27. Fin d'un rêve

« Don't give up just because of what people Said
Use that as your motivation to push
Harder»

Il y a bien longtemps à Asgard

Je sautillais sur l'herbe rêche des jardins du domaine des Ases tout en suivant les Valkyries qui me menaient au centre d'entraînement de la capitale, lieu où elles-mêmes, les Einherjars et d'autres guerriers suivaient une formation des plus féroces combattants du monde. Les autres étaient dans le royaume de Freyja chez les Vanes, d'où le savoir émanait.

J'avais tant attendu cette journée et enfin le soleil l'annonçant s'était levé dans le ciel, me menant derrière son avancée jusqu'à cet endroit magique. Un sourire dévoilant mes dents avait remplacé mes larmes. Qu'importait ce prince égoïste que je haïssais tant, je n'allais pas m'en soucier, pas aujourd'hui.

Un premier pas dans ce monde que j'espérais un jour être le mien, suivre un entraînement de ces guerrières immortelles, semblables aux amazones, mais liées au monde derrière le voile, au monde des divinités et des morts. Elles imposaient la loi et la peur au sein des hommes, suivant des ordres de leur empereur, ou les rendant esclaves. Deux derniers points que j'appréciais moins, mais qui n'étaient pas suffisants pour effacer la volonté de leur ressembler.

Nous prîmes un virage, traversant une forêt dense de sapins dont les pointes étaient parsemées d'éclats de neiges qui tombaient au passage des oiseaux, jusqu'à ce qu'un rayon de soleil m'éblouisse. Je clignai à maintes reprises des yeux pour enfin apercevoir ce qui m'entourait. Un son ébahi s'échappa de mes lèvres à la vue de cet endroit bien plus beau que dans mon imagination. Je fis quelques pas dans l'herbe tout en tournant sur moi-même, riant à gorge déployée.

Une vaste plaine s'étendait jusqu'aux horizons, et la cime des arbres de la forêt que je venais de traverser semblait l'entourer. À l'ouest, un vaste lac, ou une mer, s'étendait au-delà encore, traversant les arbres, ou passant à travers un détroit. Des bateaux y étaient amarrés, attendant leur tour, et leur taille était bien impressionnante pour leur peuple, ne restant toutefois que des barques de fleuves ou mer comparées aux navires des côtes de ma mer à moi.

Plusieurs machines parsemaient l'étendue d'herbe courte et presque glacée sans toutefois ressembler aux steppes bien plus arides. Immenses, grandes, petites, moyennes. Certaines avaient des fonctions qui m'échappaient, tandis que d'autres accueillaient des acrobates qui l'escaladaient, ou s'élançaient dans le vide, se retenant parfois d'une hache qui s'y plantait. Je fronçai les sourcils, étonnée de cette ressemblance avec la Scythie et la Thrace, et cette avancée pour des peuples aux sacrifices.

Des groupes étaient dispersés, variant d'âges et d'armes utilisées, passant d'enfants à des adultes, passant des lances aux mains nues. Les deux sexes étaient présents et mélangés. Avec admiration, je les voyais se battre sans retenue, poussant même des cris bien moins sauvages que je ne m'imaginais.

Ils ne se souciaient pas des coups, bien que le sang coulait, ou que leur peau devenait violacée. J'en vis un cracher et rajuster ses cheveux longs et barbares, manière inconnue pour moi si ce n'était les légendes de ceux au sud de cette mer du nord. Leur corps était recouvert de muscles, ils étaient bâtis contrairement aux Orientaux, fait contraire à nos mœurs qui étaient plus calmes et plus civilisées, d'après nous. Si ce n'était certains achéens, et le sang partagé avec la fièvre des peuples du continent.

Je préférais pourtant les deux, ou du moins les choses que j'appréciais du nord et du Proche-Orient. Peut-être, car j'étais originaire de l'Hyperborée, pays frontalier à Jotunheim, et uniquement séparés par un mur de glace. Et Vanheim se trouvait à l'autre extrémité, faisant une autre frontière. Sans oublier que nous étions des Achéens, les guerriers qui avaient plié les anciens peuples des titans.

– Artemis !

Je fus ôtée de ma fascination par la voix de mon frère qui m'interpella. Je tournai la tête pour l'apercevoir. Apollon m'attendait aux côtés d'une table recouverte de diverses armes. Un homme plus âgé, sans aucun doute notre maître d'armes, se tenait là, préparant les dernières nécessités, et je perçus des temples, ou plutôt des grottes aux peintures et torches de prières, certainement pour la déesse mère.

Il était habillé de vêtements longs qui recouvraient son corps, mais restait pieds nus. Ils n'étaient pas fins comme les Grecques, et le recouvrait tout entier en cette température froide. J'étais moi-même vêtue à la nordique, de langues manches et une robe qui me tombait aux chevilles, me protégeant du froid mordant. Je remarquai également Fenrir et son sourire ne me provoqua que du dégoût. L'air sournois dans ses yeux me fit frémir, mais je l'ignorai.

– Apollon, as-tu vu ? Ce lieu est juste...

– Incroyable, compléta-t-il, lisant dans mes pensées.

– Tout à fait ! Te rends-tu compte que je peux m'y battre et plus aucun besoin de me cacher ? De feindre le rôle d'une déesse comme les autres ? Destinée à être une autre comme Hébée sur l'Olympe ?

– Et moi je n'aurais plus besoin à t'apprendre à lancer des poignards et tirer à l'arc sur le dos de père ! s'exclama-t-il avec un sourire qui voulait tout dire.

– Arrête, j'ai également couru des risques. Et en échange, je t'ai montré la médecine et les arts que les guérisseuses m'apprenaient, répondis-je, avec un brin de colère.

– Je t'embête petite sœur, répliqua-t-il avec un rire qui m'en provoqua un à moi aussi.

– Je suis la plus grande, et j'ai aidé mère à t'accoucher, ajoutai-je sans en avoir presque aucun souvenir.

Il m'ébouriffa les cheveux comme unique réponse. Mon jumeau était le meilleur frère que je n'avais jamais eu, le seul à mes yeux même que je considérais comme tel. Il avait toujours été à mes côtés, et tout ce que nous ressentions, nous le partagions.

Il m'avait soutenu dans cette envie de ne pas suivre les pas des autres déesses, m'intéressant aux arts du combat, et ne me contentant pas de cette liberté que les déesses possédaient contrairement aux mortelles moins chanceuses de ne pas vivre dans l'empyrée.

Il serait toujours là pour moi comme je le serais pour lui, inséparable, sachant que nous pouvions compter sur l'autre. L'unique famille pour chacun, et si un jour une dispute nous séparait, les raisons en seraient idiotes. Un seul et unique duo. La famille, pour maintenant et l'éternité.

– Crois-tu que nous pourrions monter sur un bateau pour aller pêcher ? questionnai-je avec espoir.

– Ne rêve pas, princesse.

Je me tournai vers lui, presque étonnée de ce qu'il disait, et pensant que chez les peuples du nord, les femmes avaient toujours été égales, même sur les navires. Car elles étaient aussi des voyageuses. Je n'aperçus pas la lueur provocatrice dans ses yeux, trop aveuglée par la colère et par ses mots prononcées qui s'acharnaient à briser un par un mes rêves, eux imposés par mon père. Ses yeux poison reflétaient uniquement que ce qu'il était. Un monstre.

– Sachez prince que je ne vous ai pas adressé la parole et que cette question était adressée à mon frère, répondis-je avec ironie lorsque je prononçai son titre qu'il ne méritait pas.

– Veuillez prêter attention, je vous prie, nous interrompit le maître.

– As-tu entendu ? me chuchota-t-il à l'oreille. Prête attention, car je ne suis pas sûre que tu suivras tout, préférant tes poupées de bois aux griffes.

Mes phalanges blanchirent tandis que je me retenais de lui cracher à la figure des mots acerbes. Il ne valait pas la peine, mais dans sa détermination, je savais qu'il ne lâcherait pas l'affaire. Il voulait me pousser à bout pour des raisons que j'ignorais, mais je ne sortirais pas les griffes, biens qu'elle me démangeaient et griffaient ces poupées en lambeaux qu'il m'avait aperçu jeter.

– Vous allez découvrir différentes armes qui servent d'une manière différente. Vous commencerez par vous-même avant que je ne vous révèle leurs fonctions. Vous les trouverez sur cette table, nous dit-il tout en passant sa main dans son épaisse barbe brune. Fenrir, tu les connais déjà, je te prierais de ne rien leur dire, s'adressa-t-il à lui d'une manière dénigrante qui enflamma les prunelles de ce dernier. Apollon, Artemis, reprit-il d'une voix plus douce, prenez votre temps, et je vous rassure, nous n'allons pas commencer comme les guerriers du sud de la mer glaciale.

Je me plaçai face à la table avec un sourire et observai les armes inconnues à mes yeux, mais appétissantes. Longues, petites, droites comme courbées. Il y avait même des lanières de cuir avec des pointes de métal. J'en connaissais peu, et mes yeux se posèrent sur l'arc et les poignards que je maîtrisais. Ce fut la grande épée qui attira mon attention.

Je me saisis du manche et la fit tomber au sol, laissant la pointe s'y enfoncer et une bonne partie de la lame le toucher. Je ne pus tenir plus longtemps et lâchai le tout, provoquant un rire moqueur chez Fenrir.

– De quoi riez-vous ? l'interpellai-je.

– De ça, s'exclama-t-il cessant son rire et me regardant droit dans les yeux, me mettant encore à l'épreuve. Elle fait votre taille et est trop lourde. Es-tu idiote pour l'avoir choisi ? J'oubliais, vous êtes une princesse parfaite, ironisa-t-il avec sarcasme. À la solde de votre père.

– Je ne suis ni idiote ni stupide, mais je suis ici pour apprendre.

– Très bien, que choisirais-tu après ? me mit-il au défi.

Un regard à mon frère qui me demandait de ne pas tomber dans son piège bien qu'ils soient amis, chose qui m'échappait encore. Je l'ignorai, cédant à ses caprices. Il n'avait cessé de me chercher dans le but de me faire réagir, j'allais lui montrer qu'il avait fini par me trouver.

Un élan de courage me prit. Décidée à briser les règles imposées, je saisis l'épée courte, l'amazone. Elle était d'origine, forgée par les Scythes si je me fiais aux dessins semblables à leurs tatouages de cercles et d'arabesques, ou par les Thraces. Qu'importait.

Elle ne tomba pas bien que l'effort fourni était grandiose pour mon jeune âge. Je serrai les dents et me concentrai, un sourire se dessina sur mes lèvres à l'expression du prince aux cheveux gras qui m'indiquait que j'avais gagné. Il semblait presque satisfait, ce qui m'étonna, mais il le fut plus lorsque je commençais à trembler, se demandant certainement ce que je ferais ensuite, pour s'amuser.

– Lâches-tu prise, princesse ?

Une goutte de sueur coula et tout courage que j'avais saisi s'envola lorsque je sentis que je tombais dans un piège dévoilé par ce monstre. Je ne voulais pas y tomber. Un combat intérieur se dévoila, celui de tenir fermement l'arme et de la manier jusqu'à le blesser physiquement, ou tout lâcher.

Les tremblements redoublèrent d'intensité sans que je n'en connaisse les raisons, trop jeune encore, mais poussée par le fervent désir d'obéir à mon père qui lui savait où sentir cette liberté que je désirais, mais ignorais par crainte. Dans laquelle il me poussait par mensonges, du moins, où j'espérais être.

De nulle part, Fenrir tira une dague qu'il plaça sous mon cou, me tirant de mes débats intérieurs. Un cri de surprise et de peur jaillit, et l'épée tomba au sol dans un éclat de l'ambre de ces terres.

– Désolé, je voulais juste vous montrer qu'ainsi vous ne parviendriez à rien, vous êtes trop idiote pour réussir, me provoqua-t-il, menaçant les larmes de couler. Lâche-toi.

– Je vous le répète, vous ne me connaissez pas, je ne suis pas ainsi ! hurlai-je sans parvenir à garder mon calme.

– Si vous le dites, pourtant vous avez mal choisi votre arme, sans réfléchir. Il aurait mieux fallu que vous preniez une dague ou un poignard, elles vous serviraient à cuisiner des petites bêtes. Vous êtes trop fragile, ou êtes-vous prêtes à me montrer le contraire ? Chose que je doute.

– Les amazones en ont recours.

– Je sais, des armes de femmes pour des corps frêles. Les hommes prennent les grandes épées, ce qui les définit, continua-t-il, sourire aux coins. Ou pas ?

– Les épées réduites sont plus utilisées, répliquai-je, touchée en plein cœur.

– Cela dépend des peuples, toujours des peuples, et rares, uniques, sont celles qui parviennent à en reprendre possession pour les grands combats lors des guerres comme les chasses nocturnes. Étudiez mieux le monde, répondit-il toujours avec un immense calme.

– Vous même ne savez pas manier ces armes.

– La grande ? Pas encore, je dois l'avouer. Mais peu à peu, les gestes se placent. Mais la petite, regardez, princesse.

Il la ramassa au sol et la souleva sans aucune difficulté, ouvrant mes yeux ébahis. Il débuta une série d'exercices avec précision, et bien qu'il était maigre comme un squelette, la théorie qu'il venait de dire sur la stature des corps ne s'appliquait pas à lui et quoiqu'il soit un dieu, cela me semblait impossible.

Il fit un dernier mouvement souple, et tourna l'épée autour de son poignet avant de la reposer et de me regarder avec des yeux supérieurs, me mettant au défis de lui prouver le contraire.

– Il faut croire que pas toutes les femmes sont aptes à devenir guerrière. Je pensais que tu avais plus dans le ventre, Artemis, me serais-je trompé ?

Un feu brûlant jaillit en moi, mais il redescendit rapidement à l'instant où je me retournai et partis pour ne pas creuser. J'entendais déjà les mots de mon père, et les images des épées lourdes qui faisait la puissance, et non la discrétion de la chasse, et ni l'une ni l'autre ne pouvait m'attirer. Ou je ferais la honte de l'Olympe.

– Artemis ! Reviens ! me cria mon frère, mais je l'ignorai une nouvelle fois.

– Je la pensais plus combative, entendis-je Fenrir dire à mon frère.

– Elle l'est, mais...

– Elle se retient et à ce rythme, elle risque de ne jamais le montrer, ce qui peut s'avérer dangereux, se moqua-t-il et je lui jetai un regard qui me surprit par ses yeux qui ne traduisaient pas le ton dans sa voix.

– Princesse Artemis, revenez, m'ordonna le maître d'armes.

– Vous n'avez pas d'ordre à me donner, car l'Olympe n'a rien à voir avec vous pour l'instant et elle n'est que l'invitée d'Asgard. Je reste maîtresse de mes décisions et vous pouvez être sûr que je ne remettrais plus les pieds ici, me surpris-je à lui crier sous un sourire de Fenrir et le visage dépassé de mon frère, inquiet que cela retombe sur moi comme il en était coutume.

Je traversai la plaine seule, laissant les larmes couler. Les insultes à l'égard de ce prince jaillissaient dans des murmures tandis que j'accélérais. Je me fis la promesse de ne plus jamais toucher à une arme et abandonnai le choix d'être une guerrière, me rabattant sur la chasse qui me suffisait. Et me voilà à penser à une vie contraire à celle que je pensais m'être destinée, pour l'instant. Une sur l'Olympe à vivre comme Hébée. Une sensation étrange m'envahit à cette pensée, combattant celle qui s'imposait.

Cette vie ne te ressemble pas, tu le sais tout autant que moi de ce que tu penses être ta destinée, décidée par ton père qui t'étouffe dans sa cage. Elle n'est pas la tienne. Un jour ou l'autre, il faudra cesser de te retenir, car lorsque tu enfouis, méfie-toi de ce qui en sortira, car ce sera une boule de feu et non des étincelles que tu refoules à chaque fois. Il est temps de montrer que les autres ont tort, mais tu n'y arrives pas à chaque fois que le loup prononce ces mots. Tu es...

– Artemis, m'interpella une voix douce, coupant cette voix qui résonnait dans ma tête dans l'espoir de me provoquer, me pousser à bout comme venue de l'Hyperborée glaciale, de mon sang, tandis que je traversai un jardin sans que je ne le réalise.

Aphrodite, Athéna et Héra, accompagnées de certaines femmes, dont Freya, Frigg, Sif et Sigyn, étaient assises, discutant. Le sourire de la femme de mon père qui me faisait signe de m'approcher me rassura. Je me dirigeai vers elle, séchant mes larmes qui coulaient sans que je ne les appelle, et m'assis sur ses genoux. Elle commença à caresser mes cheveux, passant ses doigts à travers pour pouvoir me coiffer.

– Que s'est-il passé ? finit-elle par me questionner. Ne dois-tu pas être avec ton frère ?

– C'est Fenrir, soufflai-je avec une haine qui l'arrêta un court instant dans ses mouvements et je perçus le regard des femmes d'Asgard. Il vient à l'instant de briser mes rêves de devenir une guerrière.

– Et c'est pour cette raison que tu es partie ? persista-t-elle.

– Oui, je ne souhaite plus jamais m'entraîner.

– Artemis, commença-t-elle revêtant une voix de mère. Il ne faut jamais te décourager pour des idioties, d'accord ? Tu es bien plus forte que tout, tu dois ignorer et ne pas être touchée. Dans ta vie, tu rencontreras des personnes qui te rabaisseront, te feront du mal, et te feront souffrir. Les femmes comme les hommes. Tu ne peux en échapper. Il est vrai que venant d'un homme, cela blesse plus. Une femme, tu peux toujours te rassurer que cela est par jalousie, mais les hommes... Ils te font plus de mal.

– Les hommes sont des idiots, ils méritent de disparaître, ou baisser au niveau que leur offrent les amazones, répliquai-je, ôtant un gloussement.

– Sur certains points, tu n'as pas tort. Ils sont bien différents que nous, ne nous comprennent pas, et le matriarcat disparaît. Laissant place à la sous-estimation, se pensant supérieurs lorsqu'ils ne débutent qu'une nouvelle ère et ignorent que nous garderons toujours le pouvoir, dans l'ombre, ou pas. Souvent, ils nous font du mal, à travers leurs mots et leurs actes.

– Nous devons donc les fuir et ne plus les laisser nous approcher ? questionnai-je, soudainement intéressée.

Les larmes disparues, j'étais tout ouïe à ces paroles qui me parlaient et faisaient écho en moi. Elles venaient d'une femme puissante qui avait de l'expérience, la déesse du mariage et de la famille. Je me demandais encore comment elle pouvait rester avec mon père, et surtout pourquoi elle se montrait douce avec moi. Un soupir et un silence avant qu'elle ne reprenne avec une sincérité nostalgique.

– Nous ne pouvons les fuir.

– Pourquoi ?

– Nous avons besoin l'un de l'autre bien que nous soyons différents sur beaucoup de points, mais nous nous complétons. Nous aurons beau essayer de les fuir, ne pas les laisser nous approcher... Qu'importe le mal ou le bonheur qu'ils nous auront causé, nous finirons par tomber tout comme eux dans ce piège qu'est l'amour, qu'importe sa forme. Et nous le leur rendons bien, et lorsqu'ils sont seuls, ils se mettent également en garde. Nous ne pouvons pas échapper à un pouvoir plus grand que le nôtre.

– Que l'amour ? Pourquoi pas aussi l'amitié ?

– Dans l'amour, l'amitié et l'amant entrent également, la famille pour ce cas reste à part, et si ce n'est pas celui d'amant, l'amitié s'en approche beaucoup sans jamais franchir la limite qui est égale, mais reste tout aussi dangereuse. Les mots sont pour les deux formes, car les moitiés peuvent être partout.

– Que devons-nous faire ?

– Rien.

- Rien ? répétai-je, incrédule.

– Mis à part apprendre et savoir nous protéger d'eux. Se sauvegarder de leurs faits. Rien. Nous finirons par tomber un jour où l'autre dans leurs bras et eux dans les nôtres sans la possibilité de nous séparer si ce n'est nous lier encore plus fortement.

– Artemis, l'amour est un jeu, commença Aphrodite captivant toute mon attention après avoir chuchoté avec Sigyn. Un jeu cruel, parfois doux. Il est vaste, à tel point que ses pouvoirs dépassent les miens. Le désir commande l'amour. Nous sommes tous destinés à quelqu'un, notre moitié, et bien que nous puissions parler des âmes sœurs d'amants ou d'amitié, je te parle ici d'amant. Le jour où tu le rencontreras, tu auras beau essayer de le fuir tout comme lui, le lien sera plus fort. Malgré tout ce que vous vous ferez mutuellement, l'amour triomphera, et tes autres âmes sœurs sans ce grand a n'y pourront rien. Éros vainc, mais parfois il est plus doux pour ceux qui aiment le même sexe, car ils se comprennent et mènent le même combat dans un monde qui passe de la mère au père. Cela peut être long, très long. Le chemin difficile, rude, emplit de larmes et de combats, de trahisons et de déceptions, mais la récompense en vaut la peine, finit la déesse de l'amour rêveuse sans aucune naïveté sur l'affaire.

– Vous choisirez mon époux, n'est-ce pas ? demandai-je d'une voix étrangement amère à cette simple pensée d'être liée.

– Il se peut, tout dépend de ton importance. Pourtant, la mariée choisit, et parfois les erreurs sont commises si elle ne trouve pas le choisi dès la première fois. La personne peut être remariée, ou pas, à la bonne ou l'avoir comme amant sans liens qui les unis. Souvent, le hasard fait bien les choses.

– Et moi, Aphrodite ? questionnai-je à nouveau d'une voix plus rude.

– Je n'en sais rien, nous le verrons le jour destiné, mais tu seras heureuse. Je suis la déesse de l'amour, j'ai un lien avec Éros qui me considère comme sa mère et qui abrite en lui l'âme originelle d'Éros.

– Pourtant Zeus s'est trompé pour votre compte, vous êtes avec Héphaïstos et je sais que Arès et vous, vous vous aimez, la mis-je au défi, éprise par ma fougue.

– Cela ne saurait tarder à ce que nous nous séparons.

– Vous me choisiriez quelqu'un de bien, n'est-ce pas ?

– Je suis mon instinct, et rares sont les fois où je me trompe, commença-t-elle, jetant un regard à la servante de Frigg au nom de Lofn. Ton père malheureusement, très souvent, s'oppose à mon avis, mais je te promets que pour toi, je trouverai celui qui t'est destiné.

Je fus tentée de lui avouer que je n'en souhaitais pas, qu'au profond de moi qu'importait ce que mon père me ferait, je ne l'accepterais pas. À cette pensée une vague me submergea, taisant, me ramenant au rivage.

Je lui souris en toute confiance, sachant qu'elle trouverait le bon, bien que le problème pourrait être mon père pour des alliances et sa soif de domination. Je me mentais à moi-même, je ne souhaitais pas ce destin, et je me demandai si un jour, je pourrais me battre, moi simple bâtarde destinée à être mineure, face au dieu des dieux. Mon visage se crispa, et je maudis ceux qui me poussaient à penser ainsi, car je me perdrais, et je devais ignorer ce feu dans mon cœur.

Je pris quelques fleurs du panier d'à côté pour les tendre à Héra qui me tressait les cheveux tout en écoutant d'une oreille attentive la conversation des adultes, en pensant aux paroles qu'elles m'avaient adressées.

J'espérais que celui qui m'était destiné serait comme dans les quelques mythes qu'elles me racontaient pour m'endormir, sans aucune tragédie. Comme Persée et Andromède qui venaient de revenir des terres éthiopiennes au dragon de mer. Cela me serait plus simple pour ne pas attirer le courroux de mon père, et pouvoir m'échappait.

Je rêvais de ces couples aux multiples aventures qui s'aimaient dans la tempête de leur vie. Je m'imaginais une belle histoire comme dans ces légendes, comme la petite fille que j'étais. Pourtant, il était vrai qu'à trop les entendre, ces histoires m'ennuyaient. Je savais que l'amour triomphait de tout, qu'importait sa forme, mais paradoxalement à cela, je m'imaginais une vie sans homme, sans mariage et sans amour, mais je n'avais pas encore réellement de raison pour l'écarter de ma vie. Je laissais place au doute, pour l'instant, car j'en pouvais payer le prix.


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