10. Observations [partie 1]

« If your life just got

a little bit harder, that probably

means you just levelled up»


Les jours s'écoulaient et les nuits leur succédaient. Monotones, indiscernables si ce n'était la tension qui ne cessait d'augmenter dans le cœur des chasseresses. Je la ressentais sans réussir à y remédier, toujours bloquée dans la partie ombrée avec l'interdiction de soulever le voile qui dissimulait la vérité.

À travers les pans, il m'arrivait d'apercevoir des traits de ce danger. Le plus marquant fut le cadavre d'une jeune fille qui avait été violée et retrouvée au nord du royaume. La première d'une série, toutes tuées d'une manière identique.

Le corps lacéré, les vêtements jetés aux alentours et devenus haillons tâchés de sang, les yeux globuleux et le visage dévêtu de couleur. La puanteur du corps appelait à la découverte de la victime et il était même arrivé que la peau ait été tant labourée que les organes s'en échappaient, étoffant les touffes d'herbes. Les entailles barraient la terre mère et sa fille. Un bras ou un membre pouvait être trouvé dans un coin et les os brisés en mille morceaux n'étaient pas anodins.

Le danger était bien plus menaçant que nous le pensions et je jouais seule. Les chuchotements bien que devenus hauts et forts n'étaient pas suffisants pour que tout s'officialise. Un monstre rôdait, proche des frontières avec le monde barbare. Dissimuler les faits semblait la meilleure option pour le peuple qui déciderait de combattre uniquement lorsqu'il serait suffisamment enfoncé chez nous. Pourtant, certains murmuraient à la beauté sauvage telle une lionne plus grande que la moyenne.

Ils se trompaient. Un viol et des griffes, des traces humaines et animales. Cela ne faisait aucun doute quant à la véritable nature que j'avais déjà affronté. Un métamorphe, un être supérieur aux simples humains et mortels.

Les précautions avaient été de rigueur et bien que nous ne tuions pas par décimation d'espèce, le plaisir de la chasse s'était dissipé et aucune bête suffisamment suspecte n'était tombée. Le pressentiment qui m'habitait de temps à autre, l'impression d'être observée par un animal qui me suivait et les formes qui se mouvaient dans les buissons ne m'avaient pas permis de l'apercevoir. Et sans peine, j'avais deviné que les chasseresses le voyaient dans l'ombre sans jamais l'atteindre.

J'étais suivie, et la certitude que ce n'était plus Hippolyte, mais le danger, envahissait mon esprit qui par mégarde, s'était saisi d'armes supplémentaires lorsque je parcourais les bois à la recherche de tranquillité et de preuves. Les cadavres, les murmures du danger et la bête qui me suivaient étaient si liés que j'hésitais à tout révéler en plein jour aux risques et périls de provoquer un incendie. Pourtant, si la situation s'avérait plus grave de ce que je le pensais nous étions tous en danger de mort. Je restais indécise.

– Ton tour ! cria une voix pleine de vie à mes oreilles, et je devinai que ce n'était pas la première fois que Phoebe tentait de me sortir de mes pensées.

Je saisis l'une des pièces d'ivoire et la déplaçai sur le plateau d'une mine distraite, encore plongée dans mes profondes réflexions.

– Raconte-nous pourquoi es-tu si... soucieuse et différente ces derniers temps, Artemis.

Je relevai le regard, faisant mine de réfléchir, mais les yeux violets de Skotia et son sourire empli de sous-entendus me dirent qu'elle avait deviné quelque chose. Assise dans ma tente, face à un plateau de Senet, je n'avais pas la possibilité de fuir son interrogatoire. Phoebe étant mon adversaire, elle ne me viendrait pas en aide. Trop absorbée par le jeu et par son prochain mouvement.

Les cheveux blonds et bouclés qui lui tombaient le long de son dos traduisaient ses origines du continent, sans appartenir aux nordiques. Elle restait dans le domaine des immortels des forêts, aux abords du fleuve qui montait vers la mer du nord. Ses yeux couleur miel brillaient d'une lueur divine, elle était après tout mi-nymphe.

Elle me rappelait sans cesse ce qui était arrivé. La guerre opposant les dieux de l'Olympe à ceux d'Asgard n'avait, certes, jamais eu lieu et l'une des raisons fut l'autre guerre communément nommée la guerre des forêts. Les puissantes divinités du nord à ceux du continent qui souhaitaient s'émanciper, quand bien même les habitants continuaient à prier ces génies.

Ils gagnèrent suite à de violents combats sanglants, à plusieurs petites guerres d'identités qui se succédaient, obligeant des familles à fuir, dont celle de Phoebe. Elle avait migré comme d'autres au bord de la mer noire, se mêlant aux Scythes, suivant une vague tandis que d'autres commençaient à s'attaquer à la Grèce elle-même, mais nous défendions nos frontières. Le village de Phoebe était parvenu même jusqu'aux amazones.

Affalée à quelques pas sur des peaux confortables, s'occupant de ses ongles avec lassitude, Skotia nous observait de temps à autre jouer, nous lançant des regards furtifs. Fille d'Hécate, elle maîtrisait la magie et l'Éther comme moi les visées. D'origine justement Scythe, mais bien plus lointaine, proche des terres de glace et de l'Asie bridée. Elle possédait les longs cheveux noirs raidis par le froid et le vent des steppes. Ses yeux en amandes étaient d'origine des abords de cette mer noire et même de la petite.

La sorcière avait le sens de la répartie aussi aiguisée qu'un poignard. Elle avait fui son village pour des raisons obscures et sa sagesse de la vie était telle, qu'elle connaissait tout sur tout. Elle perçait les secrets sans aucune forme de difficulté et préférait connaître l'ennemi du premier coup d'œil sans compter sur la supériorité de ses pouvoirs ainsi que de son nom. Elle me disait toujours que pour les percer à jour, il fallait suer sur le sombre chemin et verser le sang de la souffrance.

Toutes les deux ne se ressemblaient en rien, le jour et la nuit, les contraires parfaits. Cheveux épis de blé, yeux dorés et peau légèrement brûlée par le soleil contre des cheveux noirs nuit, yeux violets et la peau spectrale. Caractère doux contre un piquant. Pourtant, nous étions sœurs de cœur et nous entendions à merveille.

Phoebe se décida et de ses doigts fins, elle saisit l'un de ses pions.

– Artemis, ma chérie, parle donc, me rappela Skotia à l'ordre de sa voix perçante. Des jours que tu es distante et en particulier rêveuse. Tu changes de face lorsque les visages te rapportent que cet inconnu persiste à pénétrer notre territoire. Pourquoi la déesse vierge de la chasse se préoccupe-t-elle d'un simple mortel ?

– À vous de me le dire en commençant par ce mystère, l'attaquai-je, mais elle ne se laissa pas toucher.

– Tu n'as jamais voulu engager une conversation suffisamment sérieuse pour que nous prenions en compte ta demande, mais je vois que tu es en colère que nous touchions le sujet. Tu étais plus agréable avant.

– Je suis inquiète, avouai-je sans lui jeter un regard, effectuant mon mouvement. J'ai compris que face à cette nouvelle épreuve du destin, je dois jouer seule. Il y a une bête sur mes terres qui m'est inconnue et qui assassine des jeunes filles, les violant. C'est un message à mon intention, je l'ai reçu sans en connaître les raisons.

– Je suis consciente que tu n'abandonneras jamais un combat, mais tu n'es pas seule.

– Je le sais, mais vous ne me dites rien. Sans oublier Hippolyte, je ne sais que penser de lui et je suis hors de moi ! criai-je avant d'ajouter entre mes lèvres : et je n'arrive pas à poser de mots sur ce que je ressens en sa présence si ce n'est la haine.

– Il hante ton esprit plus que le loup, ajouta Skotia avec indifférence tout en captant mon attention.

Je l'observai, cherchant son regard pour mieux connaître ses sentiments intérieurs, mais elle était toujours concentrée sur ses ongles qui revêtaient la couleur pourpre du vin. Elle avait su attirer mon intérêt sur elle et délaisser le plateau.

N'hésitez surtout pas à me laisser votre avis et même si il est négatif! Si vous voyez des fautes (orthographes, grammaires, syntaxes etc.), vos remarques sont les bienvenues! Et un petit vote n'est qu'un petit geste😊

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top