67. Argent {partie 1/2}

« She saw Beauty in his
Darkness
He saw Darkness in her
Beauty »

« Elle a vu de la beauté dans ses ténèbres
Il a vu les ténèbres dans sa beauté »


Je les regardai, chacun, au profond de leurs yeux. Ils étaient erronés s'ils pensaient me ramener aussi docilement. Il était temps qu'ils comprennent que j'étais un monstre indomptable qui ne pouvait pas être contrôlé, qu'importait les chaînes et le chemin qu'ils me poussaient à emprunter.

Je trouvais toujours un moyen de les faire souffrir. J'étais reine, maîtresse de mon destin, de ma tragédie dont les saveurs exquises m'avaient déjà été offertes pour y goûter, et je m'en délectais. J'étais le commencement et la fin, j'étais la flamme qui enflammerait le monde. J'étais tout autant sa destructrice que Fenrir.

Un sourire se dessina, ironique et menaçant, coléreux et de déception, et d'autres sentiments que j'ignorai. Ils battaient dans mon crâne, brisant mes parois de glace, évaporant mes larmes qui me retenaient, brisant ces promesses murmurées dans les airs pour qu'elles soient emportées par le vent traître. Je me laisserais emporter par ce que j'avais fui, car cet appel était moi, et j'étais ainsi. Le fuir ne servait à rien, je l'embrasserais de mes lèvres sanguinaires. Je le caresserais de mes ongles tranchantes, je le goûterais de ma langue impardonnable et désireuse de cette noirceur.

– Au contraire, je suis tâchée de sang, car je suis née ainsi, une bête sauvage. Je tue, les personnes succombent autour de moi. Je perds à chaque pas, sans jamais reculer. La dernière goutte a coulé tant de fois que tout espoir est vain. Cette discussion n'est qu'au moment idéal ! acclamai-je au ciel, et un grondement d'éclair au loin me répondit.

Ils me fixèrent avec inquiétude, plongeant leurs yeux dans les miens. Phoebe avait ouvert les siens, apeurée, tremblante, effrayée par celle qui se trouvait en face, et mon cœur accéléra.

La nature prenait vie autour de moi, se mouvait sous la symphonie des esprits des vents qui emmenaient dans leur danse les nymphes de la nuit. Ces apparitions de l'Autre-Monde, envoyées de Séléné pour chanter et accompagner les hululements du hibou. Les dryades s'étaient dissimulées, sachant la nuit obscure. J'entendais les craquements des arbres grandissants et leurs plaintes douloureuses qui me délectèrent. Une étincelle de lumière alluma la peur de diamant.

– Que se passe-t-il ? questionnai-je au changement drastique des lieux dont la magie ne les gorgeait pas comme je le pensais.

– Reculez, ordonna Fenrir, leur jetant un regard avant de me fixer à nouveau sans avoir saisi que je désirais le tuer, lui, et non mes sœurs.

– Par toutes les divinités, répondit Skotia, consciente du tableau qui se déroulait tout en reculant avec crainte avec Phoebe, mais elles ne semblaient pas voir que la forêt se mouvait, me fixant à la place.

Skotia ne me quittait pas des yeux à mesure qu'elle reculait, ne regardant même pas la main de Fenrir tendue dans ma direction comme pour calmer un animal. Elles se pliaient aux ordres de celui qu'elle détestait. Je me sentis égarée sous ces réactions, et l'air devenait lourd, m'écrasant, mais elles ne frémissaient pas à cette sensation au contraire de mon épiderme.

– Regarde-moi, tout va bien se passer.

– Je ne comprends pas, que se passe-t-il ? répétai-je, jetant un regard autour de moi, apercevant ces ombres courir entre les arbres, de plus en plus nombreuses.

– Tes yeux Artemis, commença Skotia. Ils sont argentés.

Je n'eus pas le temps de réfléchir à ses paroles qui me laissèrent abasourdie que d'autres silhouettes apparurent, revenant de mon passé pour me hanter. Je tournai sur moi-même, scrutant chaque parcelle de ces fantômes angoissants, provoquant des frissons qui parcoururent mon corps qui sentit les remplacements de ces emprisonnements. J'étouffais doucement sous une ardeur brûlante de l'air.

D'une voix inaudible, je tentai de me rassurer auprès d'eux, mais j'étais la seule à les voir. Ils ne percevaient pas, comme si tout n'était que mon illusion. Étourdie, j'étais hypnotisée par leur blancheur immaculée qui m'avalait, éveillant la panique de la bête en moi.

– Artemis, regarde-moi, écoute ma voix. Ne te fie à rien d'autre que moi.

Je ne l'entendis pas, ce doux murmure lointain ne me parvint pas, se perdant dans la tornade naissante, ce tourbillon d'un blanc souillé dans cette fresque ténébreuse. Leur nombre croissait, et leurs bruissements perçaient mon esprit. La température chuta et la glace se forma sous mes pieds, les brindilles moururent et je sentis leurs éclats brisés à mes pas effrénés autour d'un même point.

La lune de sang m'appelait de sa lumière nocturne, et son odeur envoûtait mes narines, rejointe par les susurrements d'une forêt obscure qui m'attirait de ses mots doux. Les spectres s'approchaient doucement, me menant à travers ce voile aveuglant. Je tentai un pas en arrière dans l'espoir de les fuir, les réduire à néant en les faisant disparaître. Ils ouvrirent leur bouche, apercevant que je m'échappais, laissant un cri horrifique s'en extirper.

Ils en brisaient les armures.

Mon hurlement rejoignit les leurs à l'instant que mes genoux fracassèrent le sol, répondant la vibrance du choc à travers mes os. La douleur, la mort, la souffrance, la guerre, le carnage, la sauvagerie entrèrent en moi par ces sons effroyables qui m'empêchaient toute pensée rationnelle. Mes ongles s'enfoncèrent dans la terre humide, creusant de profondes traces dans la terre battue par mes pieds démunis de toute pitié. Je tentai de venir recouvrir mes oreilles de mes mains pour taire leurs cris, mais ils étaient en moi, se joignant au mien.

Nous hurlions à l'unisson, se mêlant à la mélopée lugubre des bois qui de sa magie ancestrale imbibait la terre de son propre sang, m'attirant de ses effluves enivrants. Le liquide de la vie brûla à ma peau, prenant vie et servant d'onguent pour les bras. Des mains jaillirent de terre et me caressèrent de leurs doigts aussi froids que la mort, m'empoignant pour m'enfoncer auprès des corps enterrés.

Les yeux fermés, je hurlais toujours, d'un cri crépusculaire, entre l'humanité battante et la sauvagerie combattante. La voix résonna à nouveau en moi, m'appelant à céder à ce désir que je refusais, me rappelant que ma nature était d'abattre la mort. Que j'étais une prédatrice, une chasseresse, et qu'elle ne se tairait jamais, qu'importait mes supplications, mes murmures baignés de larmes.

J'étais la mort, le sang, la souffrance qui me plaisait tant. Dans cette tempête aux bruits assourdissants, une voix lointaine m'appela, me commandant de lever les yeux, de les ouvrir. Je les gardai rivés au sol, clos, ne voyant que les nuances de la nuit qui se mêlaient au carmin. Il ne parviendrait pas comme en Crête à pénétrer dans les entrailles de la grotte, à me noyer dans les courants pourpres qui aveuglaient. Pourtant...

Je devais laisser exploser, moi, fille de la lune, je ne pouvais pas le fuir, et cette nuit, je l'avais prouvé, souillée, mais j'avais fait une promesse. Promesse soufflée à ceux qui m'avaient trahie. Je le savais, résister ne servirait à rien, je ne faisais qu'éloigner à l'horizon du coucher du soleil l'inévitable, le destin de la fille de la chasse dont la beauté ne cachait que la noirceur de mon âme.

J'étais sensible, mais ce n'était qu'un leurre. Mon cœur était aussi froid que la mort, insensible, et cette humanité qui taisait ce que j'étais, dévoilant ce qu'ils avaient fait de moi, dernier vestige d'un passé en ruines, devait être perdue. Il était temps que je me libère, que je laisse ma nature l'envahir, et elle ne se tairait pas. Fille des forêts, ce combat intérieur devait cesser, et lutter, qu'importait si je le niais, tout n'était qu'une illusion.

Je hurlais pour taire ses incitations traîtresses, et il me le fit payer. L'être provoqua une souffrance interne qui explosa les sentiments en moi, me détruisant, creusant de l'intérieur mon âme et je sus que je ne tiendrais plus.

Tue-le, si tu le tues, tu seras libérée, en paix. Meilleure, débarrassée du supplice et de la douleur. Cède, tue-le!

J'ouvris mes yeux, mes pupilles se dilatèrent et le monde devint violent. Je saisis ma dague et me remis sur pieds d'une seule respiration, obligeant Fenrir agenouillé devant moi à faire de même. Je glissai ma lame au creux de son cou, et une goutte de son sang coula le long de sa gorge.

Le monde devint silencieux, démuni de bruit. Tout avait disparu à l'excepter de mes larmes qui coulaient le long de mes joues, rougissant à leur passage. Prise de spasmes par ma respiration saccadée, je ne le quittai pas des yeux, perdant pied et sentant le tremblement de mon corps qui secouait mon être entier.

Je ne le quittai pas, perdue, désemparée dans un monde où tous me hurlaient fautives, mais dans l'ombre n'attendaient que la mort que j'abattrais. Dans le but que je sombre à jamais dans les méandres du maelstrom du sang.

– Artemis, pose cela, me demanda-t-il, et je vis sa proéminence du cartilage bouger, trahissant son état d'esprit qui me craignait.

– Il m'a dit qu'il me laisserait tranquille, sanglotai-je, mes doigts blanchissant à force de serrer cette arme qu'il m'avait offerte.

– Si tu tranches ma gorge, tu céderas à la pire des malédictions, me prévint-il d'une voix ferme, sans esquisser le moindre mouvement.

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