11. Pacte [partie 2]
We are who who are
When no one's watching
Un rayon de lumière éclaira mes yeux, pailleté d'or. Il me mena jusqu'aux chasseresses dont l'humeur maussade déteignait sur les oiseaux qui s'envolaient au loin, piaillant de mécontentement. L'ultime question me brûlait les lèvres. Celle que j'étais réellement à cet instant fatidique, et si c'était bien ma place.
Au plus profond de moi, j'avais l'impression que ce choix me transformerait et l'espoir de trouver l'équilibre éclaira un court instant mon sourire aussi turbulent que les vagues qui détruisaient les bateaux sur les roches pointues auprès des côtes si lointaines et accueillantes qui tendaient leurs bras condamnatoires. J'avais une chance de retrouver l'Olympe comme allié et non ennemi prêt à m'enchaîner au Tartare.
Les sentences n'épargnaient pas, et bien que les divinités étaient dépourvues du fil mortuaire, un destin rouge était tracé. J'y croyais. Nous étions des dieux condamnés à nos pulsions, tout comme eux aux nôtres.
Les cordes qui maintenaient Hippolyte prisonnier brûlèrent sous ses yeux et les cendres se mêlèrent à la poussière de la terre. Je le vis déglutir lorsque nos yeux se croisèrent, appréhendant son sort. Désormais, son destin était entre mes mains, et la mort pouvait en être l'issue.
– Je t'accepte, finis-je par rompre le silence suant.
– Merci.
– Ce n'est pas tout, repris-je fermement le voyant relâcher ses épaules tendues. Je te propose un pacte, précisai-je et je vis son échine se hérisser. Tu ne t'approcheras d'aucune de mes chasseresses, tu ne flirteras pas, tu n'espionneras pas qui que ce soit. Tu n'as le droit à rien si ce n'est ce que je te dirai de faire. Désormais, tu m'es voué corps et âme. En échange de ta bonne foi, tu seras placé sous ma protection à l'unique condition que tu respectes les termes. Enfreins une règle et tu mourras, finis-je, tranchante.
– J'accepte et respecterai, lâcha-t-il rapidement avec un élan de désespoir pour clore le pacte qui ne serait pas marqué par le sang.
– Je l'espère pour toi, répondis-je sans m'empêcher de sourire devant son désarroi et son manque de contrôle de la situation qu'il semblait rarement perdre. Je te veux après demain, ici, au lever du soleil.
– Pourquoi pas demain ? questionna-t-il avec une certaine audace dont l'habitude ne me fit pas répliquer une quelconque menace.
– Je parlerai à ton père, l'informai-je pourtant pour le rassurer, et il blêmit. Je te conseille de rentrer chez toi avant que je ne change d'avis, je suis sous un bon jour, ordonnai-je, sentant peu à peu l'once de remords effleurer mes pupilles qui se teintaient à cause de mon instinct qui m'avait dicté ce choix.
Les yeux plongés dans les siens, un frisson parcourut tout mon corps de part et d'autre, me réchauffant d'un élan de chaleur aussi doux que les brises en plein été. Il se releva, déconcerté par cette opportunité qui avait jailli de mes lèvres dans un espoir que tous pensaient vain. Je me demandai moi-même ce qui m'avait prise de l'accepter avec la rapidité d'une lionne qui attaquait un cerf, jaillissant d'une colline pour s'abattre sur sa proie qui n'avait pas vu venir son exécutrice.
Ma conscience se mariait aux avis de toutes les autres et parfois me susurrait de le tuer, mais j'avais joué le silence méconnu des bois suivant encore une fois ce cœur muni d'un instinct qui se voulait sans faille. J'espérais ne pas regretter.
Je le vis disparaître entre les bois, me jetant un dernier regard empli de gratitude que je n'arrivais pas encore à saisir. Ses yeux si charmeurs semblaient cacher des sombres secrets tout comme ma retenue cachait l'ombre qui me talonnait.
Le vent glacial qui s'était posé devint doucereux, effleurant mes cheveux comme des caresses. Le destin soufflait sa fierté à mes oreilles et sa joie prévoyait le ciel de demain recouvert de nuages au pelage des panthères noires abattant ses larmes aussi poignardantes que la glace sur terre tout comme le bleu azur apaisant et les rayons de l'astre du jour sans nuit réchauffant les cœurs meurtris.
– Artemis, cesse donc de fixer la forêt d'une manière si profonde, nous pourrions croire qu'il te manque déjà ! me taquina Phoebe de sa voix aussi douce que les champs de blé.
– Elle nous écoute, bien que cela va au-delà de nos conseils, ajouta sans retenue Skotia sous-entendant des faits qui me firent grimacer.
– Une amitié avec un homme ? Vous pouvez toujours rêver, répliquai-je pourtant d'une voix tremblante. Ce n'est qu'un pacte pour nous protéger, tout au plus une alliance pour ne froisser quiconque.
– Ne dit-on pas que les rêves se réalisent si on donne du sien ?
– Je n'entrerai pas à nouveau dans cette conversation, finis-je tournant mon regard sur les cimes des arbres, me laissant aspirer par la quiétude des lieux.
– Cela se voit tant que tu n'as fait que fuir à la place de découvrir et vivre ta vie, continua Skotia de son ton désinvolte.
– Je suis la reine d'une communauté qui accueille toute femme qui ne souhaite plus la compagnie des hommes. Nous sommes des chasseresses.
– C'est pour cela qu'un chasseur nous rejoint, ironisa la fille d'Hécate, fidèle à elle-même, mais je n'allais pas tomber dans son jeu, et me muai dans le silence.
– Je dois être d'accord avec Skotia, tu devrais profiter plus à la place de te retenir. Tu as obtenu ta liberté, après de rudes combats et pertes, tu as traversé un champ de bataille, mais tu es chez toi, affirma-t-elle sans connaître toute la vérité et le voile recouvrit les souvenirs qu'elle venait d'éveiller. Tu connais la légende, tu ne peux pas échapper à un pouvoir plus grand que les dieux eux-mêmes, le ruban rouge sera toujours sur tes pas et te suivra, qu'importe le chemin, m'affirma de sa voix caressante la nymphe, sortant ces mots d'une légende dont j'avais oublié l'existence, et sans le moindre lien avec cette vie qui pourrait attirer les regards.
– Phoebe, je ne vois pas de quoi tu parles.
– Cesse de te mentir à toi même, ricana Skotia. Apprends à faire la paix, à ta manière.
– Je ne vais pas jouer Skotia, oublie cette idée. Pourquoi ne pas avoir rejoint les amazones ? demandai-je enfin, et je la vis se tendre.
– Leur mode de vie ne me plaisait pas, fut son unique réponse très directe. Et elles étaient trop proches de mon peuple.
– Tu nous as choisis, je choisis également malgré ce que les personnes peuvent penser.
– À toi de voir, chérie, mais tu n'es pas celle que tu prétends être. La plus grande des quêtes n'est pas de franchir mers, montagnes et plaines. Elle est bien plus près de nous, elle est en nous. La plus grande des quêtes est de nous trouver, savoir réellement qui nous sommes et cela peut prendre des années.
– Je suis très bien ici ! criai-je hors de moi.
Je sentais dans mon cœur les ronces se tordre, perçant mes muscles qui prirent feu devant ses paroles que je craignais et fuyais tant. Je me battrais pour les saisir, mais je n'avais aucune envie qu'elles soient impliquées dans ma vie que je peinais déjà tant à dissimuler. Je n'étais que glace, déterminée à aller de l'avant malgré les conséquences. Pourtant, la pointe de la flèche se retournait toujours contre moi, pesant comme mille chars d'or sur mes épaules qui avaient déjà tant traversées.
Un jour ou l'autre, je céderais et d'ici là, je ferais mon possible pour ne jamais fléchir les genoux. Je me sentais à ma place et affronterais tous ceux qui souhaiteraient m'en ôter la possession. Je ne vivais ni en plein jour ni en pleine nuit bien que la lune soit mon emblème.
Les sentiments puissants qui m'envahissaient se mélangeaient en moi, créant une tempête impulsive. Ils aveuglaient mon esprit qui n'était plus que dicté par cet instinct qui dans ces moments de perte, je m'en délectais et lorsque je m'éveillais, je ressentais à nouveau. Et tout ce que j'avais fui pour une nouvelle vie, me retenait encore.
Malgré le choix de ce royaume, je me sentais incomplète. Dans ma poitrine, un trou béant qui menait au chaos des ténèbres hurlait sa peine dans mon âme, l'avalant chaque jour du levant et couchant, sans se soucier de l'humaine en moi. Les liens desquels je m'étais libérée ne m'avaient amenée qu'à m'entortiller dans les ronces cruelles desquelles je tentais de jaillir en lumière sans que l'ombre ne m'embrasse.
Je vivais dans un labyrinthe aveuglant où chaque pas franchissait un obstacle du destin. Paraître sans cœur était le seul moyen de cacher l'âme tourmentée, mais j'aimais ce chaos.
– Une étrange impression traverse tes yeux, et tu ne t'en rends pas compte. Quelle fut celle qui te vint à l'esprit la première fois ?
Prise de cours et encore envoûtée par ces hypnotisantes pensées qui me faisaient balancer entre deux gouffres, indécise au fond duquel me laisser choir ou m'élever, je réfléchis quelques instants encore absente avant de lui donner ma réponse évasive.
– De l'avoir déjà vu, avouai-je papillonnant des paupières et le rire amusé de Skotia retentit.
– Et tu ne l'as pas reconnu ? Toi qui ne le portais pas dans ton cœur, me murmura-t-elle à l'oreille tandis que je fixais les feuillages. Votre lien semble indissoluble.
Je frissonnai lorsque je sentis sa magie s'insérer en moi, libérant certaines portes de ma mémoire, laissant libre cours aux souvenirs si proches de ce que je souhaitais oublier à jamais.
– Vous avez raison, articulai-je tremblante. Je le connais.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top