66. Ennemis mortels {partie 1/2}

« Cross my heart, hope to die
To my lover, I'd never lie
He said "be true", I swear I'll try
In the end, it's him and I »

« Promis juré
À mon amour, jamais je ne mentirai
Il a dit « Sois vrai », je promets j'essaierai
À la fin c'est lui et moi »

G-Eazy & Halsey, Him and I

Comprenant mes intentions, il effectua un mouvement du poignet, saisissant mon arme et la retournant contre moi. Une précision entraînée qui me prit de court, et je jurai. Je me retrouvai dos à lui, collée contre son torse, et la lame caressant ma jugulaire qui battait avec enfièvrement contre mes tempes, le sang affluant dans mes membres.

– Artemis, écoute-moi, je t'en prie, tenta-t-il de me calmer.

– Non, bats-toi ! Tue-moi, avant que je ne te tue !

La poitrine partiellement dénudée par les griffures qui avaient lacéré mon péplos, j'entendais mon cœur m'insuffler le rythmé du combat. Vive, je lui tordis le bras avant de jeter mes jambes en avant, m'enroulant autour de son torse et le jetant à terre. Il s'effondra, soulevant des perles de la rosée du soir. Désireuse de le faire taire, je l'enfourchai et dans un élan de rage, abattis mon poignard droit sur son cœur, mais il me retint.

Il avait compris qu'un simple mot était condamnable, et il se tut. Il ne pouvait plus observer mes gestes nerveux, ma main tremblante qui appuyait de mon poids sur la manche que je tenais avec fièvre, en écho à mon front brûlant, et mes pupilles sombres qui ne le quittaient pas du regard. Elles étaient emplies de la fureur de mon cœur et de mon esprit.

– Quand comptais-tu me l'avouer ! hurlai-je, et je vis une goutte de sueur couler le long de sa tempe.

– Lorsque tout serait fini, lâcha-t-il, combattant toujours contre ma puissance incontrôlée qui ne désirait qu'enfoncer la pointe dans son organe qui lui offrait la vie qu'il ne méritait pas.

– Fini ? Eh bien, pour le fils du dieu de la malice, tu n'es pas bien intelligent, grognai-je. Permettre à Garm de nous tuer, me tuer, et le laisser provoquer le Ragnarök depuis son trône ? Prendre contrôle du continent, de la Grèce et d'Asgard ? soulevai-je, et un ricanement s'échappa.

– Comment sais-tu pour le Ragnarök ? s'étonna-t-il, me menant à la conversation et sans que je ne m'en aperçoive, la force quittait mes bras pour se mêler au sang à la commissure de mes lèvres.

– Est-ce ton unique réponse ? Il se trouve que lui, au moins, ne m'a rien caché. Heureusement que Merope lui a tranché la gorge pour le faire taire, car ses paroles révélatrices brisaient plus d'une personne.

Triomphante, j'avais abaissé ma garde. Ne percevant pas sa ruse, je fus surprise par sa prise de contrôle et le froid qui le dirigeait lorsque la lucidité était nécessaire pour vaincre. Conscient que j'avais perdu raison, irréfléchie et emmenée dans le courant sanguin de mes folies, il ne se soucia pas de moi.

J'émis un gémissement de douleur lorsqu'il me tordit le bras, me forçant à délier avec difficulté mes doigts de l'arme qui rebondit sur le sol. Son visage était devenu ferme face à la bête qui tentait de le tuer, la chasseresse qui l'avait traqué.

Il saisit mes poignets, me forçant à me lever sans toutefois rompre mes os, comme s'il espérait que je revienne à moi, ne souhaitant pas me faire davantage de mal de peur que je me défoule que plus, et je rageai. Il se comportait d'une manière semblable que lorsque j'avais été face à Candeon. Je ne m'étais pas laissée emporter. Nous savions comment nous comporter avec certains êtres, mais je ne souhaitais pas sa patience, je voulais qu'il soit le monstre qu'il était.

Je me débattis, l'insultant des noms que je trouvais les plus adéquats, la chevelure désordonnée volant autour de mon visage, mais il ne tarda pas à trouver le moyen d'immobiliser mon corps en m'encerclant du sien. Je ne parvenais plus à bouger ne serait-ce les lèvres. L'air arrivait faiblement à mes poumons, mes pieds martelaient en vain le sol, mais les ayant entourés de ses jambes, je ne réussissais pas à atteindre avec suffisamment de force ses membres pour le frapper et me libérer. Il m'étouffait doucement pour que mes forces s'estompent.

Je souris avec mesquinerie et un rire gras s'échappa avant que je ne cesse tout mouvement, rictus au coin des lèvres. Le jeu auquel il se prêtait était dangereux, je pouvais être patiente lorsque cela était à mon avantage, le retournant contre lui. Je restais une bête.

– Parlant de Merope, d'Oarion, ton meilleur ami, et mon frère que j'ai tué. Quand ? repris-je le dialogue, étrangement calme, dans l'espoir de le voir craquer comme moi, mais j'oubliais qu'il savait, à mon contraire, et qu'il n'avait pas subi de trahison depuis ce meurtre.

Je le sentis étonné, tendu même, et méfiant de mon calme soudain. Apaisée, je détendis malgré moi mes muscles pour le mettre en confiance, et le fils du dieu de la malice tomba dans le piège de la déesse de la chasse dont l'art de la traque n'était pas inconnu.

– Te l'a-t-elle dit ?

– Oui, affirmai-je d'une voix toutefois tranchante. Si j'avais dû attendre sur toi, je serais encore plus perdue qu'une femme vierge dans un temple d'Aphrodite ! m'emportai-je pourtant. Tu aurais mieux fait de rester dans cet état.

– Artemis, je...

– Tais-toi, et laisse-moi parler ! lui criai-je avec haine et je me maudis, sentant ses bras enserrer mon corps, craignant que je ne me libère, et je finis par baisser d'un ton sans pour autant faire de même avec mon intensité fracassante. Tu as tenté de me tuer, deux fois, Candeon, ironisai-je, et je sus que son visage devint livide, constatation qui me fit sourire cruellement. Je l'avais deviné, continuai-je, depuis longtemps, mais j'ai préféré ne rien te dire. Idiote que je suis, tu avais bien raison. Et je me demande toujours, pourquoi ne pas me tuer cette nuit ? C'est l'occasion de te laisser une fois de plus emporter, tout comme moi, de craquer, et voir lequel arrachera le cœur de l'autre et versera le sang. Tu as bien tenté de m'assassiner à deux fois, insistai-je, le sachant à ma merci, coupable. Avant de venir flirter.

– Tu le fis à trois fois, et une, tu as réussi, constata-t-il, devenant joueur et tombant dans mon piège.

– La première ne compte pas, répliquai-je avec une petite moue.

– Même chose, princesse, répondit-il avec un sourire malicieux, reprenant une confiance trop rapide et la manière avec laquelle son regard pesait désormais ne fit qu'accentuer ma colère que je peinais à contrôler. Souviens-toi que je sais ce que tu ressens maintenant, et que c'est normal.

Je me mordis la lèvre, refusant d'accepter ce qu'il me susurrait, me laissait entendre. Je l'avais ôté de cette phase sans retenue, à abandonner des cadavres derrière lui par les froissements de la nuit, et je le regrettais désormais, car je lui avais permis de commencer à faire de même avec moi. Je possédais pourtant un atout, celui d'y être toujours plongée, mais ses yeux qui me couvaient tentaient de me retenir, et je le lui fis savoir.

– Arrête.

– Bien, lâcha-t-il naturellement, à l'écoute de mes moindres ordres, et je le haïssais.

– Bien ? Bien ? répétai-je. Je viens de voir mon royaume mourir sous mes yeux, réduit en cendres, souillé par le sang, enflammé par mes ennemis. Je viens de me faire torturer, psychiquement et physiquement, et j'ai appris toute la vérité de la vraie guerre. Puis viens-toi. Tu pourrais dire autre chose que désolé et te taire, je pense ? hurlai-je presque d'une voix désespérée d'une rage ambitieuse de tout détruire autour de moi.

Il avait suffisamment relâché sa pression pour que je le frappe au visage de mon coude, le faisant reculer. Avec rapidité, je m'abaissai pour saisir le poignard et je le menaçai, désormais folle de haine. J'avais perdu contrôle, et mon désir le plus profond pour taire la douleur était de le voir mort, gisant à mes pieds. Nos rôles s'étaient inversés, et s'inverseraient toujours, et il fallait une fin avant que nous ne tombions. Je refusais d'être liée, car j'avais peur. Je préférais une autre issue.

Goûter à son dernier souffle, voir s'écouler le sang de son cœur, et enterrer une dernière fois l'être qui me reliait à mon passé qui devait brûler, ainsi qu'à l'Amour qui me rendait faible. Dans les rougeurs grenade du monde, dans la passion destructrice d'une convoitise mortelle, l'âme s'était alliée aux ténèbres de la nuit. Le cœur noirci, attiré par le feu joueur, je ne désirais que me brûler les ailes une fois de plus.

Il passa une main inquiète sur son visage, guettant mes tressaillements, cherchant ses mots et ses lèvres se murent en silence avant qu'il ne trouve ses sons longuement réfléchis. Il était conscient que le moindre détour sur le chemin qu'il devait emprunter provoquerait sa perte et me ramener à la raison était bien difficile. En particulier si les lueurs pourpres du sang dansaient devant mes yeux.

– Tu as raison, pour tout, répondit-il plus calmement. Je voudrais tout t'expliquer, tu ne sais pas comment je m'en veux, pour tout ce que je t'ai fait, et sache que j'en suis désolé, mais nous étions des enfants. Je comprends que tu sois en colère, je ne t'ai rien dit parce que je ne voulais pas te perdre pour cela et...

– Non, tu ne comprends rien ! le coupai-je une fois de plus.

– Comment cela ? Quel est le problème Artemis ? J'essaie de faire de mon mieux et puis..., tenta-t-il mouvant ses bras dans les airs, perdant doucement son calme. Je m'excuse pour tout, je m'en veux, Artemis, arrives-tu à comprendre ces mots ? Je regrette mes choix.

Je ris une nouvelle fois, les lèvres tremblantes. Je basculai la tête en arrière, affichant un sourire mauvais. J'empoignai mon arme, les pieds plantés au sol qui ne souhaitaient que décoller pour mettre fin au papyrus bien trop long.

– Mais c'est toi qui ne comprends rien ! Le passé est le passé. Nous étions des enfants maudits qui n'osaient s'approcher de personne, et envoyaient tout le monde aux enfers de leur empire pour se protéger du monde extérieur ! Enchaînés aux dorures, et j'avais été aveugle de ne pas le voir. Nous étions similaires sur certains points. Je t'ai aussi fait du mal, même si tu m'en as fait plus. Pourtant, cela, j'aurais pu te pardonner, je te pardonne même ! Nous étions des enfants, je te le répète, je n'étais pas meilleure que toi. Nous changeons tous, nous apprenons. Regarde-moi ! Reine et libre ! m'exclamai-je après une danse folle de mes mains, écartant les bras d'un rire sortant de mes tripes, mais il ne profita pas pour riposter, me craignant.

– Je ne comprends pas, coupa-t-il court à mon rire qui se propageait dans les bois telle une claque qui fouettait les arbres.

– Tu le comprends bien, me repris-je d'une voix tranchante qui provoqua chez le loup craint de tous un mouvement de recul. Cesse de faire l'innocent, car tu es loin de l'être. Tu m'as menti tout du long, cachant des secrets et comme la parfaite idiote que je suis je ne me suis doutée de rien ! J'aurais dû les écouter, tous ! Tous ! Tu m'as trompé et cet acte est impardonnable, car je me suis sentie, tentai-je de m'exprimer avant de me taire, car je ne trouvais pas le mot.

Il ne put répliquer, il ne parvint ni même à s'expliquer, à me supplier de comprendre qu'il ne possédait pas la liberté du choix. Le fardeau que nous portions amenait au désespoir, à la certitude que la lumière du jour condamnerait à mort. Que la survie résidait dans une prison lointaine, nous privant de la liberté vitale de l'esprit sauvage.

Je n'étais pas prête à comprendre, je n'étais pas prête à le percer à jour, à chercher la peur et le retour en arrière qui semblait impossible. La révélation tardive valait mieux que toute raison que de laisser l'autre découvrir par ses soins les traits d'une ombre qui suivait ses mots dans la nuit douce.

Il m'avait menti, et était le rempart, il était le lien qui persistait dans ma nuit que je souhaitais voir disparaître. La voie sèche était tremblante et les erreurs méritaient de périr. La douleur des tripes née des sentiments qui frappaient abattit ma lame qui érafla sa main, manquant sa cible. Je me sentais trahie par tous et les coups que j'abattais sur son corps sans parvenir à l'atteindre rythmaient mes larmes de douleur.

– Artemis, je l'ai fait pour toi, car je te mettais en danger, tout comme tu l'as fait avec moi ! tenta-t-il de me ramener, tournant la pointe de la flèche, mais d'une soufflée d'air qui rabattit une mèche de mes cheveux par-dessus ma tête pour s'y coller, je l'ignorai.

– En danger ? Ne pensais-tu pas que j'étais suffisamment en danger ? Emportée dans un tourbillon qui obscurcissait à chaque pas que je faisais, emportant dans mon sillage les ténèbres de la nuit ? Plus ou moins ne changeait rien ! Et à plusieurs, nous gagnons. L'union fait la force. Tu es un Loup, tu devrais comprendre le concept d'une meute. Je suis désolée, je reviens sur mes propos, tu es un solitaire, tu ne connais pas le partage, tu n'es que dans ta tragédie.

Il arrêta mon bras, mais je le passai autour de sa nuque dans l'espoir de la lui tordre. Il s'épuisait, j'étais inépuisable. Il parvint à nous faire chavirer sur le sol en usant de cette même force, mais pas pour longtemps. Je me relevai à la hâte, m'échappant de ses gestes acharnés pour m'arrêter dans ma course effrénée.

– Je ne connaissais pas l'autre facette de l'histoire, que tu étais à ce point en danger, jusqu'à ce que Garm me capture, me hurla-t-il tandis que je le menaçais à nouveau de ma lame. Tu ne connais toujours pas mon passé, tu ne sais pas à quel point j'étais dans l'état des abîmes.

– Ne me mens pas ! le mis-je en garde, enfonçant mes ongles dans ma paume.

Des filets de sang coulèrent délicatement le long de mes doigts, d'un doré brillant qui contrastait avec le rouge sombre de ma peau boueuse.

– Je ne te mens pas, affirma-t-il tout en se remettant sur pieds, et je ne bougeai pas.

– Comment pourrais-je te croire ? questionnai-je, le menton qui le toisait, lui accordant un instant de répits.

– Fais-moi confiance.

– Ce ne sont que des paroles, il n'y a pas d'actes ! Comment pourrais-je te faire à nouveau confiance ? Tu... Tu... Tu..., répétai-je posant mes mains de part et d'autre de mon visage, comme retenant des cris qui me suppliaient de jaillir, se reflétant dans mes yeux fous.

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