sent que tardivement la lance en bois pointé sur lui.
Arwan déferle le torrent de ses yeux : son bras est trempé. Alors qu'il se le tient, la souffrance se stabilise. Il se lève doucement, et remarque que sa douleur s'estompe d'un coup.
Comment... Je ne comprends pas.
- TOI. Tu vas venir avec moi. Lève-toi. Et marche doucement. Ne te retourne pas. ordonne-t-elle.
Le jeunot s'exécute. Surpris qu'ils parlent toujours la même langue, il s'attendait à un peuple différent. Pourquoi cette agressivité ? Mais à se repasser ses interactions, que ça soit les rats ou la gardienne : il n'y a jamais eu de soucis à communiquer. Même pas d'accent.
Je ne peux pas perdre mon temps avec ça, il faut que je trouve un moyen.
Elle le conduit, le pousse avec son bâton vers les escaliers. À chaque marche, de nouveaux détails apparaissent. D'une araignée, à l'architecture qui commence à apparaître au loin. Quatre grands piliers semblent retenir un temple à l'entrée arrondi.
" Chaque seconde est un moment pour analyser son environnement "
Le guide du survivant ne contient pas uniquement des informations sur les plantes, et la manière d'escalader. C'est aussi un recueil de conseils pour affronter le monde.
"Si l'ennemi semble plus fort que toi, fais en sorte qu'il te sous-estime pour renverser la tendance."
Aussitôt déclaré dans sa petite caboche, il se couche sur un rocher. D'un geste théâtrale, le petit démontre son incapacité à bouger normalement. Il se tient d'une douleur factice à la jambe. La stratégie agace l'ennemie, mais tombe dans le panneau.
Elle s'approche pour le soulever mais bascule dans l'eau. D'une poussée puissante des deux jambes jointes. Elle lache son bâton : aussitôt récupéré par le petit qui le balance, puis fuit à grandes enjambées. Il monte sans savoir ce qui l'attend de l'autre côté. Les escaliers tournent, serpentent. Le couloir s'obscurcit jusqu'à tomber sur deux lanternes, posés aux côtés d'une gigantesque porte.
Elle fait au moins dix mètres de haut. Il ne prend pas le temps d'observer ses contours. Pressé, il se hâte. Ses mains la pousse ardemment. Elle s'ouvre vers lui alors que les contours s'illuminent. Comme un feu qui se propage, une encre d'or se dessine sur elle. Il s'écarte et remarque au dernier moment, le tracé d'un symbole inconnu : le signe de l'infini est placé au centre d'une spirale, à l'instar d'une queue de caméléon repliée en boucle.
Il court à l'intérieur, sans se préoccuper du reste. Il entend des pas au loin, qui se précipite et se rapproche. Il dévale un grand hall, passe par à côté d'une stèle aux inscriptions, puis remarque que des marches flottent dans les airs. Il saute à pied joint sur l'une d'elle, avant de se retrouver à zigzaguer dans les airs. Elle lui fait faire des pirouettes. Elle tourne, pivote, virevolte, accélère le rythme sans son consentement.
- AH MAIS POURQUOI ÇA PEUT PAS ÊTRE NORMAL DES FOIS ?
Il perd le contrôle, la dalle fonce sur un mur. Proche de l'étage il saute et roule jusqu'à atteindre un renfoncement qui s'enfonce comme un bouton. Un vrombissement survient. Un bourdonnement sourd qui traduit un mécanisme enclenché.
Il s'apprête à sortir de là mais chute aussitôt. Dos au bloc de pierre, la pression afflue par la vitesse. Des mètres parcourus en un instant. Plaqué au sol. Jusqu'au brusque arrêt. La poussière envahit les lieux, qui finit par se dissiper...
L'endroit dévoile alors ses alentours, et sa nature étrange. Des fleurs noires et blanches tapissent l'herbe auquel il fait face. Devant, un couloir étroit mène à la lumière du jour. Il peut deviner un vaste terrain d'herbe, où de nombreuses fleurs s'évertuent à se laisser pousser.
Il se relève, haletant, à la toux sévère. Il titube avant d'arriver au bout de la galerie. Alors qu'il se tient à la paroi, il place sa main devant ses yeux, aveuglé.
Il peut entendre des ailes battre, ressentir la brise qu'elles amènent sur le teint hâlé de sa peau. Ses yeux commencent à se laisser baigner par la richesse de ces lieux. C'est alors qu'il les voient, ces espèces volantes qui jouent avec le vent, trop loin pour savoir à quoi elles ressemblent. Il ressent à nouveau la terre ferme, il passe ses mains sur l'herbe fraîche et la renifle d'instinct. Une larme se retient de perler : tout cela lui manquait...
Son attention se porte à la plaine sur laquelle il est. Puis à la colline au loin, où réside un chalet à cheminée. La fumée portée au gré de l'air, disparaît dans un cercle mouvant : c'est une fenêtre vers un lieu différent, qui flotte à même le sol. On y voit une région montagneuse. La lumière vient d'elle, de cette espèce de portail où les rayons du soleil traverse les mondes...
Une ribambelle de notes orientales s'enchaînent.
Ça vient de la maison.
Une mélodie entraînante déploie d'agréables sonorités. Il ne peut pas s'en empêcher, il s'approche. Il veut l'entendre de plus près. Ça chantonne, passe du grave à l'aigu d'une incroyable dextérité.
Les paroles semblent d'une langue étrangère. Au seuil de la porte, il s'apprête à toquer lorsqu'elle s'ouvre brutalement. Une dame d'âge sage surgit. Renversé d'un coup, Arwan se frotte le nez qui commence à saigner. Cette dernière s'empresse de lui porter assistance.
Elle l'emporte à l'intérieur, lui donne les directives à suivre, et prépare une infusion à l'odeur épicé. Pendant ce temps, son regard s'envole sur la décoration.
C'est original...
La singularité ne manque pas. Ici, un arbre ouvert donne sur une chambre à coucher. Un oiseau en pierre est sculpté autour de la porte qui mène à la cuisine. Un escalier-bibliothèque mène à un étage-piscine translucide. Le bassin , fumant, est alimenté par une boule de feu qui bat comme un coeur. Les ouvrages semblent avoir des particularités fantastiques. Certains reluisant, d'autres semblent chuchoter. Parfois, il croit voir bouger certains écrits sur les couvertures.
Elle revient pour lui servir la concoction. Sa peau mate tient des rides adoucit par son sourire. Elle redresse ses lunettes aussi rondes que son visage, puis passe une main dans ses cheveux bouclés avant de s'exprimer d'une voix attendrissante; tandis que son timbre en impose par son grave.
- On peut dire que notre rencontre est marquante ! Bienvenue jeune homme. Je te prie d'excuser mes manières, je n'ai pas eu de visites depuis un moment.
- Ce n'est rien, j'ai eu pire...
- Pour atterrir ici, je veux bien te croire, je n'arrive pas à croire qu'un étranger, qui plus est un enfant, se trouve devant moi aujourd'hui. Ce n'est pas un endroit paisible... Comment as-tu fait pour te retrouver là ? Où sont tes parents ?!
- C'est une longue histoire... Et je ne sais même pas où je suis...
- Ça m'aurait étonné, même si une partie de moi espérait que tu t'intéresses à la culture des forges-coeurs. ricanne-t-elle.
- Forges-coeurs ? Je ne sais pas ce que c'est, mais je peux m'y intéresser ! Je suis plutôt doué pour apprendre.
- Oh ! Ne me dis pas ça ! Je suis une vraie pipelette sur ces sujets-là.
- Mais...Le soucis, c'est que je n'ai pas beaucoup de temps. Je dois vite y aller, on m'attend quelque part, et je ne sais même pas où c'est...
- J'ai vécu toute ma vie dans ces souterrains, je peux t'indiquer le chemin si tu veux, mais je me dois de t'y accompagner.
- Vous feriez ça, alors qu'on ne se connait même pas ?
- Parce que tu pensais que j'allais laisser un enfant seul ? Je ne suis pas un monstre !
- Je ne sais pas comment vous remercier. Ça fait longtemps que je suis seul... Sanglote-t-il.
Elle se hâte à l'enlacer.
- Allons, allons... Si tu y tiens, le prix sera d'écouter mes bêtises, et interdit de se boucher les oreilles !
Alors qu'ils partagent un sourire, elle lui tend un petit tissu pour sécher ses larmes, puis reprend :
- Tu sais, je te trouve très courageux. Très gentil qui plus est. Moi, je n'aurai jamais pu être aussi rayonnant, ni même faire quoi que ce soit sans ma fille.
- Votre fille ?
La porte s'ouvre d'un fracas. Ils se retournent vers elle.
Oh non...
Son ennemie en armure est là. Son regard colérique s'arme d'un doigt pointé en sa direction avant de s'écrier :
- QU'EST-CE QU'IL FAIT LÀ ?!
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Prochain chapitre : Séraphins.
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