51. Alliance {Partie 1}
« Go ahead.
Underestimate me
You won't be the first
You won't be the last
But you will be wrong»
Il y a des années à Asgard
J'avais été convoquée par mon père et j'en ignorais les raisons. Le dos droit, j'étais appuyée contre le mur de bois, silencieuse, patientant. Les yeux avides qui frémissaient d'appréhension, je jetais des regards furtifs à la porte fermée depuis mon arrivée et dont l'épaisseur bien trop importante étouffait les voix de ses reptiles gravés comme les hommes primaires d'antan en Grèce.
L'impatience m'habitait et me rongeait de l'intérieur bien que ma posture calme reflétait l'inverse. Mon regard se promenait sur les torches de feu, sur la pierre montagnarde ainsi que sur les toiles abstraites aux traits épais. Je fixais tout, mis à part la personne face à moi, lui, appuyé avec insolence sur le mur adverse. Aux épaules droites, mais voutées dans leur sein par le poids d'Asgard comme me l'avait murmuré mon frère, mais je savais que la violence qui l'habitait en était la source. Ses yeux poisons ne me quittaient pas, posés sur ma personne avec aplomb et l'ignorer n'enlevait pas les frissons qui parcouraient mon corps d'effroi.
– Que faites-vous ici ? le questionnai-je, l'affrontant enfin, avançant le premier pas dans cet engagement.
Un sourire de malice se dessina au coin de ses lèvres, touchant presque les mèches de cheveux noirs qui pendouillaient sans forme autour de son visage ovale. Elles dissimulaient des parcelles qui apportaient la terreur de ces côtés dissimulés dans l'ombre. Il était le portrait de son père, mais bien plus pâle, violent et monstrueux. Je sentais la sauvagerie émaner de lui.
– Je te retourne la question, princesse.
– Mon père m'a prié de venir, et vous ?
– De même. Sais-tu pourquoi ? me demanda-t-il d'une manière plus amicale, et je haussai les épaules, me détendant.
La douleur de mon dos rigide se propagea dans mon être, éveillant une légère grimace de douleur sous cette tension noble. Je n'avais qu'une envie, frapper, mais je ne le pouvais pas. Du moins, sauf la veille ou un coup entre les ombres était parti sous le regard de mon frère qui bien que prêt à intervenir, avait patienté, conscient que je me protégeais seule.
– Je ne le sais, mais si vous savez quelque chose, dites-le-moi, continuai-je d'une voix sèche, contrastant avec la sienne amusée.
– Si je savais, je ne le partagerais pas, me provoqua-t-il, tentant de me faire sortir de mes gonds, mais il n'obtiendrait jamais satisfaction, car je tiendrais ma place.
– Très bien.
Je me tus, laissant un papillon voler entre nous avant de s'échapper par une ouverture dans le bois. Je le suivis du regard, ses ailes d'un vert vide et d'une beauté hypnotisante, qui appelaient à le suivre et se perdre dans les airs d'un gris bleuté des airs du nord. Je souris à cette image gracieuse de la nature dans laquelle j'aimais tant me perdre. Sourire qui disparut lorsqu'il revint à la charge.
– Nous allons rester ici en compagnie de l'un de l'autre, discutons.
– Je n'ai pas envie d'échanger avec vous, affirmai-je avec une pincée de colère.
– Moi non plus, sois rassurée, mais je dois te parler, me fit-il savoir, et je haussai un sourcil, interrogatrice.
Je fus soudainement intéressée au point de cesser de jouer avec mes doigts derrière mon dos et de me redresser, abandonnant le mur glacial.
– Pourquoi ?
– Des raisons qui ne te concernent pas, se referma-t-il, et un voile noir de menace passa au travers de ses yeux profondément tourmentés.
– Je suis concernée puisque tu veux me parler, répliquai-je hautaine, lui ôtant un rire moqueur.
– Qui supporterait ton caractère ? railla-t-il.
– Je l'ai bien trempé dans la lave il se trouve, c'est une vertu.
– Commence par te taire, princesse soi-disant parfaite, et garde le silence dans les ombres. Tu sauras bien assez vite que c'est l'unique manière de survivre avec les instincts. Il est temps que tu le comprennes.
– Je ne suis pas l'exemple, mais vous êtes bien au-dessous de moi, m'emportai-je, et un sourire qui me parut de méchanceté se révéla une fraction de seconde.
Et je sus qu'il m'attaquerait pour me démontrer le contraire. Cette image de moi que je refusais, car mon père m'avait fait comprendre que j'appartenais à la nouvelle ère, et pas à l'ancienne, m'emprisonnant, mais je devais le nier.
– Penses-tu ? Quels sont tes rêves futurs ? Voyons qui est le plus réaliste de nous deux.
Je me pinçai la lèvre, hésitante à les lui confier et bien qu'il soit mesquin, il restait différent de ceux que j'avais connus, sans valeur pesante. Une bête, un sauvage qui se faisait respecter. Un égoïste égocentrique, et j'allais lui montrer que j'étais bien meilleure que lui. Me laisser abattre ne serait pas dans mes habitudes, je n'allais pas me taire. Je n'étais pas celle qu'il pensait que je m'efforçais d'être, bien que je fuyais cette puissance qui reposait en mon être.
– Mes rêves ? Tu souhaites parler de cela ? Très bien, prince d'Asgard, persiflai-je.
Un sourire de réussite me fut adressé tandis qu'il se remettait sur ses jambes, les plantant au sol fermement. Mes lèvres s'entrouvrirent, emplies des mensonges que j'avais écouté jaillir des langues des déesses à qui je devais ressembler de peur de subir la colère de Zeus.
– Je grandirai, je resterai à l'Olympe, mais ne servirai pas Aphrodite comme les Heures. Je serai une déesse mineure sans être au pied du piédestal. Mon père me fiancera à un prince, aimable et bon avec moi, courageux et fort et surtout, je deviendrai reine, heureuse avec ce qu'on me choisira, finis-je, et chaque mot brûla étrangement ma gorge sauf mes envies de porter une couronne et étendre ma domination sur l'ensemble d'un royaume, dirigeant mes fidèles.
Fenrir ne put retenir un rire qui le fit se plier en deux, et j'en chauffai d'un sang volcanique qui menaçait, serrant les poings et fronçant les sourcils de colère à son égard. Le tout en lui demandant d'une voix dure ce qui le faisait s'esclaffer de la sorte.
– Tu veux te marier, mais qui voudrait de toi ? Personne, là est la plaisanterie, princesse. As-tu vu comme tu es ? Tu n'as pas le profil d'une femme qui plaît aux hommes que tu côtoies, sans valeur, et tu es maudite. Et tu m'as menti. Ma question visait les profondeurs de ton âme, mais les paroles de ces dieux qui n'ont pas de poids si ce n'est instaurer une crainte sans fond, enchaînant, princesse.
La colère bouillonnante en moi, je sentis une larme monter et d'un mouvement brusque de la paupière, je la ravalai. Mes lèvres étaient entrouvertes, et tel un torrent, les paroles que j'espérais cruelles jaillirent à son intention dans le but de le blesser profondément d'un coup de poignard qui le pourfendrait.
– Et toi ? Que souhaites-tu ? Mieux que moi ? Vous ne rêvez pas, vous êtes la source de cauchemars. Tout comme moi, tu le sais. Nous ne choisissons pas notre destin, ni même les divinités. Il se peut que je sois maudite, mais sincèrement prince, j'espère que ton destin te condamnera plus que le mien. Et sera bien malheureux.
Il se tut, ses traits se durcirent et la haine envahit son cœur. À pas lents, je le vis s'approcher de sa démarche animale, déterminé à ne laisser personne lui marcher sur les pieds. Je ne baissai pas le regard, lui permettant de s'approcher dans sa tunique sombre de laine et je me rendis compte qu'il était plus âgé, plus grand, et fort que moi.
À cette pensée éphémère, un tressaillement s'éveilla, celui de la peur du pas prochain. M'étais-je condamnée ? Son regard s'apparentait à celui d'une bête, féroce et meurtrier. Il fit en sorte que nous soyons proches lorsqu'il s'arrêta, sans pour autant lever la main bien qu'intérieurement je tremblais de crainte, soutenant de mes jambes fragiles, ses menaces.
– Tourne ta langue avant de parler, car tu ne sais rien de moi ni du destin qui m'est réservé depuis bien avant ma naissance, princesse, prononça-t-il d'une voix ferme.
Il recula d'un pas, satisfait de la crainte qu'il avait créée sans avoir réussi à me le faire regretter. La peur s'évapora dans l'air, remplacée par le soulagement qui détendit mes muscles gelés. Je le détaillai un instant, cherchant le danger, mais fut attirée par le collier qui pendait à son cou, une lanière de cuir d'où pendait une petite sacoche, minuscule et qui tenait dans ma paume d'enfant. Une douce odeur de fleur en émanait, m'apaisant. J'entrefermai les yeux, me délectant de ce havre de paix jusqu'à ce qu'il s'aperçoive que je fixais ce sac empli de magie et qu'il ne le range à l'intérieur de son habit avec un empressement qui m'étonna, décelant une faille.
– Qu'est-ce ?
– Un objet qui ne te concerne pas. Tu ne sais pas qui je suis, mais sache que sans lui tu aurais regretté d'avoir parlé, affirma-t-il avec une certaine peur, me mettant en garde, et je déglutis sans m'exprimer. Reste à ta place dorénavant, ajouta-t-il d'une voix amère tout en reculant, méfiant de chaque potentiel ennemi.
– Tu n'es qu'un prince égocentrique et j'aimerais savoir de quoi tu es capable, ne pus-je m'empêcher de le provoquer, jouant avec le feu et le faisant revenir sur ses pas.
– Regarde-moi, m'intima-t-il, remarquant que j'avais baissé les yeux par un certain regret d'avoir provoqué le monstre, car je restais olympienne.
Un frisson traversa mes paupières avant que je ne lui obéisse, et par la surprise de l'éclat de ses prunelles, je hoquetai.
Ses iris brillaient, reflétant la froideur de son cœur et la vivacité de sa malice. Le corps tremblant, je me collai à la paroi dans l'espoir de fuir cette aura oppressante. Finalement, ils redevinrent de leur couleur poison inhabituelle, sans ôter le sentiment d'animal traqué qui m'avait envahi. La nature sauvage avait effleuré de ses branches les airs d'Asgard.
– À toi de réfléchir à ce que je suis. Artemis.
– Tu n'es qu'un monstre.
– Je suis bien plus qu'uniquement cela, répondit-il avec un sourire cruel qui me fit frissonner.
J'avais désormais peur de lui, sentant mes os se glacer bien que je sois attirée par l'acte de le provoquer et chercher le monstre qui sommeillait en Fenrir. Les lueurs sanguinaires de ses yeux brillaient et reflétaient cette facette sombre que j'avais pu déceler à maintes reprises. Le silence prit place à nouveau et je le fuis, sachant qu'il n'était pas à mon avantage de continuer sur cette voie.
Les instants furent interminables, je sentais des sueurs froides couler le long de mon dos à chaque souffle. Il ne me quittait pas des yeux, et tout courage s'était échappé par l'aura effrayant qu'il dégageait, jaillissant des profondeurs des grottes, comme annonçant la défaite qui suivrait. La nuit obscure vivait en lui.
Finalement, les portes s'ouvrirent et nous tournâmes notre attention sur notre père. Zeus m'observait avec indifférence, mais en colère éternelle contre moi. Je n'étais qu'un objet au contraire de Loki dont le regard chaud était empli d'amour pour son fils aîné.
D'un geste de la main, ils nous firent signe d'entrer. Malgré nous, un regard interrogateur et appréhendeur fut jeté. Nos yeux se croisèrent, et nous fûmes rassurés de pénétrer ensemble dans cette pièce détentrice d'un avenir incertain. Celui qui se profilait à l'horizon brumeux et qui, chaque jour, nous permettait de différencier le ciel et la mer d'un bleu azur et abyssal.
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