34. Corinthe

« You know my name
But not my history»

La respiration lourde de nos montures contrastait avec l'air frais aussi léger qu'une brise qui s'enroulait autour de nos corps, nous rafraichissant des rayons du soleil mortel. Nous étions parties aussi rapidement que la tombée d'une bague d'or dans les fonds marins, laissant le camp sans surveillance si ce ne fut les sorts jetés par Skotia.

Les chasseresses me suivaient, leurs affaires empaquetées à la hâte, les yeux cernés par la fatigue, tombant de sommeil sur leur monture. Quelques-unes se laissèrent même emporter par Morphée, dormant au berceau des sabots, contrairement à moi, qui n'avais pas quitté l'horizon des yeux. Suivant la course de l'astre qui désormais se noyait dans la mer qui se profilait au loin, plongeant le monde dans les tons sanguins de sa lumière assombrissante.

Au trot, nous quittions les collines pour rejoindre le plateau au bord de mer et Corinthe en aval. La ville au loin était éclairée par des feux qui brillaient telles des étoiles dans la voûte d'un bleu profond qui bientôt revêtirait le ciel lorsque les nuances chaudes disparaitraient. La nuit ne tarderait pas à dévorer le jour dans la souffrance pourpre avant d'être libérée par le rose de l'espérance.

Je n'avais cessé de divaguer dans mon esprit, bercée par le rythme des pas de ma monture silencieuse. Ignorante de la réalité, je m'étais perdue dans les méandres labyrinthiques du temps. L'endormie éveillée au milieu des pétales tranchants.

– Artemis ?

Ôtée de mes rêveries, je relevai la tête pour découvrir Skotia qui chevauchait à mes côtés, sans prendre la peine de tenir la crinière de sa monture. Telle une fille des plaines nomades de la Scythie, mais son visage préoccupé qui lui était rare me le fit oublier.

– Tout va bien ? me questionna-t-elle d'une douceur qui m'étonna venant de sa langue fourchue.

– Oui, je vais bien, me forçai-je à répondre avec un sourire forcé.

J'allais bien. Toujours la même réponse, un sourire ou un visage sûr de soi. Toujours le même mensonge murmuré sous les traits incertains d'un visage qui se modelait pour ne pas laisser transparaître les sentiments qui rangeaient le cœur. Pour ne pas permettre à ses ennemis de déceler les failles. Toujours dissimuler.

– Rien ne va, me contredit Phoebe.

Je ne pouvais pas le leur cacher, et leur mentir plus longtemps ne servirait à rien. Elles savaient lire derrière les masques, ces protections instinctives et humaines qui cachaient nos blessures profondes, nos faiblesses ou notre position. Nous montrant plus forts de ce que nous étions, ou plus faibles. Se dissimuler derrière un mur ou se plonger sous les éclats de lumière scintillants. Pour rendre heureux, faire rire ou pleurer, et même effrayer.

Mon frère était le plus doué, mais je n'avais saisi que trop tard sa maîtrise parfaite de ce jeu auquel les jumeaux plus jeunes avaient hérité. Sans jamais le surpasser, rien que par le fait de vivre encore.

Il possédait le pouvoir de cacher notre passé, la personne que nous étions. La peur de les dévoiler, l'enlever, jamais. Certains les revêtaient telles des futilités, se comportant différemment en fonction des situations, mais chez d'autres, les masques étaient bien plus que ceux du théâtre où une part de notre personnalité culturelle.

Il faisait partie de nous, nous en avions besoin, ressentant la nécessité de le sentir nous envelopper. Notre protection, notre prison, nos démons. À force de les porter si longtemps, nous finissions par oublier qui nous étions, engloutis par ceux que nous croyions être nos gardes lorsqu'ils n'étaient qu'un leurre. Ils n'étaient que notre souffle évanescent.

Il n'y avait de véritable moi, uniquement une entité, une vague illusion à la dérive. Une naufragée cherchant sa berge lorsqu'elle était emportée par ses courants sans voir où ils l'emmenaient. Souhaitant même fuir le gouffre qui semblait se présenter à l'horizon par peur.

Un masque, notre seconde peau. Une partie de plus de qui nous étions, mais il arrivait qu'un être apparaisse, amené à nous par la flèche brillante du destin qui faisait fuir celles constituées d'ombres, nous montrant qui nous étions réellement.

– Je suis perdue, avouai-je. Mon esprit doit juste s'en remettre, tout va bien, assurai-je.

Il savait le faire, les multiples cicatrices nées des lacérations de mon âme ne se comptaient plus. Indomptable, une de plus ou une de moins ne me ferait pas tomber au sol. Je tenais bon, et les épines pouvaient s'enfoncer dans mon tendre épiderme. Je ne lâcherais pas une larme qui m'emmènerait dans sa chute. Ils ne méritaient pas de me voir pleurer, mais de me voir faire couleur leur sang par courroux.

– Tu devrais lui parler, il est au loin, à bien des foulées de la dernière chasseresse depuis que nous sommes partis, persifla Skotia contre son grès, me forçant à jeter un regard par-dessus mon épaule.

J'aperçus à peine sa silhouette qui se fondait dans la masse de la nuit qui recouvrait le jour. Un homme voûté, sans aucun doute torturé, le visage rongé à force de vivre dans les ombres. Une position étrangement semblable à celle qu'il avait adoptée à Chios, mais cette fois-ci il n'avait pas bu pour se noyer. Il était déjà sous les abysses.

– Skotia a raison, je pense que c'est nécessaire, pour vous deux, approuva Phoebe de sa voix caressante et rassurante.

– Il n'est pas une, commença Skotia avec haine, peinant à prononcer une vérité qui restait à travers de sa gorge, mais elle n'eut pas besoin de finir sa phrase.

Il n'avait pas été une blessure comme Apollon, une source de confusion comme les deux déesses, mais un soulagement étranger bien qu'une révélation l'eût accompagné. Il m'avait accordé sa confiance, j'avais été prise au dépourvu. Lui parler ne me ferait pas de mal, au contraire. Et j'avais mal réagi. Quant aux premières idées, ou même sentiments, que j'avais eu à son égard, ces sensations s'étaient taries.

Cette simple pensée brûla ma langue, et ma poitrine se contracta, combattant en vain cette poussée de m'améliorer, d'être meilleure, d'être comme ma mère que je détestais pour m'avoir abandonné entre les griffes de Zeus. Et je refusais d'accepter malgré tout ces éveils.

– Guidez, leur demandai-je tout en faisant faire demi-tour à ma jument et de me diriger vers lui au galop, longeant les chasseresses qui me regardèrent revenir sur mes pas avec étonnement.

Arrivée à lui, d'un coup sur le ventre à ma monture, je fis demi-tour autour de son étalon pour chevaucher à ses côtés en silence, un silence pesant. Je finis par m'exprimer.

– Je suis navrée, pour la manière avec laquelle j'ai réagi hier. Je n'ai pas été compréhensive, lâchai-je brusquement, peu habituée à m'excuser.

Il releva enfin la tête, m'offrant un visage incertain que j'avais eu l'occasion de croiser, une face de sa personnalité croulant sous le poids de sa vie. Ces traits pâles et lisses, ces yeux humides par la tristesse et le désespoir, brillant des larmes qui coulaient dans son âme. Un sourire léger à l'éclat de malice se dessina au coin de ses lèvres que je lui rendis. Compatissante ce sentiment qui nous prenait, laissant entrevoir une part bien humaine en nous, une part faible, l'erreur qui nous perdrait.

– Tu n'as pas à t'en vouloir, m'assura-t-il. Je te comprends parfaitement, plus que tu ne l'as jamais pensé.

– Pourquoi me l'avoir révélé ?

– Tu le sais, mais tu souhaites que je te le dise. Je te fais confiance, me confia-t-il de vive voix, élargissant mon sourire qui libéra mon cœur avant qu'il ne continu, nouant autour de ce fil de conversation qui nous reliait à nouveau sans aucune attention derrière, dans un paisible tourment, tout comme la nuit à Calydon. Tu te poses certainement des questions.

– Oui, avouai-je.

– Tu ne sais pas par où commencer, n'est-ce pas ?

Je fus surprise par son ton affirmatif, mais pourtant si doux, encore empreint de sa facette qu'il me révélait. Il semblait lire en moi, ressentir mes sentiments qui parlaient à la place de mes lèvres, et même de mon visage. Réussissant à les déceler à travers les pupilles de mes yeux qui l'emmenaient jusqu'à mon cœur tapi dans l'ombre, gardant furieusement mes sensations. Je peinais encore à les apprécier, les accepter.

– Je ne pourrais pas te répondre à tous, il y a certaines qui...

– Tu n'arrives pas encore à me les dire, ne t'inquiètes pas, le rassurai-je. Je te le promets, si un jour tu veux les partager, je serai là, à t'écouter et je tiendrai, resterai debout. Qu'importe ce que c'est, le rassurai-je, le devançant à mon tour, appréhendant le futur, et je ne sus si je le regretterais.

– Merci.

– Les personnes au sombre passé doivent s'entraider.

– Deviens-tu philosophique ? me charria-t-il.

– Il faut croire que passer tant de temps en compagnie d'Athéna monte la sagesse à ma tête ! m'exclamai-je dans un rire, mêlant nos yeux dans cette voix légère qui se soulevait dans les airs avant de détourner nos regards, les joues devenues cramoisies par cette complicité soudaine qui nous était inconnue.

– Ton collier, il est, étrange, tentai-je pour revenir à la conversation et d'instinct, je le vis porter ses doigts à son pendentif qu'il caressa tout en me répondant.

– C'est un cadeau que j'ai reçu avant qu'ils ne m'écartent, et qui m'a servi. Il est imprégné de magie, permettant entre autres tours que, lorsque je retrouve forme humaine, je ne sois pas, nu, finit-il presque dans un murmure, gêné tout comme moi et un toussotement combla l'espace avant qu'il ne continu. Il m'a servi à d'autres services, comme empêcher les êtres de savoir qui je suis réellement, et jusqu'à maintenant, je suis en sécurité.

– As-tu toujours été en fuite ?

– Pas au début, mais je le fus rapidement. La guerre, j'étais perçu comme un ennemi et ma famille ne pouvait pas me garder à l'abri, moi-même n'aidais pas, me révéla-t-il presque honteux. J'étais en danger, ils m'ont donc envoyé dans un lieu plus sûr. La Grèce, l'empire le moins touché avec qui nous commercions, et où je pouvais me dissimuler jusqu'à ce que je perçoive une faille de lumière et le salut de mon innocence dans cette annonciation d'insouciance. Une lumière dans une nuit, une lune, car le jour ne touche pas de tels êtres.

Il laissa un instant cette dernière phrase se déposer, me jetant un regard en biais que je ne parvins pas à saisir jusqu'à ce que je me souvienne de la lune. Cet astre était également la seule source de lumière dans ma nuit, mon énergie.

– Et ta famille ? Qu'est-elle devenue ? Si j'ose te le demander, mais je peux comprendre que ce soit personnel, questionnai-je.

Je le vis baisser un instant le regard, un court moment où je décelai une profonde mélancolie avant qu'il ne me réponde, fixant l'horizon.

– Je n'en sais rien, je n'ai plus de nouvelles d'eux ni eux de moi, depuis des années. Au fil du temps, j'ai tout perdu, m'avoua-t-il dans un souffle créant un nœud dans ma gorge, appelant une tristesse qui brisa mon cœur.

– Je suis désolée, j'estime que personne ne mérite de vivre cela.

– Parfois, nous n'avons pas le choix, lâcha-t-il d'une voix grave teintée d'une haine qui me raidit sur ma monture, provoquant un hennissement de sa part tandis que ses oreilles se tournaient vers l'arrière.

– Non, nous ne l'avons pas, confirmai-je la voix brisée.

L'être, âme ou corps, qu'importait, nous étions façonnés par le monde qui nous entourait de ses fils métalliques qui entaillaient notre peau, ou la caressaient tendrement. Tout comme un sculpteur face à sa création souvent involontaire, suivant son imaginatif destin, s'amusant avec cette frêle chose qui au fil du temps sécherait, devenant plus résistante par le feu, ou craquante par le vent glacial. Nous n'avions pas le choix de ce que la vie ferait de nous, nous ne pouvions que subir et suivre notre voie. Nous pouvions combattre, saisir les chances qui se présentaient, mais dans certains cas, un pouvoir plus grand nous pensait sur notre chemin.

La destinée.

Il était difficile de se souvenir d'hier si insouciant, dansant entre les fleurs colorées sans penser à demain, fermant les paupières pour accueillir les caresses du soleil. Et lorsque nous les rouvrions, nous apercevions que nous étions plongés dans un monde sombre, une nuit qui suivait le crépuscule, paroles du monde qui nous murmurait quoi faire.

Cela avait été mon éveil, d'une princesse qui tentait d'être parfaite, avant de réaliser que son âme était indomptable, et que le monde était plus imparfait qu'elle.

– Je suis désolée, répétai-je dans un murmure sans ignorer que ce son lâché représentait nul autre que celui pour me préserver en m'excusant, de tout.

De celle que j'étais, ce qu'ils subissaient, cherchant à me faire croire qu'une vie pire que la mienne existait, que tout était normal, que nous n'étions pas seuls dans ce tourbillon. Que je n'avais pas provoqué tant de morts, que je n'étais pas une assassine qui avait détruit des vies. Que je ne le condamnais pas d'avance.

– Non, c'est à moi d'être désolé. Pour ton passé, ton présent, ton futur. Pour tout.

Je lui fis à nouveau face, il commettait la même erreur que moi, me préoccupant des autres, tentant de m'oublier, cessant de me préoccuper de soi-même pour ne pas sombrer. Certains vivants, et morts, disaient que les personnes tournaient la vie vers eux lorsqu'elles étaient brisées. Ou que nous étions les méchants et ne l'acceptions pas encore.

C'était une manière d'affronter, mais une partie tentait d'aider autrui pour oublier, s'investissant corps et âme dans une communauté, tout comme Phoebe si lumineuse. Mais dans tous les cas, les deux se dirigeaient jusqu'à l'extrême avant de tomber dans un gouffre où un retour en arrière était pénible. Mais parfois, nous trouvions notre profondeur lorsque nous réalisions que nous étions encore enchaînés, et que la peur de tomber aux enfers n'avait plus de raison d'être. Libérés.

– Hippolyte, je ne t'en veux pas pour qui tu es, je n'ai pas peur de toi. Je te répète ce que tu m'as dit, tu n'es pas un monstre, tu n'as pas à t'excuser pour ce que tu es. Tu es ainsi, comme moi je suis celle que je suis. Nous portons tous une armure, mais tu m'as fait confiance, et je t'accorde la mienne. Nous pouvons faire alliance. Et s'ils nous voient comme des monstres, soyons des monstres qui se savent bien davantage.

Il ne me répondit pas, scrutant mes lèvres pesantes, tentant de déceler un mensonge, une hypocrisie de leur part. S'attendant à une manipulation, à une malice, mais rien de tel n'émanait de moi. Sur son visage, j'y lisais les traits déformés de la culpabilité, le teint livide de la peur et le sourire imperceptible de la gratitude. Un remerciement muet.

– Je ne vais pas te renvoyer pour un fait aussi infime, tu es ici chez toi. Je ne refuse jamais l'abri aux âmes brisées, bien que ma porte ait toujours été ouverte uniquement aux femmes. Mais toi, je fais une exception, parvins-je à prononcer, mais mon intonation était plus lourde que la légèreté de certains échanges, car un poids sur nos épaules s'était accumulé depuis que nous nous étions vus.

– Sais-tu à quel point je te suis redevable ?

– C'est à moi de te remercier, répliquai-je comme unique réponse fixant à nouveau l'horizon qui s'obscurcissait à vue d'œil.

Le silence s'installa à nouveau, sachant que nous n'avions plus rien à échanger si ce n'était la présence de nos âmes respectives, côtes à côtes, se réchauffant de l'insécurité dans ce monde cruel qu'était celui du divin.

Le voile bleu parsemé d'étoiles recouvrit la voûte céleste, indiquant de la Grande Ourse l'entrée de la ville éclairée par des foyers et des torches. Elle était gardée par des soldats en haut de leurs tours, entourant la ville de quelques murs ici et là, bien trop vastes pour n'être qu'une ville-état. Un amas de petites maisons, se confondant au paysage du paysan et des pierres de la ville. Le palais était plus loin, prête à accueillir leur fille à naître.

À mesure que nous avancions dans Corinthe, les chasseresses se dispersaient, rejoignant leur antre habituel.  Certaines, à leur passage aux yeux menaçants cernés de traits noirs reflétant l'éclat de leurs vêtements de peau de bête qui recouvrait leurs hanches à peine plus bas de leurs cuisses, et dont les bouts volaient le long de leur monture, aussi fins que leur haut entourant leur poitrine et leur ventre, effrayaient les quelques hommes qui trainaient dans la rue. Tandis que celles vêtues d'un commun péplos qui leur permettait libre mouvement d'une simplicité telle, qu'elles passaient inaperçues. Ignorant la population autour d'elles, car elles se savaient supérieures.

Une par une, elles disparurent, nous laissant Skotia, Phoebe, Hippolyte et moi errer dans le centre de la métropole, le noyau du commerce. Nous nous arrêtâmes devant un établissement, une petite maison qui possédait la chance d'avoir un deuxième étage. Des riches marchants qui, pour étendre leur commerce, ouvrirent cet établissement qui ne faisait pas qu'accueillir les marins, mais également les étrangers de voyage, chose rare.

Chaleureux, aimable, tranquille, suffisamment éloigné du centre d'activité, mais proche de ce dernier. L'emplacement parfait à notre convenance. Nous descendîmes de nos montures sans percer le bruit absent de la nuit et, tenant le cheval par la bride, nous les laissâmes dans l'écurie elle-même accueillant de beaux chevaux pour les compétitions, avant d'entrer dans la bâtisse de terre. Une vieille femme aux traits ridés, à la chevelure frisée et argentée, aux yeux d'un brun profond qui sondaient les âmes, vint nous accueillir.

– Dame Diane ? Je pensais bien ne pas encore vous avoir vu ! s'exclama-t-elle d'une voix cassée, tout en s'inclinant, et me nommant sous mon nom du sud.

– Bonsoir, Aglaié, comment vous portez vous ?

– Bien, je vous en remercie, répondit la veuve bien maligne, elle qui avait deviné mon identité rapidement sans en révéler le secret.

– J'ai vos chambres, comme chaque année pour les fêtes. Combien ?

– Deux je vous prie, nous allons toutes les trois dormir dans une et Hippolyte dans l'autre, lui expliquai-je.

Suspicieuse, elle m'observa moi, puis Hippolyte, et à nouveau moi, répéta cette action à maintes reprises avant d'échanger un regard avec Phoebe et Skotia.

– Vous connaissez le chemin, je suis désolée de ne pas vous y emmener, mais mon dos me fait souffrir, mais elles sont prêtes.

– Ne vous inquiétez pas, et que la santé vous suive. Merci.

Elle m'offrit un sourire démuni de dents avant de retourner dans sa pièce. Je me dirigeai au fond et montai un escalier de boue qui me mena à l'étage supérieur aménagé pour deux chambres munies de couches de pailles et de tissus, ainsi qu'un coffre et des lits. Sans oublier les premières poteries nécessaires pour un minimum de confort. Nous avions droit aux deux pièces pour notre intimité, mais cette fois-ci l'une revenait à Hippolyte.

Je soulevai le rideau pour entrer dans la plus grande et ne fus pas surprise de la découvrir telle qu'elle l'était lorsque je l'avais quitté l'année précédente, intouchable. Épuisée, je me laissai tomber sur ma couche sans la moindre cérémonie.

– Artemis.

– Que se passe-t-il, Skotia ? bredouillai-je.

– Ne pouvons-nous pas virer le mystérieux prince de sa chambre, casser le mur comme les dernières fois et ainsi avoir un plus grand espace ? proposa-t-elle de sa voix emplie des pointes de la flèche.

– Skotia, souviens-toi des paroles d'Aglaié, s'interposa Phoebe.

– Elle dit de ne rien casser, mais nous pouvons réparer.

– Nous n'allons rien casser donc, pour le respect de la vieille femme sans oublier qu'il n'est pas aimable de l'envoyer dehors, prononçai-je d'une voix fatiguée, mais détendue.

– Je plaisantais ma chère.

– Permets-moi d'en douter, grognai-je.

– Il se peut que ce ne soit pas le cas, répondit-elle, et je me surpris à penser qu'elle ne parlait pas uniquement du mur, connaissant ses antécédents.

– Artemis, ne veux-tu pas revêtir d'autres vêtements ?

– Je te pris de te taire et de me laisser dormir Phoebe, grommelai-je sentant la lourdeur de l'épuisement se déposer sur mes épaules.

– Voici la véritable Artemis, Hippolyte, commença Phoebe tout en imitant Skotia, étant donné que cette dernière semblait ignorer ce dernier en raison de leur échange. Une grande dormeuse.

– Taisez-vous, ordonnai-je la voix montant dans les hauts de l'agacement naissant.

– La mauvaise humeur revient ! s'exclama la sorcière faussement enjouée.

– Je vois tout cela, finit-il par s'exprimer.

– Hippolyte ?

– Oui ? répondit-il sans la moindre forme timide, redevant l'homme qui échangeait avec tous, comme s'il était mon égal, et d'une certaine forme qui aurait pu être arrogante. 

– Sors de cette chambre, maintenant, et laissez-moi dormir, par Morphée !

J'entendis quelques pouffements avant que le rideau ne se rabatte derrière lui. J'attendis quelques instants avant de poser la question qui me brûlait les lèvres.

– Skotia, vous êtes-vous disputés ?

– Ils ont échangé, et je n'ai pas compris, devança Phoebe.

– Rien, Artemis, coupa Skotia fermement. Je ne lui fais pas confiance, voilà tout. Dès que j'en saurai plus, je te le ferai savoir. Tu me connais après ces années.

Je fus bien trop fatiguée pour répondre, la laissant tenir le même discours qu'Athéna, sans partager avec moi, me promettant de le faire lorsqu'elle en saurait plus. Le savoir et le partage...Mais je n'y pensais plus, plongeant dans mes rêves aux abîmes de ténèbres et de sang.

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