20. Banquet
«Strong women
Don't play victim
Don't make themselves look pitiful
And don't point fingers
They stand and they deal»
Je jetai un dernier regard au miroir que je tenais entre mes mains, le visage serein, les yeux félins, la chevelure devenue sombre. Impassible, j'étais devenue la femme sans cœur, la reine destructrice. J'esquissai un léger sourire à celle que j'étais à celle qui portait la couronne sans vêtements colorés. Le croissant qui me représentait étincelait, celui qui m'avait trahi face au chasseur dans les bois et soulevant la question s'il était judicieux d'écraser mon pouvoir, ou de le dissimuler.
– Artemis, la lune s'est déjà levée, me cria une voix à l'extérieur.
– Nous savons que tu ne t'arranges pas, mais que tu travailles ton masque. Tu n'es pas Aphrodite, sors de cette forêt ! s'ajouta une autre que je reconnus être Skotia.
Je posai le miroir dans la sacoche que je jetai dans un coin aux côtés de mes autres affaires. L'un de mes poignards fut glissé à ma ceinture d'or qui entourait ma taille et ma robe verte serrée à cet endroit retenu, comme pour empêcher le ventre de ressentir les émotions. Mes cheveux volumineux volèrent sur mon épaule tandis que mes pieds emprisonnés dans des chaussures de cuir avançaient avec difficulté jusqu'aux chasseresses qui étaient parvenues à monter des tentes.
– Qui surveille le camp ? demandai-je, ignorant les regards qui scrutaient la femme sortie des bois.
– Émis et Sirius.
– Bien, Agrios ! appelai-je, et à travers les nuages, je le vis apparaître, descendant en cercle pour se poser sur mon bras que je lui tendais. Surveille, et si le moindre danger se présente, viens à moi, lui demandai-je.
Un cri aigu s'échappa de son bec tandis qu'il reprenait son envol gracieux à travers le ciel. Mes yeux le suivirent à travers les nuages noircissant sous le crépuscule du monde et d'un soleil encore puissant qui nous illuminait de ses rayons de l'horizon disparu.
Je ne dis mot et pris le chemin de la ville, les chasseresses me suivant. Phoebe et Skotia me talonnaient, mais je ne leur prêtai aucun regard, imposant un silence qui succéda à la plaine devenue rêche jusqu'à ce qu'elles le brisent.
– Es-tu encore en colère ? me questionna Phoebe, sans obtenir de réponse.
– Toujours aussi rancunière ? Je pensais que tu le haïssais, pourtant tu t'es montrée meilleure envers lui avec l'étalon.
– Skotia, garde ta langue dans ta bouche, lui intimai-je, sachant qu'une part de vérité résonnait à mes oreilles, me démontrant que je ne me comprenais pas moi-même.
Je l'entendis glousser, mais ne tombai pas dans son piège. Skotia pouvait penser ce qu'elle souhaitait, elle n'était pas dans ma tête et ne ressentait pas mes sentiments. Je n'éprouvais rien envers lui, ou du moins rien qui pourrait l'en amuser. Les envies de meurtres la laissaient indifférente, elle m'avait déjà vu tuer sans même frémir, préférant se soucier du bien-être de son corps propre de toute trace de sang. Elle était habituée, et ressentait le besoin de changements.
Je préférais ne pas me perdre dans les filets de raisonnements qui m'échappaient au point que mes paroles soient dénuées de sens et que mes actes échappent aux accords que j'imposais. Je ne pouvais l'abattre sous risque de subir un courroux supérieur. Je laisserais le fleuve couler et le suivrais instinctivement comme depuis ma naissance, sans réfléchir à mes pensées, mais vivant le présent, poussée par l'irréfléchi.
– Que se passe-t-il ? me glissa Candeon, s'approchant de moi et je remarquai qu'elles s'étaient éloignées pour calmer leurs rires amusés.
– Oublie.
– Tu sembles t'entendre harmonieusement avec elles.
– Viens-tu juste d'en prendre conscience ? répondis-je d'une voix sèche avant de me raviser sur le ton utilisé. Désolée, je suis sur les nerfs, je n'aurais pas dû t'agresser.
– Ne t'inquiète pas, je sais que parfois les amis peuvent être agaçants.
– En effet, elles sont comme mes sœurs, et par conséquent font ce qu'il leur plaît. Même si je suis déesse et reine, précisai-je, le foudroyant de mes yeux tout comme lui.
– Tu les connais d'avant, n'est-ce pas ? affirma-t-il, me surprenant, engageant une conversation pour oublier les éclats de lames.
– Oui, elles ont été mes dames de compagnie avant que je ne devienne reine. Elles m'ont toujours soutenue, mais elles se connaissent d'avant moi encore. Elles sont mon unique famille. Celle de sang est la divine que je ne considère pas comme telle, et avant, je n'aime pas en parler. As-tu une famille autre qu'Athènes ? questionnai-je, désireuse d'en savoir davantage par curiosité, ou de connaître ceux qui un jour peut-être devront pleurer un cadavre.
– Laquelle ? Celle de sang ou celle que je considère comme telle ? me demanda-t-il, sourire malin au coin.
– Les deux, commandai-je, et mes doigts se murent dans les airs.
Une flèche apparue, et je la glissai au creux de son cou sans cesser d'avancer. Ses yeux pers se baissèrent un instant sur la pointe, et je le perçus déglutir avant de chercher réponse dans mes yeux.
– Candeon, je te conseillerais de garder ta familiarité pour toi, car même si je ne peux pas te tuer, ne joue pas avec le feu. Car tu te brûleras, ai-je été clair ?
Il leva sa main, et je crus un instant qu'il se rendrait, mais son geste arrêta un instant mes pas qui reprirent avant d'alerter quiconque. Je fixai la pointe qui désormais pointait la naissance de mon cou, et je perçus un sourire changé affiché désormais sur son visage. La trace de sa peau contre la mienne fut cette éternelle sensation d'ume brûlure glaciale.
– Je sais jouer, et je ne me brûle jamais, me fit-il savoir.
– Je suis une immortelle.
– Penses-tu réellement que j'ai peur ? Si c'était le cas, je ne me serais jamais approché pour te demander protection, me confia-t-il sans pour autant écarter l'arme qui menaçait ma vie, mais sa voix fut basse et malicieuse.
Je fus amusée qu'un mortel ose m'affronter malgré les légendes, les mythes de ma cruauté, et que j'étais prête à le tuer. Il se pensait plus malin, appartenant à une maison royale qui le menaçait de mort.
– Je suis la seule à pouvoir te protéger, donc m'affronter de la sorte n'est pas conseillé.
– Tu ne me tueras pas, il y a trop de risques, tu as trop à perdre.
– Je peux te renvoyer.
– Tes sœurs ont fait une promesse, et tu dois la tenir. N'est-ce pas ? Tu ne peux rien, continua-t-il à me provoquer pour me tester.
La flèche disparue de sa main par un ordre silencieux, nous séparant et il rabattit sa main, offrant paix à ma peau frissonnante, Mon aura se libéra doucement, l'écrasant malgré la sensation d'une glace brûlante qui m'envahissait l'instant qui suivit malgré le fait que nous ne nous effleurions plus.
– Je me lasse bien vite, je ne suis pas Skotia, Candeon. J'apprécie peut-être ta compagnie, pour l'instant, mais...
– Mais ? répéta-t-il, son visage affichant à peine la souffrance sous l'emprise de ma puissance.
– J'ai été obligée de te considérer comme un allié, mais ta vie en tient qu'à un fil, donc faisons une comédie, et réponds à ma question précédente. Quelle autre famille as-tu ? Je veux savoir à qui envoyer ton corps si tu franchis une limite dans les prochains jours.
Il ne frémit pas à ma menace, air mutin sur le visage, même dangereux, et l'hésitation se peignit dans mon âme. Le tuer serait trop facile, quand bien même je brûlais de l'intérieur. Il avait mon intérêt, je ne pouvais pas le cacher, et la lame sous son cou n'était qu'une illusion avant que je ne me décide.
– Athènes et ses alentours, ce ne sont pas ma famille. Et les véritables membres, et bien...
Il fit une courte pause, son visage déformé par une douleur que je ne lui avais jamais vu. Il semblait vulnérable, comme je ne l'avais jamais perçu, comme je pensais l'imaginer. Et je m'y reconnus, oubliant une fois de plus mon envie insatiable.
– Ils sont, commençai-je hésitante à prononcer le mot qu'il cherchait, laissant tomber en cendres mes menaces précédentes.
– Morts ? Non, je ne le vois plus depuis mon enfance, ils m'ont certainement oublié, m'avoua-t-il simplement, presque dans un soupir, le regard perdu dans les limbes du temps, laissant place à un silence léger.
– Je fus enlevée à ma mère très jeune, les traits de son visage me sont devenus flous. Je ne lui ai plus adressé la parole, confessai-je. Quand bien même je me suis rendue une fois en Hyperborée, ramenant une ou deux chasseresses. Je suis en colère contre elle de m'avoir abandonnée dans une illusion de noblesse.
– Tu as trouvé des sœurs, une nouvelle famille, bien qu'elles soient étranges parfois, tenta-t-il.
– En effet, après un long périple. Et sans elles, comme je te l'ai dit, tu serais mort, annonçai-je d'une voix ferme. Es-toi donc ? Nul qui ne te retiens de te jeter dans les griffes de la louve et jouer avec ta vie ?
– Deux meilleurs amis, dont un qui était mon frère d'armes comme je te l'ai dit. Ils sont partis désormais, me répéta-t-il, et je me souvins ce qu'il m'avait dit la veille.
Un instant de silence, ces paroles qui laissaient tomber pour quelques instants notre conflit intérieur malgré notre alliance, notre pacte. Je finis par abandonner mon armure, mon statut, et d'exprimer ce que je pensais.
– Je suis sincèrement désolée.
Le pincement au cœur que je ressentais gagna en ampleur, devenant une poigne douloureuse qui l'enserra. L'idée de le renvoyer me sonnait traîtresse désormais, injuste après avoir entendu les échos de sa vie, et mon envie précédente s'évapora totalement. Une simple facette, et je l'avais accepté pour les raisons qui me faisaient ressentir être semblable au chasseur. Plus de raisons royales, juste une reconnaissance dans le miroir, et quand bien même je le haïssais pour ces raisons, je le comprenais davantage.
J'avais aussi fui l'Olympe, ma famille de sang. Autrefois, j'avais été comme lui et nul n'était parvenu à m'accueillir. J'avais créé mes murailles par le sang de mes paumes, sans protection si ce n'était mon jumeau, et mes sœurs. J'avais tout de même eu des épaules qui appuyèrent mon royaume.
Je ne pouvais pas être coupable de la cruauté de le jeter en pâture, car je l'avais précisé. Sa vie était entre mes mains, c'était à moi de décider de son sort et ne pas le laisser s'enfuir. Apollon m'avait soutenu malgré tout, discutant avec mon père sans jamais me ramener à ce qui devait être ma maison lorsque mon chez-moi se trouvait ici-bas. Un devoir, un honneur, un bien, l'une des dernières leçons apprises. Tenter d'être une reine, et je l'avais été, accueillant les femmes brisées autour d'un nouveau feu. Mais elles ne me ressemblaient pas autant que lui.
Le foyer était la chose la plus précieuse au monde et se retrouver à la dérive, suivant péniblement un chemin que nous espérions être le bon, déviant d'une destinée qui nous avait été attribuée. Écoutant notre cœur aveuglement qui nous guiderait à travers les épines de la vie, était la péripétie que je ne souhaitais à quiconque de suivre.
L'abandonner m'était inconcevable. J'avais aidé tant de femmes, qui me ressemblaient, à sortir d'un nuage noir qui les assaillait pour qu'elles trouvent une meilleure place, celle répondant aux appels incessants de leur cœur. Je n'arrêtais pas de me le répéter. Il était un homme, mais il était mon semblable sur certains points. Respectueux, il n'était pas un fervent des temples, mais il était venu à moi. Ma main cessa de me démanger à mesure que je laissais mon esprit, fragment de ma vie antérieure, prendre le dessus.
J'espérais ne pas m'égarer, ne pas commettre une erreur, recevant un poignard derrière le dos avant que je n'aie le temps de frapper. Je le ressentais, il était différent. Prendre le risque de jouer avec le feu au danger de se brûler m'attirait à tel point, que je laissai place au doute continuel qui combla le silence installé entre nous jusqu'au palais, et nos prunelles perdirent de leurs éclats de saisir nos bras par la force.
Les murs, plus résistants que sur les îles, en haut desquels des soldats étaient perchés, protégeaient la ville dans laquelle l'espace était majoritairement occupé par la bâtisse du roi. Nous entrâmes directement dans la salle du trône, le mégaron. Semblable à celle d'Athènes, elle restait toutefois plus étroite et moins riche, et son bassin était à peine rempli d'un seau.
Les canaux d'eau étaient remplacés par un sol enfoncé dans la terre, laissant place à la couronne qui l'entourait, permettant aux puissants de se dresser de leur hauteur sur les visiteurs. Trois marches qui la longeaient y menaient. Les portes restaient imposantes et je devinai sans peine que les salles spacieuses s'étaient emparées de l'espace du palais construit. Les marchands devaient se trouver en dehors, mais à l'intérieur des murs de la ville.
La pierre était peinte de couleur si légère que le gris terne d'antan était bien visible. Le trône l'était tout autant à défaut d'être d'or. Le roi y siégeait, les jambes écartées, une main posée sur sa tête pour la soutenir, elle et sa couronne. Il nous fixait avec un sourire mauvais et sombre à la fois. Le vizir, quant à lui, nous observait avec calme.
– Déesse, c'est un honneur de vous accueillir entre nos murs, m'accueillit-il, se redressant.
– Vous avez fait appel à moi.
– Mon peuple le fit, répondit-il d'une foi mauvaise.
– Prenez garde roi de Calydon, je ne suis pas une femme qui ne bronche pas face à une insulte, prenez en compte les malédictions des tyrans. Les mortels dépendent des dieux, prononçai-je d'une voix impérieuse, et malgré moi, je jetai une œillade au chasseur, le mettant en garde, lui montrant que pour l'instant je ne le voyais pas encore comme ces hommes.
Il hocha la tête doucement, sourire au coin par ce qu'il pensait être un jeu. Ce qui était le cas malgré moi. Un pacte, une alliance sur une crainte mensongère, bannie de ceux que je craignais, mais au fond de mon cœur, je savais être préférable ne pas faire de faux pas, et il s'en amusait. Je regardai à nouveau le roi, mon sentiment changé.
– Je ne voulais en aucun vous offenser, répliqua-t-il nullement excusé, se moquant même de ma personne.
Je ne laissai pourtant pas ma colère s'échapper, pas encore, quand bien même je voulais rendre cendres, un sentiment plus sanguinaire que celui à l'encontre de Candeon, ou d'autres.
– Je le pense bien, ne fis-je que dire d'une voix dénuée de l'once de l'affront qu'il m'avait fait.
Toutefois, je laissai mon aura peser sur la salle. Je perçus les fidèles reculer, et le dos du roi faire de même sous ce pouvoir, sans laisser paraître le poids qu'il avait senti. Le son distinct des plumes des flèches des chasseresses se fit entendre, mais nulle n'avait dégainé leur arme, patientant, habituée à ces mots de rois.
– Mon épouse ne tardera pas, mais vous pouvez d'ores et déjà vous rendre au lieu de la fête, une salle parallèle à l'intérieur. Je m'excuse qu'elle soit entre quatre murs, mais ma femme a la santé fragile. Suivez l'esclave, finit-il, faisant signe à un jeune homme qui s'approcha pour écouter les mots glissés avant de se diriger vers nous.
Je le suivis à travers un lourd rideau qui révéla un jardin au centre duquel un citronnier avait été planté. Nous la traversâmes pour entrer dans une salle dissimulée par un rideau qu'il souleva, nous faisons signe d'y entrer.
Elle répondait aux attentes que je m'y étais faites. Des dizaines d'invités étaient présents. Principalement de jeunes riches qui dansaient avec joie au centre sous la mélodie des musiciens qui de leur voix aiguë, chantaient les légendes passées. Des serviteurs munis d'un œnochoé se déplaçaient pour servir les kylix où le vin coulait à flots en vue des gigantesques amphores qui entouraient la salle. Un instant seulement me prit pour savoir que le roi avait organisé cette fête bien avant mon arrivée. Du sang royal y était présent.
Sans quitter de vue l'agitation qui y régnait, je sentais le poids de la pierre sur mes épaules, l'air était devenu aussi chaud que les flammes dans la nuit. Des gouttes de sueur perlaient sur mon front, coulant le long de mon dos qui frissonna. Je me dirigeai vers une petite table en bois su laquelle des coupes en terre cuite attendaient. Les chasseresses étaient déjà dispersées, seules Skotia et Phoebe m'avaient rejointe, restant avec moi.
– Du vin de Corinthe ? me proposa un serviteur.
– Vite ! Des coupes, s'exclama Skotia, ravie face à cet hydromel venu tout droit de la ville la plus dorée à nos yeux, et cette simple intonation nous fit descendre sur terre.
Le jeune homme les remplit avec un sourire poli tandis que Skotia jouait la séduction, consciente qu'elle n'obtiendrait rien de ce jeune homme. Elle finit par tendre la première à Phoebe et la deuxième elle la porta à ses lèvres, délectant avec exagération le doux breuvage de la folie.
– Et moi ? questionnai-je.
– Tu es d'une humeur maussade. Tu possèdes des petites mains pour te sortir seule de cette impasse.
– Tiens.
Je tournai la tête pour apercevoir Candeon qui m'en tendait une, surgissant des ombres sans que je n'aie remarqué sa présence. Il ne faisait pas bruit lors de ses déplacements.
– Je vois que tu as appris à servir la déesse qui te protège pour éviter son courroux, persifla Skotia.
– Je tiens à ma vie, fut sa seule réponse.
– Et tu fais bien de m'apaiser, Candeon, parvins-je à m'exprimer sans le quitter des yeux, les sourcils froncés.
Je saisis le kylix avec la lenteur de l'hésitation, mais lorsque nos doigts se touchèrent, électrisant mon corps qui fut parcouru par cette énergie, je la saisis avec plus de rapidité. Un remerciement s'échappa avant de porter la coupe à mes lèvres, dissimulant mes joues cramoisies par un simple touché.
Je détestais qu'une autre personne me serve, bien moins un homme, et le contact qui éveillait les sens était d'une envie qui appelait le vin à l'effacer. Mais pourtant, la sensation de voir un autre se plier par crainte pour sa vie, me fit accepter l'acte. Au fond, il me craignait, du moins, l'avait-il annoncé à la remarquer de la sorcière.
– Pourquoi ce vin en particulier ? questionna-t-il, me jetant toutefois un regard que j'évitai.
– Nous l'apprécions par sa douceur de miel et par son origine qu'est Corinthe.
– La meilleure des villes, Phoebe, n'omet plus ce détail, je t'en conjure. N'est-ce pas, Artemis ?
– Je suis obligée de l'avouer, nous nous rendons à ses fêtes chaque année. Pour l'humanité qu'elle décèle.
– Et si nous avons refusé de lui donner l'une des coupes aujourd'hui c'est, car lors de la dernière fête, elle a bu d'une traite la dernière.
– Car vous étiez dans un Autre Monde depuis si longtemps, et Phoebe refusait de boire. Je ne faisais qu'être une bonne amie. Tu étais pire que n'importe quel ivrogne.
– Il se peut, mais pas autant que ton frère. Je me souviendrai à jamais de ce soir-là, il m'a battu et j'ai perdu à mon plus grand bonheur.
– En effet, par chance il n'a été intéressé que par les jeunes hommes étant donné que la fois précédente il a choisi une jeune femme et je suis devenue tante quelques mois plus tard, ris-je de bon cœur à ces souvenirs, et je fus vite rejointe par Skotia et Phoebe avant que cette dernière ne remarque que le jeune chasseur était dépourvu de toute réaction.
– Rassure-moi, tu connais les fêtes de Corinthe ? s'inquiéta-t-elle.
– Non, avoua-t-il, fronçant les sourcils.
– Arrêtez tout ! Ce jeune prince face à nous ne connait pas ces fêtes ? Mon cher, tu as raté tant de choses, tu me prends au dépourvu. Elles débutent dans deux semaines, si Artemis ne t'a pas renvoyé avant.
Je faillis m'étouffer avec ma gorgée, et quelques toussotements s'échappèrent avant que je ne boive une deuxième pour qu'il ne croise pas mes yeux. Car je savais qu'il ne pensait qu'à un jeu, ou être proche d'une limite qui en réalité, il avait franchi.
– Oh ! Prince Orion.
Pour la deuxième fois en quelques instants, je rejetai presque le vin si précieux que je dû avaler de travers, le sang s'en prenant à mon visage qui se teinta d'un rouge effrayant. Orion... Oarion ? La respiration s'arrêta, tout comme les battements de mon cœur à mesure qu'une douleur remontait le long de ma poitrine.
Je me retournai rapidement, tournant le dos à mes amies, mais j'eus le temps d'apercevoir leur face aussi assombrie que la mienne, les yeux d'une surprise fade.
La jeune femme qui s'était exprimée se dirigeait vers nous, sautillant presque, jouant des hanches aussi sensuellement que Skotia, mais moins ouverte à la rencontre. Un regard aux alentours, des visages inconnus et rayonnants. Je me sentais perdue, me noyant dans un océan dans lequel la flèche qui coulait à mes côtés semblait avoir rebondi sur une surface de bronze.
Je la vis s'approcher de nous sans dévier son chemin, elle ne le fit pas jusqu'à sauter au cou de Candeon qui la regardait de ses yeux devenus aussi rigides que la glace. Je la vis l'étreindre sans apercevoir son expression, toujours perdue, avant qu'elle ne se détache de lui, d'une joie exagérée.
– Orion, par tous les dieux ! Cela doit fait une éternité ! Je suis si heureuse de te revoir ! s'exclama-t-elle enjouée avant de se tourner vers moi. Déesse Artemis, je suis navrée, j'en oublie mes manières. Je me présente, Merope, princesse de Chios.
Elle me déplut du premier regard, bien que son visage empli d'une joie fausse, ses yeux et son sourire étaient ceux d'une garce de première. Elle feignait son bonheur lorsque ses pensées à notre égard devaient certainement me déplaire. Ses iris étaient d'un pourpre qui entourait un vert flamboyant et dans cette mer envoûtante des éclats de cuivre brillaient. La chevelure volumineuse bien plus que la mienne par ses ondulations presque bouclées si je les comparais à celles de Phoebe, était d'un brun plus sombre que les miens, s'approchant du noir, mais restait étrangement court, lui arrivant à la poitrine. Le visage fin et délicat, le nez retroussé, la peau olive, elle était d'une beauté enchanteresse.
– Orion, que fais-tu en ces lieux ? questionna-t-elle si intéressée que je me demandai si elle ne connaissait pas la réponse. Je te pensais à Trézène, en tant que prince qui prête ses services au peuple. Je te savais d'un grand cœur derrière tes airs mauvais faits de glace.
Ses doigts caressaient sa poitrine avec volupté, ses lèvres se mouvant avec légèreté comme si chaque mot pouvait faire preuve de magie. Le corps et les mains du chasseur semblaient le démangeaient, mais il se retenait de l'écarter. Des yeux assassins lui répondirent.
– Excusez-moi, Merope, n'est-ce pas ? Vous ne vous trompez de personne. Il se nomme Hippolyte ou Candeon, comme vous préférez. À moins que tu ne m'aies pas tout dit, finis-je le foudroyant d'un regard sombre.
– Vous ne lui avez pas dit ? Hippolyte est son nom de service à Trézène ces trois dernières années. Candeon, il vaut mieux que personne ne le sache, ajouta-t-elle dans un murmure tel un secret. Son nom officiel au sein de la Grèce est Orion. Pourtant, je comprends le malaise à l'utiliser. N'importe qui pourrait le confondre avec cet illustre, noble et ravissant chasseur, Oarion. Je ne l'ai croisé qu'une fois, mais en parlant de lui, je n'ai plus de nouvelles, avoua-t-elle d'une voix idiote, et à ces mots le même voile que j'avais aperçu la veille lors de la chasse recouvrit les prunelles du chasseur dont la mâchoire se crispa.
Je compris son jeu derrière, celui que Skotia usait tout en montrant pourtant une once d'intelligence dans ses paroles. Je voyais sa détermination dans les yeux verts de la jeune femme, et j'en méconnaissais les raisons.
– Il est mort, répondis-je, dénouée d'expression tout en avalant d'une traite la fin de mon vin.
– Quelle perte, il était si bon. Heureusement que la Grèce peut compter sur vous beau prince, lui susurra-t-elle passant sa main le long de son torse, caressant son cou puis son épaule pour finir par planter ses ongles dans son bras, l'attirant à elle, m'accordant un coup d'œil provoquant.
Je le vis finalement saisir ses poignets avec force, la retenant, mais elle vint lui glisser des mots à l'oreille. Son visage s'aggrava, et il la lâcha sans la jeter, ou l'approcher.
– Vous pouvez compter sur moi, ajoutai-je, regrettant d'être à manque de voix et que j'avais répondu comme elle le souhaitait.
– Je n'en doute pas, mais je m'adressais aux mortels, princes, beaux et surtout libres, n'est-ce pas ? ajouta-t-elle, lui jetant une œillade et humidifiant ses lèvres entrouvertes. Cela ne vous dérangera pas si je vous l'emprunte ? continua-t-elle sans le quitter du regard. Vous êtes Artemis, vous n'avez pas ces pensées, mais n'y prenons pas garde. Venez beau chasseur, dansons.
Un sourire ravageur se dessina sur ses lèvres tandis qu'elle le saisissait telle une harpie pour le faufiler entre les convives, atteignant le centre de la salle bien à ma vue qu'elle vérifia d'un regard victorieux. Elle passa ses mains autour de son cou, l'attirant à sa bouche pour qu'elle puisse lui murmurer des mots doux, et il avait obéi. La coupe à ma main se brisa, et ses éclats tombèrent au sol, balayés par les nos pieds. Une légère entaille à ma main me fit à peine grimacer, se refermant doucement. Les sensations brûlantes ne me firent même pas glapir.
– Jalouse ? me demanda la sorcière.
– Jamais, répondis-je, le visage déformé par la colère, provoquant un gloussement.
Skotia remplit une nouvelle coupe qu'elle me tendit sans un mot. Je la bus d'une traite, sans m'en délecter, et l'alcool faiblement mélangé à l'eau frappa contre mon crâne.
– Une autre ?
Je lui tendis à nouveau le kylix qu'elle remplit, sourire au coin, tandis que Phoebe tentait de l'en empêcher avec des mouvements des bras.
– Artemis, tu en as déjà pris, tenta-t-elle recevant une œillade de Skotia qui la fit taire.
Je la bus comme ses précédentes sans ôter mon regard du duo.
– Les filles, allons enflammer la piste et montrons à cette pauvre princesse que la déesse et reine n'est pas une mortelle.
– La pauvre, elle ne joue pas sur le bon plateau, ajouta Skotia. Trop novice, mais je suis heureuse que tu lui donnes une leçon, et je suis prête à te conseiller. Tu me connais, je n'ai pas de limite si ce ne sont l'horizon de mes convictions. Revoilà notre Artemis, prête à répondre à l'outrage. Et s'il te plaît, ne la tue pas cette fois, il est plus amusant que tu te comportes pour une fois comme moi.
Je souris d'un air mauvais à sa remarque, et acquiesçai, cédant. Je démontrerais à Merope qui j'étais et que son chasseur se trouvait dans mes rangs, m'obéissant et m'idolâtrant moi, l'unique déesse à ses yeux. Elle me dénigrait, mais en savoir les raisons ne m'intéressait pas, et le craquement de la céramique brisée le confirma.
Je m'arrêtai à quelques pas d'eux, jetant un regard discret au chasseur qui me fixait, cherchant à échanger avec moi, ou de me tuer. Je l'ignorai, commençant à la place à danser, suivant la musique avec mes sœurs. L'une inquiète, l'autre satisfaite. Quant à moi, je ne sus si j'agissais avec cohérence, mais je restais irréfléchie, plus encore avec l'enivrement.
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Des avis sur Merope? Princesse de Chios et sans mystère en peu de temps rivale d'Artemis?
D'ailleurs maintenant notre beau chasseur à trois prénoms.
Hyppolite
Candeon
Orion
N'oubliez pas! Les prénoms nous définisse et si nous en avons plusieurs chacun défini une facette de notre personalité. Ils donnent un indice de qui nous sommes réellement. Et surtout...Ne cherchez pas ces foutus noms sur internet!!!
Merci
A la prochaine
Cordialement
La direction
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