66. Ennemis mortels {partie 2/2}
« The Queen is the deadliest piece »
« La reine est la pièce la plus mortelle »
Ils scrutaient les bois, les fantômes morts entre les troncs épais aux écorces fondues par des arabesques. Ils étaient les cicatrices de leur croissance au milieu de ce monde sauvage qui par les foudres ne pardonnait pas. Il s'abattait sur ses victimes sans même se soucier de sa vie, brûlant en une nuit un arbre qui ne désirait que traverser l'été brûlant, mais qui serait réduit en une cendre noire. Condamné à se mêler à la nuit rougeâtre par les braises qui détruisaient les êtres vivants qui osaient ne serait-ce que l'effleurer.
– Je le sais, je sais tout cela, j'en suis conscient, me coupa-t-il, me voyant désespérée et perdant raison, et je ne parvenais pas à mettre fin à ses jours.
– Je me serais certes, mise en colère, mais ce serait passé, car tu me l'aurais dit. Là tu me l'as caché, repris-je, laissant retomber le long de mon corps mes membres démunis de force, souhaitant lui incomber toute la culpabilité.
– Je le sais Artemis, j'en suis désolé, s'excusa-t-il encore, et je m'agaçai.
– Ces paroles que les coupables répètent dans cette boucle serpentine sans fin ne fera pas que les faits reculent dans le temps dans l'espoir de changer, car le mal a été fait. Rien ne changera le passé, ni mes pensées sur toi, finis-je cruellement, et je vis ses pupilles être habitées par des éclats de panique qui l'affolèrent au point qu'il enlace la flèche que je lui avais lancée de ses doigts et qu'il me la renvoie.
De simples mots qui montraient à quel point j'étais peut-être parvenue à le dompter, mais qu'il restait sauvage. Et qu'il avait ses limites, des frontières que je souhaitais voir brisées, qu'importait si j'ouvrais de vieilles plaies. Car il serait au même piédestal que moi à cet instant.
– Ce n'était pas bien difficile à deviner.
– Je suis donc fautive ?
– J'ai fait tant de choses, rien de parfait, mais tu ne les as pas vu, aveuglée. Ce n'est pas que toi.
– Es-tu donc le héros à acclamer ? me moquai-je dans un sourire rieur, tout en secouant ma tête, faisant voler ma chevelure autour de mon visage marqué profondément par les éclats de guerre.
– La reine ne comprend pas ? J'ai tenté de te sauver.
– Je suis donc censée tomber dans tes bras ? fut mon unique réponse d'une voix différente, soulevant un sourcil. Personne ne me sauve.
– Sauver mutuellement, pourquoi pas ? Nous pouvons revenir sur nos pas, repartir à Corinthe, princesse, m'invita-t-il, me dévoilant ses bras prêts à m'accueillir tout en me lançant un sourire des plus charmeur qui parvint à chavirer un court instant mon cœur.
Je tus cette flamme naissante d'un ricanement qui lui fit comprendre que ses airs rusés ne me tromperaient pas, il ne m'amadouerait pas. Je ne serais jamais sauvée.
– Je ne suis pas une misérable princesse comme tes conquêtes. Je suis reine. Cours vers elles, ces futilités seront ravies.
– Il n'y a que toi, à jamais. Et pourquoi des futilités, lorsqu'il y a une reine qui sait ce qu'elle vaut ? Je me suis plié devant toi, Artemis, que te faut-il de plus ?
– Que de belles paroles lancées par un prince, j'en suis retournée, ironisai-je, plaçant une main sur mon cœur et imitant ces jeunes femmes aux têtes des royaumes.
Et qui pourtant refusaient de partir à la chasse, conduire un char pour s'approcher de l'égalité des hommes. Elles préféraient les observer depuis leurs balcons leur voler la vie qui était la leur, volant le pouvoir qui était nôtre.
– Artemis, je t'en prie, écoute-moi et comprends-moi. Je tente de t'expliquer.
– Je t'en prie, je ne te retiens pas, je suis ouïe à tes paroles trompeuses, l'invitai-je d'un signe de la main à continuer, mais il remarqua que je me moquais librement de lui.
Une supplication me fut lancée que je répétai avant de le couper d'une remarque cinglante, lui faisant savoir qu'il me renvoyait une faute qui était la sienne. Me critiquant lorsqu'il n'était pas bien mieux que moi, falsifiant ma vue, me menant dans de faux chemins aux feuilles vives et éclairées par une lumière reflétée sur un lac déformant. Et tous ces aveux que je lui avais murmurés devinrent des regrets.
– Tu es une tête de mule, écoute-moi.
– Non, c'est toi qui l'es, le repris-je, tombant dans son jeu provocateur des dernières paroles pour faire taire l'autre et imposer sa vérité. Tu dis avoir changé, mais tu es le même prince qu'Asgard ! lui lançai-je, haineuse, refusant de m'ouvrir à lui, sourde à ses supplications depuis qu'il s'était révélé à moi et je sus qu'il perdit contrôle à sa réponse emportée par sa colère envers mon refus d'écouter sa défense.
– Et bien, nous sommes deux !
Je fis un pas en avant tout comme lui, laissant la brise soulever nos cheveux mouillés, inébranlables. Nous nous toisions, patientant aux prochains coups de poignard de l'autre qui piquerait de son dard les tympans de son ennemi aimé, avant de jeter son poison de ses lèvres fissurées une réplique plus tranchante encore dans ce combat que nous voulions gagner. Désormais, nous étions les chasseurs au milieu de notre tragédie aux voix qui vaudraient les gestes.
Coûte que coûte, prêts à imposer sa domination, nous étions redevenus des monstres. Je sus que ni lui, ni moi ne nous laisserions imposer la vérité de l'autre, s'accrochant à la sienne que nous allions démontrer. Ses yeux brillaient dans la nuit noire et il libéra une partie de son aura qui tenta de me calmer, mais je haussai le menton, le foudroyant d'un regard impassible, prête à cracher sur lui avant de me raviser, ma puissance qui envahissait la clairière tout comme la sienne au point d'en faire frémir les branches.
Je possédais l'arme, je devais le tuer et il m'avait suffisamment manipulé. Il était parvenu à me faire parler à la place de frapper. Je ne réfléchis pas à deux fois, et, dans un saut qu'il ne vit pas venir, je m'élançai vers lui.
Une force contra mon corps qui fut propulsé contre un arbre. Un râlement de douleur, et je tombai au sol sur mes pieds. Je tournai avec rapidité la tête vers celle qui avait osé m'empêcher de tuer.
– Arrêtez ! s'écria une voix qui recouvrit nos silences, s'affrontant dans l'atmosphère brûlante et nous empêchant de continuer notre conflit à la limite de la haine et de l'amour.
Destructeur et mortel, mais qui pourtant nous avait offert un semblant de vie paisible sous les rayons d'une lumière inconnue. Un passé que je voulais enterrer, refusant toute main tendue désormais.
– Ne vous disputez pas tels des enfants, par les divinités anciennes ! Artemis, pose cette arme, m'ordonna-t-elle, et je la rangeai à contrecœur, papillonnant et revenant faiblement à moi.
Nous observions désormais Skotia, la rage brûlant nos iris, emportés par nos pulsions sauvages et des règles de notre monde qui imposaient la victoire du plus fort. Qu'importait la véridicité.
Elle tenait une Phoebe menée dans une torpeur éveillée, les pupilles pleurant sans force, rougissant ses yeux, inconsciente du monde qui l'entourait, mais vivante. Je fus rassurée de la retrouver, mais son innocence avait dû recevoir un poignard à la vue de la bataille endormie.
– Tu étais mort, fit savoir Skotia à Fenrir, étonnée. Qui es-tu ?
– Fenrir, prince d'Asgard et de Jotunheim, répondit-il avec fierté qui me fit soupirer, mais qui haussa un sourcil chez Skotia qui ne parut pas intriguée.
– Rien ne m'étonnera plus suite à cette nuit, commença-t-elle avant de sourire d'une manière déstabilisante. Tu es bien plus séduisant que je me l'imaginais, le grand méchant loup.
– Que fais-tu ici, Skotia ? demandai-je d'une voix rude.
– Je suis venue te chercher, j'ai cru que tu étais en danger, mais je vois que tu es en bonne compagnie. Même si tu viens de tenter de le tuer, me fit-elle savoir, tournant sa tête dans ma direction et ses cheveux uniformes volèrent au vent comme si les combats ne l'avaient pas atteinte, la caressant à peine, et ni même un fragment de peinture de ses ongles noirs n'avait disparu.
– Bonne compagnie ? Lui ? Je vais rire.
Je m'étonnai qu'elle ne réplique rien, et sa mine sérieuse me rassura. Elle avait compris que j'étais sur le point d'incendier le monde autour de moi. Qu'une simple parole me mènerait sur le chemin de la mort que je sèmerais, emportée dans un courant dévastateur tant désiré ces années durant.
– Calme-toi, m'ordonna-t-elle, mais j'étais dans ma folie noire.
– Je suis calme, ricanai-je sans retenue.
– Tu ne l'es pas Artemis, tu cris.
– Je ne crie pas, je m'exprime ! Et Fenrir, tais-toi, tu n'as pas à me dire un simple mot, si tu ne veux pas périr à l'instant.
– Artemis, ce n'est pas le moment pour cette discussion. Tu es blessée, il est blessé. Repose-toi, les dieux sont enfin là. Nous avons gagné, ils ont perdu, Garm est emmené chez Hela. Et..., dit-elle, montrant Phoebe d'un mouvement de sa nuque qui bougea avec précision sa pommette. Nous ne sommes pas en mesure de réfléchir clairement. Aucun d'entre nous.
Nerveuse, je continuai à rire. Elle se trompait, je ne suivrais pas ses ordres, je ne suivrais pas leurs règles. Ils m'avaient trahi, dont Phoebe. Leurs paroles ne calmeraient pas mon cœur rageur qui battait dans ma poitrine. Leur ton caressant qui se voulait un retour à la réalité, me ramenant à une raison qu'ils pensaient être la bonne, ne me changerait pas. Je ne serais plus trompée, et en moi, brûlait cette colère.
Lasse de ce monde, épuisée de me contenir en vain, laissant par goutte sanguinaire la mort s'abattre. Ils se jouaient de moi, me retenant à des liens desquels je pensais m'être libérée, condamnant ceux que j'aimais au point d'offrir ma vie en sacrifice, mais qui pourtant je les avais laissés se perdre. Tout comme moi, de nos chemins proches et lointains, se croisant par moment sans se revoir comme autrefois.
J'avais combattu dans une brume qui m'écartait, me laissant espérer que la fin était adjacente lorsqu'elle me menait à la tromperie. J'avais été aveuglée, mais je ne le serais plus, et s'il le fallait, je permettrais au volcan d'exploser. Ses tremblements parcouraient déjà mon corps.
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