Chapitre quinze :
- Harry Styles. -
Harry sentait bien que le métis ne lui mentait pas, qu'il était sincère dans ses propos. La preuve étant qu'il avait fait toute la route pour le voir, lui, alors que son copain n'avait même pas eu l'idée de l'appeler pour prendre de ses nouvelles. Et ça lui brisait le cœur. De se rendre compte qu'une personne qu'il ne connaissait que depuis quelques mois était plus attachée à lui que celle qui partageait sa vie depuis presque deux ans. Ça le confortait dans son idée que Maël ne l'aimait plus, mais ça il l'avait constaté depuis longtemps, et dans le fait que lui non plus ne ressentait plus rien. Un vide total. Le néant. Ou juste de la peine. Même pas de la douleur, parce qu'il s'était habitué à être traité comme un faible, si bien que les coups devenaient une routine pour lui. Une habitude. Un part de son quotidien. En revenant ici, il y avait oublié pour quelques jours seulement que sa vie ne pouvait pas être gâchée ainsi. Il savait que son copain allait finir par le lâcher un moment ou un autre, dans une semaine, dans trois mois ou demain. Peu importait quand, il le savait. Il le sentait. Et il ne comprenait même pas pourquoi il restait encore avec lui. Il pourrait se trouver une belle femme, riche, à la poitrine généreuse et qui le comblerait de tout ce qu'il voudrait. Maël était un garçon dominant, il voulait avoir le pouvoir, l'argent, de drogue, d'alcool, qu'on s'occupe de lui, qu'on fasse les choses contraignantes à sa place, il voulait du sexe. Beaucoup de sexe. C'était aussi vital pour lui que la nourriture. Mais surtout, il montrait sa force, sa puissance. Le maître de la maison, c'était lui. Sauf que cette mascarade avait duré bien trop longtemps au yeux du bouclé.
La venue de Zayn lui avait encore plus ouvert les yeux sur la situation. Sur sa gravité. Aucun homme ne pouvait vivre ainsi. Cela faisait des mois qu'il endurait cet enfer, qu'il supportait et accusait les coups sans rien dire, parce qu'il pensait que c'était de sa faute. Qu'il n'était pas assez bien, qu'il devait changer, qu'il devait devenir meilleur et à la hauteur pour que les sentiments du châtain se réveillent. Il s'était bercé d'illusion, il avait cru longtemps à un mensonge. Le plus gros mensonge de son existence. Au fait qu'une amélioration était possible. Seulement, il était revenu à la réalité, depuis ce que le métis lui avait montré et ce dont il lui avait parlé. Sa venue dans sa vie avait tout fait basculé, à la minute même où il était entré dans ce café et où il l'avait dragué ouvertement. Un inconnu lui avait ouvert les yeux sur la dure vérité de son couple. Son couple qui avait volé en éclat, qui avait connu une dégradation si violente qu'aucun espoir n'était envisageable pour le futur. Harry devait y mettre fin, il devait arrêter cet enfer avant que son propre futur ne soit mit en danger. Retarder les choses ne ferait que les aggraver. Mais, après ? Quitter quelqu'un avec qui on avait commencé à construire une vie n'était pas aussi facile. Il devait abandonner ses repères, sa maison, et peut-être son travail. Parce qu'il n'avait pas les moyens de se louer un appartement et subvenir à ses besoins en même temps. Il serait obligé de retourner chez ses parents en attendant. Loin de ses amis, loin de son travail, loin de son quotidien.
« Il se fait tard, je devrais peut-être rentrer chez moi... »
Zayn était resté chez lui pour le reste de la soirée, il avait dîné avec eux. Ses parents avaient été très polis et chaleureux, ils ne lui avaient pas posé trop de questions. Uniquement sur sa carrière professionnelle et depuis quand il connaissait leur fils. Et le bouclé avait été un peu gêné, il avait repensé à ce baiser, à tout ce qui s'était éveillé et envolé en lui. A toute la tendresse et l'attention qu'il avait ressenti d'un coup, à travers un simple contact. Simple, mais qui s'était fait tellement rare qu'il en était devenu précieux. Et il avait envie de recommencer. Il avait envie qu'on l'embrasse comme si sa vie en dépendait, comme si on le voulait réellement, comme si le monde était sur le point de s'écrouler. Mais il n'avait pas encore osé aborder le sujet avec le basané, de peur qu'il ne lui dise que ce n'était qu'une erreur. Après tout, pourquoi viendrait-il perdre son temps à s'attacher à un pauvre et faible garçon comme lui ? Des tas d'autres hommes l'attendaient au dehors. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il possédait peut-être une chance, parce qu'il était revenu pour lui, parce qu'il était en sa compagnie, en ce moment même. Ils étaient tous les deux allongés sur le dos, dans le lit, de travers. Leurs regards fixaient le plafond et ils parlaient. Ça leurs faisait du bien, surtout à Harry. Parce qu'il sentait qu'il n'était pas seul, que quelqu'un était là pour l'aider et l'écouter.
« Reste. »
« Quoi ? »
Demanda alors le métis en tournant la tête vers le bouclé, qui avait à peine murmuré sa phrase. Un peu gêné tout de même. Ses joues étaient rosées et ses pupilles brillaient, des tas de petites étoiles. Partout. Il ne voulait pas le voir partir. Pas maintenant qu'il se sentait si bien et apaisé. Pas maintenant qu'il avait trouvé une personne pour le protéger. Il avait besoin d'une présence, d'un soutient constant, d'une stabilité et de bras pour le rattraper s'il venait à tomber encore.
« Reste là cette nuit. S'il te plaît... »
« Mais je ne veux pas m'imposer Harry, je suis déjà venu à l'improviste. »
« Ça n'embête pas mes parents si c'est ça qui te dérange. Ils t'apprécient, je pense, et... J'ai envie que tu restes. »
« Tu es sûr ? »
« Certain. Je n'ai pas envie de me retrouver seul. Demain, je rentre chez... Moi et je sais ce que je vais devoir affronter. J'en ai besoin. Tu n'as pas fait toute cette route pour rien en plus. »
« D'accord Harry. Si tu le veux. »
« Parce que tu ne le veux pas toi ? Demanda le bouclé doucement, les joues légèrement plus rosées en tournant le regard vers lui. »
« Bien sûr que si, idiot ! »
Et suite à ça, le bouclé sourit et saisit un de ses coussins posés au bout du lit pour lui écraser sur sur le torse. Le métis arbora une mine faussement choquée et amusée. S'en suivit une bataille de polochons accompagné par des rires et des petits cris. Voilà de quoi le bouclé avait besoin pour se sentir mieux. Une échappatoire. Et Zayn remplissait parfaitement ce rôle. Il savait lui vider l'esprit, le rendre apaisé et le libérer de ses contraintes. Pour un certain temps du moins. Se sentir lui-même, se sentir bien avant de retourner à la réalité, à l'enfer, le lendemain. Leur petit jeu dura quelques minutes, avant qu'ils ne stoppe quand le métis se retrouva au dessus du brun, ses jambes de chaque côté de ses hanches. L'un allongé entre les deux coussins, l'autre à genoux, mais très proche. Leurs respirations étaient haletantes, leurs regards s'entre-choquèrent. Comme la dernière fois, la tension revenait prendre possession de l'atmosphère. Mais ce n'était pas gênant ou lourd, plutôt calme et chaud. De l'électricité. De la douceur. Les joues du bouclé étaient rosées et les pupilles de Zayn brillaient. Brillaient d'amour. Aussi brutalement qu'on chutait au sol, aussi violemment qu'on recevait un coup, il était tombé amoureux de Harry. C'était vif, brûlant et agréable à la fois. Un mélange explosif qui lui embrassait le coeur. Luke avait raison, jamais il ne s'était autant attaché à quelqu'un au point de vouloir le sauver du mal.
Zayn avait cette habitude de toujours s'enticher des mauvaises personnes, mais le bouclé était bien différent de tous ceux qu'il avait pu connaître. De tous les coups d'un soir qu'il avait pu ramener dans son lit à une époque. Harry était unique. Harry était une lumière, une essence. Il dégageait une telle aura qui sublimait tout ce qui l'entourait. Mais, il n'était pas certain que tout ce qu'il ressentait soit réciproque. Le garçon en dessous regardait le visage du métis, ses yeux détaillant plusieurs fois ses lèvres. Celles qu'il avait goûté il y a peu. Et qu'il voudrait avoir encore la chance de retrouver. Il avait adoré sentir que quelqu'un se préoccupait de lui, qu'il n'était pas invisible. Même s'il ne savait pas ce que cela signifiait vraiment, il souhaitait connaître et apprendre par coeur la texture, le goût et la douceur de ses lippes. Il remarquait son regard insistant, il sentait la tentation entre eux et cette envie irrésistible de succomber. Lui, ne voulait plus se battre pour une cause perdue, alors il pouvait au moins s'accrocher à son dernier espoir.
« Qu'est-ce que tu attends pour m'embrasser ? »
L'ultimatum était lancé. Si Zayn répondait à sa question, ou s'il venait exécuter ce que tous les deux mourraient d'envie de faire depuis tout à l'heure, il aurait le verdict. S'il tient réellement à lui ou non. Si, lui aussi, avait été bouleversé et retourné par le premier baiser qu'ils avaient partagés. Parce que oui, le métis avait fait le premier pas, le surprenant légèrement au passage, mais le bouclé y avait répondu avec vigueur et douceur. Les étincelles qu'il avait ressenti dans son ventre ne trompaient pas. Il ne savait pas trop ce qu'elles signifiaient, ce que disait réellement leur sens, mais elles avaient été là. Chaudes et bouillonnantes dans son être. Il regarda Zayn se mordre la lèvre inférieure et pousser un petit soupir.
« Je ne sais pas, Harry... J'en meurs d'envie, mais je ne sais pas si c'est raisonnable, pour toi. »
« Comment ça ? »
« Écoute, je sais que ton copain est un vrai connard, que tu ne l'aimes sûrement plus, mais je n'ai pas envie de passer pour celui qui a profité de la situation, de ta faiblesse pour tirer un coup. Je ne suis pas comme ça... »
« Zayn... Il porta une main au visage du garçon et caressa sa joue bronzée doucement. Je sais bien que tu n'es pas ce genre de personne. »
« Je veux que tu saches que... Ce n'est pas pour t'avoir dans mon lit que je fais ça. Ni pour jouer avec tes sentiments. Je déteste faire du mal aux gens et encore plus à toi. »
« Oui, moi je le sais, je te fais confiance, totalement. Et... C'est le principal non ? »
Le métis hocha la tête et attendit quelques secondes. Cette fois, ce fut Harry qui prit les devants, il glissa sa main sur sa nuque et l'attira à lui pour faire rejoindre leurs lippes. Encore une fois cette douceur, cette chaleur. Sauf que les étincelles étaient devenues des feux d'artifices. Des explosions. Dans le coeur et l'estomac des deux jeunes hommes. Rien n'était plus réel et palpable. Jamais le bouclé n'avait été embrassé avec autant de sincérité et de délicatesse, pas même quand tout allait bien entre Maël et lui. C'était nouveau. Une découverte. C'était bon. C'était unique. C'était Harry et Zayn. Zayn et Harry. C'était eux. Une évidence. Un lien solide. Quelque chose qui c'était créée dans l'ombre, bien contre leur gré, et qui s'exposait maintenant au grand jour. Il sentait sa poitrine se gonfler et se remplir d'une chaleur inconnue, ou du moins qu'il n'avait pas ressenti depuis une éternité. De ce sentiment qui grossit, qui prend de plus en plus de place, qui s'empare de son être entier. Et pour une fois, il ne se noie pas, il nage à la surface et réussit à atteindre la terre ferme. Le sable sous ses pieds. Il a un pilier, une fondation solide, quelqu'un pour le rattraper, le serrer dans ses bras et entourer une grande serviette chaude autour de son corps frêle. Quelqu'un pour lui montrer que, non, tout n'était pas perdu.
Au fil du baiser, la main du basané se glissa le long sa hanche, au dessus de son tee-shirt de pyjama. Sa peau frissonnait, s'éveillait sous son toucher si délicat, comme la caresse d'une plume, d'une adolescente timide. Cela n'avait rien d'un geste sexuel, il le savait, il le sentait. C'était de la douceur, pour lui montrer qu'il était là. Je suis à tes côtés, ne t'inquiète pas. Il était là, il le touchait, il le voyait, il le sentait, il existait enfin. A travers des doigts fins et chauds au dessus du tissu si léger et mince de son tee-shirt. Ce n'était trois fois rien, juste une caresse, mais cela suffisait à éveiller en lui une lumière scintillante. Il s'était allumé, entouré d'une aura chaleureuse, brillante. Le temps s'était arrêté. Son coeur avec. Et quand il posa sa main grande et légèrement tremblante sur le torse du bouclé, il pouvait sentir sa poitrine s'emballer, chaude, sous ses doigts. Il n'était pas le seul. Il n'était plus seul. Et il se disait que ça devait être ça la seule vraie définition de l'amour : être unis, le coeur battant, à deux, face à une épreuve, face à la vie.
Puis, quand ils se séparèrent pour reprendre leurs souffles, Zayn lui offrit un sourire sincère et posa ensuite sa tête sur son torse. Là, sur sa poitrine où son coeur battait la chamade. Boum. Boum. Boum. Boum. En fait, ça faisait presque mal. Mais une douleur agréable. Pas celle qui ressentait quand Maël levait la main sur lui, pas celle qui perforait son être quand il voyait son regard sombre et avide se poser sur son corps. D'habitude, il se sentait sans défense, faible, fragile, atteignable. Mais là... Il était au dessus, il s'élevait au dessus des nuages. Juste avec un baiser et un peu de douceur. Juste avec les mots doux que le basané lui souffle en caressant sa hanche. Sa main découvre sa peau, ses formes, sans chercher à s'aventurer non plus sous ses vêtements.
« Je n'ai tellement pas envie d'y retourner demain. »
« Je sais Harry, mais ça ira. Ignore le. Je jure que tout se passera bien. »
« Si je fais ça, ce sera pire... Le bouclé poussa un petit soupir et se mordit la lèvre. Tu sais, j'aimerai avoir la force pour tout envoyer valser. Comme ça. Comme il sait le faire. Je voudrais être capable de partir, sur un coup de tête. Je veux le quitter, au plus vite, mais... Dans ma tête, je ne peux pas m'empêcher de me faire des films, de me dire que tout ne passera à mon avantage. Qu'il doit forcément y avoir un point noir, parce qu'il y en a toujours. »
« Hey... »
Zayn releva la tête et plongea son regard dans le sien. Sa main remonta le long de son torse pour se poser sur sa joue rosée et douce, son pouce la caressa doucement. Il le rassurait et ça marchait à merveille. Il pouvait sentir son corps se détendre, ses mauvaises pensées s'évaporer. Presque toutes. C'était presque magique, mystique. Puis, s'il fermait les yeux, il pouvait voir des étoiles. Partout. Des millions de petits points briller pour lui.
« Tu as su venir jusqu'ici, tu as eu ce courage. De t'éloigner de lui pour quelques jours, alors... Même si c'est compliqué de tout lâcher du jour au lendemain, d'avoir l'impression de tout perdre, tu peux le faire pour toute une vie aussi. Après, malgré le mal que tu ressentira, je te jure que ça ira mieux. Tout sera meilleur. Plus de coups, plus de violence, plus d'insultes. Plus de souffrance. Tu m'entends ? Tu seras heureux. »
« Je... Tu me le promets ? Tu me promets que tu seras là après tout ça ? Que je pourrai compter sur toi, encore ? »
« Sur moi et sur tes amis. Oui, je te le promets, Harry. »
« Viens avec moi demain. »
« Quoi ? Demanda le basané en fronçant les sourcils. »
« J'ai besoin que tu sois là. »
« C'est ta vie, Harry. Je veux dire... Je vais t'aider, oui. Mais je ne peux pas me permettre de m'imposer dans votre histoire. C'est personnel. Tu es assez fort pour le faire par toi-même. Lui montrer que c'est toi qui commande cette fois, que tu es déterminé à y mettre fin. Sinon, si je suis avec toi, il va croire que c'est moi qui te pousse à le faire et que tu es trop faible pour prendre ta vie en main. Pourtant, tu en est capable. »
« Mais j'ai peur... J'ai tellement peur, Zayn.»
« Je sais, oui. Et c'est tout à fait normal. Mais je crois en toi. Je suis certain que tu en es capable. Écoute, si jamais ça ne se déroule pas bien, si jamais il lève la main sur toi, tu sors en courant et tu viens à l'atelier. Ou chez moi. Je vais te donner mon adresse, d'accord ? »
« D'accord. »
Harry hocha la tête, la mine toujours triste et tendue, mais il se sentait tout de même calmé avec les gestes du basané. Il le regarda bouger sa main pour la replacer sur sa hanche et enfouir sa tête dans son cou. Là, il le sentit inspirer son odeur, s'imprégner de lui, de son être. Le bouclé tourna légèrement la tête pour nicher son nez dans ses cheveux. Ils sentaient le shampooing pour homme et la cigarette aussi. Un mélange plutôt agréable, étrangement. Ses paupières se fermèrent, il profitait de ce corps chaud et léger contre le sien. De cette étreinte, de l'attention qu'il recevait. Parce qu'il avait peur que demain, quand il ouvrirait les yeux, tout ait disparu. Simplement un beau rêve, le fruit de son esprit. Alors, il le serra fort, pour ne pas qu'il s'échappe, qu'il lui glisse entre les doigts. Ils ne parlèrent plus pendant un petit moment, quelques minutes. Juste là, allongés l'un contre l'autre, l'un sur l'autre. La lumière tamisée de la petite lampe de chevet pour seule éclairage, la porte fermée. Ils chuchotaient, pour ne pas qu'on les entende. Et les murmures rendaient les choses encore plus belles, encore plus réelles.
« Tu penses que je dois le quitter dès demain... ? »
« Je ne sais pas, Harry. Mais pour toi, pour ton bien, le plus tôt sera le mieux. »
« Oui, d'accord. Une minute passa. Dis, tu ne m'abandonnera pas, toi ? »
« Je te le promets, oui. Et je suis un homme de parole. »
Puis, après quelques secondes, la main de Zayn glissa vers la sienne pour venir lier leurs doigts sous la couverture. Une preuve. Leur promesse dans le silence. Un silence, suivit d'un échange de regards, qui avait bien plus d'impact et de vérité que des mots.
* * *
Depuis que Harry n'était pas là pour s'occuper du service ou de la caisse, les employés étaient un peu plus débordés. Pas qu'ils recevaient plus de commandes que d'habitudes, mais ils étaient moins nombreux aux heures de pointe. Michael slalomait entre les tables pour distribuer les collations ou petites douceurs, donnant un beau sourire aux clients. Une petite fille, tenant une grande tasse, avait une moustache de chocolat au dessus de sa lèvre supérieure, sa mère rit et lui ressuya le visage. Ce genre de scène faisait du baume au coeur du jeune homme. Après qu'un couple soit parti, il nettoya une table et reposa correctement la carte, son plateau toujours dans son autre main avec une tasse, une assiette vide, deux couverts et un verre dessus. Il devait faire vite pour les prochains arrivants. Une petite queue se créait déjà à la caisse. Le froid se faisait plus présent, glaçant, les gens venaient donc se réfugier dans des cafés pour se réchauffer. En dehors du service qui se faisait plus intense, cela augmentait leur chiffre d'affaire et paye du mois.
En ce moment, le travail occupait tout son temps. Il était un peu épuisé, mais en un sens il ne se plaignait pas parce que ça lui permettait de penser à autre chose, de ne plus se soucier de ses problèmes et de pouvoir dormir directement en rentrant chez lui. Après un repas et une petite partie de Minecraft. Il évitait de se rendre sur les réseaux sociaux depuis l'incident de la dernière fois, seulement sur Youtube et une plate-forme de mise à jour de jeux-vidéos. Aussi, il évitait de parler par sms à part avec son meilleur ami, pour prendre de ses nouvelles et il n'avait même pas répondu à celui de Ashton qui avait souhaité engager une conversation il y a deux jours. Il se détachait un peu de tout ça, parce que ça lui faisait trop mal. Et qu'il n'avait pas besoin de ça. En fait, il était bien mieux sans l'amour pour venir assombrir sa journée.Le jeune serveur retourna en cuisine pour prendre la commande d'un couple de personnes âgées : un croissant encore chaud et dorée et un thé à la cannelle. Il posa le tout dans un plateau, ainsi qu'un muffin aux pépites de chocolat pour une jeune femme et il retourna dans la salle. Ça sentait le grain de café et le pain frais, ou plutôt la brioche tout juste sortie du four. Il déposa les mets sur les tables alors que la clochette retentit à nouveau. Dix sept heures trente était affiché à l'horloge, l'heure de pointe était passée mais ils recevait généralement des étudiants qui venaient réviser ou des couples, pour se détendre. Il finissait son service dans une demi-heure, mais prenait ses dernières minutes comme aussi primordiales que les premières. Il revint avec un café au caramel, se dirigeant vers une table au fond, mais il manqua de renverser son café en voyant la personne assise à cette place. Des cheveux châtain un peu bouclés, un portable dans ses mains et ses lunettes sur le bout de son nez. Faire demi-tour serait totalement idiot, il passerait pour un incompétent et un lâche, alors il s'avança avec autant de tenue que possible. D'une main, aussi peu tremblante qu'il pu, il posa la tasse sur la table alors que Ashton levait les yeux vers lui. Un sourire faible sur les lèvres.
« Bonjour Mikey. »
« Salut. »
« Est-ce qu'on peut... Parler ? »
« Je travaille là. »
« S'il te plaît, j'ai besoin de te dire quelque chose. »
Une minute passa. Michael n'avait pas tellement envie. En fait, si, un peu. Voir Ashton lui faisait du bien et mal à la fois. Un paradoxe qu'il ne savait pas expliquer. D'un côté, il voulait le saisir par le col de son pull gris trop grande et le pousser contre le mur pour lui crier dessus à quel point il le détestait. Et d'un autre côté, il voulait simplement se pencher et le serrer dans ses bras pour s'imprégner de son odeur. Se battre et s'aimer. Mais il se sentait un peu faible de succomber aussi rapidement, de se dire qu'avec un seul regard, il pouvait parvenir à le convaincre. Il poussa un petit soupir et regarda autour de lui. La salle était à moitié pleine, deux personne seulement à la caisse.
« Je termine mon service dans vingt cinq minutes. »
« D'accord, je t'attends. »
Le garçon hocha la tête doucement et, dans un dernier regard, fit ensuite demi-tour pour aller délivrer les autres commandes. Entre temps, il jetait quelques regards vers la table où se trouvait Ashton. Il ne relevait pratiquement jamais la tête, concentré sur un croquis qu'il était en train de produire. Parfois, seulement, il osait quitter sa feuille des yeux et suivre le serveur dans ses gestes. L'observer. A quel point il semblait passionné par son métier.
A la fin de son service, après avoir rangé son tablier et salué ses collègues ainsi que Meg, il revint vers Ashton. Le café ne tarderait pas à fermer, sa tasse était vide, son crayon coincé entre ses doigts, très concentré dans son dessin. Michael osait à peine le déranger, mais il s'approcha finalement et se racla la gorge. Le châtain poussa ses lunettes en arrière sur son nez et releva la tête vers lui, voyant que le café était presque vide, il rangea rapidement ses affaires dans son sac et, après avoir laissé quelques pièces sur la table, se mit debout. Sans un mot, ils sortirent du bâtiment. Le vent était froid, le jour avait déjà laissé place à la nuit. La rue était éclairée par des lampadaires et les phares des voitures. Il y avait encore du monde. Le garçon aux cheveux colorés enfonça ses mains dans les poches de sa veste en jean, tandis qu'ils continuaient de marcher jusqu'à... A petit parc. Ils firent le tour d'un petit étang avant de s'installer sur un banc. Ce fut Ashton qui brisa le silence au bout de quelques minutes, jouant nerveusement avec ses doigts.
« Je suis désolé de ne pas t'avoir contacté avant... J'ai voulu le faire mais, je savais que tu m'en voulais sûrement. Tu es énervé contre moi et tu n'aurais pas voulu me voir tout de suite. »
Le serveur ne répondit rien. Et son silence voulait tout dire. Il lui en voulait toujours, il était toujours remonté et énervé contre lui. Pour l'avoir évité, pour ne pas lui avoir expliqué après, pour avoir posté cette stupide photo avec cette fille.
« Pour ce baiser... Commença le bouclé en se raclant la gorge, les joues rosées. Je suis désolé aussi, je n'aurai pas dû fuir comme un lâche. Je me suis tellement détesté après ça. J'ai même voulu faire demi-tour, il était trop tard. Mais... laisse moi te donner mes raisons. Je... J'ai eu une copine, il y a quelques mois, et j'étais vraiment amoureux d'elle. On était très heureux. Je pensais vraiment finir ma vie avec elle, du moins j'y pensais. Seulement, le bonheur ne dure qu'un temps, il faut croire. J'ai été très pris par mon art et mes études, on se voyait de moins en moins. Puis, elle m'a quitté. Parce que je faisais passer mes projets futurs avant elle, même si elle en faisait partie. Alors, je l'ai laissé partir. C'était mieux pour elle, elle méritait qu'on s'occupe d'elle comme il se doit. Bien que je l'aimais sincèrement. Cette rupture m'a détruite. Il marqua une petite pause. Alors... J'ai tiré un trait, on se parle de temps en temps, on est simplement amis. Mais, j'ai décidé de ne commencer une relation uniquement quand j'aurai terminé mes études. Dans deux ans, je sais que c'est long, mais... Je n'ai pas envie de perdre une autre personne à cause de ça. Je sais que... Tu ne vas sûrement pas m'attendre d'ici là, je comprend parfaitement. Je voulais seulement que tu saches pourquoi je ne préfère pas qu'on s'embrasse. C'est pour ton bien, je ne veux pas te donner de l'espoir et te briser le coeur après. »
Michael l'écoutait attentivement, les moindres mots, et il se sentait totalement idiot. Idiot d'avoir rejeté la faute entièrement sur lui alors qu'il souffrait autant, voir plus. Il avait avancé et tiré des conclusions trop hâtives. Bien entendu, cela lui faisait mal d'entendre qu'il devait patienter deux ans pour pouvoir, peut-être, envisager quelque chose avec lui. Mais après tout, il comprenait. Ashton les préservait tous les deux de la souffrance, de l'éloignement. Il ne voulait que son bonheur, il l'avait compris. Et justement, le jeune artiste n'avait pas le droit de se priver de sa dose de lumière sous prétexte que ses études et son atelier prenaient trop de temps et de place dans sa vie. Quand on aimait quelqu'un, on était tout à fait capable de faire des concessions pour lui, pour lui apporter une part d'amour aussi. Lui, était prêt à endurer cela. Plutôt que prendre le risque de le perdre, de le voir partir. Alors, pur montrer qu'il était là, qu'il l'entendait et qu'il comprenait, il glissa une main sur son genoux pour venir saisir la sienne. Le châtain poussa un soupir, ne lâchant pas l'horizon du regard, avant de caresser sa peau légèrement.
« Merci de me l'avoir dit. »
« Tu es un garçon brillant Michael, vraiment. Tu mérites mieux. »
« Peut-être qu'il n'y a pas mieux. »
Ashton tourna le regard vers lui et secoua la tête. Le serveur le pensait réellement, il se sentait bien, lui-même et heureux à ses côtés. Comme jamais personne avant lui. Il ne savait pas ce que cela pourrait donner, au final, mais ils pouvaient toujours essayer. Qu'avaient-ils à perdre ? Il ne devait pas laisser une chance pareille lui filer entre les doigts, il devait la saisir et la garder auprès de lui. Toute proche de son coeur. Le silence avait repris le dessus. On pouvait entendre le bruit de l'eau et les roues des voitures sur le bitume. Plusieurs minutes passèrent. Le châtain s'avança finalement poser ses lèvres délicatement, en une caresse, sur la joue de Michael. Puis, il reposa ensuite sa tête sur son épaule. Ils prendraient leur temps pour bien faire les choses, dans l'ordre et correctement. Peut-être qu'au fond, oui, il n'y avait pas mieux.
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