2. Dîner

Away, get away. Your such a freak

It's what people say to me

Different, too different. I'm scarder of judgment

Your insults and your slanders stick on me

With your million eyes you're watching me

You talk behind my back, you spy me...

«Millions eyes»; Loïc Nottet




Les dimensions du palais me semblaient bien plus importantes depuis l'intérieur. Un poids omniprésent, tout autour, nous plongeait dans un sentiment écrasant.

La salle dans laquelle nous avions pénétrée était d'une telle taille, que celle du trône paraissait bien plus étroite. Je peinais à apercevoir l'extrémité. Sur toute sa longueur, une table de bois avait été disposée et à ma grande déception, de simples bancs nous servaient de sièges. J'en espérais d'or et recouverts de fourrure moelleuse et confortable. Le sud n'avait pas encore atteint le nord, semblait-il.

Des mèches de joncs servaient d'éclairage et reflétaient l'ombre des convives sur les peintures qui recouvraient les murs, représentant différents lieux mythiques. Une pression sur mon dos m'incita à accélérer mon pas jusqu'à ma place aux côtés de mon frère lui-même à la gauche de père qui s'assit après avoir détaché son doigt foudroyant de mon dos, m'oubliant à mon grand soulagement.

J'attendis patiemment et en profitai pour remettre l'une de mes mèches derrière mon oreille, sachant que ce geste se répéterait tout au long de la soirée. Mon excitation avait atteint son paroxysme.

Le siège à mes côtés ne resta pas bien longtemps orphelin. La progéniture de Loki s'y assit sans me jeter un regard. Je ne me gênai pas de faire de même, bien que les conseils qui m'eurent été ordonnés m'incitaient au contraire. Le souhait que je tisse des liens avec les enfants de mon âge, appartenant aux grands de ce monde d'immortels, comme me l'avait répété Athéna, toujours stratégique. Il fallait donc qu'ils soient hauts placés, et plus ils étaient proches du dirigeant, bien mieux cela était. Apollon avait su tenir son rôle, un parfait comédien, contrairement à moi qui préférais rester dans l'ombre qu'à la lumière.

Pourtant, bien que de ne m'être liée d'amitié avec aucun jeune ne m'affectât pas à première vue et que la présence de mon jumeau me suffit, je ressentais un léger manque. La déception de mon père était visible et il m'accusait de les rejeter de mon gré. Il ne comprenait pas que je ne savais pas comment en avoir si nul ne m'appréciait, et nul ne me comprenait réellement.

Ils me trouvaient étrange, mes cheveux aux nuances si diverses les faisaient fuir et les lueurs argentées que reflétaient mes yeux étaient un symbole de malédiction. Étais-je réellement, maudite ? Mon caractère que j'enfouissais jaillissait de temps à autre et rares étaient ceux qui étaient impressionnés par ma force d'esprit, et les personnes qui l'étaient s'avéraient être plus âgées, ayant connu le passé de la Déesse mère.

Je voulais être une princesse digne des plus grandes reines. Mais je n'y arrivais pas. Je tentai de rester calme, élégante, soumise comme espérait mon père, oubliant les légendes des ères précédentes. Pourtant, à peine tournait-il le dos que je jetai mon métier à tisser pour aller rouler sur les collines, monter aux arbres et m'enfoncer dans la nature profonde, songeant aux divinités anciennes qui vivaient encore en maître sur l'île crétoise. Sans écouter un mot des ordres qui hurlaient que je n'étais plus une enfant, mais fille placée dans un rang. Je devais suivre mon devoir. Que ces loisirs ne pouvaient devenir des passions, que je ne pouvais me comporter d'une telle manière qui impressionnait certains et provoquait la crainte à la fois.

La beauté et la finesse m'intéressaient pourtant, comme l'Olympe à son complet, et je m'accrochais à cette similitude pour étouffer cette âme sauvage qui m'envahissait à des instants inopportuns. La retenir au plus profond de moi et pour l'unique fois, je trouvais cette aide chez mon père qui était mécontent, jugeait cette autre moi non désirée. Les paroles mesquines, ressenties moqueuses ainsi que les regards foudroyants facilitaient la tâche pour contenir. Et nul ne le percevait à travers mes yeux.

Cela ne me fut d'aucune utilité, tous avaient déjà eu vent de moi, de mes transformations. Nul ne souhaitait que je ne m'approche. Inutile, étrangère et mal aimée pour ce qu'elle était. Maudite dont les rumeurs l'avaient précédée. Ignorée et jugée indirectement, rares étaient ceux qui me le claquaient à la figure avant qu'ils ne soient repris et tus. Mon cœur vrilla à ces souvenirs et le ressenti de ne pas avoir de place me saisit, humidifiant mes pupilles.

Je jetai un coup d'œil au fils de Loki. Son air mauvais me fit comprendre qu'il était de ceux à ne pas tourner sa langue dans sa bouche et sa sûreté me rendit jalouse. Il lui était permis d'agir comme bon lui semblait et laisser sa nature s'échapper. Il allait rendre mon séjour moins agréable, mais j'étais déterminée à ne pas lui accorder ce plaisir. Je savais quel type de personne il était désormais et j'espérais avoir les armes en main pour le battre.

Il m'avait donné une impression semblable à celle que nous ressentions en admirant un incendie. Un mal s'était éveillé et mon instinct se trompait rarement. Je gardais pourtant la possibilité qu'il n'ait pas été éduqué convenablement et que les faits eussent été mal interprétés. Je balayai cette hypothèse d'un revers de la main. Il valait mieux que je l'évite jusqu'à mon départ et je n'entendrais plus jamais parler de sa personne dangereuse et haïssable.

Je promenai mon regard sur les invités et ma gorge se noua, confirmant mes doutes. Cet enfant était le seul qui semblait avoir notre âge. Un frisson parcourut mes membres lorsque je compris que Zeus allait nous obliger à passer nos journées avec ce monstre. Un élan de panique me saisit, il devait bien y en avoir d'autres. J'analysai avec plus d'attention. Il était le seul. Il devrait y avoir un moyen d'éviter tout ceci.

Un plateau de bronze résonna dans mon crâne lorsqu'il fut posé face à moi avec une grande discrétion, calmant mes prises de tête. Je décidai de me centrer sur les plats succulents. Diverses sortes de viandes avaient été préparées, juteuses et à l'arôme enivrant, l'eau envahit mes papilles. Aurochs, sangliers, rennes, cerfs, mouton. Tout était au rendez-vous, accompagné des plantes cultivées. Mon sourire qui étira mes lèvres effaça mes doutes.

Les odeurs aussi délicieuses qu'une sucrerie des terres noires chatouillaient mes narines. Ne sachant par quoi débuter, je me servis du plat face à moi. Ma première bouchée ferma mes paupières pour savourer la sauce qui dégoulina au coin de ma lèvre que j'essuyai du pouce. Je mâchais avec lenteur pour savourer ce mets divin au sang qui coulait par sa cuisson légère.

Je goûtais de tout sans prêter attention à ceux qui m'entouraient, plongée dans mon univers. Je dégustais sans paraître une sauvage comme ma mère m'avait appris avant que je ne la quitte, se contrôlant par la grâce de l'argent. Je le savais pour l'unique raison que jamais ils n'avaient dû me l'apprendre.

La chair d'un lapin que je déchiquetais avec mes dents me rappela un voyage au bord d'une mer proche du croissant fertile. Terre des amazones, ces femmes craintes aux sociétés encore d'antan qui étaient devenues mes figures de référence. Leur grâce se mêlait à leur coutume guerrière et ce fut le seul lieu où j'eus la possibilité de chasser et toucher à une arme en toute équité. La Thrace possédait une plus grande égalité qui n'écartait pas les hommes comme les amazones, mais ses Mystères ne nous laissaient pas nous en approcher. Les divinités étaient sombres et craintes. Les amazones avaient été la seule réelle civilisation où je sentis le pouvoir que nous possédions autrefois et qui se perdait à mesure que la poussière d'or se fanait.

Depuis, l'idée de leur ressembler ne quittait plus mon esprit tout comme celui d'être telle une Walkyrie. Je souhaitais être un mélange des deux avec mes propres décisions et convictions.

J'essuyai ma bouche, presque satisfaite. Mon estomac avait encore une place que j'allais combler avec du cerf commun. Le plateau, bien que proche de moi, restait inatteignable et la personne qui pouvait me le passer n'était nul autre que cet être infâme. L'univers était donc contre moi, mais j'allais l'utiliser comme force.

Soyons donc aimables et sociaux et tentons d'établir une connexion amicale, espérant qu'une paix s'installerait entre nous et peut-être même qu'une amitié naîtrait ? Nous nous étions à peine rencontrés et moi-même m'étais empressée de le juger. Je m'étais peut-être trompée et un revirement de situation pouvait avoir lieu.

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