68. Trahison
« I stopped fighting my inner demons
We're on the same side now »
J'ai arrêté de combattre mes démons
Nous sommes dans le même camp maintenant
Lorsque ses yeux aussi noirs que l'entre-mort nous croisèrent, emplis des ténèbres de l'art guerrier des Achéens qui mêlaient le sang aux pieds des Ioniens et des Minoens, provoquant la destruction de toute chose, appelant à la facette du mal de chaque humain, les menant sur les pieds de guerre, prenant leurs armes, criant le nom de leur civilisation, nous savions que nous étions perdus. Car cette sauvagerie humaine dépassait celle de la nature, démunie de respect vers ses proies.
Il nous observait, posant ses iris brûlant sur nous et la haine à l'égard de ce dieu violent s'éveilla en moi, provoquant une douleur noircie dans mon cœur. Dans l'espoir de calmer mes ardeurs qui ne désiraient que le faire fuir, j'enfonçai mes ongles devenus griffes dans ma paume. Je sentis ma chair s'écarter telle une masse, laissant couler des filets de sang dont les gouttes s'écrasèrent au sol, semblables aux larmes pourpres qui jaillissaient des yeux. Elles prouvaient l'angoisse souveraine qui pleurait, gémissant sa souffrance mortelle sans jamais expirer, se vidant de ce liquide enivrant.
– La bête, la traîtresse, annonça-t-il d'une intonation rude.
– Traîtresse ? répétai-je, tout en penchant ma tête de côté, mes iris étincelant dans la nuit.
– Alliée du monstre du nord qui a envahi la Grèce dans l'espoir de s'en emparer. Une sauvage comme eux, une bête.
– Je ne suis pas une traîtresse, je ne le serai jamais. L'Olympe est l'empire auquel j'appartiens, lui fis-je savoir d'une voix impériale, et un sourire difforme apparu entre les poils de sa barbe éternellement tâchée de gouttes de sang.
– Le dis-tu en compagnie de ce criminel ? se moqua-t-il, et d'instinct, j'effectuai un pas de côté, cachant son corps du mien.
Un grognement raisonna en moi, se propageant dans les environs. Une mise en garde bestiale avant que d'une voix humaine, je le questionne sur sa présence, mais elle resta aussi tranchante que mes griffes prêtent à le déchiqueter, déposant ses lambeaux de chair aux pieds de l'arbre sacré.
– Je suis ici pour vous arrêter, vous paierez le prix de l'acte.
– Je t'interdis de les toucher, mon frère.
– Les protèges-tu ?
– Je suis reine, je protège ceux qui se sont placés derrière moi, affirmai-je, commençant à tourner tel un animal patientant le signal d'attaque pour se jeter sur son adversaire.
Mes yeux brillants d'argent le foudroyaient au point qu'il frémit de crainte, conscient de ma véhémence.
– Je te tuerai s'il le faut.
– J'aimerais bien le voir, ricanai-je, ouvrant mes paumes, révélant ma nature sauvage de mes griffes rougies qui caressèrent les airs.
Je fis craquer mes os, faisant résonner ces piliers de mon corps dans la clairière épurée. Un éclair illumina mon visage tâché, mes cheveux collants, mes lueurs sauvages sur ma face impassible si ce ne fut un sourire cruel qui se dessina à son intention. Je lui fis face, cessant de bouger, observant sa tunique brunie par sa saleté. Je m'étonnai une fois de plus de l'amour que lui portait la déesse de la beauté, à ce rustre bien moins civilisé que la déesse sauvage.
– Tu perdras aussi vite que le souffle qui s'échappera de ta gueule.
– Il est éternel, et ne fuira pas. Dis-moi, qui penses-tu qui gagnera ? Le lâche dieu de la guerre, ou la puissante Artemis ? lui demandai-je d'une voix vibrante, les lèvres à peine entrouvertes qui sentaient sur leur chair sensible le pincement de mes crocs révélés sous les rayons de la lune rouge.
Je jetai un regard derrière moi, et vis Skotia, les yeux clos, concentrer sa magie pour se libérer de ces hybrides, ces Berserkers venus d'Asgard dans l'espoir de nous arrêter. Leurs esclaves aux pouvoirs hérités des dieux des forêts. Aussi vivaces que l'animal en eux, aussi naïfs que leur part humaine. Et moins innocents que la blanche Phoebe dont la conscience s'était envolée, tombée dans les bras de ces hommes bien plus sauvages que certains lycanthropes, maudits ou métamorphes. Pour l'heure, ils ne lui faisaient pas de mal, et je pourrais combattre sans m'en soucier.
Férocement, je me jetai sur mon ennemi dont l'unique détermination était de nous jeter à terre, nous piétiner et nous mener au sommet de l'Olympe pour notre jugement, mais il n'en serait pas ainsi. Les murmures des anges de la mort ne chanteraient pas leur présage ce soir, ils crieront mon nom victorieux qui mit fin à une guerre provoquée par la sauvagerie en moi. Je me vaincrais.
Un gémissement, il avait intercepté ma main, me tordant le bras et mes muscles ne rougirent que plus à l'instant que je percutai le sol. La chute provoqua des tâches bleutées sur ma peau accueillie par une herbe devenue aussi dure que le bois sec, sans pour autant s'effriter.
Sur pieds, il ne tarda pas à tenter de me frapper de ses poings aussi massifs que sa stature tout en restant svelte. Je l'esquivai, accueillant son genou dans mon ventre, rendant mon air à son environnement, et ma réponse entailla sa joue, provoquant sa fureur. Je sus qu'il ne s'amusait plus, entrant dans ce jeu indifférent de nos histoires.
La vie accueillait les plus forts, condamnant les plus faibles et ceux qui réfléchissaient peinaient à rester stoïque au milieu du champ de bataille. Les branches de la forêt se mouvaient avec une frivolité agile entre elles, muées en longues et fines lames qui entaillaient le tronc de l'arbre sans formes. Aux portes d'une mort certaine, la douleur peinait à se propageait, s'accrochant aux plaies qui s'ouvraient, mêlant leurs baisers de roses de l'ancien au renaissant.
Je fatiguais pourtant, couverte de blessures, et mes mouvements qui s'enroulaient autour de lui devenaient indistincts, frappant les parcelles de son corps à l'unique mouvement, puisant dans mes forces faiblissantes pour s'accroître, qu'importait mes mouvements fringants.
J'aperçus une ouverture sur son flanc, mais ma lenteur hésitante lui permit qu'il m'emprisonne, tordant douloureusement mon bras sans me laisser tomber au sol, préférant me maintenir sur mes jambes tremblantes. Il immobilisait la bête.
La bouche imbibée de mon propre sang, je retins mes cris, me mordant la lèvre avec rage, désireuse de lui arracher les membres, perdant contrôle dans ma tête, mais retenue sur terre.
– Toujours aussi confiante, petite déesse ?
– Tu n'es qu'un lâche, ne pus-je m'empêcher de le provoquer, et une plainte aigüe vola dans les airs.
Arès entoura mon cou de ses mains tièdes, me soulevant du sol et laissant mes membres retomber le long de mon corps déchiré comme une poupée de chiffon. Je me sentis quitter la terre ferme et, instinctivement, je me balançai, tentant de soulever mes jambes pour l'étrangler, mais les forces m'avaient quitté, leur permettant uniquement d'effleurer l'herbe glacée tandis que j'enlaçais sa main pour me libérer de son emprise qui me rendait humaine. Je le suppliai, laissant mon estime piétinée, et il frappa mon ventre.
Un gémissement, il répéta son geste sans s'arrêter, laissant la colère virulente se déchainer à travers son poing dans mon estomac. Il se brisait, réduit en cendres, labourant une poche intérieure qui saigna dans mes tripes, et je pleurai de cette douleur déchirante en moi. Il me battait et les supplications de Skotia pour qu'il cesse restèrent sourdes à ses oreilles.
Un voile s'abattit sur mes paupières qui se fermaient doucement, cessant de contracter mes muscles pour accueillir les coups, me sentant mourante, mais à travers cette brume de l'entre-vie j'aperçus une silhouette apparaître et abattre un coup sur Arès qui me lâcha. Je m'effondrai au sol.
Un cadavre en lambeaux qui avala avec avidité des goulées d'air, brûlant son être de la vie revenue, telle étais-je devenue. Toussotant, je portai ma main à mon ventre, me tordant au sol quelques instants de douleurs, souffrant d'une fièvre intarissable.
Je relevai les yeux, incapable de faire de même avec mon corps. Les iris du loup brillaient dans la nuit noire, menaçant des pires tourments notre ennemi commun, et, me jetant un regard, il fit retentir dans ma tête l'ordre de fuir. Fuir pour reprendre des forces, fuir pour que lors du coup final j'aie de quoi combattre, car je n'étais pas encore condamnée. Je l'ignorai, préférant fixer Arès.
– Battre un être ennemi déjà à terre ? Et vous vous dites dieu ? Puis si je soulève le fait que à vos yeux ce n'est pas qu'un être ennemi, mais une femme ? Je n'ai jamais compris les Achéens, votre culture d'exclure les femmes et ne leur laisser que la chasse comme simple plaisir. C'est pour cette raison que le nord, les Thraces et Scythes sont plus puissants. Quelle piètre combattant vous faites, sans honneur qui ne suit même pas de stupides valeurs !
– Et que fais-tu là, si tu tiens ce discours ? Barbare ?
– Vous savez aussi bien que moi que dans un combat, malgré les instruments, il n'y a qu'un être qui tient ses armes. Et c'est elle qui tient l'épée qui garde les ennemis loin de nous. Mais nous formons une armée, une famille, et parfois il est temps que le bouclier prenne le relais le temps que la couronne récupère pour vous écraser.
– Qu'une femme de...
– Ne vous attaquez pas à elle de la sorte, car elle vaut bien plus que vous sur la balance, qu'importe l'équité ! lui cria-t-il avec une haine qui déstabilisa Arès sans pour autant qu'il ne parte.
Ses piques visaient la caste des guerriers censés suivre des lois, mais il comprenait tout comme moi la stupidité de l'interdiction des femmes d'en faire partie. Et pour la première fois, je saisis cette attirance que j'avais pour le nord, plus que pour le sud. Et peut-être même l'envie qu'il avait eu de faire de moi l'une d'elles, et non de la noblesse olympienne.
– La protégez-vous ?
– Nous nous protégeons mutuellement, et désormais, c'est à mon tour de le faire.
– Vous n'êtes pas de taille.
– Vos défenses n'ont pas tenu longtemps.
À ces mots, ma main sanglante qui s'agrippait à mon ventre, je jetai un regard aux Berserkers. Ceux qui devaient immobiliser Fenrir. Les chaînes au sol, les guerriers d'Odin n'étaient plus que des cadavres devenus livides par le sang perdu. Eux qui semblaient invincibles, aux arts anciens et mystiques. Ils puisaient la force de leur totem animal, se transformant partiellement, imbattables et aussi rustres qu'Arès, venaient de tomber comme des chiffons.
– Impressionnant, mais devant une armée, que feriez-vous ?
Craintivement, les autres s'approchèrent, traînant sur le sol leurs peaux de bêtes qu'ils revêtirent, entrant dans une transe profonde. Ils laissèrent leurs tatouages briller et se mouvoir sur leur peau aussi blanche que leur chevelure claire. Le silence tomba, des hybrides humains et animales entouraient Fenrir qui grognait à leur égard et nul n'osait l'attaquer.
Je me relevai avec peine, trébuchant sur les brindilles, faible et d'aucune aide, blessée sans parvenir à me soigner grâce à mes pouvoirs, calmant à peine ma douleur et retardant l'inévitable. Je jurai dans ma barbe, car c'était à moi de combattre et pas d'être sauvée. Pourtant, j'étais consciente que je sauvais et qu'ils se laissaient sauver, et que mon aîné nous avait appris une leçon. Il fallait accepter l'aide, car seuls, nous pouvions beaucoup, mais pas autant qu'une armée, une famille. Fenrir le faisait, et je n'avais jamais ressenti l'impression d'être dissimulée, si ce n'était pour un quelconque salut.
Un simple cri me fit sursauter, effaçant mes pensées aveuglantes qui faisaient ma faiblesse.
– Attaquez-le !
D'un même saut farouche, les Berserkers s'élancèrent vers Fenrir, créant une brume de corps flous emplis de la bestialité dominatrice, mais ils recevaient les coups d'un loup né pour se battre, imposant une force sans précédent sur ses ennemis qui tombaient, bien plus puissant qu'une grande partie des dieux. Qu'importait la prophétie qui le désignait ou pas, il restait craint. Les corps tombaient, détachés de certains membres, la gorge tranchée et même arrachée sauvagement. Les vies enlevées sans qu'ils puissent ne serait-ce qu'effleurer un poil de cette bête invincible.
Les rivières se formaient sans me révulser, impressionnée même par sa bravoure si naturelle à tuer les ennemis, éliminant les Berserkers sans difficulté jusqu'à ce qu'il n'en manque plus que deux, de part et d'autre de lui, et Fenrir choisit sa victime. En un clignement d'yeux, il lui avait arraché la tête, balançant cette partie chaude au pied d'Arès comme une preuve de combat. Son torse se soulevant sous la fatigue, affaiblis par ces jours empoisonnés, et je compris que bientôt, je reprendrais le flambeau.
Mes yeux dévièrent sur le dernier survivant, et je n'eus pas le temps de le prévenir, qu'il, sans quitter des yeux le dieu de la guerre, avait tourné en parti son torse pour atteindre l'hybride. Ses griffes sorties de ses mains, il lui trancha la gorge, souriant d'un air moqueur et arrogant. Le sang aspergea le sol tout comme ses bras, et une admiration naquit. Plus profonde que pour Hippolyte, une attirance destinée au criminel aussi meurtrier que moi. Une deuxième facette qui faisait de nous des miroirs.
– Vous avez d'autres poupées d'Odin à envoyer ou le dieu de la guerre finira par se comporter comme un guerrier pour venir se battre ? Sauf si la puissance de ton peuple ne vaudra jamais la nôtre. Ou si vous préférez, Artemis peut revenir sur le champ de combat. Ainsi nous ne perdons pas de temps, et même, je suis prêt à rester. Je ne me suis pas suffisamment amusé.
Un rictus de colère se dessina sur ce dernier, réalisant qu'il venait de perdre, mais je sus qu'il ne poserait ne serait-ce qu'un pied sur la clairière de la bataille.
– Nous allons voir si vous arrivez à faire la même chose avec ceux qui sont déjà morts, louveteau.
À peine prononça-t-il ces mots, que les guerriers qu'il appela répondirent à son appel à la voix aussi brutale que ses yeux. Entre les arbres épais qui avaient cessé de se mouvoir sous la tempête qui se levait aux éclairs lointains, des ombres naquirent, déformant le visage si sûr du loup du Ragnarök. Des Einherjars dessinaient leurs silhouettes dans la clairière sacrée, brillants de l'or des dieux.
Les guerriers les plus valeureux des Ases, immortels aux iris d'or qui avaient été choisis par les Valkyries. Ils provoquaient la prise de contrôle chez Fenrir qui perdit ses airs certains de sa victoire. Et ses yeux dévièrent sur moi un court instant, les mêmes qu'Hippolyte qui regardait sa protectrice dont les forces n'étaient pas revenues. Sa concentration fut vite ramenée à la réalité, et mes bras qui entouraient mon corps blessé et en sang par ses multiples plaies qui peinaient à cicatriser, n'étaient pas résignés à reprendre les armes.
Les guerriers s'élancèrent sur lui, marquant sa perte. Ils ne pouvaient pas périr, revenant éternellement, et les forces du solitaire mouraient face à cette armée qui faisait couler son sang d'immortel. Nombreux, ils parvinrent à l'enchaîner une fois de plus par des liens plus forts qui brillaient de l'or rassurant dans la nuit. Et de l'or obscur pour nous. Leurs paroles caverneuses le mettaient aux défis de continuer à se battre et se laisser manger ses pouvoirs.
– Vous êtes bien Arès, le dieu lâche qui préfère fournir sa besogne aux autres, aux plus forts. Vous vous dites dieu de la guerre, mais même votre amante vous battrait, se moqua-t-il.
Pour unique réponse, il sortit de son fourreau une épée qui émit un éclat dans la nuit noire, éveillant en moi l'irréfléchi qui, discrètement, se saisit de ma dague carmin. La levant en l'air, je m'approchai de mon frère doucement jusqu'à attirer l'attention de Fenrir qui, une fois de plus, m'ordonna de fuir de sa voix qui résonna dans ma tête, me prouvant qu'il tenait à moi, et qu'il ne souhaitait pas m'imposer l'enfer de son destin.
Je refusai, qu'importait si j'avais encore une chance d'être pardonnée par l'Olympe et de ne pas finir au Tartare. Nous nous aidions, nous complétions, qu'importait si nous étions des ennemis mortels. Il m'avait prouvé maintes fois qu'il le ferait pour moi, à mon tour de lui prouver que j'étais prête à me damner.
Et si nous devions brûler en enfer, l'un entraînerait l'autre, car nous étions nés sans salut, et s'enfuir ne ferait que le retarder. Pour la première fois, je sacrifiai ma couronne. Il s'était trompé sur le fait de m'écarter de sa guerre, car je préférais finir aux tréfonds du Tartare à ses côtés, car l'amour m'avait montré à ne pas être égoïste, tout comme à lui. Nous aurions le temps de nous compléter.
Arès ignorait la vérité, je ne voulais pas qu'il lui tranche la gorge pour son ignorance. Je ne voulais plus avoir de sang entre les mains, et perdre un être de plus, car je tomberais dans les abysses de l'océan rouge du sang de mes victimes.
Je pris une inspiration et abattis ma lame entre les omoplates du dieu d'un geste précis, féroce, les crocs jaillissant de mes lèvres et mes yeux étincelants, impériaux. Je la sentis s'enfoncer, touchant jusqu'à sa colonne, profonde.
– Je t'interdis de le toucher, je te l'interdis et si tu oses remettre ta main sur l'un de nous, tu le paieras. Fais-ce que tu veux de moi, mais ne le touches pas. Ni lui ni aucun membre de ma famille. Tu abats la reine, pas les autres, qu'importe leur poids important dans la bataille. Et je te le répète, tu ne touches pas le roi de la reine, car sur un même trône, nous savons te faire payer l'affront.
Il resta statique lorsque j'arrachai la lame dans un grognement menaçant qui clôtura mes mots. Un aura brûlant naquit, et le message silencieux qui passa fit retomber tout courage, car la lame venait de s'abattre sur ma tête, et je regrettai mon impulsivité et cette prise magique sur moi. Je reculai, paniquée par l'insensibilité douloureuse de mon geste, et du sien.
Il se retourna vers moi et, tout en me fixant, d'une main, il vint arracher la dague ensanglantée pour la jeter plus loin. Avant de me rejoindre, traquant la biche effrayée qui se savait condamnée par les pupilles onyx qui envahissaient le gris obscur de ses iris brûlant de violence.
De son visage rustre aux traits pourtant plus fins que des barbares, mais incivilisés, il me promettait mille tourments. Je me maudis de ne pas avoir le charme de certains dieux pour m'échapper de cette impasse. Je n'étais pas rusée. Et je venais d'acclamer la puissance d'une reine qui avait perdu son royaume pour une nuit, et dont le destin dépendait du bon vouloir de son père.
– Pars, Artemis ! Ne la touche pas ! Je t'en interdis ou tu le paieras, Arès ! Fais ce que tu veux de moi, mais je t'en supplie, ne la touche pas ! s'écria Fenrir avec colère, se débattant, en vain, et ces mots ne résonnèrent que comme un écho lointain.
Tétanisée, je vis les pieds nus d'Arès venir vers moi, et je l'implorai, regrettant mon geste une fois de plus, les larmes aux yeux. Mes sentiments prêts à le tuer laissaient place à un désespoir profond à l'instant où il revenait, car mon ventre se souvint une nouvelle fois de la douleur ressentie.
Il resta sourd, emmené dans sa colère destructrice qui ne désirait qu'abattre la guerre du sang sur tous ceux qui entravaient le chemin d'une victoire enflammée.
Il me battit, et je n'eus pas la force de répondre si ce ne fut me protéger de mes bras, laissant ma vue se flouter jusqu'à ce que, vaincue, il me soulève du sol. Privée d'air, le dernier souffle de ma pitié fut emporté par le vent, volé à travers les cimes des arbres, avalé par la tempête approchante et foudroyante. Lancée au loin, mon dos percuta avec fracas un tronc et je tombai au sol, écrasée sous le poids de la culpabilité, indigne de miséricorde dans la vie sanglante des empyrées.
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