46. Famille {partie 3}

« Family...
Always and forever...
But we forget to say that a
Family can be
Broken too... »

Le sol qui soutenait la plante de mes pieds menaçait de s'effondrer, prêt à m'emmener dans le sillage de sa chute jusqu'à la terre, me laissant tomber jusqu'aux entrailles du monde, démunie de toute salvation, de tout espoir pour survivre. L'illusion n'en était pas une, mais une réalité qui deviendrait cauchemars. La haine n'était pas suffisante pour arrêter les tremblements de mon être qui fissuraient le marbre à chaque pas du temps, m'approchant de l'inévitable. Telle une enfant, je cherchais une solution dans le visage de mon grand frère qui ne trahissait jamais ses pensées, mais je le vis en pleine réflexion.

– Il est fou, fou ! m'exclamai-je, permettant à mes yeux de s'humidifier devant ma misère qui finirait par m'emmener aux enfers, au Tartare destructeur qui avait emmené ses démons à ma porte. Que va-t-on faire ? paniquai-je, les larmes coulant, secouant mes mains qui s'entremêlaient dans mes cheveux.

– Artemis, calme-toi, m'ordonna-t-il d'une voix ferme, m'arrêtant dans mes mouvements éperdus. Nous allons trouver une solution et bien qu'il ait perdu l'esprit, les fous peuvent également revenir sur leur décision.

– Comment ?  Dis-le-moi, dois-je aller le supplier à genoux, me plier face à lui pour gonfler son estime ?

– N'y pense pas, tu l'as suffisamment froissé ainsi. Tu le connais, sa colère va retomber sur toi. Laisse-moi régler tout cela, et s'il a pris cette décision c'est, car la Béotie possède un trésor qu'il convoite.

Les yeux perdus dans les fresques hypnotisantes, je me retournai vers lui, intriguée. J'en oubliais qu'il était mortel et qu'il possédait un royaume dirigé par son père qui l'avait désiré, et dont il était l'unique hériter. Je séchai mes larmes, permettant à quelques gouttes s'écraser au sol avec un fracas silencieux, éclaboussant mes pieds de leur température aussi chaude que le sang qui coulait des plaies lors des guerres.

– Sais-tu ce que c'est ?

– J'ai une idée, et si j'arrive à raisonner mon père, nous pouvons nous en sortir. Tu n'as pas à t'inquiéter, j'ai tout sous contrôle, me rassura-t-il, soulageant mon cœur.

Je le serrai dans mes bras, sachant qu'il trouverait éternellement les solutions à nos problèmes pour nous sauver des plus mauvaises passes. Il nous préservait d'un monde monstrueux auquel nous avions suffisamment été touchés, apaisant nos pulsions sauvages qui habitaient les jumeaux du jour et de la nuit. Nous liant à l'humanité tout en restant des archers qui plantaient leurs flèches dans les cibles sans tressaillement, gardant la lucidité.

– Tu es le grand frère dont toutes les sœurs rêvent. Merci mille fois.

– Je le sais, pas besoin de me le dire, plaisanta-t-il, et je le lâchai.

J'étais désormais rassurée de cette échappatoire à cette prison qui se révélait enfin et aussi rapidement. Une brèche de lumière qui nous sortirait de cette obscurité dans laquelle nous avions été plongés.

– Je te promets, petite sœur, que j'arrangerai tout, avec Apollon. Tu peux compter sur tes frères.

– Me le promets-tu réellement ? Ne me fais pas le coup des fêtes où vous partiez sans moi, l'imitai-je pour alléger les cœurs, et il rit.

– Promis, je ne te laisserai jamais tomber, je ne vous abandonnerai jamais tomber, nous ne te délaisserons jamais et je sais que tu feras de même.

– Promis ? implorai-je, lui montrant mon auriculaire qu'il empoigna avec le sien pour clore notre pacte.

– Promis, et lorsque tout sera fini, tu choisiras celui que tu voudras, si tu en veux un. Nous ne voulons que ton bonheur.

– Je pensais que vous ne laisseriez personne m'épouser ?

– Tu pourrais toujours épouser son cadavre, lâcha-t-il de sa plaisanterie noire.

– Pourquoi ça ne m'étonne pas ?

–Je me disais aussi qui aurait été assez idiot pour accepter un mariage avec toi, sachant à quel point il est horrible pour tes frères de te supporter et te voir tous les jours, ajouta-t-il, sachant qu'il se moquait de moi, mais je n'eus pas la force de répliquer une directe.

– Je me demande surtout quelle femme voudra de vous deux, volages comme vous êtes devenus.

– Apollon est ainsi.

– Et toi non ?

– Dis la fille qui raffole des combats d'hommes à moitié nus.

– J'apprécie l'art du combat, non leur corps.

– Qui a parlé de corps ?

– Tais-toi, persiflai-je.

– Tu es affreuse et avec un caractère trop difficile à supporter. Et tu aimes les corps, je tiens à dire la manière avec laquelle tu brises leurs os, amour propre que tu as à ne pas les laisser t'effleurer, et tu les lances loin dès lors qu'ils s'approchent de toi. Cela défini à tel point tu aimes leur corps, d'une manière certes différente, mais tu les aimes.

Il avait le don de m'énerver tout comme mon jumeau qui heureusement n'était pas présent. Un idiot de plus qui me servait de frère n'était pas nécessaire. Cette pensée me fit sourire, je les adorais, les aimais plus que tout au monde et je me sentis légère, consciente que j'étais en sécurité, et sauvée.

– Redevenons sérieux, petite sœur. Je te le promets, je vais tout arranger. Ton père souhaite juste le pouvoir, nous allons le lui donner. Les rois sont ainsi, ils prennent les décisions pour eux. Bien qu'autrefois Zeus a sauvé le monde de son père, mais les temps changent, les époques également, et la folie atteint. Nous sommes dans une famille ainsi, et la solution, je l'ai. Fais-moi confiance. Je te le promets, tout va s'arranger et tu épouseras l'homme qui t'est destiné, sans le tuer, ou du moins une ou deux menaces de mort offertes. Mais sache que bien que par moment nous pouvons être énervants, nous voulons te voir heureuse et protégée de ce monde dangereux dans lequel nous vivons malheureusement, empli de monstres qui détruisent. Fais-moi confiance, je te promets, je vais tout arranger. Pour te laisser un jour, porter la couronne. Il te suffit du temps.

Sans retenue, je le serrai une fois de plus dans mes bras, l'enlaçant, retenant mes larmes menaçantes d'abattre leur tempête désespérée sur mes joues. Mes yeux étaient les portes de mon esprit et de mon âme qui tentaient de croire en ses paroles, se raccrochant à cet espoir. Je le serrai fort, profitant de cet instant sans savoir qu'il serait l'un des derniers. Il déposa un baiser sur mon front avant de me lâcher.

– Promets-moi que tu ne vas pas te mêler, promets-moi que tu me laisseras faire si les choses se corsent.

– Apollon, va-t-il t'aider ? déviai-je.

– Il se peut que j'aie besoin de son aide, mais je ne souhaite pas l'intégrer à cette histoire. Il est aussi en danger, vous êtes jumeaux. Si ton père souhaite ce que je pense, je sais qu'il court sur les mêmes risques. Je dois vous protéger tous les deux, je ne veux pas que vous souffriez.

– Je suis également concernée, je veux t'aider.

– Tu es trop impliquée et il y a des choses que tu ignores, contra-t-il. Il vaut mieux que tu sois préservée, jusqu'à ce que tu sois prête.

– Mais, répliquai-je.

– Écoute-moi pour une fois, Artemis, je suis l'aîné. Fais-moi confiance, cette histoire n'est pas uniquement cette frêle partie de roche qui dépasse de l'Océan au fond sans fin.

– Bien, soufflai-je tout de même agacée, mais décidant de lui accorder une confiance aveugle. Je jouerai le rôle de la gentille petite sœur enfermée dans la maison tandis que ses frères partiront à la guerre.

– Tu as tout compris, se moqua-t-il, et je le foudroyai du regard. Je préfère que tu partes en guerre toi aussi, car tu es notre égale, mais je préfère te savoir pour une fois en sécurité. Ton heure viendra.

– Et si tu te trompes ? Et si ça ne marche pas ?

– J'ai toujours une autre solution, je la trouverai et elle marchera. La famille pour maintenant et pour l'éternité, et je vous promets que rien ne vous arrivera. C'est mon rôle de m'en assurer, souffla-t-il presque, éveillant une crainte en moi qui s'apparentait aux adieux redoutés, ceux qui mèneraient le parti pour un dernier voyage duquel il ne reviendrait plus.

– Ne parle pas ainsi, tu le sais, unis, nous sommes meilleurs. Tu nous l'as toujours répété, nous sommes une famille.

– Je vous préfère en sécurité, m'arrêta-t-il dans mon élan épris d'un cri désespéré qui menacerait les colonnes de tomber si je continuais dans la lancée de cette flèche au risque d'obtenir ce que je souhaitais, ou rien du tout, préférant parfois la décadence pour parvenir à mes fins.

– Que cache ton royaume ? Que se passe-t-il ? questionnai-je fermement, décelant dans son regard qu'il en connaissait les raisons d'une manière qui n'était rien d'autre que connue.

Des secrets qui vivaient dans une âme d'une paix profonde avant qu'une étincelle n'allume la douleur de la souffrance de les dissimuler.

– Tu es trop jeune.

– J'ai quinze ans ! hurlais-je.

– Tu es trop jeune.

– Apollon est mon jumeau, insistai-je, sachant qu'il comprendrait ce que je sous-entendais.

– Je tenterai de le garder à l'écart, mais je ne veux pas te mentir, il se peut qu'il sache certaines choses, car bien qu'il y soit impliqué, il est moins en danger que toi. Durant mon absence, je lui demanderai qu'il veille sur toi et qu'il t'empêche de tenter quoi que ce soit, car je sais que tu t'apprêtes à mettre en œuvre tes idées impétueuses, me prévint-il, reculant déjà, et je le questionnai du regard, remuant à peine mes lèvres tremblantes d'une fièvre soudaine. En échange, garde-le aussi à l'œil. Il n'a pas toute ma confiance, et ne me regarde pas ainsi. Je te promets que je vais tout arranger, je vais aller parler à mon père.

– Attends, lui demandai-je, le rattrapant pour le serrer une dernière fois dans mes bras comme si mon cœur savait que ce serait l'ultime fois que nous serions encore innocents dans cette tragédie. Ne fais pas d'idioties, ne te mets pas en danger, réfléchis avant d'agir, le conjurai-je, versant quelques larmes glaciales qui coulèrent sur mes joues silencieusement.

– Ne pleure pas, petite sœur, me demanda-t-il dans une supplication étouffée qui menaçait de détruire ses barrières, tout en finissant de détruire ma coiffure en l'ébouriffant. Je te promets, rien ne m'arrivera et tout s'arrangera aussi vite que les battements d'ailes d'un papillon.

– Un papillon peut provoquer le plus fort des ouragans destructeurs.

– Tu as trop discuté avec Athéna ? affirma-t-il gentiment, et je hochai la tête, léger sourire aux lèvres. Sache que je suis très fier de toi, lâcha-t-il d'une voix brisée après un silence tout en déposant un baiser sur mon front. Je te promets, tout va trouver un chemin arrangé, et n'oublie pas...

– La famille pour maintenant, et l'éternité. Je le sais.

– Souviens-toi de suivre ton cœur.

Il tournait déjà les talons, s'éloignant de moi, mais je lui fis une dernière requête qui jaillit de mes lèvres humidifiées par mes larmes, et flanchantes. Celle de revenir. Il prit un instant à me répondre, et je le vis tressaillir d'incertitude. Pourtant, il m'affirma qu'il reviendrait, comme toujours.

– Tu n'es pas immortel, Apollon peut se faire tuer, il reviendra. Toi, si tu te fais poignarder... Pas, tranchai-je, le suppliant inconsciemment.

– J'ai promis de veiller sur vous deux, une promesse est une promesse. Prenez soin l'un de l'autre, Apollon et toi, restez ensemble, qu'importe si les cieux déchaînaient leur fureur sur vous. Ne vous séparez jamais.

– Promis, murmurai-je tandis qu'il s'éloignait, et je ne sus s'il m'avait entendu, mais un sourire rassurant me fut lancé avant que la porte ne se referme derrière lui.

Un geste dans un fracas d'une porte des prisons des enfers destinés à condamner à la souffrance éternelle les prisonniers d'un cercle vicieux de la torture des cieux.

Je portai ma main sur mon cœur et le sentis battre d'une lenteur maladive, en résonance à ce pressentiment aussi sombre qu'un nuage noir qui enveloppait mes sens. Je secouai la tête, posant mon index sur ma tempe dans l'espoir de calmer les illusions des moires. Il m'avait promis, et je devais ignorer la brume sortie des profondeurs de la terre, issue de ce gouffre dans les failles rejoignaient la grotte de python.

Je tournai les talons, revenant sur mes traces dans un chemin inverse au sien jusqu'à atteindre la salle commune sans prêter attention aux nymphes, satyres, spartes ou divinités mineures qui vivaient d'une quiétude qui provoqua une flammèche de colère au creux de ma poitrine. Je repris ma place à mon tissage sans lancer un mot à mes tantes qui s'étaient tues contrairement aux agitations des femmes sous les arbres ou au bord d'un étang.

Une grande aspiration emplie à nouveau mon corps d'une force nouvelle et je leur daignai un regard qui dévoila leur culpabilité. Bien que jeune, je n'étais pas née de la dernière pluie.

– Vous saviez, affirmai-je, sentant les battements de mon cœur battre avec hargne.

– Ma chérie, nous sommes désolées, mais.

– Mais quoi ? coupai-je Héra, haussant le ton. Aphrodite, je te pensais la mariée, pourquoi ce choix ?

– Je te le jure, paniqua-t-elle, secouant sa main devant son visage rougissant. Ton père choisit, je ne peux pas dire ma parole. Il ne m'écoute pas lorsque je lui dis que votre lien fraternel est indestructible et tout aussi fort que celui qui te relie à ton jumeau.

– Vous m'avez déçue, mais heureusement qu'Oarion s'opposera à Zeus, finis-je, leur lançant un regard noir qui les fit déglutir.

D'une rage aveugle, je saisis ma quenouille, espérant que mes idées noires s'envolent dans le ciel parsemé de la lumière dorée du soleil et que mon esprit se concentre sur le tissage. Je ne pensais plus, laissant mes mains décider pour moi.

Bien que chamboulées, elles s'exécutaient jusqu'à ce que je sente une douleur à mon poignet gauche qui lâcha mes doigts qui s'élancèrent de douleurs dans un mouvement effréné. Je grognai doucement et jetai un regard aux déchirures qui laceraient ma tapisserie dont le sens était un cercle qui recommençait éternellement son cycle.

Attentivement, je contemplais les dégâts. Le soleil à son zénith, brillant des nuances variant du blanc à l'orange clair sous un ciel d'un bleu épuré, n'en avait souffert aucun, mais il était entouré par deux représentations qui en avaient. Le lever à sa gauche des couleurs rosées et écarlates caressant le ciel bleuté, offrant une aura légère et douce, même rassurante dans l'ambiance du foyer. Puis le coucher allant du carmin au pourpre, se confondant à la nuit noire et mystérieuse, mensongère dans son calme nocturne et renvoyant toute lumière loin d'elle.

Les deux images symboliques étaient déchirées, détruites par le fléau de l'ange de la mort et les nuances du rouge étincelaient de mille feux, donnant une teinte fade au zénith devenu solitaire et ayant perdu ses amis. Il brillait pourtant encore, cachant ce qu'il était devenu. La lune vêtue du manteau qu'était la nuitée étoilée dévorait avec cruauté les couleurs sang, et coupée elle aussi de l'aurore et du crépuscule par les mêmes lésions. Devenue moins humaine, dangereuse et solitaire.

Les frissons me parcoururent et un long tressaillement remonta le long de mon échine à la vue de ce tableau qui prenait vie devant mes yeux, se mouvant et coulant de son socle jusqu'à tâcher mes mains.

Je clignai à maintes reprises les paupières, espérant que les ombres qui s'étaient formées disparaissent. Et elles se volatilisèrent, éveillant à nouveau ce pressentiment que je chassai d'une main, consciente qu'il me torturerait jusqu'à ce que mon dessein qu'il me murmurait n'ait lieu, et que je l'oubli.

Nous avions promis et les promesses ne pouvaient pas être rompues, mais je rêvais bien loin, laissant mon âme être emportée au-delà, insouciante. Je ne me doutais pas que le miroir avait déjà été brisé, accordant au cauchemar la liberté de s'échapper de ses débris fades.

Gentil frère non? Je rapelle qu'elle l'a tué.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top