41. Le jeu des dieux
« The divine is full of
Monsters
The divine does not play
Nice»
Le divin est plein de monstres
Le divin ne joue pas avec bonté
Une voix cassante au son de mes oreilles, mais pourtant aussi mélodieuse que la lyre, attirant sans que je m'étonne l'attention de mon frère sur elle, retentit derrière moi. Elle était toujours aussi hypocrite qu'une vipère prête à planter ses crocs.
– Merope, la saluai-je, me retournant avec une expression qui se voulait indéchiffrable, mais pourtant la voix qui avait jailli d'entre mes lèvres était rêche contrairement à sa souple chevelure brun ébène.
Skotia était restée fidèle à elle-même, flegmatique, toisant la princesse et les deux femmes qui l'accompagnaient. Phoebe elle-même avait perdu sa rayonnante face qui avait été emportée tout comme nous deux par les éclats de rire incontrôlables après que Skotia se soit moquée de la douceur et du romantisme dont avait fait preuve Hippolyte, m'offrant son pendentif que je portais toujours. Ce dernier, d'après elle, ne s'accordait pas avec nos ébats bestiaux comme elle les avait décrits, nous connaissant tout deux comme des chasseurs sauvages.
– Je suis heureuse de vous voir ici, comment vont les avancées avec Orion ? me demanda-t-elle, feignant l'intéressée.
– En quoi cela vous intéresse ? répondis-je froidement, provoquant un sourire au coin de ses lèvres.
Elle s'avança vers moi, la démarche assurée, les pas d'une lionne dangereuse, mais gracieuse, imprévisible même des paroles futures qu'elle susurrerait. Le bas de sa robe effleurait le sol poussiéreux qui à son passage, volait autour d'elle ainsi que des pépites d'or qui reflétaient les éclats de cuivre qui parsemaient ses iris émeraude eux-mêmes entourés près des pupilles et de la blancheur de ses yeux de ces cercles pourpres. La richesse se traduisait par les broches qui soutenaient son péplos finement cousu.
Un bracelet d'or en forme de lion s'était enroulé autour de son bras droit qui, au rythme de ses pas, se mouvait avec ses hanches. Les cheveux relevés en un chignon, son cou ainsi que son collier d'or serti de pierres, que je reconnus être du lapis-lazuli, brasillaient par son imposance contraire au fin cou qu'il protégeait.
La rivalité entre nous fit déglutir ses deux amies qui avaient cessé de pouffer comme des idiotes à l'entente du nom d'Orion. Leur intérêt s'était envolé, elles avaient détourné les yeux contrairement à moi qui ne les détachais pas de ma rivale si certaine d'elle-même. Une princesse de l'île devenue prison.
– Il est mon ami, et avoir de ses nouvelles m'intéresse, précisa-t-elle, s'arrêtant devant moi, posant une main sur sa hanche avec assurance.
– Pourquoi ne pas lui poser la question par vous-même ?
– Il vaut mieux faire connaissance, belle-sœur, prononça-t-elle avec arrogance.
Nous nous jaugeâmes quelques instants et ni elle ni moi n'étions déterminées à abandonner la bataille aussi silencieuse que les murmures du vent par le mélange indistinct du jour et de la nuit. Les yeux félins, elle se délectait de mon visage crispé, prêt à la maudire éternellement sans le moindre scrupule. Cette femme était haïssable, détestable. Les pensées qui traversaient ses yeux amusés de démone provoquaient des élans de rage en moi sans que je ne sache pourquoi si ce ne fut mon instinct qui hurlait à l'ennemie.
– Artemis, la course va commencer.
La main rassurante de Phoebe se posa sur mon bras, me tirant de cette bataille invaincue. Merope recula doucement, me faisant un petit signe de la main tandis que ma sœur m'obligeait à m'éloigner d'elle pour rejoindre les sièges qui avaient été déplacés, permettant ainsi aux spectateurs d'avoir une vue prenante sur la mer et l'immense plage. Quelques instants plus tard, à mesure que les flammes ardentes en moi devenaient fumées, les chars s'élancèrent sur le sable de la plage, et mon regard dévia de sensations qui rappelaient la présence d'ombres autour de moi.
Ils devaient être une vingtaine à concourir, laissant leurs chevaux galoper avec férocité et vitesse le long de la bordure de la mer, sans retenue. Semblables les uns aux autres, d'un bois peint pour les distinguer à travers les fumées sableuses et la distance qui nous séparait, mes yeux purent se river sur un seul, le pers, tout comme ses yeux.
Un sursaut traversa mon cœur lorsque je le repérai et réalisai qu'il était parmi les derniers en rangs, et bien trop proche de ceux qu'il talonnait. Je savais que la barbarie était présente, permettant les hommes de se bousculer par mégarde. Les bêtes qui offraient une partie de la victoire étaient effrayées, je le ressentais par cette vague de peur qui envahissait mon esprit comme le fleuve qui se mêle à la mer à l'instant où je croisai nos âmes dans l'espace marin.
Je les vis au loin, touchant l'horizon éclatant d'un bleu limpide, tourner leurs chars et revenir vers nous. Hippolyte était en reste, peinant à maintenir ses chevaux qui ressentaient le loup en lui, déterminés à le fuir, mais retenus à cette boîte de bois à laquelle ils étaient rattachés jusqu'à la fin. Une idée me fut insufflée, et bien que je sache que tout n'était que tricherie, j'étais déterminée à user mes pouvoirs.
En une harmonie naturelle, j'entrai en contact avec les animaux effarés, tentant de les apaiser. Leur souffle se calma, battant l'air au rythme de leurs sabots qui reprenaient une route plus droite, permettant à leur maître de remonter avec facilité le long de la file sous les yeux étonnés des coursiers qui ne purent l'atteindre pour le dévier.
Désormais, il dirigeait la course, bien que deux chars le suivaient de près. Ni lui ni les autres ne s'accordaient un seul regard, sachant pertinemment que pour gagner, il fallait fixer l'horizon et la grande pierre qui marquait l'arrivée.
Le cœur qui battait dans ma poitrine accélérait à chaque dizaine de pas franchis, les trois s'approchant et menaçant de lui passer devant. Il fut bien plus malicieux, libérant son aura divine qui effraya les chevaux adverses. Il les fit se cabrer dans les airs, ralentissant ses talonneurs menaçants. Sans toutefois que ses montures ne dévient, rassurées par ma puissance à moi qui s'était traduite aussi suprême que la sienne. Je l'avais senti jusqu'ici.
– Par toutes les divinités, as-tu ressenti ? me questionnèrent en écho mes sœurs hébétées.
– Oui, il ébahit les mortels, il effraie les chevaux, répondis-je sans le quitter des yeux et sachant que les humains ressentaient cette force d'une manière différente que ceux aux bénédictions.
D'une telle manière, qu'elle les fit se lever, laissant leur voix s'élever de leur gorge et qui s'échappa dans des cris de bonheur à l'instant où il remporta la course.
Je me levai à mon tour, sans cacher mon émoi à son attention et l'observai descendre de son char et relever les yeux vers moi. Il se dirigeait, sans me quitter du regard, au-devant de l'espace aménagé face aux sièges, prêt à accueillir et couronner les vainqueurs.
– J'en avais oublié la puissance mortelle de son aura, comprends-tu à quoi je faisais référence ? tenta Skotia d'une voix grave, espérant insinuer un doute en moi, faire naître la flamme due à la prise de conscience qui m'était inconnue.
– Cesse donc, profite des fêtes !
– Ne trouves-tu pas cela étrange ? insista-t-elle, cherchant mon regard, le visage rigide.
– Il a ses raisons qu'il a pu partager uniquement avec Artemis, répondit à ma place Phoebe que je remerciai silencieusement.
La moue agacée de la sorcière ne me toucha pas, l'habitude présente depuis des années de ses expressions si marquées lorsqu'elle souhaitait appuyer sur des points précis.
Je reportai mon attention sur le loup qui était venu se placer aux côtés des deux perdants sans leur jeter un regard et affichant même un air hautain à l'intention de tous, gardant pourtant le respect pour le prêtre qui avait débuté le sacrifice dédié aux dieux. Une cérémonie plus courte que celle qui avait duré la matinée. Tandis qu'il tranchait la gorge à la perdrix, laissant son sang se déverser sur l'autel de pierre abondamment jusqu'à ce que ses gouttes ne parsèment le sol à ses pieds, une idée folle me traversa.
– Désolée, Phoebe, m'excusai-je, passant devant elle sous on air interrogateur.
– Où vas-tu ?
– Je rejoins Hippolyte, l'informai-je.
Elle n'eut pas le temps de protester ni même de trouver l'aide auprès de Skotia qui me jugeait sans retenue. Ses pupilles perçantes traversaient mon corps et mon cœur. Je secouai la tête et dévalai les escaliers de bois qui grincèrent sous mon poids jusqu'à atteindre le sol, ce mélange d'herbe et de sable qui s'accrochait à mon épiderme humide par l'ambiance marine.
Je m'élançai dans ses bras qui m'accueillirent avec une joie non dissimulée qui s'afficha sur son visage lorsque nos yeux se fixèrent et que mes doigts ses posèrent sur sa mâchoire puissante. Un toussotement nous interrompit dans cet échange visuel.
Le prêtre tenait dans sa main la couronne de laurier, nous fixant avec insistance, le visage grave, mais je ne fus pas intimidée. Il me dictait de partir par ses prunelles, ignorant que je n'écoutais pas ses ordres. Les trois vainqueurs observaient de leurs paires d'yeux, image même de l'équilibre des trois, ce combat silencieux. Ne fléchissant pas, je libérai mon aura.
– C'est ma déesse à moi, me murmura Hippolyte à l'oreille, enlaçant nos doigts.
Ces paroles qui me révulsaient à l'entente de la bouche d'amants étaient prononcées avec une telle malice que je souris, lui lançant un simple regard impérieux qui le fit sourire que plus, tout comme moi.
Je retournai mes yeux sur le prêtre, mais je m'arrêtai un instant au deuxième gagnant, ce physique qui m'interpella dans ces visages profondément inconnus de femmes et d'hommes. La chevelure d'un châtain blond et un mélange de boucles aux mouvements, les yeux aussi bleus que le ciel clair, et un visage rond, presque d'enfant. Il m'était familier, un inconnu superficiel que j'avais croisé. Il me ne me quittait pas des yeux, me souriant d'une manière qui m'échappa et je sus que lui aussi savait que nous nous étions rencontrés. Les souvenirs ne me revinrent pas.
– Vous n'avez pas le droit d'être ici, me rappela le prêtre aux bords de la colère, retenant encore les gardes qui s'apprêtaient à m'attraper.
– Mon nom est Diane, précisai-je, et son visage perdit de sa rudesse.
Il inclina la tête avec respect, me reconnaissant.
– Je me tairai, me promit-il.
– Je vous remercie, répondis-je, saisissant la couronne qu'il tenait.
Son visage s'adoucit et il fit une légère révérence avec la tête.
Comprenant mes attentions, Hippolyte s'abaissa pour accueillir les rameaux que je déposai délicatement sur sa tête, les mains solides de fierté avant de me pencher vers lui.
– Félicitations, mon roi, lui murmurai-je.
– Ai-je été suffisamment digne pour la reine des fauves ?
– La reine admet que tu es digne et à sa hauteur. Après tout, dans un couple, il faut bien que la force soit équilibrée. Et j'estime que mon roi a su montrer qu'il ne saurait pas un fardeau lors de la chasse, lui fis-je part.
– Si je suis ton roi, puis-je t'embrasser ?
– La reine t'accorde cette faveur.
Nos rictus au coin des lèvres disparurent à l'instant où elles se scellèrent en un accord commun, se mariant à la perfection, se mouvant, se cherchant sous les acclamations. Le sous-entendu que j'avais glissé d'une possible liaison annonciatrice s'était ancré telle une évidence. Il ne semblait plus qu'avoir que nous deux, mais ce n'était qu'une parfaite illusion.
Sentant un regard pesant, je rompis le baiser pour chercher dans la foule le spectateur qui nous toisait, ou les ombres qui me suivaient, mais ce n'était pas elles, mais lui. Je le trouvai sur le toit d'un temple, et je me retins de blêmir, de me décomposer. Mon jumeau, la jambe pendant dans le vide, les yeux emplis de colère et de déception, mais qui surtout me mettaient en garde des jours à venir.
J'avais fait mon choix, il l'avait compris, et son courroux ne tarderait pas à s'abattre. Mes entrailles le sentir lorsqu'elles se tordirent, laissant milles épines les perforer.
À ses côtés, il était accompagné par des femmes cette fois-ci. Deux jeunes filles pouffaient à sa droite, tentant d'attirer à nouveau son regard. Quant à sa gauche, je grimaçai. Merope caressait son bras avec la sensualité qui lui était propre, aussi gracieuse qu'épineuse. Elle cachait ses attentions contrairement à Skotia bien plus ouverte.
Le sourire qu'elle affichait à mon intention était machiavélique et satisfait. Elle me destina un signe de sa main hypocrite avant de la reposer sur l'épaule d'Apollon, déposant un baiser au coin de ses lèvres, l'envoûtant pour mieux le manipuler. Elle lui murmura des paroles aussi mielleuses que son sourire, attirant son regard, le laissant tomber dans ses filets.
Mon frère hocha la tête avant de me fixer à nouveau, bouillonnant de l'intérieur, le visage devenu rouge carmin, déterminé à abattre la colère sur le mortel, et non directement sur moi. Le dieu des arts se retenait de nous rejoindre sur-le-champ, mais il ne saurait tarder à mettre ses menaces à exécutions. Il me transmettait ce message par notre lien si fort, sans me permettre de savoir quand.
La dernière échappatoire pour le sauver serait de recourir à l'aide de Merope, m'allier à cette sphinx qui connaissait l'art de se faire écouter par mon frère. Mais je me l'interdisais, consciente que le temps coulait encore de la fontaine. Mon jumeau profiterait encore un moment des fêtes, avant de venir.
– Que se passe-t-il ?
– Rien, rassurai-je Hippolyte, me fixant à nouveau sur lui.
Pourtant, il remarqua ma voix qui flanchait au fil de mes mots qui se voulaient rassurants, et il vint déposer un baiser sur mon front, effleurant toujours ma cicatrice en forme de croissant.
– Qui regardais-tu ? me questionna-t-il, suivant mon précédent regard, et je fis de même, mais mon jumeau avait disparu.
– Personne, il n'y a personne, répétai-je dans l'espoir qu'il oublie cet instant d'absence éphémère de ma part.
Je tus les paroles qui allaient sortir par un baiser passionné, espérant que la colère ne s'abatte pas sur lui, mais directement sur moi. Il n'était pas fautif, c'était à moi de payer sa peine. Je me détachai d'Hippolyte, et le regardai droit dans les yeux, et ses airs espiègles m'allégèrent. Provoquant un rire de surprise, il me retourna dos à lui, et passant une main autour de ma taille, il m'attira contre son torse.
Je sursautai doucement sous cette emprise qui me plongea un court instant lors de cette nuit où son plus profond désir n'avait pas été de tenter d'être digne de la déesse, mais de la tuer. Il me relâcha doucement, sentant mon corps raidi, mais ce fut moi qui vins entourer de mes bras son corps. Le bernant à mon tour, le faisant croire que rien n'habitait mon esprit. Que je devais le protéger, tout en me protégeant de Candeon.
J'observai les deux autres gagnants passer devant nous, et le regard du jeune homme à la chevelure claire nous observa tour à tour, sans expression déchiffrable. Je sentis les muscles d'Hippolyte se refermer sous mes bras, trahissant un combat, et une rencontre précédente qui ne m'étonna pas autant. Candeon avait voyagé partout en Grèce et même aux bords du continent, si ce n'était au-delà. Il avait été mercenaire, et aurait pu m'emmener à Asgard. Et je frissonnai soudainement de crainte face à un danger devenu amant.
Je regardai l'homme détourner le regard et quitter la plage. Deux bras saisirent mes hanches pour me soulever du sol un court instant pour démontrer qui acclamer, provoquant d'autres exclamations de la foule. Je lui souris, à nouveau détournée de cette méfiance, et apaisée par le baiser qu'il déposa sur mes lèvres avant de m'emmener en dehors. Enterrant ainsi nos âmes ennemies qui s'étaient unies.
Je jetai pourtant un dernier coup d'œil à l'inconnu avant qu'il ne soit avalé par la foule, et me souvins de lui. Le danseur et partenaire de Phoebe à Calydon. Je n'allais pas la questionner au contraire de Skotia, c'était son histoire à elle.
Un poids s'ôta, mais partiellement. Je percevais le danger partout, et il l'était. Les fêtes de Corinthe n'étaient pas un simple divertissement, mais un plateau de jeu permettant aux pièces de glisser dans l'ombre, laissant les derniers mouvements se décider. Et j'ignorais les intentions de l'homme que je souhaitais voir à mes côtés.
Les dés seraient ensuite jetés. Je refusais d'être un pion, de jouer, je préférais gagner d'un simple geste et ignorer les tournures qui m'échappaient. Je n'étais pas stratège, et dans ce chaos, la visibilité m'échappait. Je devais concentrer mon esprit sur d'autres soucis, comme protéger Hippolyte de mon jumeau déterminé à l'éliminer. Car dans ce monde de légendes, nous étions tous dans le jeu des dieux.___________
Pour celles (et ceux?) qui n'ont pas vu, j'ai posté une partie avec des fanarts! Allez jeter un coup d'œil^^ Je suis beaucoup trop heureuse et je les trouve magnifiques hihihi
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