61. Guerre {partie 1/2}
« Stay Wild
Moon Child
Lose your Mind »
« Reste sauvage
Enfant de la Lune.
Perds la raison »
J'étais éveillée sans l'être, je sentais le monde physiquement autour de moi, mais mon esprit était ailleurs. La panique me submergea, provoquant des mouvements, effrayant mon corps, des gouttes sueur répondant à mes agitations. Je savais que je gémissais et pleurais à la fois, brûlante d'un feu anéantisseur.
Je ne parvenais pas à distinguer les images qui défilaient, obscurcissantes, mystérieuses, et les sentiments se reflétaient en moi comme un écho. J'avais été spectatrice, mais désormais, je ressentais la souffrance de chacun en moi tel un écho entre des montagnes abruptes prêtes à nous fracasser contre ses roches pointues qui détruiraient nos enveloppes. Eux, avalés par ces murmures répétitifs venus de nulle part et de partout.
La vérité avait éclaté, mais pas uniquement la leur, celle d'autres personnes, celle du passé que j'avais provoqué, et je ne voyais que les silhouettes de ces fantômes dont l'incendie que j'avais enclenché les brûlait vives.
De ces enfants du nord de la Grèce, de la famille de Phoebe, des amazones, des chasseresses, d'Hypatia, de mon frère, de tous. J'étais coupable, une meurtrière qui réitérait ses actes. J'avais été plongée dans ce tourbillon qui noyait mon esprit dans ces images déformantes, tournant si rapidement, lucide à des instants éphémères dans le seul but de me montrer le monstre que j'étais.
Je n'assistais plus à un passé montré tel un spectacle, mais à une tornade qui me rendait folle, tout en ayant l'impression de laisser couler sur mon corps du sang frais duquel je me délectais, recevant les caresses de mains aimantes. Elles qui tout comme moi, condamnaient le monde à la destruction par les flammes ardentes de la sauvagerie, m'embrasant de ses embrassades passionnelles.
Une sortie, je fus engloutie dans une dernière vision, mensongère ou véridique, qu'importait. Je fus plongée de force par des bras puissants dans une bassine d'eau glacée. Ils me maintenaient sous l'eau, et je me débattais dans l'espoir de recevoir une goulée d'air. Mais ils me noyaient dans cette étendue si froide que des fragments de glace m'écorchaient. Le corps s'enflammait de douleur, brûlant mon intérieur qui se fanait.
La vie me quittait, les muscles qui faiblissaient et les yeux qui se fermaient, je vis à la surface le reflet de la pièce. Je reconnus la femme qui était apparue derrière Skotia, tenant entre ses bras un corps aussi bleu que le givre et qui ne respirait plus, trempé, et dont les pieds touchaient un autre bassin comme le mien. Elle l'avait tué, et ses cheveux noirs pendaient tristement le long de sa tête, touchant les bras de cette femme.
– Il devra mourir pour retrouver les pouvoirs perdus par cette eau meurtrière.
Les fonds de cette bassine m'avalèrent à nouveau, me menant à travers une grotte noire qui déboucha dans une chambre sombre. Un lit, une enfant y était assoupie, moi, observée par deux silhouettes dont les paroles ne me parvenaient pas, mais je sus que le père parlait au fils à mon sujet. Le petit garçon déposa dans un geste entrecoupé par la brume de ce souvenir un objet sur les mains de la princesse endormie, mais le père le reprit rapidement, le lui rendant et lui murmurant quelque chose. Le petit garçon hocha la tête avant de se tourner vers moi, me voyant. Le premier dans ces illusions à m'apercevoir, et je le reconnus. Fenrir.
Il entrouvrit sa bouche, prononçant mon nom qui résonna en boucle dans ma tête, martelant mon crâne, et des cris jaillirent autour de moi, mêlant mon nom, résonnant en croissant dans le ciel nocturne. Avec horreur, je le vis ouvrir la gueule, révélant des crocs en sang prêts à m'ouvrir la gorge, et je poussai un hurlement, ouvrant mes yeux dans un sursaut d'effroi.
Redressée sur mon lit, entendant encore ces cris qui résonnaient dans la nuit, venant de la réalité à mes côtés qui s'était introduite dans mes rêves.
Les sons peinaient à traverser les murs de toiles et de peaux de bêtes de ma tente, ils semblaient être désagrégés, imposant un silence inquiétant. Loin de ce combat lointain, me permettant de me ressaisir, de cesser de trembler et serrer contre mon cœur mes mains moites qui séchèrent avec rudesse mon visage baigné de larmes.
Les rayons carmin de la lune pleine se faufilaient entre les tissus, illuminant l'obscurité de ses lueurs de sang, annonçant les effluves traitres de la rose. Les yeux qui se promenaient autour de moi sans s'arrêter ne suivirent ni ma main qui saisit la dague d'Hippolyte que je passai à ma ceinture, ni mon arc et mes flèches, bien trop préoccupés à guetter le danger, présageant la mort proche. Le collier qu'il m'avait offert brûlait ma peau avec passion.
Les rideaux s'ouvrirent en grand, me révélant dans une explosion de tonalités passant de l'aigu au grave, des plaintes aux cris victorieux. La nuit redoutée était là, et les augures n'avaient présagé que la fin, ou un nouveau commencement. Un tableau sombre et sanguin m'était présenté et les odeurs m'assaillaient, me suppliant de les rejoindre et de mêler les miennes aux loups aux yeux rouges qui couraient et s'attaquaient aux chasseresses par-dessus des corps humains dispersés au sol. Agrios dans le ciel hurlait, et Sirius avait dû se dissimuler avec les autres chiens, comme nous le leur avions appris.
Je reculai d'un pas, sursautant lorsqu'une chasseresse jaillissant du néant tomba à terre devant moi, poignard en avant. Elle était prête à accueillir le loup qui se jeta sur elle et qui, d'un geste précis et vif, planta ses crocs dans sa jugulaire. Elle bougea ses bras et jambes quelques instants avant que je n'entende un craquement et qu'elle ne cesse de se débattre, abandonnant ses membres qui retombèrent lourdement sur mon domaine rouge.
Le souffle devenu rapide à la vue de ce corps inerte, celui d'une de mes sœurs gisant dans une mare grandissante, je sentis mon cœur accélérer. Il poussa mes doigts à se poser sur la poigne de mon arme, prête. Les yeux du monstre plongèrent dans les miens et il grogna, menaçant, avant de se jeter sur moi.
Les grosses pattes de cette abomination me forcèrent à tomber au sol, et je retins un gémissement lorsque ses griffes s'enfoncèrent dans ma poitrine. Elles la lacéraient, se délectant de ma douleur et cherchant une veine pour l'ouvrir. Dans ma chute qui avait envoyé dans les airs les meubles de ma tente, l'instinct m'avait fait tirer ma dague.
Je tentai d'éloigner la gueule de la bête de ma gorge de ma lame étincelante qui récoltait sa bave, libérant une haleine souillée qui révulsa mon ventre.
Se débattre était vain, il possédait plus de force et j'étais enfoncée dans le sol à la portée de ses crocs ensanglantés qui effleuraient mon visage humide, le séchant grâce à son souffle. J'étais perdue et les griffes qui ne cessaient de s'enfoncer profondément faisaient couler mon sang d'un plaisir languissant et cruel.
La douleur brûlante éveilla une flamme en moi, résonnant de ces visions illusionnistes qui m'avaient traversé, issues de ces jours où je n'avais ni même la fleur apaisante pour mes pulsions. Un feu incendiaire qui brûlait depuis longtemps, la force de la survie, l'envie de vivre. Celui de la sombre forêt que j'avais tant fuie, la laissant apparaître par moment et regrettant, me plongeant dans l'angoisse destructrice des abysses, la contrôlant faiblement grâce à Hippolyte.
Mais cette nuit, elle devait jaillir aussi sauvage qu'elle était primitive. Un appel de sang, et je n'avais pas le choix. La braise devait laisser place au feu et qu'importait si la rose fanait, elle ne se craquellerait pas toujours car les épines persistaient. Mais devenant cendres, elle revêtirait les couleurs de la mort qui trouverait son chemin. Éteinte, mais vivante.
D'un geste précis, je vins trancher sa gorge, aspergeant de quelques gouttes mon visage innocent. La puissante veine s'ouvrit, déversant son liquide pourpre sur moi que j'accueillis tel un bain relaxant avant de rouler sur le côté, évitant le corps qui tomba de son poids.
Les jambes tremblantes, je me relevai et observai, à peine touchée, le loup redevenir humain, gisant dans une flaque, totalement nu, sans bouger.
Je ne le quittai pas des yeux tandis que j'essuyai ma lame sur ma robe blanche, la tachant que plus avant de la ranger. Je venais de tuer, et avec fascination, observai mes mains rouges et collantes comme si je découvrais le plaisir de la chasse pour la première fois, me délectant de l'odeur noircie.
Je portai un doigt à mes lèvres et léchai ce sang au goût métallique, et bien que la saveur ne soit pas sucrée, je me délectai du liquide dans son état pur de son odeur de la mort. Un plaisir sanguinaire se déversa dans mes veines brûlantes d'une envie de semer l'agonie et les dépouilles avec sauvagerie et cruauté. Quelle douce odeur, celle des corps morts. Je passai ma langue sur mes lèvres pour récolter ce goût divin une fois de plus, sourire mauvais.
La peur m'avait quitté, je ne voulais que les tuer, tous, jusqu'au dernier. Goûter à leurs corps flasques qui tomberaient à mes pieds, les voir pousser des plaintes gémissantes, observer le flux de la vie se déverser au sol, nourrissant le monde sauvage, mon domaine, mon territoire. L'odeur des cadavres fraîchement tombés, me délecter de leur tuerie démunie de cœur. Les herbes aspergées de cet écarlate, les plantes boire la folie pourpre, et le désir de se nourrir de cette grenade.
Je saisis une flèche de mon carquois que j'encochai, la pointe reflétait le futur sang, miroir de la lune grandissante dans le ciel, imposant sa domination sur la cime des arbres paisibles. Spectateurs plantés de ce massacre et tentant de toucher les nuages noirs approchant de leurs pointes, en vain, car ils ne pourraient pas rejoindre les cieux, uniquement le monde du bas.
Je me noyai dans les combats.
Les flèches fusaient, je ne faisais que ressentir, et les loups qui croisaient mon regard meurtrier tombaient au sol l'instant suivant sous mes cris bestiaux d'une joie meurtrière.
Éveillée, les morts qui s'accumulaient étaient bien plus qu'un délice, c'était une envie de survivre. L'agonie était jouissante, leurs sons mortuaires, j'aimais les entendre et les blesser mortellement pour leur faire souffrir sans but précis. C'était une source de plus pour me faire prendre plaisir.
J'étais en extase, accueillant les cris savoureux. Je sautais par-dessus les corps sans vie comme dansant dans ces flaques de sang qui étaient le parterre de mon palais démuni de pierres de cyclopes ou d'autres esclaves des dieux. Je décorais moi-même mon domaine.
Flèches épuisées, j'en fus satisfaite, tirant ma dague, prête pour les douceurs qui m'entraidaient, libérant mon visage baigné. Désormais, j'attaquais avec proximité et mes mains m'aidaient autant que mon arme.
Je les enfonçais dans les poitrines pour en arracher les cœurs, je tranchais les têtes, de mes mains j'énuquais et même parfois, un membre fusait sans que je le sache, si ce ne fut la jouissance qui en était tirée. Ils s'approchaient, ils mourraient comme il l'avait toujours été dans ma vie et le feu enflammait mes membres, accueillant chaque ennemi avec une joie non dissimulée. L'envie de tuer envahissait mon cœur.
J'en voulais toujours plus, je voulais les voir morts pour m'avoir provoqué, car je n'étais pas joueuse, je répandais la souffrance et la mort. J'étais la chasseresse sauvage, reine que nul ne dompterait, celle qui faisait payer le prix aux affronts. La vierge qui tuait tout homme indigne, la jeune fille protectrice des enfants. Le monstre des bois prisonnière des ronces, goûtant avec plaisir aux effluves épineux de la rose et dont cet appel qui l'avait parcouru toute sa vie, détruisant les vœux. Eux-mêmes lancés au ciel, fracassant les règles par sa révolte, et décidée à céder à ces mœurs interdites, chasser et tuer. L'appel du sang dans toute sa splendeur.
J'étais insatiable.
Le souffle qui abandonnait ces chiens était la mélodie délictueuse. Je me souillais que plus, à chaque corps je souhaitais cette souillure qui me tâchait de la mort. Je me réjouissais de cette folie meurtrière. Les ennemis disparaissaient et je fus presque déçue de me retrouver à l'orée des bois, face aux arbres, entourée de cadavres, tâchée de sang et la main tenant un cœur au sang dégoulinant le long de ma main que je lâchai au sol. Seule, je sentais le silence qui annonçait une arrivée qui ne tarda pas à se révéler.
J'ai coupé au mauvais moment ? Oups.... Qui d'après vous est arrivé ? Hé hé
Artemis be like
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