45. Tu me manques
« When you come back
You will not be you
And I may not be I»
Sautillant d'une pierre à l'autre, prenant garde à ne pas glisser et m'étendre entre deux pics dans le même sommet, je finis par atteindre la roche la plus éloignée. Plate, et enfoncée dans la mer, abandonnant derrière elle le virage, nous permettant d'atteindre le domaine de mon oncle, et son père. Le sol étrangement doux m'accueillit et je croisai les jambes, optant pour une position confortable. Mon âme était consciente que je ne tiendrais pas debout. Le masque commençait à se fendre doucement, brisant mon cœur délivré de ce poids tenu secret tant d'années. J'acceptais enfin la vérité, la criant à travers les airs.
Les eaux profondes et mystérieuses apportaient un calme paisible, dissemblable par le ciel sanguin à l'horizon que je fixai. Cillant légèrement pour chasser les larmes salées qui pointaient leur perle iridescente au coin de mes yeux rougis sans la moindre parole encore prononcée.
Hésitante, je ne pris pas la peine de réfléchir, sachant que mon cœur devait s'exprimer par lui-même. Je pris une grande aspiration, laissant place au courage aussi doux que la fourrure de la louve pour monologuer ne serait-ce que quelques instants, avant de m'effondrer dans un torrent de peine tragique.
– Oarion ? commençai-je la voix fragile. Je ne sais pas si tu m'écoutes quelque part, mais il fallait que je te parle.
La brise seule me répondit, laissant place à un grand frisson qui me parcourut de part et d'autre, m'obligeant à rabattre mon voile qui faisait office de cape sur mes vêtements encore humides. Les mouettes elles-mêmes avaient disparu et la ville était bien trop lointaine pour être entendue. Un pincement au cœur de déception se fit ressentir, mais je devais m'y attendre. Je continuai pourtant.
– Je ne sais pas par où commencer. Tu me manques, le sais-tu ? Non, laisse-moi corriger cela. L'ancien toi me manque, mon grand frère me manque. J'ai besoin de toi, j'ai tout perdu, lâchai-je, et je laissai un instant ce mot flotter. Apollon m'a tourné le dos depuis longtemps, notre famille est détruite depuis tant d'années. La famille, notre vie, celle au sang plus fort que tout, au cœur qui porte un amour inconditionnel où rien n'a de fin. Pour maintenant, et l'éternité, répétai-je, fermant un instant les yeux.
Ma poitrine se soulevait avec plus de lenteur, encore tressaillant de mes larmes qui allaient et venaient comme l'écume.
– Tu dois te souvenir de Phoebe et Skotia, mes sœurs. Elles n'ont jamais pu vous remplacer, vous, mes frères. Tu es parti, Apollon ne veut plus me voir et le lien de jumeau me détruit à la place de me renforcer comme autrefois. Je le sens encore et toujours, mais Apollon ne veut plus avoir affaire à sa sœur, sauf pour une seule chose. Te souviens-tu lorsque nous étions entre l'enfance et l'âge adulte ? demandai-je avec un léger sourire. Vous me disiez que vous me tiendriez à l'œil avec les hommes, et que s'il le fallait vous le jetteriez à la mer, ou plutôt son cadavre.
Un sourire éclaira mes lèvres à ces lumineux souvenirs, et un souffle s'échappa, emporté par la brise salé de la mer.
– Vous avez toujours été un peu agaçant de ce côté-là, mais je vous en remercie tellement, car je ne suis pas ainsi, à les faire défiler. Pourtant, j'ai rencontré un homme, Hippolyte. Je l'aime de tout mon cœur, il m'est destiné, je le sais. Je pense que tu aurais été heureux si j'avais trouvé l'Amour, et je le suis avec lui. Tu l'as toujours souhaité pour moi, mais Apollon ne l'entend pas ainsi. Il m'a laissé décider de son sort. Soit le faire partir, soit il s'en chargerait. J'ai fait mon choix, et désormais, je crains pour sa vie. Apollon, il va l'éjecter de mon existence, je le sais. J'ai peur, le sais-tu ? Peur pour lui et pas pour la guerre, ironique, n'est-ce pas ? Me connaissant...Si tu avais été encore là, tu aurais pu le raisonner, mais, mais, bégayai-je.
Je m'arrêtai un court instant, ravalant, mes larmes, et déterminée à continuer. Je ne voulais pas me briser, abandonner. Pas maintenant. Je serrai mes poings, mes yeux hazels plongeant dans cette mer dévastatrice. Au loin, je crus percevoir le son de mon faucon resté pour protéger le campement tenu secret.
– Ces derniers temps, avec cette guerre qui approche à petit feu, je ne cesse de revenir à mes démons du passé. Ceux qui me hantent jours et nuit, m'empêchant de vivre dans la paix de la nature, et tu en fais partie. Je pense, encore et encore, me torturant l'esprit dans tous les sens, cherchant la sortie de ce labyrinthe. Je pense à ce qu'il s'est passé et les réponses filent entre mes doigts. Comment en sommes-nous arrivés là ? Je ne le sais pas moi-même. La pelote a défilé sous nos yeux sans que nous puissions l'arrêter de filer la toile de notre destin. Nous vivions heureux et bien que la reine du monde sauvage serait ce qui manquerait à ma vie pour m'épanouir telle une rose, tu me manques bien plus. Pour parvenir à ma destinée, il y aurait eu tant d'autres moyens au rythme de l'avenir, et j'aurais même été prête à tout abandonner pour que tu sois à nos côtés.
Je laissai ce mot s'évanouir dans les airs, emporté par les flammes qui le bafouèrent. Ce tableau que nous imaginions éclatant, dansant au rythme de nos rires joyeux.
– Cette promesse qui nous a échappé, la famille pour maintenant et l'éternité. Des mots jetés en l'air sans avoir connaissance de notre sort. La faute qui a engagé tant d'autres dans son sillage. Elle vient de père, Zeus n'est qu'un dieu de pouvoir. Il ne se soucie jamais de nous, mis à part de ses favoris. Tu avais un autre père mortel adoptif, je ne sais pas si tu l'aimais, mais si mes souvenirs sont bons, tu ne souffrais pas à retourner dans ton palais. Moi, j'étais emprisonnée avec cet homme qui voulait faire de moi la déesse de je ne sais quelle fonction. Depuis ma naissance, il entrave ma liberté. Le sais-tu ? J'ai cru que je t'avais perdu à jamais, que tu ne serais plus le grand frère dont j'avais besoin pour veiller sur moi. Tu m'avais promis de nous sortir de là, je me souviens de tes mots. Était-ce ton plan ? Tu n'as jamais rien révélé à Apollon qui était là comme mon miroir, à mes côtés cinq années encore, comme les jumeaux que nous avions toujours été. Inséparables, jusqu'à mon erreur fatale. J'ai décidé de fuir l'Olympe, tout oublier, toi inclus dans cette boîte que j'ai envoyé couler dans la mer. Depuis ces années, j'avais le choix d'écouter soit Phoebe, soit Skotia. Leurs avis différaient et elles te connaissaient à leur manière. J'ai écouté la fille d'Hécate, j'étais déjà sur cette voie, préférant rester aveugle. À mes yeux, mon frère était mort. Tu avais tant changé ! Nous avons tous changé, nous ne sommes plus les mêmes et ne le serons jamais à nouveau. Changés, transformés. Je suis devenue une autre personne, celle que je suis et toi, tu as sombré dans cette forme de folie méconnaissable. Quant à Apollon, il a évolué dans son chemin avec cette blessure de séparation. Nos plaies saignent encore comme les anges qui ont perdu leurs ailes. Nous faisions partie l'un de l'autre et ta mort a fait que nous nous détachions sous la douleur éternelle d'un feu éteint. Si nos anciens nous nous voyaient aujourd'hui, que penseraient-ils ? Ils ne se reconnaîtraient pas. Innocents, naïfs de l'existence.
L'intonation de ma voix était devenue calme, coulant tel un long fleuve tranquille empli d'assurance. Permettant aux paroles de s'échapper sans retenue, un flot régulier sans interruption d'un souffle entrecoupé. Je me sentais pourtant faiblissante, mon cœur se cassant encore et encore, réparateur à la fois, n'éclatant pas en mille éclats. Grâce à une unique et seule raison, l'impression d'être entendue, ou du moins écoutée.
– Je me demandais si c'était toi le chasseur du sud, et désormais, j'ai la certitude qui m'effleure. Ce serait bien toi, d'après les légendes. N'aurais-tu pas fait cela pour m'aider ? Si tel est le cas, je t'en remercie. Si tu n'avais pas été là, je n'aurais pas pu m'imposer en Grèce, je n'aurais pas pu m'occuper du sud. Et mon nom n'aurait pas traversé la mer, arrivant même jusqu'à la branche du continent où je suis connue sous le nom d'Aricie. Ta petite sœur a grandi ! m'exclamai-je. Elle sait se débrouiller, seule, elle n'a plus besoin de personne, ajoutai-je, la voix soudainement fragile et je pris une grande aspiration, m'interdisant d'éclater en pleurs comme Niobé transformée en source.
Je ne le devais pas, les paroles devaient encore couler avant que je ne tombe sous le poids de mes sentiments noyés. Et mon rythme devint effréné.
– Que t'est-il arrivé ? Moi rêvant de retrouver ma famille, par la faute de Skotia et moi-même, j'ai fait en sorte de croire que tu étais à jamais parti. Puis, tu es réapparu du néant en Crête comme le frère que j'avais perdu. J'aurais pu tout réparer, je n'ai rien fait, je ne t'ai pas présenté, je suis restée sceptique et égoïste. T'ignorant. J'ai tout dissimulé, je suis la pire des sœurs. Tu ne me méritais pas. Tu avais besoin de mon aide, tu avais toujours été le grand et désormais c'était à mon tour de revêtir le rôle de la sœur indépendante. Je t'ai renié, et je regrette dans les tréfonds de mon être. Tu voulais tout simplement me parler, tu avais besoin pour une fois de ta sœur. Je n'ai rien fait. Je m'en veux. Aveugle, j'avais oublié derrière la brume sans que je ne sache d'où elle venait. L'île était étrange, le sang coulait sur sa terre riche, j'étais constamment observée. J'ignore quelle folie s'est saisie de moi, ni même celle qui t'a emporté, toi. Une chose t'affectait, je l'ai vu, elle ne venait pas de ton plein gré, et j'ai ignoré les faits, passant outre. Les divinités ont depuis la nuit des temps apprécié jouer avec la mentalité des mortels, mais je crois qu'elles ont aussi joué avec la mienne. Je n'ai aucune réponse, j'ai besoin de savoir ce que tu savais. Étais-tu au courant de certains secrets, possédais-en-tu toi-même, accumulés durant toutes ces années ? Qu'as-tu fait durant ta disparition ? Pourquoi avoir quitté le palais de ton père ? Je suis perdue dans cette guerre et tout est si lié que je n'aperçois plus qu'un amas de ronces et aucune fleur éclatante. Tous me mentent, me cachent des secrets, me tournent le dos, mais pourtant, sont encore là. Désormais, chacun joue seul, se séparent et tu aurais été le seul à insister que tous restent unis pour gagner. Tu aurais pris les rênes, préférant nous abriter. C'est dans ta nature d'être ainsi. Skotia a imposé deux souvenirs de toi, l'un était mon frère, l'autre l'étranger. J'ai fait une erreur, Phoebe avait raison, vous étiez la même personne. Tu es mon grand frère, tu ne m'aurais jamais laissé tomber comme je pensais que tu l'avais fait. Tu avais tes raisons, tu as dû souffrir tout comme Apollon et moi. J'ai voulu t'oublier, j'aurais dû me souvenir de toi, ne pas être égoïste, pensant à ma propre souffrance. Tu es mon grand frère, tu le seras toujours, et je t'aime. Tu me manques tant, je suis désolée de t'avoir tué, avouai-je en un sanglot. J'ai détruit notre famille, et je ne sais pas comment les choses ont pu m'échapper ainsi.
Désormais, les larmes brûlantes coulaient sur mes joues, laissant les traces de mes cicatrices ignorées apparaître à la surface de ma peau. Un torrent de regrets qui ne pourrait jamais plus être réparé, destiné à couler jusqu'à atteindre la mer sans ramener l'éclat des anges qui chasseraient les démons. La puissance qui nous avait envoyés ici nous avait offert l'immortalité et la faculté d'être humain. Un cadeau empoisonné au destin qui se voulait fatal pour certains. J'étais la part sauvage des humains, de la chasse archaïque. Le monstre qui courait dans les bois sans retenir la mort qu'elle semait, emplie d'une passion qui faisait que le lieu où elle pouvait être dénichée était le monde sauvage. Mais écartelée à la fois entre la civilisation, et les profondeurs des abîmes de ce monde.
– Tu me manques, terriblement. J'ai besoin de toi, tu ne sais pas à quel point, grand frère. Je ne comprends rien, tout m'échappe, moi qui pensais maîtriser lorsqu'en réalité je ne fais qu'avancer dans la nuit noire, aveugle, sans abandonner, mais serait-il un jour temps de baisser les bras ? Jamais, je le sais, mais ne sais rien à la fois. La famille pour maintenant et pour l'éternité. Et si le destin fracassant s'y mêlait, le cœur devait être suivi, mais il est si brisé que je ne trouve plus ma route. Je t'aime grand frère, et tu me manques.
Un sanglot suivi d'autres gémissements coula, forçant mes jambes à se coller contre ma poitrine, et je les enserrai avec désespoir, m'abandonnant aux perles qui voilèrent ma face. Je ne savais pas de quelle manière je m'étais exprimée de cette façon nécessaire, mais les larmes, elles, coulaient en réponse à ces mots, en écho à celles que j'avais retenues de la douleur du voile noir. Je pleurais ma famille, je pleurais mon passé innocent, je pleurais mes frères.
Une deuxième brise froide caressa mon dos et je sentis une présence s'asseoir à côté de moi, cessant mes larmes incessantes et m'éveillant de cette torpeur. J'arrêtai tout mouvement, même ma respiration se tut. Le visage caché dans mes bras, je n'y voyais rien, mais une main ébouriffa mes cheveux avec affection.
Je permettais ce geste à deux personnes uniquement, et j'avais la certitude que ce n'était pas Apollon.
Tremblante, je relevai doucement les yeux et les essuyai pour enlever la buée avant de tourner la tête en direction de l'impossible. Il me souriait, le même sourire que dans mes souvenirs, ce sourire qu'il m'offrait lorsqu'il me retrouvait en colère ou en pleurs dans ma chambre, ce sourire destiné à me consoler, ce sourire pour me montrer que je valais et qu'eux étaient présents.
Il était là, devant moi. J'en restai muette, la langue emportée comme Écho, une chasseresse de plus volée par le piège des roses. Je le regardais avec incompréhension, surprise, désemparée avant de réaliser ce qu'il se passait.
Un rire nerveux et joyeux à la fois s'échappa à l'instant où je me jetai dans ses bras, le serrant fort sans réfléchir, l'étouffant si je le pouvais même. C'était une enveloppe chaude et rassurante que je sentis sous cette embrassade, et je remerciai cette puissance qui nous avait créés de m'accorder ce miracle de pouvoir le toucher. J'en profitai sans poser de questions, éclatant à nouveau en pleurs. Je m'excusai comme je pus par une articulation que je réussis avec peine, mêlant mes larmes à mes mots qui formaient mes maux.
Pour unique réponse, il me serra à son tour dans ses bras, fort, comme la dernière fois qu'il l'avait fait et ce souvenir brisa un peu plus mon cœur. Je pouvais ressentir qu'il pleurait lui aussi, mais à sa manière.
Je ne dis mot, lui non plus, muets, profitant de cet instant. La peur constante qu'il ne disparaisse, qu'il ne soit qu'un mirage surnaturel, cruel et beau à la fois, me poussait à ne pas le lâcher. Je me tenais à lui comme à une ancre, comme lorsque j'étais enfant, comme Apollon et moi le faisions.
Il était réel, je le savais, devant moi. Il me rassurait comme autrefois, et je sentis une paix naître à nouveau depuis si longtemps, bien plus profonde et libératrice qu'un souffle nécessaire de la fleur de lune. Une paix qui taisait les cris des démons en moi ces cauchemars qui me rongeaient de l'intérieur. Il me rassurait, me comprenait, me pardonnait. Les mots n'étaient pas nécessaires, je lisais étrangement les messages comme j'avais toujours saisi avec mon jumeau. Sans aucun mot. Nous étions une famille, brisée, mais restions une famille.
Les larmes cessèrent peu à peu jusqu'à ce que ma respiration suive un cours normal, et je le lâchai enfin, le regardant, cherchant dans ses yeux bleu océan comme ceux d'Apollon, une réponse. Il déposa un baiser sur le haut de mon crâne, chaud et rassurant, un baiser fraternel qui me rappela ceux d'Apollon après l'Olympe, et avant que nous nous séparions. Ainsi que les siens lorsqu'il nous quittait pour rejoindre son royaume sur terre dans le but de me montrer qu'il était bien là. Il ébouriffa une nouvelle fois mes cheveux, et je ne me plaignis pas.
– Comment ? questionnai-je enfin dans un sanglot, mais il resta silencieux. Je t'en supplie, parle-moi, implorai-je, la voix brisée.
Il tourna son regard vers l'horizon, déterminé à ne pas m'adresser la parole, et je n'insistai pas. Il était là, à mes côtés, c'était ce qui comptait. Revenir sur le passé, perdre ce temps précieux m'était à moi aussi inconcevable. Je voulais profiter avant que tout disparaisse sous les éclats de la lune bien que la nuit soit leur royaume, leur possibilité de se présenter à nous. Mais le crépuscule l'était tout autant et bien plus, le pont entre les deux mondes d'après les légendes. Je me rapprochai de lui et posai ma tête sur son épaule.
Nous ne regardions pas des musiciens qui jouaient l'harmonie, mais une prestation tout aussi belle si ce n'était bien plus de ses nuances évanescentes. Le coucher du soleil, le crépuscule qui s'étendait devant nous. Il ne manquait plus qu'Apollon qui devait se promener dans Corinthe, insouciant et sans la moindre idée que notre frère était de retour sur terre.
Le soleil disparaissait à l'horizon, ne laissant plus qu'un croissant brûlant. Il avait toujours apprécié ces moments de la journée, en particulier le lever, et par ironie du sort, il était mort dans le laps de ce fragment du cycle. L'Aurore l'avait enlevé, l'emmenant bien loin du monde.
Apollon était le jour par le soleil, j'étais la nuit par la lune. Une trinité, un équilibre. Pourtant, le même sang d'une même dynastie ne coulait pas dans nos veines. Pour ce faire, il devait être fils de Zeus, mais même ainsi, il restait notre cousin et rien ne changeait au fait que nous étions de la même famille. Un trois, désormais nous étions deux encore en vie, une dualité, mais nous étions plus une unité perdue à parcourir le sol sans pour autant vivre. Pourtant, le cœur des deux jumeaux, lui, persistait à battre dans la tempête.
Le crépuscule noircissait, le soleil rouge sang avait disparu, avalé par les mers et baignant de ses couleurs puissantes une dernière fois le ciel. Je contemplais ces instants jusqu'à ce que j'en sois ôtée.
– Artemis !
Je relevai la tête et à l'instant où je ne touchai plus son épaule, il disparut comme si jamais il n'avait été là. Cela aurait pu sembler un mirage, mais cette paix était pourtant bien dans mon cœur, établie, sur le chemin de la lumière hors de ce labyrinthe. Les morceaux s'assemblaient à nouveau et les ondes messagères, elles, faisaient encore écho en moi. Sourire apaisé aux lèvres, je me relevai et rejoignis en haut des rochers de la petite falaise Phoebe et Skotia qui m'attendaient, songeant encore à ce miracle.
Elles laissaient leurs yeux venir entre la roche et moi, une certaine peur mêlée à la surprise dans leurs yeux brillait. Cette sensation de froid lorsque l'esprit voyait une personne partie, mais encore présente dans notre monde se reflétait dans les fragments de glace dans leur regard.
– C'était, commença Phoebe sans parvenir à émettre cet ensemble de sons.
– Oui, c'était lui, répondis-je, sereine. Il a veillé sur moi depuis le premier jour jusqu'à aujourd'hui, finis-je, jetant un dernier regard à l'horizon. Et il le fera jusqu'à la fin.
Elles me regardaient les yeux grands ouverts, apercevant cette renaissance en moi, cette paix retrouvée. Le sentiment que je ressentais était particulier. Une vague douce de chaleur qui m'avait tant manqué, celle qui avait su me maintenir à flot les cinq premières années grâce à mon jumeau, celle qui en cette nuit de la saison des feuilles tombantes me permettrait de me battre à nouveau. Je lui avais parlé, il avait été là, répondant à mon appel de détresse comme il l'avait toujours fait. Il était resté à mes côtés, et m'avait pardonné. Veillant sur moi, veillant sur nous. Je n'étais plus seule, je ne l'avais jamais été.
– Hippolyte est parti, leur informai-je, reprenant mon chemin, suivie par deux autres membres de ma famille, mes sœurs.
Skotia jouait seule dans cette guerre, Phoebe avait évolué. Elles me cachaient peut-être des secrets, mais je ne devais pas répéter mon erreur, ma faute. Elles faisaient ce qu'elles jugeaient le meilleur, je ne pouvais pas les renier. Nous entraidant, je devais suivre la leçon d'Oarion. Rester unis.
La nuit ne tarderait pas à abattre son voile de deuil sur le monde, ce voile noir qui permettait de se dissimuler dans l'obscurité sous les rayons de lune, m'offrant à son mélange du soleil un nouvel espoir. Un espoir qu'uniquement un frère lié par le sang et le cœur pouvait donner. La famille, pour maintenant, et l'éternité. Une promesse était une promesse, même en temps de guerre.
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Yep! Oarion is Back!
Oui, ce n'est pas tout à fait comme certains l'avaient imaginé et ça n'a pas été difficile (je pense) de comprendre sous quelle forme il est revenu!
Il ne veut rien dire, il sait des choses, il veille sur notre chère Artemis!
Je vous avais dit que tout allait changer!
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