50. Olympe {partie 1}

« They know what I am
Let them come,
If they find the
Courage»

La patience, qualité qui m'était inconnue. D'une fugacité diffuse, mais pourtant d'une lenteur définie. Impatiente et impulsive, je goûtais à ce fruit inconnu que lorsque les faits me l'obligeaient, nécessaires et sans la possibilité d'obtenir ce que je désirais ardemment. Les résultats, et les réponses.

Le siège froid sur lequel j'étais assise, mon trône à l'Olympe, était l'unique objet qui m'empêchait de perdre le contrôle face à mon impatience. À l'instar des prophéties, à mesure que l'instant fatidique s'approchait, le temps se languissait, créant ainsi un calvaire étouffant qui enfonçait mes ongles dans les accoudoirs pourtant rafraichissants des airs frais de la salle de conseil. Elle était présidée par le siège de l'empereur et de son impératrice, entourés d'un côté des femmes, de l'autre, des hommes.

Des colonnes peintes en bleu nous protégeaient et entre elles, un arbre avait été planté dont les feuilles revêtaient les couleurs de l'incendie avant l'arrivée de l'eau statufiée. Du bout des doigts, je vins suivre les contours du pendentif de lune à la chaleur tiède qui avait été dissimulé sous mon péplos doré.

Dans la salle bruyante, les dieux murmuraient ce qu'ils savaient sur leur siège dont tous étaient occupés, mis à part celui de mon père et d'Héra, bien plus imposants. Face à moi, du côté des hommes, mon jumeau cherchait mon regard, en vain. Contrairement à Héphaïstos qui le saisit rapidement et d'un sourire, je le remerciai du service qu'il m'avait rendu à Corinthe à travers Phoebe et Opis.

Aussi froid que la nuit, le marbre recevait les clapotis de mes membres empressés par le déroulement calamiteux de l'avenir qui s'annonçait déterminant dans ce monde. Particulièrement par la présence de l'Oracle du croissant, Mûré, qui m'observait de son air mystique tout comme à Corinthe, ainsi que la pythie de Delphes positionnée elle aussi dans un coin de la pièce. Entre deux colonnes, m'analysant moi en particulier. Je leur lançai un regard noir qui ne leur fit pas fléchir, bien au contraire, elles me toisèrent avec intérêt.

– Comment vas-tu ? questionna une voix à ma gauche qui s'avérait être Hestia, ma tante préférée, déesse du foyer à la sagesse simple qui se préoccupait pour les autres et non pour elle.

Contrairement à la majorité des divinités.

– Je serais bien mieux si je connaissais les propos de ce conseil, répondis-je, la voix sans que je ne le veuille tranchante.

– Ne te laisse pas envahir par ces soucis, ma chérie, ne laisse pas l'inquiétude te submerger, car tout ira bien, me rassura-t-elle, posant sa main aussi chaude que le feu harmonieux de l'âtre sur la mienne. Nous sommes après tout un empire, une grande famille et malgré tout nous sommes là pour nous protéger, ensemble, des menaces extérieures.

– Pardon ? m'exclamai-je intéressée, mais elle ne me répondit pas, lâchant ma main pour se redresser et fixer un point, me révélant d'un mot la présence de Zeus.

Je suivis son regard et remarquai l'homme qui se disait être mon père. Il se plaça sur son siège aux côtés de son épouse, imposant le silence et l'attention de tous. Je bougeai sur ma place, sentant des sueurs froides couler dans mon dos, appréhendant ses mots. L'instinct me susurrait le désastre.

– Bien, tonna-t-il d'une voix impériale. Nous sommes réunis pour expliquer à Artemis la menace qu'elle court, informa-t-il, et je fronçai les sourcils. Comme vous le savez, continua-t-il pourtant à mon attention, me jetant un regard furtif qui me fit déglutir. Nous avons parlé longuement, assisté à des émissaires et écouté les nymphes. Nous avons les pièces en main, ainsi que la solution à cette guerre. Je remercie mon fils Apollon ainsi que Athéna et Aphrodite pour leur aide.

À ces mots, je me raidis, jetant un regard à ces trois personnes qui semblaient avoir fini par révéler mes secrets. Cette simple hypothèse tordit mon ventre douloureusement sous la tournure de la lame de la trahison. Autrefois mes alliés, aujourd'hui mes bourreaux. La déception me fit garder la tête haute déterminée à ne pas leur révéler ma peine. La fin était là, je l'affronterais que bien même les épines qu'ils avaient semées sur ma route n'entravent mes illusions et lèsent la plante de mes pieds, traçant mon chemin de son sang.

Les colonnes colorées ne m'apaisèrent nullement, ni même les clapotis de l'eau qui coulait au centre de la salle, silencieuse, aussi doucereuse des flocons en hiver, présent de Chioné.

– Athéna, avance-toi, appela mon paternel d'une voix douce qu'il ne m'avait jamais réservée.

Moi son autre fille. Moi issue d'une maîtresse et non de sa première épouse.

Déesse de la sagesse et des stratégies, je ne fus pas étonnée de la voir s'avancer, rabattant ses cheveux sombres et frisés dans son dos, tenant fermement sa lance et abandonnant son casque sur son trône. Ses yeux aussi gris que la neutralité du blanc et noir me fuyaient, comme ceux de tous.

– Artemis ! m'interpella-t-elle, se tournant enfin vers moi, captant toute mon attention, mais fuyant mes yeux. Tu as dû te douter que nous nous sommes tous réunis à maintes reprises pour discuter de cette guerre arrivant à petit feu. Elle te concerne et saches qu'Asgard à renouer un semblant de lien avec nous, le commerce avec le nord s'envole à nouveau. Un grand ennemi, un danger est en route pour la Grèce. Lycaon a fait appel à lui et une alliance s'est formée pour te détrôner, et te prendre pour épouse. L'un des deux. Lycaon veut souiller ton royaume, tes forêts et contrôler en plus du continent, Asgard et l'Olympe. L'homme maudit n'a jamais vu ses menaces abouties, mais cette phase est la dernière, finissant la trinité. Cela fait de longues années que ses loups et ses dieux n'ont pas foulé la Grèce, depuis bien trop longtemps, mais ils sont désormais parmi nous, échappés de Chios, m'annonça-t-elle, et je frémis de peur. Ils te veulent, toi, tu es en danger, mais ils ne passeront pas à l'acte avant l'arrivée de leur allié venu pour se venger. Tout se joue en ces instants. Cet allié est bien trop puissant et doit courir quelque part dans les hautes montagnes enneigées, en route pour venir te chercher. Asgard va tenter de le ralentir ou même l'arrêter, mais il les sème, jouant avec eux, s'amusant. Il est proche, il arrive, tu es l'enjeu, celle que tous souhaitent et la guerre éclatera, versant le sang sur les plaines.

Les paroles résonnèrent dans mes tempes, faisant trembler mes membres d'une peur incontrôlée. Elle les avait pesées, lâchant goutte par goutte ce dont elle m'autorisait à prendre connaissance. Elle me plongeait dans la brume à travers laquelle je ne distinguais que des silhouettes démunies de traits précis sans savoir qui étaient mes alliés, ou mes ennemis. Eux déterminés à abattre leur lame dans mon ventre, laissant mes boyaux s'en échapper tout comme mon sang qui se verserait de ma bouche, tâchant mes lèvres et mon corps tandis que j'agoniserais au sol. Frémissante, je sus que si je ne connaissais pas le nom de mon ennemi mortel, je tomberais avant l'hiver, enterrée sous les flocons devenus rosés.

Ils revenaient pour moi, la proie ardemment désirée et après toutes ces années, je paierais le prix, enfin. Mon père m'avait mise en garde il y a bien longtemps, je ne l'avais pas écouté, laissant ma malédiction arriver à petits feux, incendiant les eaux autour de mon territoire avant d'enflammer mes arbres le jour venu. Désormais, je distinguais les torches à l'horizon, s'approchant dangereusement, les crépitements des flammes portés par le vent sans que j'en connaisse l'origine. Et je regrettais de ne pas avoir mis plus de poids sur les épaules des chasseresses pour se préparer à la guerre.

Mon imagination pouvait courir aux quatre points du monde, je ne devinerais jamais qui était cet allié de Lycaon qui imposait un voile dans le regard des dieux. Un être dont les crimes ne m'étaient jamais parvenus, mais dont la simple approche au mot monstre suffisait pour pâlir les visages. Tenant sur mes jambes frémissantes, je me levai, le cœur piégé dans une cage d'effroi comme si je ressentais la source de mes tourments se nourrir de mes désespoirs. Les yeux obscurs des pythies me foudroyaient.

– Qui est-ce ? demandai-je fermement, mais tremblante.

– Ma fille, nous allons nous en occuper, ordonna mon père, emporté par une colère soudaine.

– Qui est-ce ! hurlai-je, faisant reculer les dos contre les dossiers, et tous humèrent l'odeur de mon mauvais pressentiment.

Lui qui détruirait sur son passage toute forme de construction jusqu'à ce que j'obtienne mes réponses, et que je les combatte pour effacer dans les airs ce qui pouvait nous faire devenir ruines.

– Elle le saura, tenta Athéna autoritaire, obtenant l'approbation de l'empereur.

Je ne repris pas place, mais la toisai, le visage lisse, inexpressif, mais brûlant mon cœur devenu aussi rigide que la glace. Croisant les bras sur ma poitrine, je déglutis, laissant mes lèvres entrouvertes qui aspiraient l'air avec difficulté, humidifiant l'air d'une brume qui disparaissait à peine. Elle se créait.

L'armure étincelante aux formes de plumes de chouette avec une tête aux grands yeux qui perçaient les mystères de la nuit qui recouvrait la poitrine d'Athéna perdait de son éclat à mesure que sa propriétaire ouvrait sa bouche. Insensible aux vérités.

– Le loup Fenrir, le monstre du Ragnarök, féroce, et le plus puissant d'entre tous. Il arrive pour te détruire.

Les jambes qui me retenaient lâchèrent. Je retombai sur mon trône dans un fracas qui résonna dans la salle au contact de mes poignards qu'elle m'avait offert contre le marbre devenu étrangement chaud. Les yeux écarquillés, je fixai le sol en mosaïque de galets et de fragments de poteries rouges et noirs, contrastant avec les murs blancs et bleus. Je niais, refusant cette réalité, murmurant des mots paniqués, et me confrontai à nouveau au regard nuageux d'Athéna. Je tentai de lui rappeler qu'il avait péri, mais je fus coupée par mon père qui m'intima de ne pas m'exprimer.

– Taisez-vous ! lui criai-je en retour avant de diriger mes pupilles vers Athéna, lueurs folles sur mon visage. Comment ? soufflai-je, me redressant et me retenant aux accoudoirs comme s'ils étaient la seule prise matérielle qui ne me ferait pas tomber des cieux.

– Il n'était pas un dieu qui pouvait mourir et destiné à errer au royaume des morts comme Baldr qui reviendra lorsque ce sera son heure. Pourtant, il était bien dans l'Autre-Monde avec sa sœur, Hela, jusqu'à il y a quelques lunes. Il est apparu dans les grandes neiges et sa violence d'antan à Asgard a ressurgi. Mais cette fois-ci, il a profité de la particulière présence de son père exilé pour tuer, terrorisant les habitants de ses yeux rouges. Loki l'a reconnu en criant son nom, et les divinités en ont profité pour punir le dieu de la malice de ses crimes. Ils vont l'emprisonner, et nous ne savons pas encore quelle sera sa punition pour l'éternité. Désormais, les ases veulent arrêter tous ses enfants, dont le monstre Fenrir qui annonce le Ragnarök. Loki ne sait rien de lui, niant ces faits bafoués et Hela avance qu'elle ne l'a pas vu depuis bien longtemps. Mais un par un, cette lignée ennemie tombera.

– Que s'est-il passé à Asgard pour que tous haïssent Fenrir autant qu'ils m'ont haï pour sa mort ? questionnai-je d'une voix devenue mordante.

– Nous ne le savons pas. Un autre empire, d'autres valeurs, mais ce qui est certain c'est qu'ils veulent mettre toute sa descendance hors d'état de nuire, devenus des dangers pour eux. Sigyn, son épouse, a promis d'être à ses côtés éternellement et nul ne sait rien de leurs enfants. Ils prévoient pour ceux qui viennent d'avant, donc ils ont soit été tués et réduits à un état sans résurrection, ou emprisonnés. Mais les années couleront. Avant, ils veulent s'occuper du premier danger.

– Qu'allons-nous faire ? continuai-je sur le même ton, laissant mon côté de chasseresse reprendre le dessus, déterminée à le traquer.

– Nous l'attendrons et l'affronterons aux frontières du nord, près des colonnes de pierre.

– Quand ? Je serais prête, Athéna.

– Vous resterez ici, ma fille, vous ne prendrez pas part à cette chasse, me coupa mon père avant de se tourner vers sa favorite. Merci, Athéna.

Je me tournai vers mon paternel, les yeux foudroyants, le défiant de répéter ces paroles outrageantes, mais il n'en fit rien. Sa décision était prise. Celle de m'enfermer dans la cage qu'il m'avait réservée, mais désormais mes liens étaient tombés, gravant des cicatrices sur mes poignets. Ces marques n'étaient pas origine seule de ses chaînes, mais des couteaux nécessaires pour les trancher.

– Excusez-moi ? J'avais cru comprendre que la déesse de la chasse n'allait pas prendre part à cette battue qui la concerne, fis-je remarquer sèchement, et il me fit savoir que j'avais bien entendu d'une simple phrase lancée au même instant qu'il me balaya de sa main pour se tourner vers son épouse, mais je ne le laissai pas finir. Vous n'avez pas compris, c'est ma guerre, ils viennent pour moi et je ne resterai pas dans les bois tandis que d'autres le chassent pour moi. Ils veulent la reine ? Ils goûteront à mes griffes, car les ailes de la liberté me font voler au milieu de la nuit sans pitié.

– Je ne reviendrai pas sur cette question, vous nous laisserez faire, car vous n'en savez rien. Tous les loups seront tués, même ceux venus du croissant sans connaître le sort qui leur sera réservé. Les rois de Grèce ont été avertis. Ce sera un massacre.

Il discutait déjà avec Héra qui avait été rejointe par Athéna, et leurs messes basses m'échappèrent. Les yeux perdus dans le vide, les menaces de mon père à l'encontre des loups résonnaient. Hippolyte était un métamorphe, comme tant d'autres êtres surnaturels, mais à la forme lupine. Et je tenais à lui. Cette idée avait dû être soufflée par mon frère à l'oreille de mon père pour se débarrasser d'une manière épurée de ce danger.

Le pagne si blanc de lumière de mon jumeau n'était qu'un masque. Un élan de rage me saisit et sans réfléchir à une seconde fois, mes pieds frappèrent les fragments de céramiques au sol, fissurant encore plus la mosaïque pour me diriger vers Zeus assis sur son trône d'or aux pieds d'aigles.

– Père ! Je l'avoue en ce jour que vous aviez raison. Je n'avais pas gagné la guerre il y a cinq années, mais vous m'aviez dit qu'à son retour du séjour des morts je serai seule et désormais vous affirmez le contraire et même m'interdisez de mener mon combat ? Je veux en connaître les raisons, car je n'ai pas à écouter vos ordres sans me questionner. Je suis désormais reine, et j'avais cru qu'au sein des divinités, femmes et hommes pesaient à poids égal. Je me suis rebellée à vos lois de noblesse de mon empire, mais vous êtes d'une sorte, ma famille. Je ne m'abaisserai pas, j'ai un royaume et mes attributs déchaînent la peur au sein des cœurs. Les femmes vierges du nord ont été sacrifiées pour me transmettre le message de la guerre, leur nom ne peut pas être ignoré. Je les représente, symbole de la lune, de la nature, des jeunes filles, du crépuscule et de l'aube de la civilisation et des forêts. Je ne serai pas exclue de cette façon.

Il ne me répondit pas, me jeta à peine un regard. Il m'ignora comme il en avait l'habitude, passant une main distraite sur sa barbe brune bien taillée.

Sans un mot de plus de ma part, je tournai les talons, tournant le dos à l'Olympe définitivement, abandonnant derrière moi la certitude que je ne me terrais pas comme une bête bien trop effrayée pour affronter son prédateur. Les portes d'ors incrustées de figures relatant la bataille contre Cronos et la chute des titans qui avait entrainé la destruction des palais de Crête il y a quelques siècles, s'ouvrirent. Les images montraient également la naissance des dieux qui avaient tardés à s'établir jusqu'à ce que Zeus prenne pour épouse sa sœur et annonce deux ères. Je les traversai sans un regard.

Je n'avais pas connu l'âge d'or ni l'âge d'argent. J'étais née dans celle de bronze et une nouvelle était à venir, celle que tous murmuraient. Ces âges m'étaient inconnus et certains persistaient dans d'autres civilisations. Ils étaient les fondements des ruines sous nos palais, et les peuples pacifiques avant l'arrivée des Ioniens, Éoliens et puis des Achéens devaient pleurer leur gloire passée de la paix sous les larmes de sang de nos épées.

-----------------------------------------

Boum! Qui s'y attendait?
Fenrir is back pour vous jouer des mauvais tour!

Et c'est pas fini! Une deuxième révélation arrive, celle de son choix cornélien! Rendez-vous jeudi héhé

Théories ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top