12 - Le Nid

Une sensation de flotter, accompagne un visuel étonnant. On lévite dans les airs, comme attiré par ce lieu étrange, et par une force qui nous aspire sans qu'on en indique la direction. L'on est pas maître de nos trajectoires, mais on se laisse porter. L'environnement, sombre, dévoile un spectacle caverneux. S'élève jusqu'à six mètres de haut, un gigantesque marteau en pierre. Une sculpture en biais. Sa tête, posée au sol, est extrêmement large. Tandis que son manche est légèrement court, comme le marteau de Thor. Il se trouve aux abords d'un précipice. Et le vide, immensément grand, est creusé circulairement. Mais impossible d'y voir le fond, - les ténèbres nous en empêchent...

Puis d'un flash. L'on est projeté. Au cœur d'un tunnel où résident des centaines de portes, longeant les murs. On entend le tintement, le battement d'un marteau sur son enclume. Quand soudain. L'on apparaît en face d'une porte métallique. Elle, scellée de chaînes enflammées. Aussitôt à l'intérieur, téléporté. Une ombre se dessine sur un sol craquelé. Celle d'une aile quasiment déployé. Se dresse peu à peu, un liquide rougeoyant qui s'écoule le long des fissures. D'un coup. Un bec surgit à notre visage. Puis rien. Que l'impact d'un battement de coeur. Qui nous réveille d'un sursaut.

Plic. Ploc. Les gouttelettes heurtent la roche et embaument l'atmosphère d'anxiété. Le petit être se réveille en vomissant de l'eau. La fenêtre de ses yeux s'entrouvre et se ferme plusieurs fois. Sa vue débauche sur des formes inconnues, altérée par la sortie d'un sommeil lourd. Ce qu'il voit est brumeux, tandis que la fatigue pousse ses paupières à se cloisonner dans le noir.

C'était quoi encore ce rêve...

Mais il lutte, il se bat pour se lever. Tandis qu'une vive douleur l'atteint. Il se retient de crier, car il est conscient de sa situation. Il n'y a pas si longtemps, un monstre l'emmenait vers les profondeurs. Résultat, il se dit déjà heureux de pouvoir respirer.

Sa jambe est cassé, ou peut-être foulée. Il se retrouve sur le ventre, incapable de bouger. Ses yeux balaient de gauche à droite, afin de saisir son environnement. Il semble être dans une énième caverne, jonchée par un point d'eau. À côté, adossé à un mur, il y a une dizaine d'oeufs larges comme des balles de bowling.

En face de lui, il remarque une cavité. Elle rayonne parfois d'un fond lumineux, aussi flamboyant que le serait le brasier d'une cheminée. Il ne détermine pas ce qui s'y trouve, mais à part si une autre option se dégage, - derrière lui par exemple, ce sera sa seule et unique solution... En reprenant conscience, il se demande s'il ne s'est pas retrouvé dans le nid d'un monstre. Et ça, ça craint.

Je suis sûr qu'elle veut que ses petits me mange. Il faut que je sorte d'ici.

Il rampe au sol, traînant sa jambe comme il le peut. Il n'y a rien à l'horizon, si ce n'est la grotte qui se dessine peu à peu, comme un rêve, un espoir qui vient au bon moment. Plus qu'un dernier effort pour atteindre l'entrée. Il fallait s'y attendre. Jaillit de l'eau. Trop vite. Une bête qui le prend par la veste. Puis le déplace doucement, avant de le remettre au nid.

Alors que l'enfant se vautre à terre, il l'appercoit. Subjugué. Ce n'est pas habituelle de ressentir cela mais, il contemple la beauté de cette créature. La peur s'envole d'un coup. C'est comme si le danger n'avait jamais existé. Disparu. Par la grâce et la douceur de ses traits qu'elle présente par nature...

Se dévoile, une haute et large allure sombre, légèrement plumé. Leurs pointes brillent d'un or pur, et contrastent avec le noir de sa fourrure. Son minois est adorable. C'est celui d'un chat doté de bois de cerfs. Quant à son corps, on pourrait le comparer à celui d'un lion géant, à qui l'on aurait donné la possibilité de nager. Sa queue est dotée de nageoires d'un profond dégradé d'azur. Une élégance qui ne manque pas de prestance.

Mais ses priorités lui reviennent par la douleur. Sa jambe est en feu, et le frappe de douleur. Ça lance. De battements en battement...Cette fois, il ne peut qu'observer. Il n'y a aucun moyen d'aller à l'encontre du bon vouloir de cette bête.

Mais ce dont il a le plus peur, ce sont ces bébés. Ces œufs qui ne vont pas tarder à éclore. Car d'après ce qu'il a appris, la chasse est l'un des premiers apprentissages chez les animaux.

En plus, les chats s'amusent avec leurs proies. Je suis fichue.

Le monde s'abat sur lui d'une force destructrice. La malchance qu'il subit, lui octroie un poids trop lourd à porter. Lui, si jeune. Et la vie, si cruelle. Il meurt de froid, ses lèvres se teintent d'une ombre violacée. Tandis qu'aucune flamme ne survient pour sécher ses larmes, - qui coulent maintenant sur ses jambes.

C'est alors que le sommeil devient un refuge vicieux, sur lequel on croit pouvoir compter pour échapper à la dure réalité...

Il se réveille à nouveau. En pleine forme. Il est frais, mais étrangement moins humide. Il sent une énergie chaude le parcourir, comme s'il avait un sursaut d'adrénaline. Son réflexe est de se lever. D'un coup. Il se met debout. Puis se rend compte qu'il y arrive.

Quoi ? Ma jambe est guéri ? Comment...

D'un regard, il ne voit plus la bête. Mais il sait pertinemment qu'elle rode de l'autre côté du lac qui les jonchent. Il prend une grande inspiration. Et se lance à l'assaut. Il prend son sac, le place sur son dos. Prêt à relever le défi. Car s'il est toujours là, c'est que le monstre le veut vivant. C'est pourquoi, cette fois-ci plus qu'aucune autre, - il a une chance.

C'est maintenant ou jamais. Je ne peux pas survivre si je reste là les bras croisés. C'est l'heure de voir si son entraînement a porté ses fruits.

D'une dernière pensée vers sa mère. Ses jambes se positionnent comme une course. Le buste vers l'avant. Une jambe derrière, l'autre devant. Mains au sol. Il fonce. Sprint. Dévale à toute allure. En petites foulées. Qui le pousse à aller vite. De plus en plus. Il traverse. D'un éclair. À l'approche de son objectif. La lumière est là. À quelques mètres. Plus que quelques pas.

Il passe un pied. D'un coup de queue elle surgit. Le repousse au loin. Le petit se rattrape in extremis par les bras. Puis gémit en étouffant sa douleur. Il risque d'avoir le plein de bleus.

Mais ça ne l'arrête pas. Il lui adresse un regard sombre. Accroché à la vie. Il hurle de toute ses forces.

- AAAAAAAAAAH.

Le petit n'incarne plus la paix, il dévoile sa partie sombre. Celle de ses instincts qui lui crie de survivre, quoi qu'il en coûte.

Le chat-poisson-cerf miaule d'un ton plus grave que la normale, le grondant. Puis s'allonge devant l'excavation. Il est si gros qu'il faudrait -pour passer, réussir à se jeter dans le maigre trou du plafond qu'elle laisserait, - si elle dormait...

Alors que le jeune homme s'apprête à retenter le coup, elle replonge dans l'eau subitement. La voie est libre se dit-il. Il se hâte alors. Comme une fusée. Il débarque et se jette dans le trou. Sa tête passe. Son corps non. Arrêté soudainement. Par les crocs de la mère poisson-cerf-chat. Qui le porte maintenant par la capuche de sa veste.

-Toutes les femmes font ça en fait !? REPOSE-MOI ! TOUT DE SUITE !

Elle le pose au nid. Et lui crache de l'eau à la figure.

- MAIS QUOI ?!

Cette fois, un poisson sautille au sol. C'est un cadeau. Qui s'agite, et le gifle au passage. Il va si haut qu'il se demande s'il a fait de la musculation le bougre.

Pour revenir à nos chatons, il a aussi appris que refuser un cadeau d'un chat, équivaut à la guerre. Il ne veut pas l'énerver plus que ça. Il a jaugé sa force. Alors, il le mange, cru. Il croque difficilement. Le goût est insupportable, la texture encore plus. Mais c'est pas comme s'il pouvait faire un feu. Rien n'est sec, donc rien ne prendrai. Du côté du poisson-cerf, une grosse plâtrée de poisson est étalée sur le sol. Un véritable festin. Le petit développe un sourire à cette nouvelle, et se frotte les mains.

Qui dit manger, dit gros dodo.

Le garçon avait tellement faim que son estomac le digère. Non sans aigreurs. Après ce repas indigeste, l'animal se voit dormir.

- Comme prévu. Le plan fonctionne à merveille.

Le cerf-poisson se retrouve juste à côté de la sortie tant espéré.

Si je ne fais pas de bruit, ça devrait passer.

Lorsqu'arrive les ronflements de la bête, le garçon se remet à espérer. À croire en lui. Sur la pointe des pieds, il avance. Pas à pas, lentement. Chaque mini-bruit laisse une grimace hideuse sur son visage, qui accompagne les petits mouvements du monstre. Il se fige. Se pince les lèvres. Et grince les dents, dès lors que quelque chose semble suspect. Il joue à "un deux trois soleils".

D'un miaulement, Arwan est sur une jambe. Sur un geste, il fait le poirier. D'un second, il devient danseur. Ses arrêts sont tous aussi grotesque qu'insolite, mais il tient bon. Il est discret et s'approche enfin de la victoire. Jusqu'à ce qu'il arrive à la contrée des milles cailloux qui roulent en faisant un boucan d'enfer. Lorsque d'un coup d'œil succinct, elle débarque. Les bois du chat-cerf le ramène au bercail.

On passe au plan B.

Il vient de l'inventer. Il l'intitule "the floor is lava". Si le sol est de la lave, il faut escalader. Rocher après rocher. Il progresse. Mettant en pratique son expertise de quelques minutes en escalade. Aucun cailloux ne tombe, il est proche. Près de franchir l'obstacle qui le retient prisonnier.

Maintenant, il faut sauter. Et après ça, courir. C'est que deux choses. Ouais, ça devrait bien se passer.

D'un pied. D'un appui. Il débarque d'un coup. Une fusée lancée. Il y est. À l'intérieur. Il commence à courir. Puis tombe sous l'accroche des manches de son pantalon. Il glisse. Tiré vers l'arrière. Sa tête se tourne d'un regard noir vers le chat qui l'emporte mais n'attise que sa colère. Il remarque que ses yeux sont jaunes et scintillant. Le monstre le jette fermement contre une paroi. Ses poils et plumes s'hérissent et vibrent. Puis s'impose. D'une patte brisant la roche. La pression est enorme. D'un cri strident, elle s'affirme comme maître de ces lieux.
Son mugissement résonne comme un hurlement humain.

Il se pince les lèvres, ses veines gonflent, à deux doigts d'exploser de rage. Même s'il ne veut pas en arriver là, il ne semble pas avoir le choix. Il doit combattre. Il se relève, tousse, et ferme ses poings. Il marche, tête baissée vers l'ennemi . Sur son passage, un, deux, trois , quatre cailloux sont ramassés.

Aussitôt. Il les lancent. Droit vers les yeux. Mais la bête disparaît. Brusquement. Trop rapide. Impossible à suivre. Elle surgit à droite. Jaillit une déferlante de poussière. Le petit se protège d'un bras. Tandis que ses yeux se ferment par réflexe. En les rouvrant, sa queue l'entoure. Le serre. De plus en plus fort. Il est pris au piège.

Ce n'est plus un avertissement. Le minou se léche les babines, entrouvre la gueule. Ses crocs se dressent. La bête approche, prêt à manger. Le petit abat ses mains contre la queue. Il Pousse. Appui. Enfonce et creuse ses ongles contre elle.

- JE T'AI DIS. DE ME LÂCHER.

Sous l'adrénaline, les forces se décuplent au point d'être qualifié de surhumain. Mais Arwan dépasse de loin les limites. Ses yeux révulsent. D'un instinct monstrueux, une fumée s'échappe. Son visage crispé, ses dents serrées d'un sourire enragé. Alors que se dévoile une chaleur étouffante. Qui brûle la queue. Et le relâche de l'étreinte. La bête saute en arrière. Craintive. Le petit touche le sol, et se met à courir. Les bras ballants. En zigzag. Chaque foulée est un saut. Hurlant pour se donner du courage.

Mais la bête revient à distance. Brutalement relevé. Elle heurte le plafond du trou qui s'effrite. Les roches s'effondrent sur elle. Mais il est passé. Essoufflé, il peine à reprendre son souffle. La pression de son corps lâche sous la fatigue, mais il rassemble ses dernières forces pour se lever, marcher.

Boitant, il arrive à un lieu familier. Une sensation de déjà vue s'impose d'une force écrasante. Sa tête lui fait mal, comme s'il avait reçu un coup. Se dessine, le même panorama. Les mêmes détails. Le même marteau. Le même fond, obscur et circulaire.

Mais en avançant de plus près, un vrombissement retentit. Résonne un roulement mécanique. Il vient de loin, mais se rapproche à toute vitesse. Ça vient d'en bas. Quelque chose monte comme un ascenseur. Il se dévoile enfin. Puis s'arrête au bord du précipice, d'un enclenchement métallique. Une boite, comme un large placard, s'ouvre d'une grande porte coulissante.

Je ne sais pas ce que je fais, mais c'est mieux que sauter dans le vide...

Prudemment, il se place à l'intérieur. Il y voit des numéros. Ainsi que des flèches. Mais bizarrement, elles n'indiquent pas que le bas. Il y en a une qui indique la gauche, et une autre pour la droite. Il n'a jamais vu ça.

C'est quoi ça, un gouvernail ?

Soudain une lumière apparaît. Les portes deviennent transparentes. Une voix off féminine fait écho.

- " Préparez-vous au décollage. Démarrage dans 5,4..."

Comment ça préparez-vous au décollage ? C'est quoi ce truc ?!

Dans la panique, il place ses doigts sur les touches directionnelles. Prêt à les appuyer si besoin. C'est la fin du compte à rebours. Elle déboule dans le vide. Prestement. Véloce. Il se retrouve à voler d'un coup contre le plafond. Il glisse dessus avant de retomber brutalement. La cage s'arrête. Il voit plusieurs tunnels en face de lui. Il attend quelques instants, le temps de s'en remettre. Il appuie au pif, sur la flèche de gauche. La cage se pousse à gauche. À droite, elle va à droite.

On est chez les aliens ici ?! On dirait un vaisseau spatial.

Il choisit la voie du milieu, et se retrouve projeté à grande vitesse. Défile un paysage unique. Des espèces de lieux voûtés, au toit arqué, plus long que large. Sa bouche colle les portes transparentes et atteint tout juste les touches directionnelles pour s'arrêter. La flèche du bas permet d'aller en bas, ou de stopper la course. Ça ralenti, jusqu'à s'enclencher sur l'une des gigantesque porte d'entrepôt qui siège au sein du gouffre.

- Bienvenue au hall central. s'exprime la voix off.

Les portes s'ouvrent lentement sur un brouhaha. Des centaines de personnes se trouvent dans immense salle, longue au toit courbé comme un tunnel. Ils portent tous un tablier. Il y a des hommes, des femmes, ils paraissent humains mais ne le sont pas. Leur apparence est différente. Ils possèdent tous une peau multicolore. Tantôt clair, tantôt sombre. Une espèce d'énergie semble traverser leur peau, alors qu'ils semblent tous avoir des ustensiles variés. Il y voit des marteaux, des plumes, des stylos et des pierres.

L'environnement est singulier. Les murs sont translucides. Ils donnent sur des territoires, ou des images d'un lieu. Celui de gauche semble être un fond d'océan. Tandis que celui de droite serait plutôt le sommet des plus hautes montagnes, au-dessus des nuages. Au milieu, une longue table d'obsidienne s'étend jusqu'à la fin de la salle.

Tout le monde se retourne. Silencieux. Choqué, le petit entrouvre la bouche pour s'introduire. Mais tout le monde hurle.

- AAAAAAAAAAAAAH

Ils tracent tous d'un coup vers les portes. Arwan prend peur et tappe frénétiquement sur un bouton. Les portes s'apprêtent à se fermer tandis qu'ils s'approchent.

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Prochain chapitre : Forge-coeur.




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