"Bonsoir ! Enchantée ! Bonsoir !"

Eléonore débarque sur le plateau, son sac à franges pendant avec nonchalance depuis son avant-bras. Elle découvre ce lieu mythique, endormi depuis plusieurs semaines, fourmiller d'activité. Elle est la sauveuse, l'heureuse élue, et compte bien redonner ses lettres de noblesses à Artbook.

"Bienvenue à vous mademoiselle ! Comment vous appelez-vous, dites-nous !"

Le cameraman qui a accueilli Eléonore rayonne d'un sourire éclatant. Il semble ravi de la trouver sur ce plateau.

"Merci à vous, c'est adorable de me réserver un accueil si qualitatif ! Je m'appelle Eléonore, enchantée de faire votre connaissance. Et vous, quel est votre nom ?
- Gérald, je suis Gérald, en service de cette émission au poste caméra depuis de nombreuses années !
- Parfait ! Vous avez donc le bénéfice de l'expérience, cela ne vous dérange pas si je vous sollicite pour quelques conseils par rapport au fonctionnement de ce plateau, de temps à autres ?
- Absolument pas, au contraire, ce serait un plaisir ! Vous savez qu'après le présentateur précédent, tomber plus bas nous est impossible... Vous avez donc la lourde tâche de redorer notre blason, mais sans aucun doute, vous y parviendrez.
- Merci de votre confiance. Je ne fais jamais les choses à moitié, soyez en sûr. Je ferai de mon mieux pour faire vivre cette émission. C'est un très bon souvenir de jeunesse, moi qui me passionne pour le domaine végétal. Alors, quoi de mieux que d'allier mon métier, le journalisme, à ma passion ! Mes histoires doivent vous ennuyer, j'en suis navrée.
- Mais non, ne vous en faites pas ! Bon, moi je vais me mettre à ma caméra. Elle a besoin d'un petit rééquilibrage ! Je vous laisse prendre vos marques."

Eléonore pose son sac à franges sur la table de la remise, criblée de miettes de chips. L'ancien propriétaire devait être sacrément cochon ! Elle sort une lingette et nettoye la table vigoureusement, sous les yeux ébahis de Gérald.

"Vous savez, nous avons la chance d'avoir une superbe femme de ménage...
- Voyons, laissons les femmes de ménages se reposer un peu. Si certaines tâches sont futiles, autant s'en occuper nous-même non ? Je sais que vous me comprenez."

Son sourire empli de bienveillance n'aspire qu'à l'approbation, aussi le caméraman s'empresse d'acquiescer :

"Vous avez raison, ce n'est pas ce genre d'action futiles qui nous empêcherons de nous en occuper nous-même !
- Tout à fait, c'est ce que je viens de dire en effet.
- Tout... Tout à fait oui, vous avez raison."

*Un peu spécial ce Gérald !* pense Eléonore. *Il semble virevolter sur un petit nuage ! Je suis certaine que nous ferons une très bonne équipe !*
Après cette session de nettoyage, la nouvelle présentatrice ôte son châle et laisse admirer une longue robe carmin à fleurs. Ses avant-bras sont recouverts de bracelets tressés et son buste orné de pendentifs en tous genres. Son bandana kaki-clair noue des cheveux d'une blondeur de platine, auxquels la cohabitation avec des mèches poivre et sel réussit sans hésitation.
Eléonore se déplace à travers le plateau, et en admire pendant de longues minutes les recoins. Les mains sur le bassin, elle réfléchit, se tourne, prend des photos, change de point de vue. Elle finit par bouger les sièges de place, laissant plus d'ouverture. Elle goûte ensuite le thé laissé dans la théière en plastique, et le recrache par terre. Le caméraman, abasourdi par ce geste, s'enquit alors :

"Tout va bien Eléonore ?
- Oui, parfaitement bien ! Ne vous inquiétez pas pour ça, je vais nettoyer en deux deux. Je tenais quand-même à goûter ce thé. Seulement, je ne m'attendais pas à une telle infection ! Celui qui l'a préparé n'a sans aucun doute jamais vu Buckingham de ses propres yeux ! M'enfin, j'ai ramené du thé jasmin-citronnelle. Ce n'est pas ce qu'il y a de plus fameux, mais ce sera toujours mieux que cette éruptation désormais par terre.
- Hahaha que vous êtes drôle Eléonore !
- Je vous en prie, appelez moi Elé."

Une fois le thé jasmin-citronnelle prêt à l'emploi, non pas dans la théière en plastique, mais dans une jolie cruche de céramique, Eléonore expose sur la petite table du plateau une jacinthe en fleur, de petites étoiles violettes, ainsi qu'un assortiment de tasses en faïence dans les mêmes tons que la nouvelle théière.
C'est alors qu'elle se dirige vers la sortie, en annonçant à Gérald :

"Je vais faire un tour chez Brikea, juste en face. J'ai besoin d'un petit accessoire qui fera toute la différence !
- Mais, nous devons tourner dans un quart d'heure ! Certes, nous ne faisons pas de direct, mais...
- Faites-moi confiance ! Et, d'ailleurs, j'ai demandé à ce qu'Artbook soit diffusé en direct dès la semaine prochaine, c'est tout de même bien plus amusant non ?"

Eléonore quitte les locaux par la porte de derrière.