53. Attaque {partie 1/2}

« But maybe our destiny is decided
We're trapped in it »

« Peut-être que notre destinée est décidée. Nous sommes enfermés à l'intérieur »

Les nuages du désert, venus de l'orient brûlant, semblaient s'être épris de nos côtes, déposant son sable sous nos pieds. Il était aussi fin, fragile et gracieux que nos espérances, se laissant emporter avec clémence sous les sabots de ma monture, traçant ma route en direction de l'horizon. Lui qui dans quelques instants, virerait à la couleur de ce fruit dangereux, d'une suavité fatale.

Les vagues de la mer s'écrasaient avec tonitruance à mes pieds, poussées par les courants enragés d'une mer assombrissante, se mêlant au vent puissant, proclamant l'arrivée d'un orage inexpiable. Je fuyais, déterminé à rejoindre Artemis, sachant le temps compté d'un plaisir non dissimulé par ces vieilles femmes impitoyables.

Aveuglé par les gouttes salées qui battaient mon visage dans l'espoir de me ralentir, naissant dans le souffle enragé du ciel.

La vie était devenue brumeuse, je ne distinguais ni même les silhouettes, et bien moins le danger qui se profilait à quelques pas. Un éclair plus puissant que les autres s'abattit dans la mer, effrayant l'équidé qui se cabra dans un hennissement, et m'obligeant à fermer les yeux pour me protéger de l'éclat. Je resserrai la bride, calmant la bête tout en jetant un regard angoissé sur la mer avant qu'il ne se meuve en effrois. Une vague gigantesque s'abattit sur moi, ayant pris la forme d'un taureau qui de ses cornes menaçait de me pourfendre, s'approchant avec la vitesse des aigles sans me laisser le temps de m'échapper.

La collision n'en fut que plus brutale dans cette posture semblable aux statues qui gisaient au fond de la mer suite au déluge, éternellement destinées aux mondes des eaux. Les flots m'engloutirent, me menant contre le sol, me cognant sur le sable aussi dur que la roche.

Mer cruelle et agitée qui se plaisait à m'emmener dans son tourbillon meurtrier, me noyant dans l'eau noire qui me perdait. L'air quitta mon corps dans ces remous qui me gardaient emprisonné, ne me laissant plus le choix de me cacher.

Je me laissai emporter, cessant de lutter, lui permettant de me malmener. En moi, je fis naître de sa braise les flammes de mon pouvoir d'antan, ma part divine si longtemps endormie avait trouvé son instant pour s'éveiller, celui de me sauver.

Je la sentis en moi, une once, une goutte, une parcelle de mon sacrifice, mais elle était là, délivrée de ses chaînes qui me retenaient, dépassant les espérances que j'avais eues, approuvant les paroles d'Hela. Le pacte avait été rompu, j'étais libre de libérer dans sa splendeur ce qui était mien, et non plus par fragments.

L'eau devint glaciale, mais pas suffisamment pour que je prenne possession d'elle dans sa forme la plus rigide, et il m'était impossible de la figer davantage. Hela m'empêchait de m'exprimer pleinement sans que je ne le sache, du moins le pensais-je. Elle était bien plus rusée et dépravée que Merope si elle avait décidé de laisser l'autre part de notre accord survivre, celle qui ne me rendait pas celui que j'étais réellement.

Elle m'avait trompé, me faisant croire que je pouvais m'exprimer lorsqu'en réalité elle avait juste cessé de me protéger, m'abandonnant à la propre merci de mon destin. Je regrettais les paroles égoïstes que j'avais osé avancer, provoquant des moqueries. J'allais en payer le prix, et il n'était pas des moindres.

Les dernières bulles d'air qui s'échappaient de mon corps remontaient avec une lenteur perverse en direction de la lumière, cet éclat qui altérait ma vue doucement. Mes paupières se fermèrent bien que je continuais à lutter sous les eaux, me débattant jusqu'à ce que je sente mes forces me quitter, avalées par les néréides qui approuvaient cette torture vicieuse.

Tout espoir envolé, n'observant plus que ces femmes qui s'approchaient pour ramener mon corps au rivage, ou au contraire, appeler leurs semblables mortelles pour me dévorer. Pourtant, je sentis l'eau se retirer, me recrachant sur le bord de la plage, gardant en son sein ces êtres surnaturels déterminés à en finir avec moi par vengeance. Des sirènes sanguinaires.

Les mains enfoncées dans le sable qui me semblait rassurant lorsqu'il m'avalait, freinant mes gestes, la fraicheur de l'atmosphère brûla ma gorge qui continua d'avaler des goulées avec avidité. Elles rejetaient à la fois l'eau de mes poumons tout en m'offrant la vie jusqu'à ce que mes tressaillements se calment, et que je puisse me relever, les jambes flanchant.

Ma vue trouble s'éclaircit, me permettant d'observer la plage avec cette angoisse qui ne me quittait plus, me soufflant que j'avais à craindre des ennemis déterminés à me faire comprendre le coût d'avoir pénétré dans leur domaine sans leur consentement. Un immortel, ou même plusieurs, étaient à l'origine de ce message prédécesseur de leurs paroles menaçantes.

Je ne tardai pas à arrêter mes pupilles sur une femme à la beauté éblouissante, brillant des feux de l'amour. À une beauté qui dépassait même les déesses, aux traits fins, aux hanches solides, à la chevelure nuancée du soleil, bouclée et si longue qu'elle recouvrait son corps nu.

Je clignai des paupières pour la distinguer, apercevant enfin l'homme rustre qui la suivait, à l'armure sans forme, mélange de cuir et de métal, aux yeux aussi noirs que sa chevelure, suivant docilement la femme. Aphrodite et Arès se dirigeaient vers moi, et la déesse de l'amour ne laisserait pas passer cet affront involontaire, mais murmuré par les mortels, modelant le mythe du chasseur de Trézène par eux-mêmes.

– Hippolyte, n'est-ce pas ? me demanda-t-elle enfin, me faisant face, d'une voix caressante, mais froide.

Je ne fis que hocher la tête sans la quitter les yeux, recevant des gouttes qui volaient autour de nous, venues des écumes de l'océan d'où elle était née.

– Artemis t'aime, tu as fait battre le cœur d'une déesse qui avait juré de s'en démunir. L'unique problème, chasseur de Trézène, n'est pas que tu sois mortel. Cette règle, je la permets. Tu es un obstacle à la victoire, et la guerre ne peut être remportée sans Artemis, le pion pour notre paix, indomptable, mais qui le sera si tu n'étais pas là, car tu lui empêches de faire le bon choix ! me cria-t-elle, pourtant avec une profonde tristesse coupable.

– Que voulez-vous dire par là ?  l'affrontai-je.

– Ce que je veux dire ? Elle doit choisir une union d'alliance pour nous sauver et tu ne la laisses pas emprunter le bon chemin, la déviant de son devoir, la menant au déshonneur. Et elle te choisira, toujours, car vous êtes âmes sœurs, et nous le savons.

– Quel mariage ? insistai-je, conscient que je m'apprêtais à dépasser leurs bordures de respect à l'égard des dieux.

– Tu n'es rien Hippolyte, ne vaux rien. Qu'un mortel dangereux pour notre empire qui s'est introduit dans une histoire qui n'était pas la sienne. Si nous voulons avoir une chance de l'emporter, tu dois disparaître. Mon cœur se brise de trahir mon amie, mais Athéna sait que l'unique stratégie pour vaincre est de la condamner à une vie pour laquelle Artemis s'était battue dans l'espoir de la fuir. Elle te pleurera, mais acceptera la vérité, et éprouvera pour une fois ce sentiment de devoir propre à la sagesse de la chouette. Tu n'as été que de passage, un souffle de paix et d'amour dans la tempête de sa vie, finit-elle, plongeant son regard envoûtant dans le mien.

– Vous êtes la déesse de l'amour, vous devriez nous comprendre, tentai-je, mais elle détourna le regard, souffrant de l'acte qu'elle s'apprêtait à commettre.

– Je suis désolée, mais tu es un obstacle, et je suis prête à tout. Même à briser mes propres règles pour obtenir la paix.

Elle se tourna vers son amant, saisissant de ses doigts fins l'épée qu'il lui tendait avec brutalité, contrastant avec la grâce de la déesse de la beauté divine. Une larme s'abattit sur la lame qui brillait aux dernières lueurs de l'astre du jour, échappée de ses yeux aux longs cils, emplis d'hypocrisie sincère.

– Thésée, appela-t-elle.

Je jetai un regard par-dessus mon épaule à l'entente de ce nom qui en savait bien trop. Il était là, me foudroyant du regard haineux qu'il me destinait, lui qui avait été dans l'obligation de m'accueillir par les liens qu'il avait en Béotie et les menaces reçues. Il n'avait pas eu le choix, les Pléiades et les Hyades pressaient Athènes. Égée le lui avait dit, me sauvant, conseillant un fils qui ignorait les combats pour rassembler la région sous une seule famille. Celle d'Athènes, et redevable à la Béotie.

Sans hésitation, il se saisit de l'épée, me faisant comprendre que je ne pouvais pas fuir, encerclé par des divinités protectrices de ce prince. L'amour et la guerre allaient main dans la main, mais l'amour ne pouvait pas toujours triompher s'il se retournait contre nous. Mortel, glacial, et mensonger. Un silence s'abattit, attendant l'ordre pour éclater. La mer elle-même s'était tue.

Ils étaient tous devenus muets, et chercher réponse auprès des immortels présents ne m'était d'aucun secours. Je devais faire face à mon sort et Hela ne pouvait pas s'opposer sur un territoire qui n'était pas le sien. Telles étaient les règles. Elle m'avait offert les armes nécessaires.

Je ne le laisserais pas me sacrifier sur l'autel du sable d'un geste sec, je me battrais, et le leur démontrais en sortant mon épée suspendue à ma taille éternellement depuis la menace et la visite de Phoebe. Mes yeux changèrent de couleur, permettant à mon côté sauvage, éternellement libre, de me dicter les gestes. La confiance à mon instinct m'avait toujours été vitale, elle m'avait toujours sauvé, me poussant à l'irréfléchi.

Je les fixais, tout comme eux, aux aguets, et la pitié qui se lisait dans les yeux de la déesse chamboulait par sa profondeur. Je sentis dans mon âme entière qu'elle me punissait et s'ôtait de ma vie, dénigrée. Les lèvres rouges et pulpeuses du cygne s'entrouvrirent, prononçant les mots à la blancheur de l'écume violente.

– Tue-le.

Comment ça? J'ai coupé ? Mais oui! La suite mardi!

Qui va gagner ?


Dans tous les cas, je ne vais pas pouvoir respecter sa demande =>

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