Painter of the Night




et voici l'OS de buymesocksdaddy !

bonne lecture à vous mes choco ~





Thorn était descendu récupérer son courrier, et s'affairait à le trier sur la table basse de son salon. Il attendait son amie Ophélie depuis bientôt dix minutes, mais dans sa maladresse, elle avait probablement rencontré des problèmes mineurs sur le chemin. Il avait l'habitude, alors il prévoyait toujours de quoi s'occuper en attendant la jeune fille.
Une des enveloppes finit par attirer son attention. Elle était d'une couleur qui tirait plus sur le beige que le blanc, et un B majuscule, assez stylisé, était imprimé en son centre. Il la mit de côté, se doutant qu'il s'agissait d'une invitation. Et au vu des armoiries qui décoraient le papier, il pouvait immédiatement se faire une idée de l'expéditeur. Sa tante devait encore organiser une réception ou un autre de ces événements disproportionnés dont elle semblait raffoler.

Il n'eut pas le temps de soupirer que la sonnerie de son interphone résonna dans l'appartement. Ce devait être Ophélie. Il laissa les enveloppes classées en deux piles distinctes sur le coin de la table, et se dirigea vers l'entrée. Il décrocha et après avoir bien eu la confirmation qu'il s'agissait de son amie, appuya sur le bouton d'ouverture. Une trentaine de secondes plus tard, il la laissait entrer.

A première vue, Ophélie n'était qu'une montagne de tissus. Emmitouflée dans sa grande doudoune grise, son bonnet mal assorti et cette espèce d'écharpe tricolore qu'elle gardait même en été, elle ne laissait voir d'elle que le haut de son visage, et quelques mèches de cheveux. Elle salua Thorn tout en se débarrassant de ses couches de tissus. Sous sa doudoune, elle portait un gilet en polaire et un gros pull, ainsi qu'un épais pantalon de jogging. Elle dut s'y reprendre à deux reprises pour suspendre sa parka et son bonnet au porte-manteau qui trônait dans l'entrée.
Elle rejoignit finalement Thorn dans le salon, où il avait pris la peine de servir deux tasses de thé fumant. Elle le remercia d'un signe de tête et prit une gorgée de la boisson. L'enveloppe beige encore scellée sur le coin de la table finit par attirer son attention.

-Tu as reçu l'invitation de Bérénilde, constata-t-elle. C'est pour les vingt ans de sa deuxième galerie, crut-elle bon de préciser. Tu vas y aller j'espère ?

Le regard glacial de Thorn glissa sur la lettre.

-Non. J'aime pas ce genre de fêtes, répondit-il. Ça a l'air de te tenir à cœur cette fois-ci, ajouta-t-il, sur un ton interrogatif.

-J'ai déjà accepté pour le magazine, je comptais sur toi pour rester avec moi.

Ophélie et Thorn s'étaient rencontrés pendant leur première année d'université. Tous les deux passionnés d'art, ils avaient eu quelques cours en commun. Thorn avait un don pour le dessin et Ophélie adorait se plonger dans l'histoire de l'art. Ophélie était désormais journaliste et travaillait pour un magazine d'art réputé. Pour elle, la réception de Mme Bérénilde n'était pas une option, elle se devait d'être présente.

-Tu sais, je pense que ça ne te ferait pas de mal d'accepter pour une fois. Il y aura sûrement plein de critiques et de propriétaires de galeries, ça pourrait être une bonne opportunité pour tes tableaux. Et puis ta tante se plaint de ton mutisme à chaque fois, souligna-t-elle finalement.

-Mes tableaux vont très bien, merci de t'en soucier, marmonna-t-il, ignorant volontairement le passage sur sa tante. Je suis sûr qu'il y aura surtout des cons, comme cet irresponsable d'Archibald.

-T'auras qu'à l'ignorer pour la soirée, vous allez quand même réussir à vous supporter pour quelques heures, c'est pas si compliqué, si ?

Thorn ne répondit rien pendant quelques minutes. Il fixait le fond de sa tasse, ses sourcils blonds froncés témoins d'une réflexion intense. Après tout, peut-être qu'Ophélie avait raison, ses tableaux marchaient bien mais ça ne lui ferait pas de mal d'enrichir un peu son carnet d'adresses, et ça faisait une éternité qu'il avait participé à une des fêtes de sa tante. Pour ce qui était d'Archibald, il espérait que cet incapable se tiendrait à une distance respectable de lui.

-Et c'est quand cette réception ? Finit-il par demander.

*        *
*

Deux semaines plus tard, Thorn et Ophélie entraient dans l'immense galerie d'art que possédait Mme Bérénilde. Le premier avait ses cheveux blonds impeccablement plaqués sur le crâne et était guindé dans un costume bleu pâle. La seconde, agrippée à son bras, grelottait dans la robe argentée qu'elle s'était efforcée de porter pour l'occasion. Elle avait également apporté un manteau de fourrure blanche, dont elle appréciait plus la chaleur que l'apparence –elle le trouvait beaucoup trop tape-à-l'œil– mais elle l'avait laissé à la consigne à l'entrée, en compagnie de son écharpe bien-aimée. Ils regrettaient tous les deux d'avoir accepté l'invitation, et se promirent mentalement de ne pas trop s'éloigner l'un de l'autre.

A peine eurent-ils fait leur entrée que Bérénilde abandonna les deux invités avec qui elle s'entretenait pour les saluer chaleureusement. Elle était resplendissante, comme à son habitude. Elle insista pour présenter aux deux amis un de ses collaborateurs, un autre directeur de galerie très connu, avec qui elle avait organisé sa plus récente exposition. Et ainsi, de fil en aiguille, les deux amis se faisaient presque traîner dans la galerie, de critique d'art en journalistes, Thorn refusant froidement toutes les coupes de champagne qu'on lui proposait, Ophélie dévorant discrètement des petits fours dès que personne ne la regardait.

Malgré tous leurs efforts pour ne pas se séparer, ils finirent par se perdre de vue. Ophélie avait été entraînée dans la salle par son amie Gaëlle, qui affirmait avoir quelqu'un à lui présenter, et en une fraction de seconde, Thorn l'avait perdue de vue. Il était désormais seul face à un couple d'écrivains célèbres qui étaient publiés sous le nom des Généalogistes. Ils portaient des tenues assorties et se comportaient comme s'ils se trouvaient, non pas dans une galerie d'art, mais dans leur propre salon. Leurs corps étaient si proches l'un de l'autre qu'on aurait pu croire qu'ils allaient fusionner. Thorn faisait de son mieux pour camoufler son inconfort, alors que le couple lui faisait un récit dont il ne retiendrait pas un traitre mot.

Cette conversation futile lui faisait perdre son temps, il aurait préféré discuter avec quelqu'un dont le contact pourrait lui servir plus tard, ou même simplement parler d'art et pas d'un quelconque voyage à l'étranger. Pendant un court instant, il se surprit à penser que même discuter avec ce crétin d'Archibald serait plus supportable que d'écouter ce couple une minute de plus. D'ailleurs, il n'avait toujours pas vu cet extravagant dans la salle, cherchait-il à se faire désirer ?

-Oh mais qui vois-je ! s'exclama quelqu'un dans le dos de Thorn, coupant court à ses réflexions, mais également au monologue des Généalogistes. Le peintre se tourna en soupirant, à moitié soulagé que la discussion s'arrête, et à moitié irrité de reconnaitre cette voix comme celle d'Archibald.

Celui-ci s'approchait à grands pas des trois individus qui s'étaient arrêtés pour le fixer. Il portait une chemise dont les trois premiers boutons avaient été défaits et son pantalon n'était pas assorti à sa veste de costume aux couleurs criardes. On pouvait même apercevoir ses chaussettes dépareillées si l'on regardait au niveau de ses chevilles. Thorn regretta instantanément les pensées qu'il avait eues à son propos, quelques secondes plus tôt.

-C'est mon grand ami Thorn, dit-il en appuyant bien sur le mot « grand », non pas pour souligner l'ampleur de leur amitié, mais pour insister sur la grande taille de Thorn. Il se tourna vers le couple et indiqua : Je vous l'emprunte cinq minutes.

Il attrapa ensuite le bras de Thorn, et le tira vers une porte vitrée grande ouverte, qui donnait sur le jardin de la galerie. Thorn secoua son bras dans le but de le reprendre à Archibald, mais le suivit tout de même jusqu'à l'extérieur. Après tout, il lui servait son échappatoire sur un plateau, il n'allait pas choisir de rester avec les écrivains.

Une fois dehors, ils s'arrêtèrent devant une fontaine –où trônait une curieuse sculpture en métal– et Thorn demanda d'emblée :

-Qu'est-ce que tu veux ?

-Tu ne comptes pas me remercier de t'avoir sorti de cette discussion ? répliqua le plus petit, sur un ton de défi. Allez, pour une fois, j'ai bien vu que tu mourais d'envie de continuer de parler avec eux, insista-t-il, cette fois-ci plus blagueur.

-Si c'était ma reconnaissance que tu voulais, tu peux retourner à l'intérieur.

-Je vois que tu as gardé ton sens de l'humour.

-Je n'ai pas envie de rire avec toi Archibald.

-Moi si ! sourit le susnommé.

-Et moi non ! s'énerva Thorn. Je n'ai pas envie de parler avec un débauché irresponsable et inconscient comme toi !

Archibald écarquilla les yeux pendant une seconde, mais reprit vite son sourire provocateur.

-Un débauché ? Quoi, tu es jaloux parce que j'ai du succès auprès des femmes ?

Thorn voyait rouge. Il n'était pas du genre à s'énerver facilement, mais lorsqu'il s'agissait d'Archibald, il sortait toujours de ses gonds rapidement. Archibald le provoquait, il savait très bien que Thorn n'en avait rien à faire des femmes, mais il trouvait cent fois plus divertissant de le voir s'énerver que de passer du temps à une soirée mondaine. Il le provoquait sans cesse. Archibald collectionnait les conquêtes d'un soir, il avait un sens des priorités bien à lui, et préférait s'amuser plutôt que travailler. Même ses tableaux reflétaient son état d'esprit libre et insouciant. Mais ce qu'il aimait par-dessus tout, c'était d'énerver Thorn.

Celui-ci décida d'ailleurs de s'éloigner de la fontaine et d'Archibald, pour ne pas céder à son envie d'enfoncer sa tête mal coiffée dans le bassin. Il s'enfonça dans les allées, le bruit ambiant de la fête devenait plus lointain, en revanche Thorn pouvait entendre très distinctement les pas de son ennemi qui ne semblait pas décidé à le laisser tranquille. Il finit par s'arrêter en plein milieu du chemin, et se retourna vers Archibald.

-Mais c'est quoi ton problème à la fin ? demanda-t-il, essayant de rester le plus calme possible.

-Mon problème ? J'essaie juste de m'amuser, expliqua-t-il, il ne perdait pas son sourire. Mais t'es tellement coincé toi. Tu refuses toutes les invitations, tout ce qui compte pour toi c'est tes tableaux, tu repousses tout le monde. Pourquoi tu veux pas profiter un peu ?

Archibald s'était rapproché de Thorn pendant sa tirade, et avait relevé le menton pour rapprocher leurs visages.

-T'es pathétique, déclara le plus grand, baissant légèrement la tête pour planter ses yeux bleus dans ceux d'Archibald. Tu penses peut-être que tu es meilleur que moi parce que tu passes plus de temps à des soirées qu'à travailler ? Parce que tu couches avec des femmes pour les rejeter le lendemain ? Parce que tu as plus d'alcool que d'anticorps dans le sang ? C'est ça que tu appelles profiter ? C'est ridicule.

Leurs yeux ne s'étaient pas lâchés. Ils se fixaient avec un air de défi, c'était à celui qui briserait l'échange en premier. Leurs esprits étaient embrouillés, ce n'était pas la première fois qu'ils se disputaient, mais c'était la première fois qu'ils le faisaient à une si petite distance l'un de l'autre. Archibald pouvait parier que s'il avait eu quelques centimètres de plus, il aurait pu sentir le souffle de Thorn lui caresser le visage.

-Qu'est-ce que ça peut bien te faire, que je vive ma vie comme ça ? Surenchérit-il pourtant.

-Et toi qu'est-ce que ça peut te faire que je vive la mienne autrement ?

-Arrête d'être aussi coincé.

-Quand tu arrêteras d'être aussi inconscient.

-Je rêve ou tu t'inquiètes pour moi ?

-Tu te prends pour qui exactement ? Tu...

Il laissa sa phrase en suspens. Archibald était monté sur la pointe des pieds pour se retrouver bien en face de lui, sans détacher son regard du sien.

-Avoue-le, l'interrompit-il. Que tu t'inquiètes pour moi. Avoue que si ça t'insupporte que je couche avec toutes ces femmes, c'est parce que tu aimerais être à leur place. Que si tu t'énerves de me voir à ces soirées c'est parce que tu as peur qu'il m'arrive quelque chose. Il chuchotait maintenant, pour le plus grand soulagement de Thorn qui ne souhaitait pour rien au monde que quelqu'un surprenne cet échange suspicieux. Je te vois bien me surveiller à chaque fois, hm ? Tu peux pas t'en empêcher, de me couver avec ton regard faussement dédaigneux, à chaque fois que je m'approche d'une nouvelle personne. Je dis la vérité, n'est-ce pas ?

Thorn ne répondit rien. Il ne comprenait rien et ça l'énervait. Lui inquiet ? Pour Archibald ? Et puis quoi encore ? Il avait le ventre qui se tordait, sûrement de dégout face à sa proximité avec Archibald, se disait-il. Pourtant il n'osait pas s'éloigner. Il pouvait voir son sourire insolent et n'avait qu'une envie, celle de le lui effacer, de le réduire à néant. Il voulait le remplacer par n'importe quoi, il aurait pu, mais il ne réussit qu'à y déposer ses propres lèvres.

Il n'eut qu'à se rapprocher de quelques centimètre pour combler ce vide, effacer cette effronterie qui n'avait pourtant jamais eu autant de charme  que dans le sourire d'Archibald. Ils écarquillèrent tous les deux les yeux sous la surprise, puis Archibald chancela. Il était sur la pointe des pieds et le geste de Thorn lui avait fait perdre l'équilibre. Il fit un pas en arrière pour se rattraper, mais la main de Thorn lui agrippa la taille avant qu'il puisse détacher leurs lèvres.
Le cœur de Thorn tremblait d'appréhension. Il venait d'embrasser Archibald. Quand celui-ci s'était écarté, il avait paniqué, et l'avait rattrapé par la taille, et parce qu'il ne voulait pas affronter son regard, il avait fermé les yeux. Ce n'était pas le cas pour Archibald, qui avait gardé ses yeux grand ouverts, et qui ne parvenait plus qu'à penser aux lèvres de Thorn, et à sa grande main qui tenait fermement sa taille pour le retenir. Incapable de réfléchir plus longtemps, il glissa ses deux bras autour du cou du plus grand, et approfondit le baiser. Lui qui avait pourtant volé le cœur et les lèvres de nombreuses femmes, semblait ne plus savoir exactement ce qu'il faisait. Il caressait maladroitement la bouche de Thorn, glissait sa langue contre la sienne, comme si c'était son premier baiser.

-Thorn ? T'es là ? Une voix féminine retentit au loin dans le jardin. Cela fit réagir le concerné, puisqu'il lâcha immédiatement la taille d'Archibald et rompit le baiser. Il revint peu à peu à la réalité, il avait la tête qui tournait, il n'osait pas regarder l'homme en face de lui, il avait l'esprit tout embrouillé. Que venait-il de se passer ?

-Thorn ? Archibald ? Enfin on vous retrouve ! s'exclama quelqu'un qui venait d'entrer dans leur champ de vision. Vous êtes venus ici pour vous taper dessus à l'abri des regards ?

Il s'agissait d'Ophélie, qui avait revêtu son manteau de fourrure.

-Avec Bérénilde, on a fait tout le tour de la galerie pour vous trouver, soupira-t-elle. Je te cherchais pour rentrer, il commence à être un peu tard. Enfin bref, je t'attends à l'entrée.

Thorn jeta un œil à sa montre pour constater qu'en effet, ils avaient largement dépassé l'heure qu'on aurait pu qualifier de raisonnable. Il osa une œillade en direction d'Archibald, qui avait les joues roses et un mince sourire gêné sur les lèvres. Les questions se bousculaient dans sa tête. Qu'avaient-ils fait ? Qu'allaient-ils faire maintenant ? Devait-il lui dire au revoir ? S'excuser ? Il était complètement chamboulé.

Archibald fut le premier à mettre fin au silence.

-Hum... Tu as aimé ?

Thorn était abasourdi. Comment pouvait-il demander une chose pareille ? Ce garçon était fou, il n'y avait pas d'autre explication possible. Il n'espérait quand même pas qu'il lui dise qu'il avait aimé l'embrasser ? C'était la première fois qu'Archibald voyait cette expression sidérée sur le visage de Thorn. Ses yeux s'étaient agrandis et il semblait hésiter entre hausser et froncer les sourcils. Le résultat était plus drôle qu'il ne l'aurait espéré. Il ne retint pas son rire, qui emplit l'allée quelques secondes plus tard.

-Je ne suis pas une de tes conquêtes d'un soir, finit par répondre Thorn, mettant fin à l'hilarité du plus petit. Retourne t'amuser à l'intérieur. Bonne nuit.

Il ne lui laissa pas l'occasion de répliquer, il avançait déjà à grands pas dans l'allée. Archibald le regarda s'éloigner sans bouger, et se dit qu'il trouvait Thorn vraiment énervant. Pas une conquête d'un soir ? Il pouvait encore sentir la chaleur de ses lèvres et de sa main sur sa taille. Il l'avait tout de même embrassé en premier. Maintenant qu'il le savait capable d'une telle chose, il avait encore plus envie de le décoincer, de le pousser à l'excès et à l'indécence. Il se dirigea vers l'intérieur de la galerie, le sourire aux lèvres, se promettant d'être celui qui révèlerait le caractère débauché que Thorn ne montrait à personne.





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