48. Merope {partie 3}

« I will do everything in my power
To destroy all who stands in my way »

« Je ferai tout en mon pouvoir
Pour détruire tous ceux qui se mettent en travers de mon chemin »

La tempête dans laquelle elle était emprisonnée n'était qu'un gouffre dans lequel nous tombions plus profondément à chaque pas que nous faisions.

Les forces se perdaient dans les nuages noirs, les éclairs de leur lumière ne faisaient que révéler des silhouettes de notre passé qui ne disparaissaient jamais, nous poursuivant et nous hâtant. Pour un pas trois chutes dans le sol devenu boue par la pluie torrentielle étaient le prix à payer et la survie dépendait de notre côté le plus sombre.

– L'Olympe ? Les dieux ? Si ce n'est pour leur intérêt, ils n'aideraient jamais les mortels. Ils doivent être nos guides, ils ne sont que nos bourreaux et nous leurs pantins. Je sais survivre, seule, je n'ai pas besoin d'alliés bien que ceux qui me protègent le font pour l'instant de manière adéquate. Mais ils ne sont pas suffisamment fidèles, précisa-t-elle, et je vis ses doigts effleurer son ventre. Je n'ai rien à craindre, car le monde est devenu une statue dans la glace. Tu ne me connais pas, et mon passé bien moins ! me cria-t-elle, perdant ses moyens et je sus que j'avais deviné son point sensible qui faisait vibrer la corde. Ne te compare pas à moi, je te l'interdis espèce de garce ! Ne sois pas hypocrite, car ma vie t'importe peu, je ne tombe pas dans ce piège. Tu souhaites quelque chose ? Bien, parle, m'ordonna-t-elle, redevenue calme, me laissant stupéfaite face à cette haine pure à mon égard sans que je n'en connaisse les raisons.

Je n'étais pas la cause de ses malheurs, à ce que je sache, et Hippolyte ne l'avait pas intéressé, le croyais-je du moins. Ce qui était certain était la colère qui nourrissait la folie rongeuse, brisée. Je ne pouvais pas me permettre de la cerner comme le faisait sa tunique fine, mais blanchie par les terres de la Grèce, démunie des couleurs vives des îles.

– Tu ne m'apprécies pas, moi non plus, commençai-je. Je n'ai plus de lien avec mon jumeau contrairement à toi qui viens pourtant d'avancer qu'il t'a abandonné. Mais j'ai besoin de ton aide, je te l'implore même, lâchai-je difficilement, la bouche devenue sèche. Apollon veut tuer l'homme que j'aime, et il est mortel. Il doit revenir sur sa sombre décision et je sais qu'il t'écoutera. Pourrais-tu le raisonner ?

– Voyez-vous cela, la reine et déesse Artemis implore mon aide ! s'exclama-t-elle, frappant ses mains, se délectant du tableau que je lui offrais d'un sourire mesquin que je ne lui rendis pas, gardant mon visage glacial. C'est satisfaisant.

– N'oublie pas que je peux te punir, précisai-je, menaçante, et la mettant en garde que je restais la déesse. Et je me ferai un plaisir de le faire le moment venu.

– Les dieux ne peuvent s'amuser autant avec les mortels, et bien plus s'ils sont sous protection. Tu ne peux rien me faire, tu oublies que tu dépends de moi et un mot de ma part sauvera, ou condamnera.

– Acceptes-tu ? demandai-je dans un élan d'espoir, mais les yeux étincelants de mon courroux que je maîtrisais péniblement.

– La vérité ? Je n'y gagne rien, trancha-t-elle, jouant avec ma patience qui se tarissait comme les flammes d'une lampe à huile.

– Je ferai en sorte de t'offrir ce que tu souhaites, si tu acceptes de sauver Hippolyte.

– Ce que je souhaite n'entre pas dans tes capacités, déesse du monde sauvage, courant entre les morts et vivants.

– Hippolyte est ton ami, tu le connais de bien avant, tentai-je pour jouer avec sa nostalgie et elle hocha la tête, éveillant une pointe de jalousie que j'assouvis par ma question. Avez-vous été...

– Amants ? compléta-t-elle me voyant peiner à lui demander. Non, je te rassure, nous avons été amis, alliés, mais rien de plus.

Elle avait paru sincère par ses mots qui s'étaient adoucis à l'instant qu'elle remonta au passé avant que ses phalanges ne blanchissent par la tension qu'elle y mettait. Puis qu'ils ne se relâchent comme si elle avait trouvé une nouvelle piste à laquelle s'accrocher et me manipuler. Les paroles de sirènes ne tardèrent pas.

– Sais-tu qui il est ?

– Un loup.

– Un loup ? Voilà tout ? reprit-elle, et je la questionnai du regard, attendant la suite. Il y a tant de mystères et de secrets. Je vois que tu ne sais rien de lui, affirma-t-elle, et je gardai le silence. Il est impressionnant, instable même, indiscernable. Je le croyais plus fier, et qu'il cache ses secrets si longtemps est étrange. Il doit tenir à toi bien plus que je ne l'aurais espéré.

– Il a ses raisons, pris-je sa défense, avant de laisser, ma curiosité avide s'exprimer. Que sais-tu ?

– Il veut te protéger, je ne suis pas surprise. Vous vous appartenez, il en est conscient, je le connais bien pour cela. Il n'est pas celui que tu crois, mais je dois te le dire, car les peuples le savent. Toute fille rêve d'un méchant garçon qui se comporte tel un agneau avec elle, n'est-ce pas ? Le destructeur répondant le sang sur les terres sauvages, mais soumis à elle, la craignant même, s'agenouillant aux pieds de la reine meurtrière. Tu l'as trouvé, et venant de la part de la déesse du monde sauvage, cela ne m'étonne pas que tu l'aies dompté. Et lui de même avec toi, vous faisant retrouver l'équilibre. Un monstre pour un monstre.

– Que veux-tu dire ? insistai-je fermement.

– Te voir divaguer dans la brume, toi qui ne sais qui tu es, est si plaisant, mais je vais te donner quelques indices, après tout, nous sommes sur un plateau de jeu, il faut s'amuser. La fresque sur les murs se peint.

Le sourire de sphinx qu'elle m'offrit aurait pu lui coûter la vie si le désespoir ne m'habitait pas, mais malgré cela, je ne désirais que son malheur. Si elle se jouait de moi, je la punirais de mes flèches meurtrières qui tueraient ce qui lui était le plus cher. Et une simple demande à Éros et Aphrodite suffirait pour qu'ils me révèlent la nature du cœur de la princesse déchue.

– Ne parlons pas du vert dans ses yeux, mais bien plus du bleu qui fait que nous nommons ses iris pers, bien que les deux teintes soient bien plus séparées. Teint bleu, ne vois-tu pas ? Tu le sais, il a du sang divin qui coule dans ses veines. Cette vérité ne vient pas du fils de Thésée, Hippolyte Deimophon, mais de Orion.

– Laisses-tu entendre qu'il est d'ascendance divine ?

– Je l'affirme même.

– Qui, ordonnai-je, mais elle m'ignora.

– Dirige-toi du côté de ses yeux qui sont si semblables au poison qui te consumera jusqu'à ta perte, mais si tu es perdue, pense à la définition d'Hippolyte. Ce surnom qui n'est pas le nom d'emprunt. Tu peux même le questionner, il finira par te le révéler, sauf si tu préfères passer par d'autres, murmura-t-elle presque, tapotant son poignet de ses ongles, marquant le temps qui s'écoulait, avalant les espoirs de survie. Les secrets ne se dévoilent pas si facilement, je ne te dirai rien de plus. J'en ai trop divulgué.

Serrant les poings pour ne pas commettre d'erreur et taire ainsi les réponses qu'elle possédait. Ses connaissances qui étaient bien plus profondes qu'elle ne laissait transparaitre. Merope était mon unique source, et bien que nous nous détestions, elle devait vivre. Pour le moment.

– Vas-tu l'aider ?

– Laisse-moi réfléchir, commença-t-elle, la mine songeuse et posant son index sur son menton. Je ne t'apporterai pas mon aide.

– Il mourra !

– Votre problème, pas le mien. Il n'est plus mon ami, il m'a trahi, me révéla-t-elle, et un éclair transperça ses prunelles égarées dans la vengeance.

– Je t'en supplie, implorai-je. Pour moi, pas pour lui

– Non, coupa-t-elle mes lamentations. Je me plais à vous voir souffrir, ainsi que les dieux, les loups de lycaon et tous les monstres. Sentez ce qu'est la tragédie !

– Tu as tout perdu, mais pourquoi te venger sur moi ? Je suis désolée si je t'ai blessé, désespérai-je, les yeux étincelants.

– Tu ne comprendras rien, garce de déesse ! s'écria-t-elle, abattant sa délicate main sur ma joue et la douleur se propagea sur mon visage.

Elle venait de me gifler. Une mortelle avait osé lever la main sur moi et mes yeux s'assombrirent sans pour autant s'abattre sur elle, espérant qu'elle revienne sur ses pas. En vain.

– La vengeance est la plus délictueuse des patiences. Tu ignores ce qui arrive à petit feu, vivant un rêve en feu lorsque tu devrais te méfier, car dans le chaos, la clarté dort. Je suis presque en pitié de toi, mais je ne vais pas t'offrir mon aide. Je soutiens ton frère. Pourquoi moi ? Est la question que se posent les victimes, mais elles ne sont pas toutes innocentes. Les princesses peuvent être coupables, tu y as goûté à ce fruit. Tuant tant de gens, détruisant le monde par tes chasses sanglantes. Une personne doit payer le prix, il y a toujours un pêcheur, vociféra-t-elle, les lèvres rêches.

Elle tourna les talons, gardant la tête haute, me laissant l'observer partir de sa démarche féline prête à abattre ses lames acides. Les larmes aux yeux, je tombai à genoux, la voyant disparaître, emportant mes espoirs dans son sillage poussiéreux. Je ne parvenais pas à croire qu'Hippolyte était condamné et que tout était fini. Et que je ne pouvais pas lever la main sur elle.

Les pièces avaient été bougées et désormais les mouvements s'éveilleraient dans la guerre inévitable. Et à la place de me préparer à cette dernière, j'avais été envoûtée par les fêtes.

Cette nuit, je ferai face à ce chaos. Bien qu'étant la pièce principale, tout filait entre mes doigts, même les enjeux. Mon être ignorait le côté vers lequel penchait mon cœur. Le monde n'était que brume et distinguer les pétales des épines était comme humer l'odeur des roses, ou du sang si semblable.

Je doutais de ce doute que je n'avais plus ressenti depuis longtemps, lui ayant accordé ma confiance. Elle avait souhaité me faire tomber, et avait réussi. J'étais tombée tant de fois, et toucher le sol parsemé de cendres était toujours douloureux, brûlant ma peau d'une vérité plaisante. Merope se vengerait, elle m'avait fait part de cette attention, contre ceux qui lui avaient tout ôté.

Et si Hippolyte, au fond, restait Candeon et me tuerait ? Venait-elle de me sauver la vie ? Non, bien au contraire. Elle avait affirmé qu'il ne souhaitait plus ma mort, sinon elle m'aurait laissé être brisée. Car elle le condamnait.

Je n'étais pas prête, j'avais changé et l'amour qui était né était l'ennemi que je redoutais. Mais je me battrais pour lui et ma liberté, et j'en mourrais. Survivrais-je ? Survivraient-ils ? Voir le soleil se lever ne signifiait pas vivre pleinement. Une partie de nous pouvait s'éteindre, et j'en frémissais.

Le désespoir en moi, je sanglotais dans cette rue que je pensais vide. Deux bras m'entourèrent et je devinai qui c'était par cette manière rassurante qu'il avait de me consoler. Je me laissai aller contre mon grand frère, m'abandonnant aux pleurs qui éclatèrent et coulèrent jusqu'à la terre, l'abreuvant.

Deux êtres dans cette rue, aux côtés d'un cadavre, deux personnes qui s'étaient détruites mutuellement, mais qui restaient ensemble, laissant place à l'amour de la famille qui ne se tarissait jamais et combattait contre vents et marées malgré les blessures qui coulaient, qu'importait leur source. Les derniers bouts du miroir survivant d'une famille, raccrochés, mais pour combien de temps avant qu'ils ne finissent en fragments ?

Je ne comptais plus que sur lui, mais muet comme les morts, il ne me serait d'aucun secours, me confirmant que la fin s'était inscrite.

Le monde me l'insufflait, me le murmurait à l'oreille par le chant du vent. Tout était fini. Je lui accordai la résonance dans un écho puissant tandis que je pleurais en silence. La fin de la guerre était une sombre surprise, annonçant pourtant que victorieux ou pas, tous sortiraient perdant. L'espoir infirme avait fui avec les oiseaux migrateurs qui partaient tant que l'automne le permettait avant que l'hiver ne tombe. Tout était fini et le tableau de jeu était clos.

Et la dernière partie de ce chapitre Merope!

J'ai oublié de le dire, mais vous voyez le jeune homme qu'elle vient de tuer? Tanguy? Je vous invite à aller au chapitre « La Guerre des forêts »
On me dit à l'oreillette qu'il y est cité (et apparaît) et que vu le temps passé entre les deux chapitres, vous n'avez pas tilté hé hé

Bon! A part ça avec le beug Wattpad j'ai perdu 6 histoires (dans certaines pas enregistrées donc bye travail)

Sur ce, jolie gif qui illustre bien ce chapitre

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