63. Brisées {partie 2/2}
« Damaged people are
Dangerous
They know they can
Survive»
"Les personnes brisées sont dangereuses
Elles savent qu'elles peuvent survivre"
– De quoi donc ? Je n'ai pas le temps, Merope, pour la crise d'une princesse déchue. J'ai bien plus important, car la nuit continue d'avancer et nous n'avons rien obtenu, répondit-il, agacé.
– Vous avez rendu Oarion fou pour qu'Artemis le tue ?
– Je ne vous l'ai pas dit ? s'étonna-t-il, fronçant les sourcils avant de hausser les épaules et qu'il ne s'approche d'elle pour lui susurrer la vérité, ses révélations à elle, puis de s'éloigner et clamer à haute voix la suite de ses pensées. Heureusement, il y avait vous, mais malgré tout, comme Oarion, vous n'êtes qu'une déception.
– Vous avez tué Oarion, vous êtes le véritable responsable ! hurla-t-elle de haine, se retournant doucement contre lui, et j'y aperçus une issue qui m'innocentait, en partie.
– Oui, vous n'êtes que des pièces dans mon plan.
– Vous m'avez manipulé !
– Vous ne le comprenez que maintenant ? Je joue seul, depuis le début, j'ai cru que vous étiez la seule à le comprendre, car l'amitié n'existe pas. Uniquement les alliances égoïstes, mais chaque leçon de la vie est là pour nous faire tomber avant de nous relever, si elle n'est pas mortelle. Ne me blâmez pas, vous manipulez tout comme moi et puis, vous êtes solitaire, passant un pacte avec moi pour vous seule. Je n'ai su que le tirer à mon avantage, plus ancien que vous. Personne n'est suffisamment digne de confiance. Je vous croyais plus maligne, Merope, c'est pour cela que nous n'avons pas réussi à avoir ce que nous voulons.
– Je vais vous tuer, affirma-t-elle, serrant les poings jusqu'à ce que ses phalanges ne blanchissent.
– Personne ne le peut et avant que vous ne me blessiez, ou avec un peu de chance m'endormiez, vos yeux seront fermés depuis bien longtemps, la prévint-il, léchant ses babines et provoquant l'approche des loups qui grognèrent à l'attention de la princesse, provoquant une peur chez elle que je sentis.
Je suivis à peine l'échange qui suivit, fixant avec attention la magie qui opérait et bien trop abasourdie par la face dissimulée de cette princesse. Une brume doucereuse s'était levée, s'engouffrant entre les jambes sans que nul ne s'en aperçoive, s'enroulant autour des chevilles et rendant invisible le sol, plongeant doucement la clairière dans une torpeur d'une hallucination chimérique.
– Il est temps de vous mettre en dehors du plateau, princesse déchue, lui annonça Garm avec un grand sourire, s'approchant d'elle, mais une brume plus épaisse que les autres se matérialisa devant lui, protégeant Merope, et provoquant un éclat de rire chez la bête. Hela, ma chère Hela, révèle-toi ! lui cria-t-il, ne prenant pas la peine de scruter l'épais brouillard qui avait envahi les lieux tel un souffle glacial sans que nul ne s'en aperçoive.
Une femme dont la moitié était vie l'autre mort apparue, vêtue d'une robe noire et déchirée, aux pictogrammes cousus sur ses manches. L'entité était revenue, celle qui avait dicté les gestes à Skotia, celle qui avait tué l'enfant dans ma vision, et il ne me fut pas nécessaire de plisser les yeux pour l'apercevoir.
– Ne la touche pas, elle est ma protégée, Garm.
– Elle m'appartient, elle s'est donnée à moi de son plein gré, acceptant d'intégrer ma meute. Encore en colère ? Pourtant nous avant passé une merveilleuse nuit, bien qu'au petit matin j'étais loin.
– Tu as souillé ma famille, détruit la vie de mon petit frère, enfonçant une femme dans ton tortueux et mensonger chemin, prononça-t-elle d'une voix caverneuse, ses vêtements en lambeaux flottant autour d'elle comme des squelettes.
– Ils m'ont oublié, voilà tout, belle Hela, et ta petite prison de brume ne me maintiendra pas bien longtemps, affirma-t-il d'un geste vague de la main comme pour la dissiper.
– La guerre n'est pas finie, elles chasseront tes loups jusqu'au dernier, car telle est la loi de la nature, Garm.
Ses paroles n'étaient que plus claires, elle appelait mes chasseresses à combattre une dernière fois avant de mourir, ou survivre, et d'un signe discret des doigts derrière moi, traçant un croissant de lune, je leur fis savoir qu'elles devaient obéir aux mots de la déesse des morts du nord. Hela dont le nom me sonnait. Sœur de Fenrir, elle semblait pour cette nuit être notre alliée, car notre ennemi était commun, et demain n'était pas encore levé.
J'entendis les poignards être tirés des fourreaux et le visage de Garm se déforma de colère, laissant ses crocs salivants jaillir de sa bouche. La surface de son corps fut prise de mouvements de peau, laissant des poils brun sombre mêlés au noir jaillir de son épiderme, recouvrant une partie de son corps. Il se transformait en un humanoïde aux contours lupins, aux yeux rouges, aux oreilles pointues qui frémissaient au moindre son.
Il poussa un hurlement et ses loups s'élancèrent à travers le nuage des morts, poussant des grognements qui se mêlèrent aux cris de mes chasseresses qui se confondirent avec la brume épaississante jusqu'à ce que le silence s'installe et que des ombres éphémères se dessinent sur la surface grisâtre autour de moi. Je n'apercevais ni même Merope, Skotia ou encore la chasseresse restée au sol sur un corps refroidissant.
Phoebe elle-même manquait, et j'espérais que par son innocence, elle avait trouvé refuge. Prise au piège dans cette prison d'énergie, j'étais spectatrice d'un dernier combat, aveugle des faits et de l'issue du vainqueur, et impuissante.
Un dernier hurlement traversa la nuit noire, brisant le silence mortuaire, grinçant mes tympans de douleur et le gris disparu en un claquement de doigts, m'offrant une nuit obscure aux verts et gris aussi sombres que le ciel nocturne parsemé de rares étoiles. Mais aux nuances rougies par la lune effleurée par la cime des arbres tels des bras désireux de s'emparer des cieux de leurs doigts lacérants.
Une grande majorité des loups étaient tombés au sol, soutenus du regard par toutes les chasseresses vivantes qui, posant un pied sur leur torse, retiraient leurs lames avec un sourire mauvais. Les traits de boue sur leur visage se mêlaient au sang. Sauvages comme la nature, aux vêtements déchirés, recouvertes de peaux, vivant avec ce que leur offrait la terre.
Garm s'était libéré et avait glissé sa main autour du cou d'Hela, l'enserrant et lui susurrant des paroles à l'oreille, et je sentis l'attraction entre ces deux êtres. La bête tentait de la séduire une nouvelle fois, bien que conscient de cette trahison qu'il lui avait plantée. Celui de suivre son destin sous les regards coléreux d'une déesse désireuse de réparer son erreur.
À quelques pas, Skotia avait entouré le corps de sa sœur de feux violets, la protégeant des loups rôdant à une distance relativement proche, n'attendant que le moment de s'attaquer à cette sorcière provocante. Merope, quant à elle, ne bougeait plus, pleurant à chaudes larmes, ayant détourné le regard des deux immortels qui avançaient qu'elle leur appartenait d'une manière différente. Elle fixait un être brillant devant elle. Oarion.
Il s'approcha d'elle avant de la prendre dans ses bras, lui caressant les cheveux avec amour, déposant des baisers sur les parcelles de son crâne tandis qu'elle se blottissait dans ses bras, s'agrippant à lui et laissant ses pleurs couler sur son torse épuré. Je vis ce couple maudit se tenir de longs moments, l'eidolon refroidi par la mort, mais au cœur brûlant d'une douceur sacrificielle pour ceux qu'il aimait, et la femme chaude de vie au cœur aussi froid que ses mains.
Il se détacha d'elle, la couvant des yeux avant de déposer ses lèvres sur les siennes dans un baiser langoureux. Il lui murmura ses secrets intimes qu'ils partagèrent, les doigts enlacés, et un dernier baiser d'adieu fut échangé avant qu'il ne la lâche, disparaissant à jamais de sa vie.
Oarion détourna le regard, la poussant inconsciemment à faire de même pour qu'elle revienne à son combat, et à Garm, source principale de nos malheurs. Mon frère se dirigeait vers moi et son sourire paisible m'en ôta un, et des larmes coulèrent malgré moi. Il me prit à son tour dans ses bras, me serrant fort, et je lui rendis son étreinte. Consciente que ce serait la dernière fois que je verrais mon grand frère, mon guide exemplaire, honorable, et que je resterais avec mon jumeau, ma moitié, mon égal, je tentai de retenir ma peine pour m'exprimer.
– Je suis désolée pour tout, parvins-je à sangloter.
– Ne t'inquiète pas, petite sœur, ce n'était pas votre faute, ce n'était la faute à personne si ce n'est celle de Garm. Je suis au courant de tout et c'est à moi de m'excuser, me rassura-t-il avec sa gentillesse dorée tout en m'ébouriffant les cheveux, et je ne répondis rien. Je ne vous oublierai jamais, restez toujours ensemble, et un jour, nous nous reverrons. Et ce jour-là, je veux que tu aies oublié le passé, car tu n'es pas fautive. Je vous aime, mes petits démons.
Ce furent ses dernières paroles. Je le sentis disparaître entre mes bras, emporté par l'ange éclatant qui le mènerait vers la paix éternelle. D'un geste lent, je séchai mes larmes, sentant mon cœur tressaillir à chaque sanglot qui éveillait ma poitrine dans un soubresaut.
– Qui est la faible désormais !
Je reportai mon attention sur la scène si lointaine et proche à la fois, cette scène d'une fantôme brisée ayant glissé la lame de son poignard incrusté d'un rubis sur le cou de Garm. Elle le fixait avec rage sous le regard insistant d'Hela.
– Tu ne me trahiras pas, je t'ai tout offert.
– Non, vous avez contribué à tout me prendre, et vous le payerez, votre règne prendra fin ! lui cria-t-elle pourtant d'une main tremblante tout comme sa voix. Chien.
– J'en suis un, en effet, ricana-t-il, grandissant la haine de Merope qui pourtant n'osait faire le geste fatidique.
– Taisez-vous !
– Tu ignores comment m'arrêter et Hela n'osera pas le faire, n'est-ce pas ? lui fit-il savoir, souriant, la mettant à l'épreuve de voir à travers sa colère aveuglante. Me tueras-tu ? Ton chef ? Ton sauveur ?
Les tressaillements de son corps se répercutaient sur son poignard qui effleurait la peau du monstre, hésitante, sous l'emprise d'un maître dont elle n'avait jamais voulu. Elle tombait doucement dans son piège et incapable de le tuer si elle n'en était pas poussée. Et je le fis, lui criant d'une voix impériale de l'assassiner. L'ordre d'une divinité.
Un mouvement sec, la veine s'ouvrit sous un hoquet de surprise, le laissant geindre à mesure que son sang coulait, tombant à terre et éteignant ses yeux le temps d'un souffle. Une flaque ne tarda pas à se former sur l'herbe devenue semblable à celle du Nil lors des périodes de l'eau de sang. Un corps gisant au sol, vaincu par une mortelle.
Merope observait le cadavre sans pour autant lâcher son arme au sol, étonnée par son geste. La tête haute, ses vêtements caressés sous la brise dont des gouttes s'étaient posées à la surface, elle déglutit, sentant l'odeur de la mort et de la fin de toute chose dans cette guerre. Le terme arrivé dont celui de sa vengeance s'envolant dans les airs nocturnes, lui ôtant l'unique but de sa survie.
Dans ce silence mortuaire, soulevant de son vent glacial les vêtements d'une douceur arrachante, les loups ne tardèrent pas à réagir sous le cri de Lycaon qui osait clamait son pouvoir maintenant que Garm était endormi. Tué par une simple mortelle, une princesse déchue, une femme à la dérive, sans terre. Je les vis traverser l'espace, rejoignant certains dans des grognements menaçants, pensant que cette mort serait éternelle lorsque ce n'était que temporaire.
Et bientôt, ceux qui clamaient être devenus les alphas giseraient sous terre. Ils se ralliaient pourtant au tyran maudit par les dieux, et s'ils attaquaient, les chasseresses épuisées ne pourraient riposter. La peur devait les faire fuir, ou que nous les tuions tous.
– Merope, libère-moi ! lui criai-je, l'ôtant de ses pensées.
Elle détourna le regard de la dépouille encore chaude, et s'approcha sans pour autant lever l'enchantement. Les larmes qui coulaient avaient cessé, offrant un visage livide et égaré dans un monde dont le sens avait cessé. Un visage spectral malgré sa peau olive.
– Non, clama-t-elle à ma hauteur d'une voix blanche.
– Nous n'avons pas le temps.
– J'aime Oarion pour ce qu'il est, commença-t-elle d'une voix nostalgique, lançant un regard au ciel et à la constellation du chasseur. Et non pour les légendes. Nous tombons amoureux d'une âme, et non d'un nom.
– Que veux-tu dire ? m'agaçai-je, les yeux cherchant des signes d'un revirement de la bataille des loups, et les chasseresses se tenaient prêtes à attaquer.
– Vous avez tout de même tiré la flèche qui l'a condamné, reprit-elle, me foudroyant du regard, mais dans les lueurs profondes étaient parties loin sous les trahisons qu'elle avait reçues.
Cette folie qui la maintenait sur la route de sa vengeance qui filait doucement entre ses doigts devenait plus humaine et maîtrisable.
– Je te laisserai une chance pourtant, car j'ai connu la vérité cette nuit. Je vous offre une chance d'avoir la fin heureuse que je n'ai pas eue. Tu as une chance de retrouver ton loup, et lui sauver la vie que je lui ai prise.
– Où est-il ? Où est son corps ? demandai-je d'un désespoir fou.
– Je ne vous le dirai pas.
– Pardon ?
– Fenrir est en vie et il sait où se trouve Hippolyte. Il a déçu Garm, et pour le punir, cela fait des jours qu'il est enchaîné et sous un poison. Tu as de la chance, il est faible. Il faudra passer par le Loup pour trouver l'humain. Ton choix est cette nuit. Fenrir ou ton chasseur ? L'Amour, ou ton empire ? Je suis curieuse de savoir ce que tu choisiras, curieuse de connaître la fin de cette douce tragédie.
– Pourquoi ? ne pus-je que répondre, consciente que la froisser serait égal à perdre tout espoir.
– Je m'amuserais moins. Je te l'ai dit, tu as une seule chance. Affronte Fenrir. Gagne ou perds. C'est aussi simple que cela. Quant à moi, je jure que je trouverai le moyen de ramener Oarion. Je chercherai et s'il me faut aller dans l'Autre Monde, au royaume des morts, je m'y rendrai. Je vous souhaite tout le bonheur, déesse Artemis, finit-elle avec ironie et un sourire que je ne pus déceler la signification avant de psalmodier quelques mots.
– Attends ! m'exclamai-je, mais ce fut trop tard.
Dans une lumière de bronze, je disparus de cette clairière, emmenée au sein des bois sombres, me sachant destinée à mes derniers choix. Mon dernier combat avant d'atteindre l'apaisement de toute divinité. Mais pour cela, j'ignorais si je gagnerais, ou perdrais.
—————
Chères victimes! Comme j'ai hâte d'être dimanche !
Le choix cornélien se joue maintenant!
Qui va-t-elle choisir pour de vrai ?
Fenrir ou Hippolyte ?
Hahahahahah !
Je rappel l'un des deux est mort, donc c'est plus compliqué.
Alors sachez que tous mes personnages commencent à en avoir marre que je leur mette des bâtons dans les roues. Je n'ose même plus leur parler parce que ça donne que ça:
Eux à moi et mon sadisme:
Moi:
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