14. Arrivée [partie 1]
« Tell the truth and run,
Lie and stay until the truth is revelead»
À travers les arbres, les nuances rosées de l'aurore qui caressait le ciel se dessinaient avec l'harmonie de la nature tant chérie. Le soleil de sa puissante lumière dorée se démarquait de ces teintes qu'avait revêtue la voûte céleste. Ses rayons traversaient les arbres, créant des halos divins dans les bois cachés au jour. La lune, quant à elle, s'effaçait doucement, avec la lenteur de la perte. Un nuage solitaire se profilait au loin, avançant au gré du vent. Les oiseaux chantaient leur hymne depuis que la journée avait pointé le bout de son nez.
Entre mes mains, j'accueillis l'eau du bassin qui me faisait face et m'aspergeai le visage à maintes reprises. L'eau fraîche dégoulina le long de mon cou et de mon dos, provoquant des frissons qui m'éveillèrent. Mon esprit divaguait parmi les diverses pensées qui me tourmentaient, tourbillonnant sans s'aligner.
J'aspergeai une dernière fois mon visage avant de l'offrir aux caresses du soleil qui de ses doigts rassurants, réchauffait mon cœur. À l'aide de mes mains humides, je rejetai mes cheveux en arrière, les laissant chatouiller le bas de mon dos. Des petites piqures se profilèrent sur mon front, traçant de son fer chauffé ce qui m'avait marqué et propulsé.
– Qu'est-ce, cette cicatrice ?
Je sursautai, renversant la bassine qui tomba au sol, éclaboussant mes pieds. Instantanément, je pris le bout de tissu accroché à ma ceinture pour m'essuyer le visage et apercevoir mon interlocuteur qui par le ton de sa voix astucieuse, ne m'était pas inconnu. Mon visage apaisé perdit de son éclat lorsque je plongeai mes yeux dans ceux d'Hippolyte.
– La cicatrice sur ta tête, qu'est-ce ? insista-t-il d'une curiosité non feinte.
Instinctivement, je frôlai du bout des doigts la source de la douleur qui s'était dissipée dès lors que ma chevelure l'avait dissimulée.
– Rien qui ne te concerne, répliquai-je, d'un ton aigre. Que fais-tu ici de si tôt ?
Il leva un sourcil, étonné de cette attaque venant de ma part, mais j'étais furieuse pour l'unique raison qu'il m'avait menti. Lorsque la langue restait nouée et que des paroles attendrissantes étaient formulées par les lèvres, l'huile qu'elles jetaient pour se protéger venait nourrir ma colère. Et non leurs barrières.
– J'avais cru comprendre au lever du soleil, répondit-il, tendu.
– Tu es à l'heure pour un prince.
– Tu es bien désagréable pour la déesse de la chasse dont l'éveil tôt ne devrait pas poser de problème.
Un ricanement forcé s'échappa avant qu'il ne se taise et que je le fixe, les bras croisés. Mes yeux étaient si sombres, qu'il recula d'un pas sans pour autant qu'il ne tremble face à moi. Il ne détourna pas son regard, accentuant la perte de contrôle qui menaçait d'éclore de ses pétales. Je pris une grande inspiration et calmai mes ardeurs pour reprendre d'un ton posé, mais impérieux.
– Te plains-tu après tout ce que tu as commis ?
Ses traits se déformèrent et il devint livide. Sa respiration s'accéléra, asséchant ses lèvres. L'effroi s'était emparé de lui, la panique même, et je le vis chercher ses mots, saisit de court. Un rictus au coin apparut.
– Artemis, je peux tout t'expliquer, commença-t-il, mais je le coupai dans son élan dans le but de lui faire comprendre que je possédais sa parole.
– Je l'espère bien, car je me le demande, comment ai-je pu être suffisamment idiote pour avoir cru à ton mensonge lorsque je savais que le véritable fils de Thésée était bien plus jeune ? Un simple cousin qui porte pour des raisons que j'ignore le nom de son unique fils.
Il reprit en couleurs, laissant échapper un soupir qui s'approchait du soulagement, sans pour autant que son sourire empli de malice n'apparaisse. Au contraire, je voyais que ses yeux revêtaient encore le voile de la peur accompagnée d'une teinte navrée qui fit abaisser la température de mon corps.
Je me sentis rassurée, et laissai la place au doute d'une gravité exagérée. Il ne fallait pas que je me laisse emporter et y mettre une fin avant d'écouter. Bien que cela m'était difficile, je me sentais prête à entendre sa défense et un sourire léger se dessina sur mes lèvres avant qu'il ne disparaisse du bout de l'ongle glacial d'un souffle d'au-delà.
Il avait blêmi à ma première accusation, avant de reprendre des couleurs à l'entente de mes explications. Il devait penser que j'avais découvert notre lien de Chios, du moins, je l'espérais. Les actes s'étaient posés calmement au fond de la mer agitée. Je n'avais aucune raison d'être sur mes gardes, mais ne pouvais pas me l'empêcher.
– Je t'expliquerai tout en détail si tu le souhaites, reprit-il, me tirant de ma torpeur paranoïaque. Si tu veux bien me conter le passé de cette cicatrice, insista-t-il.
– Il ne s'est rien passé, grognai-je presque, le mettant en garde qu'aller plus loin n'était pas conseillé s'il voulait survivre.
Et je doutais que le jeune homme prenne un tel risque après avoir perçu l'éclat de la mort il y a deux lunes. Lorsque son pacte ne tenait qu'à une cicatrice à la goutte qui coulait doucement, s'ouvrant sous l'assaut d'une lame invisible.
– Elle ne veut tout simplement pas avouer qu'un sale gamin doublé d'un égocentrisme hors pair et idiot au plus haut point lui a fait cela. Je peux ajouter quelques mots moins délicats si tu le souhaites, le chasseur, persifla une voix aiguë.
– Skotia, je t'en prie, nous n'avons aucune envie de profiter de tes paroles emplies de sagesse, m'exclamai-je, agacée, levant les yeux au ciel tout en me retournant pour faire face à mes deux sœurs.
– Tu as oublié, Skotia, que c'est lui qui a permis à Artemis de se libérer de ses liens étant donné qu'il lui a ouvert les yeux, malgré tout, ajouta Phoebe.
– Je ne peux nier que tu as raison, sinon elle serait restée dans un palais vivant la vie de tant d'autres. Un couteau éveille lorsque les tendresses endorment, mais une chose n'empêche pas l'autre. Il était mesquin.
– Skotia, je pensais qu'en tant que fille d'Hécate tu étais bien placée pour respecter les morts, en particulier les enfants.
De mes yeux sombres, je l'accusai, refusant d'attirer les regards de ceux qui pensaient que je protégeais les enfants. Mais je n'hésitais pas à tracer du bout de l'ongle des griffures sur les peaux, comme le pensait la sorcière. D'une désinvolture propre, Skotia joua des épaules, indifférente et déterminée à ne pas revenir sur ses paroles.
– Une vérité en est une, s'exclama-t-elle, enjouée. Je n'ouvrirai jamais un portail, je ne suis pas idiote à ce point.
– Avec l'agacement que tu leur mènes, je doute fortement qu'ils répondent à ton appel. Par contre, je suis certaine qu'ils n'hésiteraient pas à venir te rendre la pareille.
– Ils me craignent trop pour cela, et j'ai plus d'un tour dans mon sac. Ma mère maîtrise bien les ombres, susurra-t-elle. Il est mort et restera où il est. Il ne reviendra pas, Artemis.
– Mort ? nous interrompit Hippolyte, nous scrutant tour à tour, désemparé par ces paroles volées.
– Je crois que nous n'avons pas eu l'occasion de nous présenter, beau prince. Je me nomme Skotia, débuta-t-elle, posant une main sur sa poitrine. Fille d'Hécate et d'un Scythe. Je suis sorcière, rien de plus, ou de moins.
Fidèle à elle-même, elle intimida l'homme, et scrutait avec avidité sa réaction de ses pupilles pétillantes d'intelligence. Au regard que lui lança Hippolyte, il n'y avait pas le moindre doute flottant dans les airs qu'il avait deviné son jeu. La sorcière était plus sage qu'elle ne le laissait paraître et je sus que cela déplairait à Skotia de l'apprendre.
Elle qui avait berné tant d'hommes avant de les laisser planer entre les vents, seuls, hypnotisés. Skotia avait usé de sa voix nette et suave comme un serpent pour lire en lui, mais la grimace qu'elle affichait m'informa qu'elle était en plein échec. Elle changea de position pour le déstabiliser, en vain. Il la fixait avec courage, ce qui l'amusait.
Était-il apeuré et le cachait-il bien où tout simplement, ne craignait-il pas une simple sorcière ? Elle restait un être de la nuit, réservée et mystérieuse dans ses paroles. Ces quelques instants d'échange furent coupés par Phoebe qui s'exprima.
– Je suis Phoebe, une nymphe d'origine du fleuve qui coule vers les mers du nord, commença-t-elle, d'une voix cristalline. Bien que je vienne de la forêt noire, j'ai passé un tiers de ma vie en terre Amazone suite à l'exil de la guerre des forêts, avant de venir en Grèce.
Elle lui sourit avec innocence sans déceler ses abysses obscurs, lui accordant une confiance aveugle comme elle en avait l'habitude, et le secret. Phoebe était si clémente envers lui, que Skotia roula des yeux. Elle n'appréciait pas les hommes, les dénigrait, mais n'hésitait pas à les provoquer avec sensualité pour les mener dans un jeu qu'elle ne terminait jamais. Il était difficile de la percer sans connaître son point faible, contrairement à Phoebe qui révélait tout à la surface, toujours sur la même longueur d'onde et d'une innocence timide.
– Cher chasseur, revenons au sujet principal, s'extasia Skotia comme elle en avait l'habitude lorsqu'elle débutait son jeu. Si tu veux connaître Artemis et la percer à jour, ce qui te prendra du temps sans que cela soit impossible. Même si ta courte existence ne te laissera pas suffisamment de temps étant donné que notre sœur est impulsive, je te conseille d'écouter attentivement, finit-elle sans même reprendre son souffle.
– Skotia ! l'arrêtai-je, menaçante.
– Navrée Artemis, je pense qu'il vaut mieux qu'il ne meurt pas de sitôt, car je ne veux plus t'entendre sangloter, me dit-elle crûment, ce qui fonctionna.
– Artemis, je suis désolée de l'admettre, mais Skotia a raison. Il devrait te connaître comme les autres chasseresses te connaissent pour ne pas faire un faux pas, tenta la nymphe, se mordillant la lèvre. Tu te connais.
– Sinon il va sauter d'une falaise, même si nous en saurions amusées pour quelques jours. Et j'ai toujours raison, il est temps que vous l'assimiliez.
Un sourire apparut sur son visage lorsqu'elle redressa doucement l'un de ses sourcils noirs, agrandissant ses yeux qui étincelèrent sans pour autant devenir ronds comme ceux de la nymphe. Son doigt formait des symboles dans les airs, délicats et à peine visibles, mouvant à peine son corps pour nous démontrer sa victoire.
– Je vois que tu es aussi égocentrique que l'enfant mort ?
– Tu m'as parlé le chasseur ? Tu as la chance que je ne sois pas Artemis, mais je ne compte pas m'amuser avec toi, répliqua-t-elle, faisant voler ses cheveux, le mettant en garde. Je ne prends pas de haut, tu finiras par le voir, car tu te soumets aux lumières, contrairement à la nuit qui est plus bénéfique pour surprendre.
– Je suis toujours présent et ne parlez pas comme si j'étais absent. Et qui te dis que j'appartiens au jour, sorcière ? la provoqua-t-il, sourire au coin, mais visage fermé.
– Je pense que tu n'as pas compris. Tu n'as pas ton mot à dire sans que tu en aies l'autorisation. Je vois que ce n'est pas dans tes habitudes, mais apprends vite à te taire et à cacher ton jeu.
– Puis-je raconter ? questionna Phoebe, coupant cet incendie qui naissait. J'adore les légendes !
– Je ne compte pas dire un mot de mon histoire, et Hippolyte, cesse de sourire. Je ne te dévoilerai pas tout, finis-je, préférant soudainement partir. Je vais me changer, pour la chasse, ajoutai-je, déterminée à ne pas écouter à nouveau un récit que je connaissais déjà, et qui me laissait souffrante.
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