4. Partie du jeu
Be guided by Spirit...
not led by Ego!
« Laisse toi guider par l'esprit et non l'ego »
Les jours s'étaient écoulés et le soleil couchant du nord nous éclairait de sa lumière caressante. Un arc de cercle plus aplati comme s'ils n'avaient pas tendu l'arc, préférant le laisser détendu lors de la chasse au contraire de la Grèce dont le soleil s'élevait aux cieux.
J'accompagnais mon père, je lui talonnais les pieds, assistant à ce que je pouvais assister et les visites à travers le royaume avaient fait rayonner mon cœur. Un cœur qui en avait besoin pour oublier les remarques cinglantes des précédents empyrées.
Je rencontrais des êtres intrigants. Les pêcheurs, les guerriers, les artistes, les êtres surnaturels qui possédaient leurs propres terres comme les nains ou les elfes. Mes yeux ne cessaient de s'illuminer à mesure que ces découvertes m'étaient révélées. La sensation de ne plus rester dans l'ombre et être mise en avant provoquait une satisfaction en moi, révélant un sourire que dévoilaient mes lèvres qui restaient sèches.
L'incident de notre arrivée n'avait plus été abordé, bien que je repassasse en boucle les paroles renforçant ma décision de ne pas lui demander de s'expliquer. Ce fils de Loki...
Un autre détail venait pourtant troubler ma joie qui s'écoulait. Je ne pouvais plus observer le ciel en toute liberté, ce temps précieux réservé à moi seule me manquait. J'étais une princesse, disait mon père. Et je tentais de comprendre. Une déesse mineure. Je ne devais l'oublier. Une bâtarde. Tous semblaient me le rappeler, si ce n'était cette sensation en moi, cette présence en cage.
Les rares paroles que j'avais échangées l'avaient été avec des personnes de la cour. Des princesses plus âgées qui m'avaient accueillie à bras ouverts lorsque je leur avais avoué mes centres d'intérêt, mais leur étonnement à l'égard du contraste entre mon apparence et ce qui se tapissait en moi ne m'était pas passé inaperçu. Ces rares discussions prirent rapidement fin et l'hésitation entre le fait qu'elles s'étaient lassées par mon jeune âge, qu'elles eussent eu vent des rumeurs liées à ma personne, ou de lui qui avait fait en sorte que nul ne m'adresse plus la parole, m'envahit.
Les trois à la fois ne m'étonneraient pas, je le voyais souvent en leur compagnie, leur parlant à messes basses des rumeurs sur ma personne et me lançant au fur et à mesure des regards provoquants parfois. Toujours sous des sourires rieurs. Les mots liés aux forêts me parvenaient, à la sauvagerie et à la rébellion.
Il savait se faire écouter, mais je restais sourde à ses provocations pour me faire franchir un point de non-retour, provoquant la colère de Zeus. Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi il était encore en ces lieux, alors qu'il exaspérait toute personne qui s'occupait d'une quelconque manière de lui.
Il avait une dent contre moi, je n'en avais aucun doute et bien qu'il ne m'adressait plus la parole, je voyais dans ses coups d'œil qu'il me mettait à l'épreuve, et tomber dans son jeu était un refus catégorique. Il n'allait pas me dévier de mon chemin. Et je ne cessais de me le répéter.
Je le lui faisais comprendre par des coups discrets lors des repas, dissimulés sous la table, ou lorsque je le croisais je feignais de m'encoubler, déviant ma route pour le bousculer. Ses iris me lançaient des regards enragés et satisfaits à la fois. Je savais que j'approchais d'une limite, mais je faisais en sorte de n'être jamais seule pour me protéger d'un quelconque revirement de situation.
Les mots amicaux ne sortaient plus qu'avec les servantes et quelques gardes. Mon jumeau passait le plus clair de son temps sur le terrain d'entraînement et bien qu'il m'eût proposé de le rejoindre, je refusais, car Fenrir s'y trouvait et ce serait l'occasion de me faire payer mes méfaits que je ne regrettais pas. Pourtant, Apollon m'avait convaincue et le remords ne me quitta plus jusqu'à la fin de mon emprisonnement.
J'avais à peine eu le temps d'apercevoir les meilleurs guerriers au monde s'entraîner d'une manière fluide et légère munis de leurs armes et de leur corps lourd. Ils venaient du sud d'une mer froide, la mer du nord. Ils étaient aussi connus que les Achéens, Thraces et amazones. J'admirais l'art des walkyries, elles venues de Vanheim à la frontière de l'Hyperborée.
Pourtant, l'envie de leur ressembler m'avait quittée ce jour-là. J'étais une déesse et savoir maîtriser un instrument de guerre de mortel ne me servirait pas à grand-chose. Supérieure aux autres humains, ma maîtrise de l'éther, cette énergie pure et contrôlable, cinquième élément, suffisait largement.
Mais il est impossible de fuir bien longtemps et mon père, une fois de plus, me ramena à sa manière à la raison. L'ordre d'un jeu entre nous trois n'était pas discutable. Les arguments que mon frère s'était lié d'amitié avec Fenrir, contrairement à moi qui restais seule, lui avaient déplu. Surprise, j'espérais qu'il avait remarqué que je ne pouvais ne serait-ce que voir sa silhouette, mais les discussions qui s'ensuivirent furent vaines. Ne pouvant pas le raisonner, je fus contrainte à suivre sa demande.
En cette agréable journée où les oiseaux parcouraient le ciel azur à la recherche de nourriture, leurs piaillements accompagnaient mes pas qui traversaient les rues jusqu'au jardin, suivie d'Apollon. Un nœud au ventre, mes petites mains qui se tripotaient, les espoirs qu'il ne tente rien contre moi allaient de pas avec mes prières silencieuses à la terre mère.
Une lueur vive m'éblouit et, lorsque je me fus habituée à la forte luminosité, je pus contempler le jardin qui s'étendait jusqu'aux collines lointaines. Quelques arbres solitaires parsemaient cette prairie verdoyante et pleine de vie. La douce mélodie d'une source d'eau inondait mes oreilles. Plus de forêts enneigées, mais un lieu magique et paisible. Les couleurs étaient irréelles et la liberté des plantes donnait cet aspect sauvage. Le hasard était maitre.
J'ôtai mes chaussures de peau de bête pour les mettre sur le dallage de pierre chauffée faiblement par le sol pour que mes pieds, désormais nus, se délectent de l'herbe encore humide par la rosée du matin.
Je fermai un instant les yeux pour recevoir les caresses de l'astre. Plongée dans cette rêverie, la folle idée d'intégrer les rangs de ce royaume lorsque j'atteindrais l'âge révolu me saisit. Je le croiserais certainement, mais mûrit. Changé ? Un ricanement s'échappa.
Cet être était démuni de cœur et l'unique chose qui pouvait faire office d'organe était ce glaçon venu des terres glaciales de Jotunheim. La méchanceté venue droit des enfers ne pouvait être effacée, elle était part de lui. Une sauvagerie de la nuit et des forêts. Un pincement me saisit et les paroles sages de ma mère surgirent, l'une des rares qui persistaient suite à son abandon.
Ne juge jamais une personne sans connaître qui elle est, m'avait-elle dit le jour où elle avait changé ces hommes en grenouilles, car ils avaient refusé de l'aider et lui donner accès à l'eau du puits. Ils prennent une apparence qui leur est méritée, m'avait-elle expliqué lorsque je lui avais posé la question du choix de l'animal. Lui n'a fait que suivre ce qui lui avait été imposé, c'est à lui de chercher à scruter son âme et son cœur, avait-elle ajouté lorsque je l'avais questionnée sur la raison de ne pas avoir cherché à comprendre ces hommes qui finalement méritaient ce sort mis à part le jeune, apeuré, qui n'avait reçu qu'un seul avertissement. Léto m'avait laissé le souvenir de sa douceur et son cœur tendre, mais aussi de la pitié absente si le mérite du sort était présent. Nous restions des divinités, bien qu'aux sentiments humains.
Je rouvris les yeux, sortie de ces souvenirs. Comment devrais-je le juger, lui ? Comme les grenouilles ou le jeune homme apeuré ? En parlant du loup, je le vis s'approcher de nous, son sourire espiègle affiché sur les lèvres et lorsque ses yeux croisèrent les miens, les indications de ma mère s'envolèrent bien loin.
Il se dirigea vers mon frère et je fus forcée de les rejoindre. Ils parlaient amicalement, mais ne m'ignorèrent pas comme je m'y attendais. Le jeu fut rapidement décidé, il suffisait de se cacher jusqu'à ce que l'autre nous trouve. Je ne m'opposai pas à cette proposition, sachant qu'il ne me suivrait pas.
À l'instant où mon frère se mit à compter, je ne m'élançai pas tout de suite et observai les alentours à la recherche de la meilleure cachette. J'étudiai les arbres, les collines, les buissons et les petites forêts bien loin ainsi que les immenses rochers, sans oublier les personnes présentes. Tout s'était tu, je ne percevais que ce je souhaitais. Ressentant jusqu'à la moelle le monde qui m'entourait. Un aigle passa devant le ciel et se posa sur un arbre imposant aux fruits dorés, m'indiquant le meilleur choix. Communiquer avec la nature n'avait jamais été une difficulté et, rapidement, j'avais compris que c'était l'un de mes pouvoirs.
Des enfants dansaient à ses pieds, ce qui me ravit. Ils attiraient l'attention sur eux et donc sur l'arbre, c'était une aubaine. Il fallait toujours agir à l'opposé de ce que l'ennemi s'attendait. Aller où des personnes se trouvaient tirait un trait final à notre survie, car les regards s'y portaient avec facilité. Tous le savaient. Il pouvait être préférable de se dissimuler près d'un ruisseau, dans l'une des hautes herbes, plus calme et silencieux, isolé, mais mon choix était fait. Je m'y dirigeai donc, au risque de trop jouer avec le feu.
Je connaissais mon frère, bien que nous nous entendions à la perfection, nous étions contraires non seulement dans les caractères, mais aussi dans l'apparence. Cheveux blonds aussi dorés que le soleil contre des bruns. Yeux bleu mer contre des hazels. Une peau légèrement olive, même plutôt dorée, contre une hâlée. Il feignait de s'intéresser à l'art guerrier, mais au plus profond de son être, il avait une nette préférence aux arts et la beauté tandis que de mon côté, le contraire. Nous nous complétions, symboles de l'équilibre.
J'écarquillai les yeux. Certes, j'aimais bien tout cela, mais avant tout, j'étais une princesse. Les paroles de Fenrir n'allaient pas prendre possession de mes convictions et les corrompre. Mon père, je devais contenter mon père, ou j'en paierais le prix.
Je m'y intéressais, sans plus ni moins. Je me concentrai sur mes plans futurs. Princesse, puis mariée et vouée à devenir reine. Mon père me prendrait époux, les fiançailles et la dot arrangées. Tout était réglé, sauf la manière avec laquelle ils me le choisiraient, mon autre moitié. Je me le répétais pour me le convaincre, jusqu'à arriver à la moitié qui m'interpellait toujours.
Les mythes des âme-sœurs m'avaient bercée avec les légendes et, bien que je préférais d'autres récits, les souvenirs bien que flous étaient restés quelque, part et je n'ignorais pas les destinées croisées. Ils m'effrayaient au plus profond de moi, ce chuchotement de puissances incontrôlables.
Je revins à moi avec une douleur à mon âme lorsque je captai quelques nombres murmurés par mon frère. Le temps s'écoulait et mes pas accélérèrent pour atteindre mon refuge. J'effleurai à peine le sol et l'herbe fléchissait sous l'air balayé.
J'évitai les enfants pour ne pas interrompre un seul instant leurs jeux fluides et tournai pour me cacher. Mon pied rencontra un obstacle, je pressentis que je m'encoublais. L'équilibre s'échappa d'entre mes doigts et je me sentis tomber.
Le choc provoqua un cri aigu lorsque je perçus un objet pointu s'enfoncer dans mon front, profondément. La poussière soulevée vint saupoudrer mes cheveux tressés de ses traces anciennes et oubliées.
– Cette cachette, j'y étais d'abord, trouve en toi une autre, princesse.
Cette voix, bien que lointaine, ne m'était pas difficile à reconnaître. Emplie d'une ironie douloureuse, ce fut son dernier mot qui résonna en moi tandis que ma vue commençait à se brouiller et que les larmes de rage coulaient.
Ma mère était dans son tort, il ne suffisait pas de chercher à comprendre s'il n'était qu'un vil serpent. Face contre terre, je souhaitais me retourner pour apercevoir le ciel et cette volonté fut exaucée. L'azur resta hors de portée, je ne voyais que des visages rieurs par une chute pathétique. Je le cherchais du regard pour lui lancer ma haine, mais ne le trouvais nulle part dans mon champ, et je fus surprise. N'était-il donc pas là pour en rire ?
J'aperçus une silhouette s'approcher, celle de mon frère. Il s'agenouilla à mes côtés et dégagea ma chevelure avec douceur, et je sentis un liquide traîner sur mon front. Des cris d'effroi me parvinrent et les enfants qui s'étaient regroupés, arrêtant leur jeu pour me voir, reculèrent.
Apollon arracha un pan de sa tunique pour le poser sur ma tête, toujours silencieux et inquiet. Ses gestes étaient précis. Je sanglotais et sentais ce liquide chaud couler sur mon visage, le long de mon nez bouché, et un goût métallique envahit ma bouche. Du sang.
La tête tournante, mes yeux se fermèrent doucement, papillonnants, me faisant perdre la notion du monde qui m'entourait. Les paroles devinrent bruissements et les mouvements plus que des tâches. Les larmes coulant toujours créaient un mélange de mer tâchée de sang telle une peinture de guerre montrant à tous mon échec. Il avait gagné, toutes ses batailles, et je les avais perdues, lamentablement.
Sombrant peu à peu dans les ténèbres, je m'offris sans résistance aux bras de Morphée. Je perçus pourtant une dernière parole emplie d'avertissements.
– Fenrir !
Son père venait de l'interpeller d'une voix emplie de reproches et les pas qui le suivaient indiquaient la présence d'autres dieux qui ne prenaient pas la défense du fils. Ils étaient de mon côté. Je fermai les yeux, en paix, priant qu'il soit puni comme il se devait.
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Qui veut tuer Fenrir?✋🏽✋
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