Traits de fusain




Aujourd'hui on se retrouve pour l'os écrit part KUKIHIME ! Bonne lecture ~

TRAITS DE FUSAIN

Jiwon était habituée aux traits de fusain. Elle aimait les nuances de gris et de noir qu'elle créait, les paysages, les animaux, les mondes monochromes qu'elle esquissait. C'était son père qui l'avait initiée très tôt à cet art, et qui avait tenu à ce que sa fille s'y plonge le plus vite possible. Jiwon s'était prise de passion pour cette technique, souvent délaissée dans tous les ateliers artistiques auxquels elle avait participé, ou même pendant ces cours d'art plastique. Elle aimait la couleur que le fusain laissait sur ses feuilles et ses doigts, son odeur, et le grain si particulier qui lui donnaient tout son charme. Elle était incapable de dessiner avec autre chose, c'était elle qui aimait le clamer haut et fort, et n'avait donc jamais quitté son premier amour. Pourtant, Jiwon avait un don, tous ses professeurs en art en avaient été convaincus.

Quand elle avait quitté le lycée, et s'était lancée dans cette filière si imprévisible qu'était l'art, la jeune femme avait bien dû se rendre à l'évidence : elle ne pouvait continuer à rester sur la même matière. À regret, elle avait acheté des peintures, des crayons, des pinceaux, des encres colorées... Mais jamais elle n'avait réussi à obtenir les mêmes résultats qu'avec ses fusains. Finalement, Jiwon brillait dans les classes libres, où la technique était au choix. Elle ressortait sa vieille boite offerte par son père, et esquissait monts et merveilles, sous le regard éberlué de son professeur.

Et aujourd'hui, la nouvelle était tombée ; ils passaient aux modèles vivants. Jiwon avait été surprise, dans le bon sens : jamais depuis qu'elle avait débuté le dessin, elle n'avait eu le plaisir de se prêter à cet exercice. Tous les jeudis pendant deux mois, plusieurs modèles se suivraient, et les élèves pouvaient aux choix en sélectionner un, afin de le dépeindre de plusieurs façons différentes. À la toute fin, les œuvres seraient exposées dans le hall, et une sélection serait faite pour récompenser les plus belles œuvres. Et Jiwon aimait l'esprit de compétition. Elle aimait se sentir challengée, sans pour autant se mettre une pression terrible comme certains étudiants. Elle y voyait là l'occasion de progresser, de repousser ses limites. Et des modèles vivants, de véritables personnes, Jiwon n'en avait jamais dessiné. Elle connaissait l'anatomie humaine, comment dessiner les différentes parties du corps, mais l'exercice du modèle imposé était nouveau.

– Je vous laisse retourner à vos places ! Dans quelques minutes, les modèles volontaires arriveront, et se présenteront à vous ! Je vous inviterais donc à vous approcher de celui ou celle avec qui vous souhaitez collaborer, annonça leur professeur.

Impatiente, Jiwon noua ses cheveux en une queue de cheval brouillonne et tapota sur son bureau du bout des doigts. Elle n'avait pas d'envie particulière, juste de trouver le modèle qui saurait lui faire ressentir un minimum d'émotions à retranscrire sur ses grands carnets. Quelques minutes plus tard, une petite poignée de jeunes gens rentra dans la salle, et s'installa les uns aux côtés des autres, en brochette face au reste de la salle. Immédiatement quelques murmures s'élevèrent, les regards accrochèrent chaque nouveaux et nouvelles venues avec intérêt. Jiwon, elle, trouva immédiatement son modèle. Cela lui avait semblé comme une évidence même lorsqu'elle était rentrée dans la classe. Le premier modèle parla, puis le second, et elle n'écouta que d'une oreille distraite. Dans sa tête, les ébauches de ses futures esquisses se dessinaient déjà.

– Je m'appelle Jo Serim.

Elle avait une voix plutôt aiguë, pas forcément agréable à la première écoute, mais Jiwon s'en moquait. La dénommée dégageait quelque chose de suffisant pour piquer sa curiosité, et son envie de la dessiner sous tous les angles. Jo Serim avait une année de moins qu'elle, elle aussi dans les études supérieures. Elle avait sauté une classe dans sa jeunesse, avait une passion pour les galeries d'art, la poésie et la nature. Jo Serim avait une frange épaisse, des cheveux orange corail particulier, un visage rond et de grands yeux. Elle portait une tenue très colorée, à l'image de ses cheveux, et de nombreux bracelets en tissu au poignet gauche. Elle avait un visage plutôt atypique, très maquillé, que Jiwon trouva parfait pour ce qu'elle avait en tête. Son sourire était doux, son rire dégageait quelque chose d'agréable, en clair, aux yeux de Park Jiwon, Jo Serim était le modèle parfaite pour leur projet de modèle vivant.

– Je vous laisse donc faire connaissance ?

La voix de son professeur la ramena sur terre. Autour d'elle, les élèves s'étaient levés pour aller à l'encontre des modèles, et Jiwon les imita. À son grand soulagement, bien qu'elle se sentît aussitôt désolée pour elle, elle fut la première et la seule à se diriger vers Serim. Cette dernière la regarda avec étonnement, comme si elle se demandait si Jiwon ne s'était pas trompée en venant vers elle.

– Je m'appelle Jiwon, et je serais honorée de te prendre pour modèle.

– Avec plaisir !

Un nouveau sourire étira son joli visage.

– Quelles techniques utilises-tu pour dessiner ?

– Du fusain !

Les sourcils de la jeune femme en face d'elle s'arquèrent légèrement.

– C'est tout ?

– Eh bien, oui. Les fusains sont les matériaux avec lesquels je suis le plus à l'aise.

– D'accord !

Elle semblait tout de même confuse, mais ne la rembarra pas. Elles se dirigèrent en suivant vers le professeur pour acter leur toute nouvelle collaboration, et ce jour-là, Jiwon retourna chez elle le sourire aux lèvres : ses jeudis allaient devenir nettement plus intéressants, elle en était convaincue.

De jolies nuances de gris et de noires se mélangent dans sa tête.

De beaux traits de fusain.

·¦¸

Jiwon avait attendu jeudi avec une grande impatience. Serim était arrivée à l'heure, avec des habits tout aussi colorés que la première fois qu'elles s'étaient rencontrées. Elle était tout aussi impatiente qu'elle de commencer, et Jiwon en était d'autant plus heureuse : son modèle – contrairement à certains – semblait poser pour le plaisir.

– Je vais poser ici ? C'est un peu triste comme endroit, non ?

Jiwon haussa un sourcil, et esquissa un sourire, voulant la rassurer. Oui, leur salle de classe était bien monotone, avec ses murs unis et sa décoration minimaliste, mais elle avait bien d'autres projets en tête.

– J'ai besoin d'un fond vierge, j'inventerais quelque chose tout en dessinant, répondit-elle.

La réponse eut l'air de convenir à la jeune femme, qui s'installa donc sur le tabouret que Jiwon avait disposé pour elle.

– Comment dois-je me tenir ?

– Comme tu te sens le plus à l'aise !

Serim se redressa et croisa les jambes, un immense sourire sur le visage.

– Tu te sens de sourire pendant des heures ? Nous ferons des pauses évidemment, mais -

– Aucun problème là-dessus !

Le sourire de Jiwon s'agrandit ; elle avait fait le meilleur choix de modèle possible.

Elle força le trait

Fusionnant ses nuances anthracite et béton

·¦¸

– Pourquoi tu ne mets jamais de couleurs dans tes dessins ?

Jiwon haussa les épaules en guise de réponse. En face d'elle, la jeune femme semblait désireuse de savoir. Cependant, elle ne répéta pas sa question, sentant sans doute qu'elle n'obtiendrait pas de réponse. Jiwon n'avait jamais été bavarde pendant ses sessions de dessins. Elle était si concentrée qu'elle avait tendance à en oublier tout ce qui l'entourait, excepté son modèle.

– Si tu préfères que je vienne habillée tout en noir..., rouspéta gentiment Serim.

– Surtout pas, non, souffla Jiwon.

Les couleurs de Serim étaient les seules qu'elle côtoyait vraiment. Surprise, mais pas désagréablement, l'autre jeune femme lui promit qu'elle ne cesserait jamais d'en porter pendant leur séance. Jiwon aima du fond du cœur ce deuxième jeudi avec elle.

Elle avait un visage gracile et agréable à esquisser,

Même en monochrome, ses couleurs semblaient percer le papier.

·¦¸

Serim se pencha sur ses dessins, les sourcils arqués.

– Que vas-tu faire dans le fond ?

– J'ai mes idées...

– Tu ne veux pas me les confier ?

Jiwon lui jeta un regard malicieux, et haussa des épaules.

– Je voudrais t'en faire la surprise.

– Oh, que de mystère... Je n'en attendais pas moins de toi, rigola Serim.

– Comment ça ?

En face d'elle, la fausse rousse se mit en place pour leur session du jour.

– Je connais déjà un peu tes travaux... Tu sais, j'étudie ici, j'ai déjà vu les travaux des étudiants de ta session exposés dans le grand hall.

– Oh ?

– J'avais très envie de rencontrer celle qui avait réalisé mes favoris.

Jiwon se sentit rougir de gêne.

– Mais là, c'est encore mieux, je suis ton modèle.

– Qui l'eut cru, bafouilla Jiwon qui ne savait plus vraiment quoi penser.

Elle se mit au travail, sans lâcher un mot de plus. Ce fut Serim qui combla le silence, et Jiwon la laissa faire, espérant que la gêne qu'elle avait ressentie se dissipe plus rapidement. Aujourd'hui Serim avait un joli maquillage sur les yeux de belles teintes orangées et rosées qui se mariaient à merveille avec son teint angélique.

Ces teintes elle les garda en tête,

Elles étaient belles.

·¦¸

– Dis, une fois notre collaboration terminée... Cela te dirait-il de faire plus ample connaissance ?

– Nous pouvons faire connaissance pendant nos heures communes, lui répondit Jiwon, le regard rivé sur les traits qu'elle esquissait.

– Tu es beaucoup trop concentrée pour ça, rigola Serim.

– Si tu veux alors, souffla Jiwon, à demi consciente de ce qu'elle venait de lancer.

Elle ne vit pas le sourire radieux de Serim, trop occupée à analyser son brouillon.

– Toujours pas de couleurs aujourd'hui ?

– Tu ne vas donc jamais cesser de me demander !

Elle n'avait sans doute pas choisi le meilleur modèle pour rester dans des nuances aussi sombres. Il fallait dire que Serim était la définition de « souriante et colorée ». Jiwon était tout l'inverse. Elles étaient deux esthétiques différents qui pourtant, parvenaient à s'entendre sans encombre.

– Je connais un bar vraiment sympa, lâcha Serim.

– J'irais là où tu m'emmèneras tu sais, je ne sors pas beaucoup.

– Adjugé !

Elle était bien loin de se douter que, de son côté, Serim se faisait mille et une idées sur leur sortie fraîchement programmée.

Dans deux semaines, leur collaboration prendrait fin. Et Jiwon commençait à s'inquiéter du manque de temps qui se profilait à l'horizon.

Le temps filait à vive allure quand elle était là

Et son esprit s'égarait, et de temps en temps, elle perdait le fil.

·¦¸

– C'est magnifique Jiwon.

Fière d'elle, elle releva la tête vers son professeur qui analysait de près ses travaux.

– J'avais imaginé qu'avec Serim vous tenteriez quelque chose de plus...

– Coloré ?

– Voilà.

– Mes dessins ne sont pas terminés professeur.

– Je vois.

Il arqua un sourcil, intrigué par ce qu'il venait d'entendre. Deux minutes plus tard, la concernée fit irruption dans la salle, et Jiwon plissa les yeux, intriguée. Il était loin le maquillage voyant et les barrettes colorées dans ses cheveux. Aujourd'hui Serim portait un costume beige clair, tout en simplicité, qui lui donnait l'impression d'être sortie d'un entretien d'embauche. Jiwon se surprit à regretter le trop-plein de couleurs qu'elle portait habituellement. Serim s'installa en souriant, non sans oublier de lui demander comment s'était passé son début de journée, ce qu'elle devait faire aujourd'hui.

– J'aimerais qu'on aille dehors, lâcha Jiwon.

Et l'autre la regarda avec des yeux ronds.

Un petit quart d'heure plus tard, elles étaient installées dehors, non loin de leur université. Le temps était clément, propice à un cours en extérieur. Seulement sa concentration, elle, n'était pas au rendez-vous. Incapable de rester focalisée plus de deux minutes, Jiwon commença à sentir le stress de ne jamais finir son projet à temps monter. En face d'elle, Serim ne semblait pas s'en inquiéter.

Rien ne semblait l'inquiéter en général. Elle respirait la quiétude et la joie de vivre en permanence. Serim était le genre de personne que Jiwon admirait secrètement : le genre que rien ne semblait affoler, qui vivait l'instant présent. Et sans s'en rendre compte, elle avait suspendu son fusain au-dessus de sa feuille. Ses yeux avaient accroché cette petite mèche de cheveux corail que Serim avait ondulée le matin même en se préparant, et ne l'avaient plus lâchée. Elle se fit la réflexion que la couleur de ses cheveux était assortie à cette couleur qu'elle avait mise un jour sur ses yeux. Elle regrettait presque sa tenue sobre du jour. Serim était toujours aussi magnifique, mais un petit quelque chose s'était envolé.

– Tu n'y arrives pas aujourd'hui, hein ?

Jiwon cligna des yeux plusieurs fois, sortie de sa rêverie.

– Ce n'est pas grave, ça arrive !

– Je... Je suis désolée, je te fais perdre ton temps.

– Tu fais quoi après notre séance normalement ?

– Pas grand-chose...

– Super, aller, lève-toi, à moi de te montrer ce en quoi je suis douée !

Elle se leva sans protester, perplexe, et rangea ses affaires en quatrième vitesse. Puis elle laissa Serim la guider au sein de leur faculté.

Cela pouvait paraître étrange, mais Jiwon ne s'aventurait jamais au-delà des locaux où les étudiants en art étudiaient. Elle ignorait bien des recoins de l'immense bâtiment aussi, quand Serim l'accompagna tout au bout elle fut surprise d'y découvrir les salles d'entraînement pour les étudiants en danse, et la scène qui leur était réservée pour leurs reprises officielles. Serim referma soigneusement la porte, et Jiwon jeta un coup d'œil inquiet autour d'elle.

– Nous avons le droit de venir ici ?

Serim haussa les épaules et alluma les lumières de la petite scène. Ce n'était pas une salle immense, mais juste assez pour contenir un public de taille moyenne. La scène venait d'être refaite, poncée et repeinte, Jiwon le distingua immédiatement avec les odeurs qui lui parvinrent.

– Aller, ne sois pas timide, monte !

Jiwon passa une main sur son avant-bras, un peu mal à l'aise, et déposa son sac de cours en bas de la scène avant d'y grimper. Elle ne se sentait pas vraiment à l'aise ici, noyée dans sa chemise trop grande et son jean difforme. En face d'elle, Serim était tirée à quatre épingles, et semblait beaucoup plus dans son élément.

– Tu es une danseuse..., murmura-t-elle.

– Ouais !

Elle aurait dû s'en douter, elle s'était plusieurs fois fait la réflexion que Serim avait la grâce et la musculature de quelqu'un qui pratiquait la danse. Elle la vit sortir une petite enceinte de son sac, et la poser sur le bord de la scène.

– Que fais-tu ?

– Tu as une panne d'inspiration ? La musique peut aider, et la danse aussi.

– Oh je...

Je ne sais pas danser, pensa-t-elle. Elle la regarda commencer à danser au rythme de sa musique et Jiwon détourna le regard, gênée. Serim était loin d'être ridicule, au contraire ; chaque pas semblait mesuré et calibré au millimètre près, et ses gestes trahissaient des années de pratique intensive. Elle recula d'un pas, comme par peur de la gêner, les joues légèrement rosies. Le geste ne lui échappa pas, et Serim s'avança, avant d'attraper ses deux mains et de l'attirer avec elle. Jiwon manqua de trébucher dès le premier pas, la fit éclater de rire, et, sous les encouragements de son modèle, termina par lâcher prise. Lentement, mais sûrement, elle s'autorisa à sourire pleinement, à se redresser et à se laisser aller.

Et à mesure que les secondes, puis les minutes défilaient, le sourire de Serim s'agrandissait, et les yeux de Jiwon se remettaient à briller. C'était la première fois qu'elle lâchait prise de cette manière, qu'elle laissait une personne pénétrer sa petite bulle et Jiwon réalisa alors que parce que c'était elle, la chose ne la gênait pas tant que ça.

Le soir même elle esquissa pendant des heures,

Ces mouvements et ces sourires ancrés dans sa mémoire.

·¦¸

C'était le grand jour. Elle avait tenu Serim à l'écart ces trois derniers jours pendant la préparation de leur exposition. Autour d'elle, les autres élèves de sa promotion se pressaient pour installer leurs œuvres, certains accompagnés de leur modèle, d'autres non. Jiwon, elle, avait tenu à lui faire la surprise complète. Elle lui avait demandé de ne pas l'épier, et Serim avait accepté, avec son petit sourire malicieux, tout en rajoutant qu'elle avait hâte de voir ce que Jiwon avait bien pu préparer. Il fallait dire que la jeune femme avait gardé son projet secret jusqu'au bout.

– C'est impressionnant Jiwon, tu as remarquablement travaillé sur ce projet, lui glissa son professeur alors qu'elle finissait de déballer ses affaires.

Elle le remercia d'un signe de la tête et reprit son installation.

Les heures défilèrent, et puis le moment fatidique arriva. La salle s'ouvrit bientôt au public. Aux autres élèves et professeurs donc, mais aussi aux parents et amis curieux. Anxieuse, Jiwon guetta l'arrivée de Serim. Elle ne voulait pas rater une miette de ses réactions, et aussitôt sa crinière orangée dans son champ de vision, elle se jeta sur elle. Elle portait une jolie robe blanche, avait attaché ses cheveux en deux longues nattes qui lui descendaient jusqu'aux seins. Elle avait de nouveau un maquillage qui ne passait pas inaperçu, saupoudré de paillettes et de traits colorés. Serim l'accueillit par un immense sourire, et se laissa guider tout au long de l'exposition. Jiwon se trouvait parmi les dernières salles à son grand désarroi, car elle craignait que les visiteurs ne s'aventurent pas plus loin que les trois premières. Serim s'était suspendue à son bras pour visiter les lieux, lui demandant de temps à autre quelques explications sur les techniques créatives employées par ses camarades de classe.

– Jiwon c'est...

Et enfin, elles y étaient arrivées. Serim avait lâché son bras en s'avançant dans la salle, des étoiles plein les yeux. Il était aisé de comprendre que c'était elle qui lui avait servi de modèle. Sa personnalité, le moindre de ses traits transparaissait sur les œuvres désormais exposées. Serim était sur tous les murs, sous tous les angles. Mais ce qui sembla la fasciner d'autant plus fut la pièce maîtresse de ses travaux.

Serim dansait. Et l'œuvre avait beau être immobile, on pouvait la voir danser à travers les lumières que Jiwon avait installées un peu partout dans la salle. Elle les avait vues tellement de fois sur son visage qu'il lui avait semblé évident qu'elles étaient celles qui la mettrait le plus en valeur. Les teintes rose, blanche, orangée et corail peuplaient la pièce dans une harmonie parfaite.

– Tu m'as dessiné sans me voir...

– Je t'ai vu danser !

– Mais tu ne m'as pas dessinée à ce moment-là...

– Effectivement.

Elle la regarda les yeux remplis d'étoiles, comme fascinée par cette prouesse technique.

– Tu as fini par mettre de la couleur, hein ?

Jiwon esquissa un sourire, si grand que sa camarade sembla s'en étonner. À la surprise générale, oui. Mais elle n'avait jamais eu l'intention de garder toutes ses œuvres en noir et blanc. Elle avait gardé, sur tous ses travaux, Serim en noir et blanc. La couleur, elle, se dégageait de sa personne. Elle était dans l'éclairage, dans les décors ou les fonds que Jiwon avait ajoutés derrière elle. Elle était restée dans les mêmes teintes, en harmonisant chacun de ses travaux.

– Tu m'as rendue curieuse, je te voyais souvent avec ces couleurs-là sur tes yeux.

– Oh, et ?

– J'ai fait quelques recherches sur la signification de ces couleurs, répondit Jiwon d'un air rêveur.

Serim ne répondit rien, un air malicieux sur le visage.

– Oh...

– Depuis combien de temps tu attendais de venir me parler ?

Serim lâcha un petit rire nerveux, et passa une main sur l'une de ses nattes, le regard dérivant sur le sol. Comme pour lui dire qu'elle avait compris sans qu'elle n'ait besoin d'en dire plus, Jiwon acquiesça en silence, les mains désormais dans les poches, le regard rivé sur Serim, dansant au milieu de la pièce.

– Du coup, ce verre, ça te dit d'aller le prendre après l'exposition ?

Serim ouvrit de grands yeux, surprise que le sujet revienne maintenant. Mais heureuse, elle s'empressa de répondre :

– Avec plaisir !

Quelques regards et gestes esquissés sur du canson,

Il n'avait fallu finalement qu'un nouveau projet

Pour aller au-delà de l'admiration qu'elle lui portait depuis quelque temps

Quelques traits de fusain.

·¦¸

merci de la lecture !

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