Je l'ai repéré il y a quelques mois. Un garçon sans histoire, et surtout sans famille. Une parfaite proie.

Mes Garous le suivaient depuis quelques semaines. Ils s'étaient rapidement aperçu que le pauvre petit manquait d'argent. Et le pauvre petit chou s'était tourné vers le trafique de drogue pour résoudre ses problèmes. Il n'aurait pas pu faire un petit boulot, non ? Mais bon, moi ça m'arrange bien. Mes Garous avaient "pris contact" avec son fournisseur -qui se réveillerait dans une cellule du poste de police très prochainement- et avaient modifié l'heure du rendez-vous. Le choupinet était bien niais. Il était tombé directement dans le panneau.

Le voyant ainsi étalé sur le bitume, j'ai quelques doutes. Il me paraît frêle maintenant. Rah ! Qu'est-ce que je déteste cette impression ! Ne plus être sur de soi, douter... Je ne dois plus penser ainsi, surtout avec ce qui ce profil à l'horizon.

Un de mes Garou, Rolf, se tourne vers moi et aperçois mon regard vide. Ce qui signifiait que j'étais en intense réflexion. Lui qui abordait un si beau sourire redevint tout de suite sérieux et me demanda d'une voix où pointait une note une pointe d'inquiétude :

« Allez-vous bien Altesse ? La création d'un nouveau Garou vous prend beaucoup d'énergie. Nous devrions rentrer pour que vous puissiez vous reposer et ... »

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Pendant sa tirade, j'avais senti mes forces m'abandonner. Et peu à peu la fatigue m'envahit. Mes jambes s'étaient dérobés sous moi et avant qu'un seul de mes Garous n'aient pu esquisser un geste en ma direction, je m'écroulais sur le sol.

*

Les mêmes images de morts, de chaos et de sang envahissant mon esprit. Je vois mes Garous tomber, un à un sans que je ne puisse rien faire. Je vois leurs visages figés par la peur et la mort me supplier de les aider, de les sauver. Mais je ne peux rien faire, rien !

La scène s'efface et un beau et grand jardin apparaît. Il est bien entretenu et en son centre, une petite fille aux longs cheveux noirs joue. Un homme apparaît à ses côtés, et d'un geste tendre, lui caresse les cheveux. Je le reconnais immédiatement. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Soudain, tous deux tourne la tête dans ma direction. Je peux ainsi voir leur point commun : leurs yeux violets. C'en est trop. Je me mets à hurler.

Oublies, oublies, je tant supplie oublies ! Ne laisse pas tous ces souvenirs te hanter, te détruire ! Tu ne peux pas abandonner maintenant. Au non, surtout pas maintenant. Dans quelques mois, tu auras 18 ans. Et dans quelques mois, ton monde s'écroulera. Alors ne lâches pas. Pas maintenant.

Je me réveille et me dresse dans mon lit en hurlant. Toutes les nuits, le même refrain. Souvenirs trop oppressants, images cauchemardesques. Je sais qu'oublier n'est pas la solution. Mais je ne sais quoi faire d'autre. Il faut que je garde la tête haute. Pour mes Garous, pour Lui, pour moi. Le passage fatidique de mes 18 ans va bientôt arriver, il ne faut pas que je me perde maintenant. Non, absolument pas.

Je me rallonge et essaye de calmer les battements effrénés de mon cœur. Je ferme mes yeux, me concentre, et les rouvre brusquement. Le monde qui m'entoure n'est plus le même. Je vois tout d'une légère teinte violette. Une grande flamme violette se tient devant ma porte. Rolf. C'est lui qui ma ramener au manoir après la création du nouveau Garou. Je tourne la tête de droite à gauche, en comptant les flammes violettes. 11. Il y en a 11. Ma vision redevient normale. Je cligne des yeux, un peu désorienté. Cet exercice m'a permis de me vider l'esprit. Alors je me rendors, le cœur rassuré.