Can the Melody tell Me
Pour commencer ce recueil, voici l'OS de Juliarmy2468 ! Je vous laisse donc découvrir ce premier texte !
nda
Playlist (à chaque changement de musique, une ✨ est indiquée. Cette playlist est loin d'être parfaite, ne vous sentez pas obligé de l'écouter) :
Don't wanna cry (Seventeen)
Fine (Taeyeon)
Dystopia (ZICO)
Alors on danse (Stromae)
Young and beautiful (Lana Del Rey)
Thick black mark (Andrew Paul Woodworth)
Best part (Daniel Caesar, H.E.R)
Love poem (IU)
Taehyun lança un regard silencieux à la personne assise à ses côtés dans la limousine noire qui les emmenait vers un grand tournant dans leur vie, probablement le plus grand auquel ils n'avaient jamais fait face.
Tout ce qu'il vit fut la même touffe de cheveux blonds impeccablement coiffés, obstinément tournée vers la fenêtre depuis le début du trajet.
Il l'appela finalement de son habituelle voix neutre.
— Gyu.
Un simple "hm." lui répondit.
— Tu sais que tu peux encore retourner en arrière.
N'obtenant aucune vraie réponse, il insista, toujours avec le même volume doux.
— Tu le sais, n'est-ce pas ?
— Oui.
Un silence flotta dans l'habitacle.
— Beomgyu.
— Quoi, encore ?! s'énerva son vis-à-vis.
Le blond se reprit dans la seconde et détourna son regard coupable.
— Pardon.
— C'est rien.
Taehyun le pensait. Il savait que son ami était tendu et qu'il avait été insistant.
— Est-ce que ça va ? reprit-il simplement.
Le blond laissa flotter la question puis se retourna et laissa enfin leurs yeux se rencontrer.
Le regard de Taehyun était neutre et acéré en surface, comme d'habitude. Pourtant, derrière ces abords froids, Beomgyu avait appris à trouver l'inquiétude et la sincérité.
Alors, bien que ses propres prunelles semblent étincelantes malgré le peu de luminosité présente, il sourit doucement.
Des portières claquèrent, des échines se courbèrent et des salutations furent échangées.
Tout le long des formalités, Taehyun ne lâcha pas Beomgyu d'une semelle, veillant sur ses sourires polis.
Il se tenait quelques centimètres derrière lui, les mains croisées dans son dos droit. Il scannait les gens à qui ils parlaient, leur visage, leur attitude ; chaque mot qu'ils prononçaient.
— Beomgyu ! Appela une voix.
Les deux jeunes hommes se retournèrent de façon synchronisée. Un homme, plus âgé de quelques années et dont les traits doux mais élégants calquaient ceux de Beomgyu les approcha, un léger sourire aux lèvres.
Il dit bonjour à Taehyun d'un sourire, et celui-ci lui rendit son salut d'un petit signe de tête.
— Alors, Beomgyu, toujours décidé ? s'enquit-il, une certaine culpabilité décelable dans la voix.
Le hochement de tête souriant que le blond lui envoya était si loin de toute la détresse qu'il dégageait quelques minutes auparavant dans la voiture que Taehyun se surpris à penser qu'il avait monstrueusement grandi depuis leur enfance, où ils s'étaient connus.
À l'époque, Beomgyu était connu pour sa franchise brutale. Il était incapable de cacher son ennui lors de soirées importantes ou son anxiété devant toutes les personnes importantes qu'il avait pu rencontrer alors qu'il n'était encore qu'un petit garçon.
Pourtant, maintenant, Taehyun pouvait voir Beomgyu sourire. Oui, il souriait.
Mais Taehyun savait qu'il était loin de ressentir l'insouciance qu'il affichait actuellement.
La responsabilité de connaitre la réalité de ces sentiments alourdit les épaules déjà chargées du jeune homme.
Mais il ne flancha pas. Jamais sa gorge ne laissa s'échapper un son ; jamais ses yeux ne se détournèrent une seule seconde de Beomgyu.
— Messieurs, ça va être le moment, les prévint une femme classiquement vêtue.
Et Taehyun vit. Il vit les yeux de son ami s'écarquiller soudainement ; il les vit se reporter sur la montre épaisse qu'il portait au poignet puis se fermer quelques instants de trop.
Il entendit son souffle se couper, puis se relâcher puissamment.
Il imagina le goût de fer dont le blond lui avait quelque fois parlé emplir sa bouche fermement serrée.
Il sentit le parfum hors de prix de son compagnon de longue date infiltrer ses narines alors qu'il se rapprochait de lui.
Il sentit ses muscles tendus sous le bout de des doigts qu'il posa sur son épaule.
Ils échangèrent un long regard. Un regard profond, qui voulait dire beaucoup de choses.
Puis Beomgyu se détacha doucement de sa prise et s'avança vers la scène mise en place pour l'évènement.
✨
Son cœur battait dans sa poitrine, résonnant dans ses oreilles et lui donnant l'impression qu'il allait s'évanouir à chaque battement.
"Pourquoi est-ce que je fais ça ?"
"Tu... tu ferais ça ? Vraiment ?"
"Je suis fier de toi, mon fils."
"Tu iras loin, Choi Beomgyu !"
"Tu sais que tu peux encore retourner en arrière."
"Voilà l'homme de la soirée !"
"Vous avez un potentiel incroyable !"
"Fais ce qui te rends heureux, Taehyung."
Ses pensées bourdonnaient à toute vitesse, pendant qu'il avançait vers l'endroit où son père, son frère et quelques partenaires de business l'attendaient.
Il se plaça près d'eux, comme en transe, et laissa se passer leurs discours, un par un. Il ne les écoutait pas, il ne les entendait pas, il était bloqué. Cassé.
— Beomgyu, vas-y, c'est à toi, lui lança son aîné.
Il releva la tête. Les quelques secondes qui passèrent, il les ressentit comme de longues minutes.
Et il se décida. Enfin.
Il s'avança vers le podium, et contempla un instant la foule si infinie rassemblée dans une si petite salle.
— Bonjour. Merci à tous d'être ici, aujourd'hui.
Il ne savait pas ce qu'il disait. C'était une seconde conscience, celle qui était responsable, celle qui était courageuse, celle sur laquelle on pouvait compter, qui parla pour lui.
Il sut où il en était, il suivait le fil malgré l'impression de planer qui le dominait.
— ... Je... je remercie...
Son frère. Taehyung. Il connaissait son discours. Il était supposé remercier son frère pour lui avoir "donné" "le privilège" d'occuper cette place "importante".
— Tae...
Hyung.
— Hyun.
Son regard trouva celui de la personne qu'il devait vraiment remercier. Il planta ses yeux dans les siens et parla.
— Merci. D'avoir été avec moi dès le début. Merci... pour tes mots dans la voiture. Merci, et... j'espère que tu resteras à mes côtés. Je serai là pour toi aussi. Ne t'inquiète pas trop pour moi.
Il se recula, et s'arracha des pupilles hypnotisantes de son ami.
Une vague d'applaudissements retentit dans la salle, et Beomgyu se sentit comme si elle s'écrasait sur lui de tout son poids, comme un titan invisible.
Et quand les gens firent la file pour le féliciter pendant d'interminables minutes, et qu'elle ne disparut pas, il comprit qu'elle le guettait depuis un moment, et que maintenant qu'elle était là, elle y resterait.
Il ne s'en débarrasserait plus.
Une silhouette sombre s'avança dans le noir de la nuit. Elle marcha dans une seule direction, dans jamais hésiter sur l'endroit où ses pieds devaient se poser.
Elle rejoignit bientôt une seconde silhouette, qui était disposée en une petite forme maladroite.
Elle s'assit à ses côtés, et observa un bras frêle soulever une canette et la porter à ses lèvres.
Elle n'émit aucun son. En conséquence, on entendit clairement le soupir émis par l'autre.
Le silence, soulevé par leurs respirations, les voix dans la salle derrière eux et les sirènes de la ville en fond.
Des nuages de buée blanche s'échappaient d'eux, révélant la froideur de l'air humide de cette nuit.
— Tu as changé ton discours.
La phrase n'était pas de trop. Elle n'était venue ni trop tôt, ni trop tard.
— Je sais.
Taehyun observa la lumière d'un lampadaire éclairer la brume nocturne.
— Pourquoi ?
Un soupir libéra une volute de fumée pâle.
— Je ne pouvais juste pas... Je ne pouvais pas le remercier. Et puis... il fallait bien que je cesse d'être ingrat avec toi un jour où l'autre.
Une petite inspiration amusée.
— Je ne t'ai rien demandé.
— Oui, et je ne comprends pas pourquoi.
Il sentait le regard intense de Beomgyu sur lui, alors il le regarda en retour.
— Pourquoi ? demanda le blond à nouveau. Qu'est-ce que j'ai de spécial ?
Taehyun haussa les épaules.
— Explique-moi pourquoi tu restes ! Je veux savoir, je suis sérieux !
— T'es surtout bourré.
— Oui, mais... ça n'a rien à voir !
Le jeune homme secoua la tête, un petit sourire aux lèvres.
— Allez, viens.
Il se leva et partit en direction de la salle.
Le blond le rattrapa du mieux qu'il put, et lui demanda encore :
— Tae ! S'il te plait.
— Tu sais que ça ne marchera pas.
— Pourquoi tu es aussi dur ?
— Pourquoi tu es dans un état pareil après quelques coupes de champagne et une canette de bière ?
-—Hé ! J'ai bu pas mal de coupes ! protesta-t-il.
— Trois.
— Comment tu sais ça, de toute façon ?
— C'est un secret.
— Tu as trop de secrets ! Ça devient ridicule, sérieux ! s'exclama-t-il.
Mais la bonne humeur qu'il avait su récupérer s'évapora comme neige dans le Sahara aussi vite qu'ils entrèrent dans le bâtiment.
Taehyun le remarqua, évidemment, et il allait ouvrir la bouche pour lui en parler quand quelqu'un arriva.
Reconnaissant un client important, les compagnons passèrent en un clin d'œil dans le mode business men ; enfilant sourire pour l'un et au contraire expression dure pour l'autre.
La comédie recommençait. Mais elle n'aurait rien d'amusant.
✨
Beomgyu enchaînait les réunions, les signatures, les rencontres en grande pompe, les trajets interminables, le travail, encore et toujours le travail.
Plus les jours passaient et moins il se sentait capable de continuer.
Il était épuisé, à force d'être débordé tout le temps. Il n'avait pas ri depuis des jours. Chaque soir, en se couchant, il pleurait presque à la pensée qu'il allait devoir se lever le lendemain matin.
Non pas qu'il n'était pas habitué à travailler dur ; ou qu'il ne savait pas gérer ce qu'on lui demandait.
Il savait faire ça.
Ce n'était juste pas ce qu'il aurait voulu faire.
Lui, il voulait composer des mélodies qui feraient rêver les gens ; des paroles qui les feraient penser ; danser des chorégraphies qui les feraient voyager ; les inspirer et être apprécié pour ce dont il était fier.
Il avait toujours rêvé de ça, depuis son enfance.
Mais la vie avait décidé de lui attribuer un père PDG d'une grande entreprise. Sa mère ? Une femme terre à terre pour qui les rêves devaient en rester. Son frère ainé ? Une personne incroyablement talentueuse qui avait encore moins envie que lui, si c'était possible, de prendre la succession de leur paternel.
Et lui ? Ne pourrait-il pas être son propre sauveur ?
Il ne pouvait pas, non. Il était moyen, défaitiste et serviable.
Son frère l'avait rendu trop rêveur pour se contenter de ce qu'il pouvait avoir et ses parents trop réalistes pour sacrifier tout pour poursuivre ses rêves.
Coincé entre ces deux perspectives, il n'était juste... comme jamais heureux.
Et, maintenant qu'il avait pris la succession de son père, il le sentait bien.
Beomgyu poussa un long soupir et s'étala inconfortablement sur son bureau.
Il frotta ses yeux fatigués du bout des doigts et les ferma une seconde.
Il avait besoin de se reposer, au moins une seconde...
Juste une seconde.
Taehyun fronça les sourcils devant l'écran de son portable qui lui affichait toujours un message en "remis".
— Il n'arrêtera jamais de me faire chier, je te jure.
Il poussa un long soupir et se dirigea vers le bureau de Beomgyu.
Il ouvrit la porte et ses inquiétudes disparurent pour être aussitôt remplacées par d'autres.
Le jeune homme s'approcha doucement du bureau et s'assit sur une chaise placée au-devant.
Il observa attentivement la personne endormie en face de lui.
Ses yeux se posèrent sur les racines devenues noires de son ami. Son cœur se sera ensuite lorsqu'il vit la profondeur de ses cernes, et se tordit plus fort encore à la vue de la rougeur de la peau normalement pâle de son cou.
Beomgyu avait des plaques d'exéma lors de ses périodes de stress depuis plus de temps qu'aucun d'eux ne pouvait se souvenir.
Taehyun rechercha rapidement quand avait été la dernière réunion de son supérieur, et, en supposant qu'il s'était endormi 20 minutes après, calcula quand il devait venir le réveiller pour que cela lui fasse une heure et demie de sommeil bien mérité.
Il se leva avec un dernier regard pour le bel endormi et quitta la pièce.
— Beomgyu. Oh, Gyu. Beomgyu. Debout !
— Hmm ?
Ses paupières se soulevèrent et il prit une profonde inspiration en regardant autour de lui, mettant un temps plutôt long à se souvenir de sa propre existence.
— Oh, Taehyun ? Désolé, je me suis endormi...
— J'avais remarqué, oui.
Trop habitué au sarcasme de son ami, il n'y prêta aucune attention et vérifia l'heure.
— Alors... oh, bordel. T'aurais pas pu me réveiller plus tôt ?
Mais il se reprit vite :
— Non, tu n'aurais pas pu, j'étais seul dans mon bureau.
— En fait, si j'aurais pu. Je t'ai laissé ronfler une heure et demie, le corrigea nonchalamment Taehyun.
— Mais... pourquoi ? Aish, je ne vais pas pouvoir dormir cette nuit.
— Tu vas pouvoir, vu l'heure à laquelle tu te couches tous les soirs.
Beomgyu lui lança un regard en biais.
— Comment ça ?
- Fais pas l'innocent. Je te vois, tous les soirs jusqu'à parfois, quoi, une heure du matin ? Tu es connecté sur notre plateforme de travail. Je peux le voir.
— Wow, c'est tellement du stalk ! rit le blond un peu nerveusement.
— Appelle ça comme tu veux, je m'en branle.
Beomgyu claqua sa langue sur son palais.
— Ton langage ! Je suis quand même ton boss.
— Tu ne me vireras pas et on le sait tous les deux.
— C'est pas faux...
— Je disais donc, continua Taehyun, implacable. Tu es sûr que ton temps est optimisé ?
— Oui.
-—Tu ne procrastines pas ?
— Non.
— Et tout ce dont tu t'occupes doit être fait pas toi, et seulement toi ?
L'autre hésita quelque peu sur ce point.
— Pas vraiment, c'est juste plus sûr que ce soit moi que le fasse.
— Bon. Dans ce cas, on va faire quelque chose.
Beomgyu le regarda, incertain.
— Quoi donc ?
— On va te trouver un assistant. Ou une assistante, bref, quelqu'un de qualifié qui réduirait ta charge de travail.
— Hm...
— Tu n'as pas l'air convaincu.
— En fait... c'est pas que ça me plaît pas, mais je n'ai vraiment pas l'habitude.
— Crois-moi, ça t'aidera. Fais-moi confiance.
— Je te fais confiance.
Et Beomgyu lui lança le sourire le plus sincère que ses lèvres aient formé depuis un bon moment.
✨
Tout tournait autour de lui.
La musique l'assourdissait.
La foule le bousculait.
Les lumières l'aveuglaient.
Il était venu pour oublier, mais à se jeter dans le vide à l'aveuglette en espérant atterrir au paradis, il semblait être tombé trop bas.
Il tituba difficilement, espérant échapper à cet endroit. Il donna un coup d'épaule malencontreux à un fêtard et, trop occupé à chercher une issue aux enfers qui l'assaillaient, ne s'excusa pas.
Il ne comprit pas vraiment ce qui lui arriva.
Des voix qui l'agressèrent, sa vision qui refusa de s'éclaircir, une douleur subite à la mâchoire, et il était au sol.
Il recueillit l'eau du robinet dans ses mains avec soulagement et se rinça le visage et le cou. Il en but quelques gorgées et poussa un profond soupir.
Son regard trouva celui de son reflet. Il s'observa un instant et, dérangé par cette vision qui s'offrait à lui, ferma juste les yeux.
Les effets de l'alcool et du cachet qu'il avait ingérés diminuaient petit à petit, il le sentait.
Sa tête tournait moins, ses yeux voyaient plus clair et le sentiment de légèreté qui avait occupé sa poitrine pendant quelques heures disparaissait peu à peu, le laissant plus vide que jamais.
Une vibration dans sa poche le sortit de son trouble.
Il ramena son téléphone devant ses yeux et le poids de sa mauvaise conscience l'écrasa lorsqu'il reconnut le contact qui cherchait à le joindre.
Taehyunnie 😗✨❤❤❤
Il prit une inspiration et posa son doigt sur la touche verte décorant l'écran.
— Gyu.
— Salut, Tae. Comment ça va ?
— Cesse de faire l'innocent. Tu penses que je ne sais pas où tu es ? le menaça presque son ami.
— La vraie question, c'est comment tu le sais ! lança le boss, essayant de détendre l'atmosphère.
— J'ai pas l'esprit à ça, Gyu.
— D'accord, d'accord !
Un court silence.
— ... Tu n'aurais pas pris autre chose que de l'alcool, en plus ?
— T'es détective ou comment ça se passe ? questionna innocemment le blond.
— Putain, Gyu, je pense que tu ne te rends pas compte de ta situation. Sors de là et prends un taxi pour venir chez moi.
— Pourquoi chez toi ?
— On doit parler.
— Mais quelle phrase de merde.
— Sur ça on est d'accord. Allez, bouge ton cul un peu.
— Oui, chef !
Beomgyu réalisa un petit salut à la militaire avant de sourire stupidement et de raccrocher.
✨
Taehyun était assis sur son canapé, les coins des lèvres obstinément baissés et les jambes croisées dans une position sévère.
Il regardait son ami d'enfance se masser le crâne, visiblement souffrant.
— Bordel, laissa échapper celui-ci.
Sans aucune pitié, Taehyun cracha :
— Ne te plains pas. Pas après t'être drogué.
Alors Beomgyu se tut, n'ayant rien à rétorquer. Dans le silence de l'appartement, leurs yeux se rencontrèrent.
Beomgyu vit chez Taehyun une colère derrière laquelle se cachait une peur destructrice. Il vit de l'affection, de la compassion, de la tristesse.
Taehyun, lui, vit chez Beomgyu de la douleur derrière laquelle se cachait une profonde mélancolie et un mal-être dévorant. Il vit de la culpabilité, de la reconnaissance.
— Beomgyu.
— Hm.
— Est-ce que tu veux faire une pause dans ton travail ?
— Pardon ?
— Une pause. Est-ce que tu veux faire une pause ?
— Ce n'est pas possible, j'ai beaucoup de boulot.
— On peut s'arranger. Tu t'avances sur les gros projets, comme le contrat avec Hendricks et Hueningkai s'occupera du reste pendant ton absence.
— Tae, Kai est très gentil, et il est doué, mais je ne lui fais pas assez confiance pour ça.
— Je ne te parle pas d'une expédition d'un an dans une jungle ; je te parle d'une pause de quelques semaines où tu prendrais un peu de temps pour toi. Et si il y a une urgence, on t'appellera.
Beomgyu se plongea dans une réflexion et son collègue le laissa faire.
— Ça me semble faisable, déclara-t-il finalement.
— À moi aussi.
— Mais et toi, Taehyun ?
— Moi quoi ?
— Tu les prends quand tes vacances ?
Taehyun eut un léger sourire. Pas vraiment heureux, mais très doux.
— Moi, je peux encore encaisser.
Le silence tomba sur la pièce.
Nerveux, le blond toqua à la porte du studio.
— J'arrive ! Répondit une voix de l'intérieur.
Quelques pas résonnèrent, puis la porte s'ouvrit sur son frère ainé, qui le fit entrer.
Ils traversèrent un petit appartement assez banal, puis pénétrèrent dans un studio.
Toute l'âme de la maison semblait rassemblée dans cette seule pièce. Elle débordait d'objets en tout genre. Des fils, des boites de ramyeon, des claviers, un piano électrique, un micro d'enregistrement, un large bureau noir, trois chaises.
Un homme était assis sur une des chaises. Il portait un survêtement banal et son visage rond était caché en partie par des cheveux noirs en bataille et un masque reposant en dessous de son petit nez.
Vu comme ça, il n'avait rien d'extraordinaire.
— Beomgyu, je te présente Min Yoongi. Hyung, voici mon petit frère.
L'homme fit simplement un petit signe du menton, alors que Beomgyu s'inclinait, plus habitué aux cérémonies.
— Il parait que tu veux créer une chanson, commença-t-il d'une voix peu expressive.
— C'est juste, approuva le blond.
— Est-ce que tu as de l'expérience en musique ?
— Ah, je... Je faisais de la guitare, avant. Et je chantais. J'ai fait du piano, aussi.
— Quel type de guitare ?
— Sèche d'abord, puis électrique.
— Tu as déjà composé ?
— Un peu oui, deux-trois trucs comme ça.
Le producteur le jaugea.
— Pourquoi est-ce que tu te dénigres comme ça ?
— C'était il y a longtemps... Je n'ai plus touché ma guitare depuis un bon moment.
— Depuis quand ?
— Un an environ.
Yoongi remarqua bien que Taehyung semblait mal à l'aise et coupable dans cette situation. Il ignorait la relation que les deux frères partageaient, mais elle semblait complexe.
— Je vais commencer par t'expliquer quelques trucs de base, on verra la suite après.
Le blond acquiesça et ils commencèrent.
✨
— Taehyung... Ton frère, il est PDG de l'entreprise de votre père, pas vrai ?
Les deux musiciens se reposaient sur le balcon après une journée entière de travail sur la chanson de Beomgyu.
— Ouais.
— Pourtant, il est vachement passionné par la musique. Une fois à l'aise, il est même doué.
— Je sais, chuchota Taehyung.
Un silence plana durant quelques secondes puis le plus jeune leva les yeux vers le ciel, le scrutant, et expliqua à voix basse :
— C'est de ma faute.
— De quoi ?
— Si il est homme d'affaires alors qu'il n'a rien à faire dans un bureau à négocier des accords de six à vingt-deux heures.
L'autre respecta le silence, le laissant poursuivre.
— On a grandi à faire ça... De la musique dans le dos de nos parents qui voulaient juste qu'on ait de bonnes notes à l'école et qu'on fasse potiche à des soirées dans lesquelles des gosses n'avaient rien à faire. Je lui ai appris à aimer la musique autant que je l'aimais, et c'est devenu sa passion à lui aussi.
— Nos parents ont brisé tout ça alors qu'il avait, quoi, onze ans ? Et moi quinze. Ils voulaient qu'on reprenne l'entreprise familiale. Alors ils nous ont entrainés. Ils m'ont pris tout le temps que je passais avec lui pour m'envoyer à des cours d'économie ou je sais pas quoi...
— J'étais un ado rebelle, égoïste et stupide, alors je refusais tous les cours qu'ils me donnaient, je faisais tourner en bourrique mes profs particuliers, je réveillais toute la maison en jouant de la guitare électrique la nuit... Rien de bien glorieux, mais pour moi c'était ma façon de montrer que jamais je ne laisserais mes parents me forcer à abandonner la musique.
— Dans tout ça... J'ai délaissé Beomgyu. Je me fichais de lui, je ne le voyais plus. Pour moi j'étais la seule victime. Et quand mes parents ont un peu relâché la pression qu'ils mettaient sur moi, je me suis senti fier et fort. J'ai compris bien trop tard qu'ils la transféraient sur lui à ce moment-là.
— On perdait peu à peu notre complicité et nos liens, même si on refusait de l'admettre. C'est triste mais c'est vrai. Et un jour, non loin de ma majorité, j'ai tout simplement pété un plomb. J'ai pleuré dans ses bras, comme s'il n'était pas en train de subir la même chose que moi, mais plus jeune et moins résistant. Et ce jour-là, il a sacrifié sa vie pour moi. Il a décidé de devenir PDG à ma place. Il a abandonné ses rêves pour que je puisse accomplir les miens.
— La personne pour qui il veut écrire cette chanson... Taehyun. Il est, à ma connaissance, le seul ami proche de Beomgyu. Et il me déteste, même si il est bien trop professionnel pour le montrer.
— Il a bien raison de m'en vouloir. J'ai encouragé mon petit frère à aimer la musique, puis j'ai reposé le poids des responsabilités qui me revenaient sur ses épaules de gamin, je me suis cassé et j'ai fait ma vie comme j'en rêvais. Pendant ce temps, lui il souffrait. Non seulement je l'ai abandonné, mais j'ai volé son avenir.
Une sirène d'ambulance retentit non loin et Taehyung, les joues mouillées de larmes, soupira en l'écoutant.
— Je vois. Vous avez un sacré passé, prononça doucement Yoongi.
L'autre échappa un petit "hm" en s'essuyant les joues.
— Même si rien de tout ça n'est juste pour personne, rappelle-toi qu'il l'a choisi.
— Il n'aurait pas dû, soupira le plus jeune.
— Mais il l'a fait. Quoi que tu puisses penser. Il n'avait peut-être pas pensé à toutes les conséquences, il a peut-être été influencé, et il a sûrement des regrets ; mais il a choisi.
— Tu te contredis toi-même, hyung ! Un choix n'en est pas un s'il n'est pas éclairé.
— Peut-être, admit Yoongi.
Le silence revint, et ne les quitta plus.
✨
Beomgyu était assis à son bureau, la lumière de son écran se reflétant sur ses lunettes. Ses cheveux étaient en bataille. Il portait un bas de survêtement et une chemise blanche avec des manches longues. Seuls quelques boutons étaient faits, pour la forme.
Il passa une main dans ses cheveux. Il finissait les paroles de sa chanson, et il était bloqué depuis une bonne demi-heure sur le second couplet.
Il attrapa un verre d'eau qui trainait et le but lentement, les yeux dans le vide.
Son téléphone se mit alors à sonner. Il le prit en main et son expression s'illumina un peu en voyant qui l'appelait.
— Yeoboseo ?
— Salut.
Il eut un grand sourire.
— Comment ça va, Hyunnie ?
— Ça va merci.
— Qu'est-ce que tu fais de beau ?
— Rien de spécial. Et toi ?
— C'est un secret, déclara-t-il.
— Hm ? Pourquoi ?
— Bah je peux pas te le dire, c'est un secret !
— Mais... Mais c'est super frustrant !
Beomgyu éclata de rire au commentaire spontané de son ami.
— Je sais~
— Et je vais savoir un jour ?
— Un jour, oui. C'est sûr.
— Bon. Dans ce cas...
Le blond sourit.
— Mais sinon, ça va ? J'ai pas eu de tes nouvelles pendant un long moment.
— Super ! Merci beaucoup de m'avoir organisé cette pause.
— Tu en avais besoin.
- Hm. Je ne sais pas combien de temps j'aurais encore pu tenir.
— C'est pour ça que je suis là.
— Pourquoi ?
— Pour te dire de t'arrêter quand je te vois plonger, et te sortir de là si jamais tu ne t'arrêtes pas.
Le jeune homme s'immobilisa à cette phrase, comme si elle révélait tous les secrets de l'univers.
— Gyu ?
— Je dois te laisser, Taehyun. Mais ça en vaut le coup, je te jure.
— Si tu le dis.
— Merci beaucoup de m'avoir appelé ! Prends soin de toi.
— Ok.
L'appel se termina et Beomgyu se précipita sur un bout de papier et un stylo qui n'avaient rien demandé.
Le producteur écoutait attentivement l'enregistrement. Et il devait dire qu'il ne s'attendait pas à ça du PDG d'une grande entreprise.
Ce même PDG trépignait intérieurement, mais seulement intérieurement car il se retenait du mieux qu'il pouvait.
Le morceau se termina et il attendit (très impatiemment) la réaction de son ainé.
— Cette chanson...
— Oui ?
— Pour qui est-elle ?
— Taehyun. Un ami d'enfance qui est un collègue à moi maintenant.
— Vous... Bon, ça ne me regarde pas. Passons.
Bien qu'intrigué, le jeune homme se reconcentra vite sur les paroles de l'autre.
— Tu as du talent, Beomgyu.
— Merci.
— Cette chanson est... je ne sais pas. Elle dégage quelque chose de particulier. On voit que... que tu débutes, mais que tu as de l'expérience, et surtout de la passion pour la musique. Et les paroles...
Le compositeur prit une pause pour réfléchir.
— Elles sont... vraiment bien. Elles viennent du cœur, elles sont réfléchies, intéressantes, touchantes, et sincères. Ça se sent.
Ne sachant que faire de cette cascade de compliments, Beomgyu s'inclina simplement et le remercia :
— C'est très gentil, j'ai vraiment travaillé dessus. Et je n'y serais jamais arrivé sans votre aide !
— Je n'ai fait que t'enseigner les bases.
— Où serais-je allé sans bases ?
Yoongi contempla l'humilité de son cadet avec surprise et respect.
— Tu devrais faire écouter ta chanson à ce Taehyun.
— Je vais le faire.
✨
Quelques jours plus tard, Taehyun se retrouva assis devant le bureau de Beomgyu qui se trouvait à ses côtés, anxieux mais impatient.
Tout le monde avait complimenté son travail, alors il devait se faire confiance.
Le noiraud à ses côtés se contentait d'attendre, le visage impassible mais curieux.
La musique se lança et le silence se fit.
Tour commença avec un battement synthétique régulier, calme, tel un cœur battant.
S'ajoutèrent ensuite quelques notes de guitare, qui formèrent une mélodie un peu triste, mais belle.
Et la voix de Beomgyu retentit.
Douce, un peu maladroite, elle avançait.
Une seconde voix, plus grave, plus expérimentée, résonna au fond quelques instants. Elle amplifia la mélodie.
Mais elle quitta bien vite le morceau et Beomgyu continua seul.
Le refrain commença, et la voix de Beomgyu s'envola, bouleversante, chantant des remerciements, des mots doux et chaux.
Le second couplet arriva, et Beomgyu sembla se perdre. Sa voix se tordait, et tomba lentement, suivant la guitare.
Puis, de sa voix douce, il prononça dans un silence quelque mots :
Prends ma main et ferme les yeux.
Et un silence se fit.
Et le jeune homme enchaîna :
J'ai toujours été avec toi
Fais-moi confiance, crois-moi
Tu peux allez mieux
Fais attention à toi
Comment ça va
Prends soin de toi
J'encaisserai à ta place
Je suis là
Je veille sur toi
Toujours, je suis toujours là
Tu ne plongeras pas
Et si tu ne t'arrêtes pas
Je te sortirai de là
L'instrumentale s'emballait en écho, encourageant sa voix à s'élever.
Tout se calma, presque religieusement, et sa voix retomba. La petite mélodie retentit à nouveau, apaisante maintenant qu'on s'y habituait.
Et le jeune homme finit sur ce mot :
Merci
La petite barre qui avançait continuellement sur l'écran atteignit la fin de la ligne et se stoppa.
Deux paires d'yeux embués de trouvèrent.
Et elle ne se quittèrent plus.
Plus jamais.
merci de la lecture !
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