Prologue
L'astre nocturne, plein et imposant dans le ciel nocturne, se détachait de le halo de lumière malgré l'orage qui grondait au loin. Devenue aussi rouge que le sang le temps d'une nuit, la lune était l'unique source de clarté dans cette nuit ténébreuse. Elle était la dernière à m'éclairer, m'empêchant de sombrer dans les profondeurs abyssales de mon âme. Telle une torche, elle ne permettait pas que les humains se perdent dans les entrailles de la terre mère.
Je fermai les yeux et poussai un hurlement qui écorcha les nuages. Ils ne cessaient de s'agglutiner, et le ciel devenait noir après l'incendie qui s'était abattu. Je pleurais en harmonie avec les éclairs qui se fracassaient. Des perles de sueur coulaient le long de mon visage crispé, ne faisant qu'un avec mes larmes salées. Ma peau nue, salie, humide et brûlante de fièvre ressentait à peine la douceur de l'herbe pure et mouillée.
Une contraction me déchira de l'intérieur, laissant un énième cri s'échapper de mes lèvres fendues. Je gémissais comme un animal blessé, couverte de sang, les jambes écartées, me débattant pour fuir cette torture. Les douleurs de l'accouchement. Elles étaient bien plus fulgurantes que le feu qui lacérait l'innocent épiderme. L'impression que quelque chose me broyait de l'intérieur n'était qu'illusion.
– Calme-toi, tout se passera bien.
Cette phrase frêle d'espoir parvint à mes oreilles tel un murmure caressant une promesse chimérique. Qui me l'avait glissée ? Phoebe, Skotia ou Illythie ? Cela m'importait peu. Elle était sans fondements. Je me retrouvais à donner la vie, moi qui avais fait cesser tant de souffles. La justice divine existait, je le savais.
Mon existence était loin d'être un long fleuve tranquille. Pourquoi serait-ce le cas, à la fin ? La destinée m'avait à la fois brisée et façonnée avec délicatesse telle une poupée de terre cuite. J'étais déjà au fond des abîmes. Si elle souhaitait encore me détruire, si elle estimait ne s'être pas suffisamment attaqué à ma personne... Mes bras étaient grands ouverts pour que je l'étouffe de mes mains remplies de rage. Les abysses profonds de mon cœur et de mon âme détruits n'attendaient que cela. Pas une vengeance, mais le souffle de mes battements glacials.
Pourtant. À cet instant précis, dans le tourbillon de mes émotions contradictoires et lorsque je ne voyais plus que le côté noir... Je me questionnais. Qu'avais-je fait pour mériter cette tragédie ? J'étais une déesse pour qui la simple idée d'abandonner n'avait jamais ne serait-ce qu'effleuré mes pensées sauvages, mais je restais une divinité aux sentiments humains. Et mes limites, bien plus lointaines que d'autres, venaient d'être atteintes d'une flèche meurtrière.
J'avais saisi la rose enflammée, laissant en toute conscience ses épines lacérer ma peau afin que je puisse me libérer de ma cage. La vie, je la savais compliquée, mais je n'avais pas décidé d'une existence aussi térébrante. Je ne pensais pas un jour en être devenue la cible. La fleur si pleine de vie s'était fanée dans l'ombre du déni.
Mes paupières recouvrirent mes pupilles sans pour autant taire ma vue. Quitter le monde réel pour permettre à mon corps d'agir instinctivement dans l'espoir d'oublier quelques instants... Cela ne faisait que laisser une place grandissante à mon passé destructeur, qui aurait poussé de la falaise plus d'une à l'esprit trop faible pour résister.
Les souvenirs affluaient, jaillissaient de ma mémoire enfouie, non désirés. Ils se mélangeaient dans un fouillis désordonné. Et de temps à autre, des images devenaient moins floues que d'autres, me rappelant l'acharnement du monde contre moi.
Je me revoyais enfant, retenue par des chaînes pour m'empêcher de vivre. Par crainte ? La réponse m'était inconnue, mais ils voulaient que j'obéisse, que je me taise tandis qu'ils tentaient de me briser pour que jamais je ne me relève. Une approche aussi docile que les ailes d'un corbeau.
Je finis par brûler mes liens et cette initiative qui déboucha à ma délivrance ne leur plut nullement. Ils s'en prirent donc à l'autre moitié de mon cœur, celle qui fournissait l'énergie nécessaire à ma survie et à ma puissance, embrasant mon âme de mille feux brillants lors des nuits de croissant. Celle qui taisait cette partie enchainée tout en permettant de vivre l'existence tant désirée. Ce qui me rendait humaine, ils durent me l'arracher et je le sentais s'enfoncer dans le néant.
Le fait le plus étrange, mais soufflé par l'oracle, était qu'il avait été là, l'unique personne capable de me tuer et de me faire ressentir ce que c'était de vivre. Je lui avais accordé une confiance aveuglante, j'aurais mieux fait de l'ignorer ce jour-là, dans les bois. Le tuer avant que le voile ne couvre mes yeux. L'instinct de survie ignoré croyant qu'une immortelle ne se rabaissait pas au commun. Elle qui se pensait intouchable.
Les rôles s'inverseraient un jour ou l'autre et le monde tournait autour de l'astre de lumière d'or. Et chercher à ce que la lune prenne un autre chemin était accompagné d'un prix douloureux. J'avais été bernée par les pétales rouges, songeant que les épines ne pouvaient pas m'atteindre, et finalement les gouttes discrètes s'étaient écoulées le long de la tige pour nourrir la terre.
Une perle de larme coula plus délicatement que les autres le long de ma joue brûlante tandis que ma rage retombait autour de moi, et que je distinguais une dernière fois ce qu'était de ressentir les battements de mon cœur. Le passé deviendrait cendre, mais les brûlures resteraient jusqu'à la nuit des temps. Respirer sans vivre ou vivre sans cœur ?
Mes lèvres mouillées s'entrouvrirent et ma voix autrefois mélodieuse laissa s'échapper une mélopée rauque et inaudible sous les hurlements des éclairs qui pourfendaient le ciel. Les paroles étaient moi sans l'être. Une histoire unique ou celle qui se répétait à la façon de chaque couple. Venue des entrailles d'une époque révolue, son chant apaisait mes sentiments et l'odeur du sang disparaissait, emportée par les sentences de la pluie.
Dans les ténèbres éternelles du monde, la nuit se lève
Dans un paysage sombre, mon âme se sent seule
Effrayée, apeurée, abandonnée, démunie de tout rêve
Dans une longue plainte, je te supplie de venir à moi
Protège-moi comme je le ferai avec toi sous vents et tempêtes
Ne me laisse pas, tombant dans le gouffre de la Mère
Ne me mens pas de ces douces paroles envoûtantes
La plante de mes pieds nus effleure les plaines
Perdue, mon chemin de roses est recouvert de ronces
Dans mon cœur brisé, je le sens rempli par la haine
Je sais que tu me feras goûter la grenade qui s'enfonce
De mon existence battante, je n'ai jamais éprouvé l'amour
Les sentiments qui habitent mon cœur meurtri ne me sont pas inconnus
La tendresse charmeuse de tes yeux mystérieux et l'étincelle de ta bravoure
Me murmurent que tu me sauveras de ma perte sauvage qui me fait perdre la vue
Dans le miroir je me vois, et fais tout comme moi, avoue la vérité
Qui suis-je dans ce monde d'antan, oubliant la nature mère
Entourée de papillons, je me sens seule dans cette ère félidée
Les sentences de ton être sont les tourbillons de ma mer
Dans mon esprit, les pensées combattent dans les ténèbres et la lumière
En ces temps de la prospérité du sang, toi qui es un guerrier
Ne suis-je à tes yeux qu'une conquête dissimulée sous le lierre ?
Je t'en conjure, ne laisse pas les larmes de la rage couler
Les rêves qui habitent mes noires nuits sont vêtues de notre lien condamnatoire
Est-ce cette passion destructrice que je ressens au creux de mon cœur renaissant ?
Je revois nos embrassements qui dansent sous les feux de l'histoire
Notre amour plongera le monde sous les cendres du temps
Les doutes méfiants envahissent mon être aveuglé
Puis-je t'accorder la confiance qui me détruira ?
Les mystères que tu caches me sont ignorés
Le chemin que j'emprunte, à ce sombre destin, me conduira ?
Les raisons m'échappent et je les enfouis, jouant avec ces étincelles
Viens à moi, qu'importe les brûlures, je renaitrai des braises
Ne m'abandonne pas, ne me mens pas, ou tu regretteras celles
Qui ne possédaient pas la soif de la nuit qui déplaise
J'implore le destin...
L'avais-je chanté en moi ? Ou mes cris avaient-ils cessé un court instant ? Je ne savais pas où la vie me mènerait, ce qu'elle me réservait. Le vent redoubla en puissance, frappant mon âme de plein fouet, et l'envie de lui jeter ma haine me saisit. J'avais été dans l'ignorance tant d'années, ne prenant pas en compte ma jeunesse.
Artemis. Mon nom que je pensais invincible, je ne savais pas tout ce qu'il sèmerait sur son sillage, tous les liens invisibles et les significations dont moi-même j'ignorais l'existence. Désormais, j'en avais toute conscience. Les étoiles eurent pourtant le temps de tomber sur Terre avant que je ne voie enfin ce que tous me cachaient, dont ma propre famille.
Demain n'était pas encore levé lorsqu'aujourd'hui se couchait et hier se révélait. Qui étais-je réellement ? Celle que j'allais devenir après cette nuit de malheur ? Celle que j'étais avec lui ? Ou celle d'avant ? Sans oublier cette version de moi que je haïssais tout autant qu'eux, celle de mon enfance durant laquelle je découvris les premières facettes de ce monde.
Nous étions et aimions cette fleur de ce rouge si significatif et cette image d'un rêve cauchemardesque...
... Telle une rose, trompeuse par sa beauté et aux pétales mensongers qui enfoncent leurs épines dans la peau.
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