Chapitre neuf :


                                                                                 - Harry Styles. -



Les derniers amuses-bouches qu'il avait préparé furent posés sur la table basse en bois du salon, il avait pour habitude de concocter lui-même tout ce qu'il mangeait pour éviter de consommer trop de mauvaises choses. Mais, quand il n'avait pas trop le temps, il prenait généralement des repas végétariens qu'il lui suffisait de cuire à la poêle. Harry savait qu'en terme de nourriture, son meilleur ami n'était pas bien difficile, voir pas du tout, il goûtait à tout et se plaisait à innover. Seulement voilà, le jeune homme avait du tout préparer seul pendant que son petit-ami fumait dans leur chambre en jouant à un jeu-vidéo sur l'écran de télévision. Il ne s'était pas même pas levé pour aller prendre une douche, rien. Mais le bouclé n'osait pas aller lui demander de se laver, de faire un petit effort, où il risquait bien de le payer après, ce n'était pas un bon comportement. Alors, il s'occupa de ramener un petit bol de chips et mettre des bouteilles de bière au frais. Son invité serait là dans une demi-heure, et même si tout était prêt il se sentait stressé. Stressé par ce qui pourrait se passer, par l'image que refléterait leur couple et par le comportement qu'adopterait Maël au moment venu.

Finalement, il fut un peu plus soulagé quand il entendit l'eau couler dans la salle de bain, pendant ce temps, il décida d'aller s'occuper dans son petit atelier. Depuis quelques jours, surtout depuis que Zayn lui avait proposé de se voir encore pour se montrer mutuellement leurs travaux. Il était content que quelqu'un s'intéresse enfin à ce qu'il produisait et pas seulement un copain qui est là pour chercher une relation libidineuse. La photographie lui donner un moyen de s'échapper de la réalité qui lui broyait l'estomac, de faire taire cette voix, ce murmure incessant, qui hurlait dans sa tête qu'il ne servait à rien, qu'il était inutile. Alors, en prenant des clichés de différents sujets, il se sentait au moins légèrement important. Personne n'allait acheter ou admirer ses œuvres, c'était plus une passion qu'un vrai travail, Maël lui avait souvent répété cela d'ailleurs. Assez pour qu'il comprenne que sa place au café passait avant ses petits plaisirs. Il soupira et rangea quelques clichés dans un porte vue, ceux qui étaient secs du moins.

Avec un faible sourire, il passa son pouce sur le plastique où en dessous se trouvait une photographie de sa mère un peu plus jeune, il y a de cela trois ou quatre ans. Il l'avait toujours gardé avec lui, en souvenir, son histoire se trouvait à travers ses pages et s'il venait à les perdre alors... Il perdait tout. Ses plus précieux moments immortalisés. Une fois, lors de ses premiers jours de travail au café, il avait capturé la devanture dans son appareil pour en garder une trace et se rappeler qu'il avait toujours passé de bons moments là-bas. A part pour se rendre au travail, c'était rare qu'il se déplace sans un appareil photo avec lui. Tout était bon à gardé en mémoire. Il eut juste le temps de refermer son livre qu'on sonna à la porte, il ferma la porte derrière lui et remit ses cheveux en place avant d'ouvrir, tombant directement sur une masse de cheveux rouges.


« Bien le bonjour bouclettes ! »
« Bonjour Mikey. Rit doucement le brun avant de se décaler. Vas-y, entre. »


Michael ne se fit pas prier et entra, il retira sa veste en cuir et la donna à Harry qui la posa sur le porte-manteau avant de le guider au salon. La télévision était allumée sur une émission de reportage et tous les biscuits déjà sur la table basse. Il invita son meilleur ami à prendre place, lui proposa à boire et ne se rendit compte que maintenant que l'eau avait cessé de couler juste avant qu'il n'ouvre la porte. Son copain n'allait pas tarder. Tout en essayant de ne pas stresser, il ramena sa canette de coca à son invité et ils commencèrent à parler de choses et d'autres, du café, avant que Maël ne rentre dans la pièce. Le garçon posa une main sur la hanche du plus jeune, qui était encore debout devant le canapé, et passa à côté pour aller saluer le nouvel arrivant.

« Bonjour, Michael. Et toi tu dois être le fameux Maël, c'est ça ? »
« C'est moi, oui ! »


Harry l'observa serrer la main de son meilleur ami en souriant puis revenir vers lui, poser sa main sur sa hanche et discuter un peu. Il s'était vêtu d'une chemise noir unie et un jean serré, ses cheveux coiffés en arrière et sa petite barbe fraîchement rasée. Suite à ses mouvements, il avait même pu sentir qu'il avait mis du parfum, chose qu'il ne faisait plus avec lui, mais seulement quand il sortait pour se rendre au travail. Jamais, d'ailleurs, il ne faisait l'effort de se faire beau pour son copain. Mais là, c'était comme si son comportement avait totalement changé, et il avait fallu que le bouclé invite un ami pour qu'il se décide enfin à agir comme un petit-ami digne de ce nom. Ses doigts caressaient doucement sa peau au dessus de son tee-shirt des Rolling Stones, cela faisait si longtemps qu'il n'avait connu un tel contact que son corps entier en frissonna. Finalement, Maël pria le garçon aux cheveux rouges de s'installer dans le canapé, il se détacha du bouclé qui leva les yeux vers lui.


« Je te ramène de la bière ? »
« Non laisse bébé, j'y vais. Tu en veux aussi ? »
« Euh... Non. Non merci, du coca ça m'ira aussi. »
« D'accord, assieds-toi. Je reviens. »



Le châtain hocha la tête lui posa un baiser sur la joue avant de disparaître dans la cuisine, Harry resta quelques secondes sans bouger ou réagir. En fait, il essayait de réaliser correctement ce qui venait de se passer. Son copain, qui ne l'avait pas touché avec tendresse depuis des mois, venait de lui embrasser la joue et, en plus de cela, l'avait appelé « bébé » au lieu d'un de ces surnoms rabaissant qu'il avait l'habitude de lui donner. Il ne savait pas d'où provenait ce changement de comportement ni pourquoi, mais il n'allait pas s'en plaindre non plus. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de trouver cela étrange, comme si d'un coup il avait oublié ce qu'il avait lui avait dit quand Harry lui avait annoncé la nouvelle, qu'il resterait comme d'habitude. Là, c'était tout le contraire. En remarquant que son ami le regardait bizarrement, au bout d'une minute, le bouclé s'installa dans le canapé à côté de lui et entama une conversation pour changer de sujet. Même si l'idée qu'il se cachait quelque chose derrière ce changement soudain lui trottait encore dans un coin de la tête. Avec Maël, tout ne pouvait pas rester bien, ou alors lui-même finirait par tout gâcher.

Pourtant, la suite de l'après-midi se passa plutôt bien. Le couple était resté très proche tout en discutant avec l'invité. Le châtain ne cessait de toucher Harry, lui caresser la cuisse, prendre sa main ou déposer un baiser sur sa mâchoire. Des tas de contacts doux et affectueux, sans compter les deux baisers qu'il lui avait donné sur les lèvres ne quittant le salon pour aller chercher une autre boisson dans la réfrigérateur. Chacune de ces attentions avaient surpris le bouclé, lui qui n'y était plus du tout habitué, ces caresses lui étaient devenues étrangères autant que les baisers. Et à côté de cela, Michael semblait les trouver adorables ensemble. En temps normal, Harry aurait été content de voir son compagnon faire des efforts et se sentir aimé, mais il avait un mauvais pressentiment qui l'empêchait d'en profiter pleinement. Puis, il ne se sentait pas à l'aise, comme si ces gestes étaient forcées et malsains.


« Bon, il est presque dix-sept heures et j'ai du boulot encore. Je vais vous laisser. Dit l'invité en se levant, posant sa canette vide sur la table basse. Encore merci pour l'invitation, j'espère qu'on se reverra rapidement. »
« Avec plaisir. J'étais content de te rencontrer. »
« Moi aussi, depuis le temps que Harry me parle de toi. »


Ce fut Maël le premier à raccompagner Michael à la porte, le brun lui sourit et le prit dans ses bras. Un dernier salut, le châtain lui serra gentiment la main et ils se retrouvent à nouveau seul. L'un attend un autre geste, l'autre enfile une veste de survêtement et ses chaussures, il remit ses cheveux bien en arrière sur sa tête. Harry fronça les sourcils, toujours dans l'entrée à le regarder faire. Tout a changé d'une seconde à l'autre. L'air est devenu électrique, l'atmosphère lourde, il n'y avait plus aucune trace de tendresse ou de douceur. Maël était redevenu... Comme avant. Depuis le départ, le bouclé avait eut raison de se méfier de son comportement soudain et douteux, ce n'était qu'une façade, qu'un masque pour mieux duper leur invité. Pendant tout ce temps, il avait joué un rôle. Dans quel but ? Le jeune homme n'en savait strictement rien, mais le peu d'amour et de bonheur auquel il avait pu goûter s'était évaporé en moins d'une seconde.


« Qu'est-ce que tu fais... ? »
« Je vais faire un tour, sûrement dans un bar ou quelque chose comme ça. Ne m'attends pas pour manger ce soir. »
« Mais... Tu rigoles là ? »
« J'ai l'air de plaisanter ? Demanda le châtain en soupirant, se tournant vers lui avec un air agacé. »
« Pourquoi tu agis comme ça ? »
« De quoi tu parles, Harry ? »
« Pourquoi tu fais le garçon gentil, amoureux et attentionné devant mon ami et quand il part tu changes subitement de comportement pour redevenir le... Le... »
« Le quoi ? »


Le regard du plus vieux s'assombrit alors que le bouclé cherchait ses mots en fuyant ses yeux qui lançaient des éclairs, il n'osait plus l'affronter. Il savait que s'il allait trop loin, il allait le regretter. Maël était un homme à l'aura tellement dominante et impressionnante qu'il était impossible de ne pas se rabaisser. Les mots lui brûlaient les lèvres, sa langue le démangeait pour les faire sortir, mais ils ne parvenaient pas à franchir la barrière de ses lippes. Son esprit lui les criait, ses jambes tremblaient même un peu, il aurait aimé être un de ces hommes capable de prendre son courage à deux mains et lui dire ses quatre vérités. Il aurait aimé avoir cette bravoure, mais il était faible. Il devait s'y résoudre et faire avec. Mais, malgré son silence, le châtain n'en resta pas là. Il saisit brusquement les cheveux bouclés de son compagnon entre ses doigts et le poussa contre le mur avec assez de violence. Un geste qui fit relever la tête du cadet, il n'essaya même pas de fermer les yeux, car il savait que cela ne ferait que l'énerver plus encore. Alors, il rencontra son regard dur et tranchant, qui lui glaça le sang. Directement, il regretta de s'être lancé sur ce sujet.


« Le quoi hein ? Vas-y, finis la cette phrase et ouvre la bouche pour accueillir autre chose que mon sexe une fois dans ta misérable vie ! »


Harry hésitait entre se mettre à pleurer ou vomir tout ce qu'il avait pu avaler ses derniers jours sur la belle chemise du châtain. Plus les secondes défilaient, plus il se sentait mal. Sa gorge se nouait, il avait du mal à faire circuler l'air, ses jambes s'étaient mises à trembler et la poigne de l'autre garçon sur ses boucles étaient tellement ferme qu'il pouvait jurer qu'il lui avait arraché des mèches au passage. D'ailleurs, il ne sentait plus son cuir chevelu. Sa faiblesse reprit le dessus, les yeux humides, il secoua doucement la tête alors que le corps en face se pressait contre le sien. Mais, cela n'avait rien de sensuel ou de doux, c'était plutôt sauvage et dans le but de lui faire du mal, plus encore. Qu'est-ce qu'un coup en plus quand il était déjà au fond du trou ?


« Alors ? T'as perdu ta langue c'est ça ? Heureusement que t'es un bon coup, je te jure parce que putain... »
« Je... Je fais de mon mieux pour faire les choses correctement... »
« Mais tu fais tout foirer Harry, tu comprends ça ? Tu fais jamais les choses bien, et tu sais pourquoi ? Parce que tu n'es rien. Sans moi, tu serais déjà dans la rue en train de faire le trottoir pour ramasser de l'argent ! »
« Ne dis pas ça... Le supplia le brun en sentant les sanglots monter dans sa gorge. »
« Tu ne vaux rien. Tu crois que quelqu'un aurait envie de te donner de l'amour et de l'affection quand il te voit ? Non, simplement profiter de ton petit corps et de ton cul. De toute manière, ça ne change pas grand-chose d'aujourd'hui... Ça ne m'étonnerait même pas que tu fasses ça à côté de ton travail minable dans ce café. »


Le bouclé sentit un mélange d'adrénaline et de haine envahir son corps, ses mains pendaient contre le mur et il serra les poings pour se contrôler. Il savait qu'un geste ou un mot de travers lui coûterait très cher. Pourtant, il ne pouvait pas simplement se taire en entendant ses propos. Jamais, ô grand jamais, même dans les pires situations, il ne vendrait son corps pour obtenir de l'argent. C'était un acte immonde et dégradant pour n'importe quel être humain. Simplement parce que Maël l'utilisait et le traitait comme tel, il estimait qu'il était capable d'agir d'une manière aussi infâme et malpropre envers lui-même. Certes, il était faible et dominé la plupart du temps, mais il refusait que son compagnon franchisse cette ligne et le traite avec autant d'irrespect. Alors, dans une poussée de colère, il posa ses mains sur le torse du châtain et le poussa avec force pour qu'il le lâche. Le garçon tira un peu sur ses boucles mais le lâcha quand il manqua de tomber au sol, se rattrapant de justesse au meuble de l'entrée.


« Va te faire voir putain ! »


Les rôles pourraient presque se renverser, mais Harry n'était pas un garçon violent. Pourtant, on l'avait poussé trop à bout pour qu'il subisse un aussi dur rabaissement. Il acceptait les coups, les griffures, les blessures, les bleus, le sang parfois et les insultes, les actes sexuels sauvages, mais pas qu'on le prenne pour une vulgaire prostitué. Que la personne qu'il aime le considère ainsi. Seulement, le regard noir que lui lança Maël lorsqu'il releva les yeux vers lui aurait pu le tuer sur place. C'était pire qu'avant. Le bouclé s'attendait à recevoir sa punition, se faire frapper, ou enfoncer une cigarette allumée sur son bras, ses cuisses ou son torse comme l'avait déjà fait quelques fois son compagnon. Sur certains endroits de son corps, il en avait d'ailleurs encore les traces. Il sentait ses mains trembler en même temps que ses jambes, son cerveau ne répondait plus de rien, seulement focalisé sur les battements incessants de son corps qui résonnait dans ses oreilles. Mais, contrairement à ce à quoi il aurait pu s'attendre, Maël ne s'avança pas pour le frapper ou quoi que ce soit, il retira sa veste et la lança sur le canapé.

« Tu sais quoi ? C'est toi qui va te barre Harry, tu vas où tu veux mais je ne veux pas de toi ce soir ici. Je suis gentil, je te laisse dix minutes pour prendre tes affaires puis tu t'en vas. Et dépêche toi. »


Une minute. Il fallut une minute au brun pour réagir. Jamais il ne l'avait chassé de la maison avant, c'était tout le temps lui qui partait, qui fuyait et qui allait des fois passer ses nuits autre part. Harry ne savait pas où, ni si quelqu'un lui tenait compagnie, mais quand il rentrait le lendemain, il pouvait sentir une odeur différente de la sienne sur son corps. Pourtant, il ne disait rien. C'était pour son bien, qu'il se répétait sans cesse. Mais là, c'était lui qui allait se retrouver dehors, sans endroit pour se rendre. Sa mère habitait trop loin, il ne connaissait pas l'adresse de Michael et ne souhaitait pas le déranger. Surtout que le garçon l'avait vu quelques heures plutôt et il trouverait sa venue bien trop bizarre qu'il vienne d'un coup chez lui pour une dispute. Il monta rapidement dans la chambre pour aller chercher un sac, il le remplit avec des vêtements propres pour une nuit, sa prise de téléphone, ses clés, son livre avec ses photographie, son appareil photo. Sans tarder, il enfila un pull et une veste, ses chaussures et regarda une dernière fois au salon. Maël y était installé, dans le canapé, en train de boire sa bière et visionner un match de foot. Encore. Harry ouvrit la porte et la claqua aussi-tôt qu'il fut dehors.

La seule idée qui lui vint en tête fut de se rendre au café, il remonta son sac sur son épaule et prit la route. En fait, il espérait que Meg puisse l'accueillir chez elle pour la nuit. Il n'avait pas tellement le choix, c'était cela ou la rue. Déjà, il se sentait mal d'abuser de l'hospitalité d'une femme si gentille. En marchant, les larmes montaient à ses yeux, il les refoula plusieurs fois avant d'arriver devant son café au bout de quelques minutes. Il souffla un bout coup, histoire de reprendre ses esprits, avant d'entrer en arborant un sourire. Il était seize heures, l'heure où le petit commerce était remplis. Par chance, Michael n'était pas de service le Samedi après-midi, alors il pu tranquillement entrer sans subir des tas de questions. Toutefois, Sacha, derrière le comptoir fronça les sourcils en le voyant. Il lui donna un signe de la main, elle lui rendit un petit sourire et reprit son service. Harry se rendit à l'arrière boutique pour retrouver Meg dans les cuisines, en train de mettre au four des cookies aux pépites de chocolats. En voyant le jeune homme avec un sac, elle posa son torchon sur la table et s'approcha de lui.


« Bonjour mon chéri. Elle sourit et posa ses mains sur ses épaules. Tu veux faire des heures supplémentaires, c'est ça ? »
« En fait, je... Je me suis disputé avec mon copain, et je me demandais si... »
« Bien entendu que tu peux venir dormir chez moi Harry. Tu n'as même pas à être gêné de me demander ça. Je suis un peu comme ta grand-mère n'est-ce pas ? Tu peux me demander ce que tu veux, tu le sais bien. Je vais laisser les employer s'occuper du café quelques minutes pendant que je te conduis chez moi. »
« Merci infiniment Meg, mais tu n'es pas obligé. Je peux attendre ici jusqu'à... »
« Jusqu'à la fermeture ce soir ? Sûrement pas, tu as l'air épuisé. J'ai une chambre d'amis, tu iras te reposer là-bas. »


Harry ne pu se résoudre qu'à accepter quand elle prévenu le reste de l'équipe qu'elle retournait chez elle. Et, il ne pouvait que se sentir chanceux d'avoir un toit au dessus de sa tête pour dormir. Sans compter que pour une fois, depuis une éternité, il parviendrait à passer une nuit complète sans être réveillé par un cauchemar ou la peur.



                                                                                                    * * *


Lorsqu'il s'était réveillé dans des draps soyeux et doux, le bouclé avait mis du temps à se rendre compte qu'il n'était pas chez lui et qu'il avait, en plus, dormi pendant plus de douze heures. Un sommeil bien réparateur. Meg lui avait préparé un bon petit déjeuner chaud et copieux, lui avait laissé utilisé la salle de bain où il avait pris une douche brûlante pour se détendre. Il avait enfilé de nouveaux vêtements puis rangé toutes ses affaires, et même si la femme avait insisté pour qu'il reste encore un peu s'il le souhaitait, il quitta la maison vers midi, son sac sur le dos. Son portable en main, il soupira en voyant qu'il n'avait aucun appel manqué ou nouveau message. Mais, ce n'était pas une surprise, Maël n'était pas du genre à s'excuser ou à faire le premier pas, et cette fois il ne voulait pas le faire non plus.

Certes, il avait toujours ces cernes d'un kilomètre sous ses yeux, mais sa mine n'était plus aussi fatiguée. Pourtant, au lieu de prendre la route de chez lui, où il allait sûrement retrouver un compagnon très remonté et de mauvaise humeur, il décida de prendre un peu l'air et se balader dans les rues marchandes. Rues qui le menèrent jusqu'à la fameuse galerie d'art de Zayn. Ce n'était pas un hasard, parce qu'il lui avait promis de venir lui rendre visite un de ces jours et il espérait que même un Dimanche midi il y soit. Alors, après avoir réfléchit une bonne minute, il poussa la porte de la galerie. Une petite clochette retentit, il regarda autour de lui. Un bureau avec un ordinateur, des dépliants et des murs couvertes de tableaux, des sculptures sur des petits meubles. Tandis qu'il observait d'un peu plus près une des peintures, quelqu'un sortit par une porte au fond de la pièce et pas n'importe qui. Le métis se tenait devant lui, un chiffon coloré entre les mains, elles aussi avec des tâches de peinture et un sourire illuminé sur son visage d'enfant.


« Bonjour Harry, je ne pensais pas tomber sur toi. »
« Bonjour. Répondit doucement le concerné. Je te dérange ? Je peux revenir plus tard si tu... »
« Non non, je suis content que tu sois là. »
« Moi aussi en fait. J'étais venu pour te voir. Enfin... Si ta proposition tient toujours ? »
« Oh bien sûr ! Je dois simplement finir un petit dessin, mais viens. Comme ça je peux te montrer ce que je fais. »


Harry le suivit alors que lui avait déjà affranchit la porte, il fit de même et découvrit un grand atelier un peu en capharnaüm, mais vraiment joli. Des pots de crayons partout, des pinceaux, de la peinture, des feuilles, des chevalets, des cadres vierges ou déjà peints. Puis, des étagères remplies de différents accessoires d'art. Et en voyant le basané assit à une grande table blanche en train de se concentrer sur son travail, lui faisait réaliser qu'il se fondait parfaitement dans ce décor. L'art était pour lui et faisait partie intégrante de son être. Comme si, en fait, il était né avec ce talent et cette nécessité de peindre sa vision du monde. Tout le monde avait son moyen, certains l'écriture, d'autres la musique... Lui, avait choisi de peindre ce que ses yeux voyaient et se représentaient. Comme lui capturait le monde à travers son objectif. Au fond, ils se ressemblaient un peu.

Le bouclé posa son sac sur un tabouret en bois et observa la pièce autour de lui, elle dégageait une si bonne atmosphère qu'il lui était facile de s'y sentir à l'aise. Rien de mauvais n'émanait de ces murs, uniquement des ondes positives et une passion qui réunissait plusieurs personnes. Parce qu'évidemment, Zayn ne devait pas être le seul artiste à peindre et s'exercer ici. Ils avaient le droit à une belle vue, une lumière naturelle qui embaumait toute la pièce grâce aux fenêtres et ce décor devait tous les inspirer. Le métis coinça un pinceaux entre ses dents et chercha quelque chose dans son propre sac avant de le tendre au bouclé.


« Ce sont mes dessins, mes croquis... Tout ce qui me passe par la tête, en fait. C'est un parmi d'autres, mais c'est celui où il y a les plus récents. Tu peux t'asseoir et regarder si tu veux ? »
« Merci, ce serait avec plaisir. »


Après avoir saisit le calepin, Harry prit place sur la grande table en bois, en face du garçon tandis qu'il travaillait, et se mit à le feuilleter. Des détails, des paysages, des fleurs, des meubles, des personnes, des croquis assez abstraits. Les traits étaient fins, doux et purs. Comme s'il avait à peine appuyé sur sa mine de crayon, un simple coup de main volage, léger comme une plume. Et puis, presque à la fin du carnet, il tomba sur des détails d'un modèle. Des mains, des lèvres pulpeuses et rosées, des yeux émeraude brillants, des jambes fines et élancées, des boucles sauvages et brunes, presque noires... Son coeur s'emballa assez rapidement. Il avait compris. Pas besoin d'être devin pour cela. C'était lui. Zayn l'avait observé, dessiné et cela sur plusieurs pages. Parfois, simplement ses yeux en gros plans ou ses doigts. Même de dos, à son travail car le décor derrière était reconnaissable. Après avoir observé les dessins un long moment, il releva la tête vers le métis et se mordit la lèvre.


« C'est... C'est moi, n'est-ce pas ? »
« Oui, exactement. Désolé si c'est un peu... Flippant. Mais, quand je t'ai vu pour la première fois au café je me suis dit que tu ferais un très bon modèle. »
« Ah bon ? Le brun se mit à rougir et secoua la tête. C'est la première fois que l'on me dit cela. »
« Si c'est gênant, tu peux me le dire. Je comprend que ce soit assez... »
« Non non, j'aime bien. Je trouve tes dessins sublimes, c'est extraordinaire d'avoir un tel talent et tu as un joli coup de crayon. J'aimerai être aussi doué que toi. »
« Merci Harry, je suis ravie que ça te plaise. Et je suis certain que tu es doué aussi, à ta manière. »
« Je ne sais pas... »
« Tu as ramené des photos ? Pourquoi tu ne me montrerais pas dans ce cas, que j'en juge de mes propres yeux ? Je ne suis pas doué pour prendre des clichés, mais une fille qui travail ici pratique la photographie et elle me dit que je donne de bons conseils alors... »
« Oui. Oui, pourquoi pas. Attends. »


Harry recula un peu le calepin, sans pour autant le fermer parce qu'il avait encore quelques pages à parcourir. Il prit son sac sur ses genoux et en sortit un carnet remplis de ses propres photos, depuis qu'il avait commencé il en avait remplis quatre. Parfois, il prenait des clichés qu'il entreposait simplement dans son ordinateur et qui ne figuraient pas dans son book parce qu'elles n'étaient pas assez belles ou trop personnelles. Il le tendit à Zayn qui lui sourit tendrement avant de le prendre, il posa son pinceaux sur le bureau et le feuilleta avec attention, s'arrêtant par moment pour observer avec attention. Le bouclé, lui, avait déjà terminé d'admirer les merveilles qu'il pouvait produire avec un crayon, jamais il n'avait vu un tel talent. Picasso avait bel et bien de la concurrence.


« Harry... C'est sublime. Réellement. Et très impressionnant. Je ne sais pas comment tu fais mais... Tu parviens à retranscrire des émotions incroyables à travers une simple photographie. Les paysages sont sublimes, ce sont mes préférés je crois bien. Même si le zoom sur ce papillon rouge et orange est renversant. Crois moi, tu es très doué. Tu es fait pour ça. Ne doute jamais de ton talent. »


Jamais, dans sa vie entière, Harry n'avait eu le droit à un tel compliment. Jamais son copain n'avait une seule fois admiré son travail, ou y avait apporté la moindre critique. Même pour lui dire ce qui n'était pas bien. En fait, il ne prenait jamais du temps pour y accorder de l'importance. Tout ce qui ne touchait pas à lui n'était pas important, d'ailleurs. Il ne parlait que de son travail, de son cabinet de médecin, de ses clients, de son foot et de sexe. Quand il ne se mettait pas à insulter le bouclé parce qu'il faisait les choses de travers, ou du moins pas de sa façon à lui. Maël était égoïste, centré sur ses réussites et non pas sur celles de son copain. Mais, encore une fois, le brun voyait cela comme une punition qu'il subissait pour le pousser à prendre le bon chemin ensuite. Et il essayait, il se tuait à essayer de devenir une personne suffisante aux yeux de la personne qu'il aimait, il se tuait à devenir un autre pour lui plaire. C'était un inconnu, un homme qu'il connaissait à peine, qui parvenait à le couvrir de compliments et prôner son travail, qui parvenait à le voir comme il était sensé être. Il était le premier, en dehors de son petit-ami et de sa mère, à voir ses clichés et cela le touchait particulièrement qu'il les apprécie autant.


« Ne t'arrête jamais, si c'est ta passion, si c'est ce qui te plaît alors continue. Tu peux aller loin. »
« Merci Zayn... »


Le basané lui tendit son carnet pour qu'il le reprenne, il le rangea délicatement dans son sac et se leva ensuite de son siège pour venir lui rendre son calepin. La table était assez grande, il fit le tour et le rejoignit de l'autre côté, restant debout, pour voir ce sur quoi il travaillait. Tandis que l'autre jeune homme était parti se faire couler un café à la petite machine, il revint, posa le gobelet sur la table et prit place sur le tabouret. Harry admirait toujours son projet. Une grande plaquette de papier, presque comme une fresque, débordante de petits dessins minutieux et détaillés. Il y avait de tout, des parties du corps humains, des animaux, des objets. Cela ressemblait à un énorme capharnaüm, un mélange de différents éléments qui semblaient se réunir pour représenter un dessin énorme. Le métis releva les yeux vers lui et sourit doucement.


« Je n'ai pas encore tout à fait terminé, mais à la fin, toutes ces petites choses, ces dessins minuscules doivent représenter la Terre. »
« C'est époustouflant. Tu as dû passer du temps dessus ?»
« Si j'additionne tout, à peu près dix heures. Mais, je suis très perfectionniste dans mon travail, si un croquis ne me plaît pas je suis capable de tout gommer même s'il presque à sa fin. »
« Toi non plus, ne t'arrête jamais. Tu es bien trop doué, c'est dans ton sang tout ça. »
« Je ne comptais pas m'arrêter, c'est bien trop important à mes yeux. Il sourit au bouclé et réfléchit quelques secondes. Oh attends, je dois te montrer quelque chose que j'ai fais il y a une semaine environ. »


Zayn prit son gobelet dans ses mains pour en boire le contenu entre temps, se levant de son tabouret, le brun le regarda faire, alors que son pied roula sur un crayon au sol. Tout se passa bien trop rapidement pour qu'un des deux jeunes hommes ne fasse quoi que ce soit. L'histoire de quelques secondes secondes, tout avait basculé vers le drame. Il ne tomba pas, mais à la place le liquide brûlant de son café noir se renversa brutalement sur le torse et le ventre du bouclé qui poussa un petit cri de douleur. Le métis posa le gobelet sur la table et ouvrit grands les yeux, il ne devait pas paniquer mais plutôt lui venir en aide.


« Harry... Harry, il faut que tu enlèves ton tee-shirt ou tu vas te brûler la peau. »


A cette phrase, le corps entier du plus jeune se tendit. Les larmes lui montaient aux yeux, le liquide lui consumait la peau, déjà infiltré à travers le tissu, mais il s'en fichait bien parce qu'il était hors de question qu'il se mette torse nu devant un inconnu. Et c'était loin d'être une question de gêne, d'être pudique. Il secoua alors la tête et se recula d'un pas, ses mains tremblaient, le café continuait de brûler sa peau, il avait l'impression que ça s'infiltrait dans sa chair et ses os tellement cela lui piquait. En fait, il voulait hurler, pleurer, crier, se gratter la peau jusqu'au sang ou se plonger dans un bain glacé. Zayn, lui répéta deux ou trois fois de retirer son vêtement, il continuait de refuser. Il ne pouvait pas. Alors, avant que les choses ne deviennent trop graves, le basané prit les devants et saisit le bas de son tee-shirt pour le remonter. Le jeune homme se débattait pour le garder, lui soufflant d'arrêter, mais le soigner était bien plus important. Harry arrêta de s'opposer quand le tissu fut au niveau de son torse et qu'il rejoignit rapidement la table. Le haut de son corps était couvert d'une plaque rouge, à cause du café, entre ces quelques tatouages. Mais, ce ne fut pas le détail qui stoppa le métis de tout ses gestes. Ce n'était pas les brûlures qu'il venait de lui faire mais plutôt les bleus qui recouvrait ses hanches, les grandes griffures sur le milieu de son torse, entre ses deux tétons et en dessous, c'était ces deux marques rouges au niveau de son bassin, juste au dessus de son bas-ventre, sur le côté droit.

Le corps du bouclé s'était mis à trembler plus encore, il avait détourné le regard vers le sol, la gorge nouée. Il allait vomir, il le sentait, il sentait cette bile acide monter et monter jusqu'à sa bouche. Partir, il voulait partir et s'enfuir. Il sentait très bien le regard de Zayn sur son corps, sur son torse répugnant et couverts de séquelles, certaines encore récentes. Son dos aussi était parsemé de griffures. Son corps entier le rebutait, il n'osait plus se regarder dans un miroir sans voir ces bleus sur son ventre, ceux sur ses cuisses. Où il pouvait encore sentir ses ongles s'enfoncer dans sa peau, à ses dents croquer férocement sa peau. Ce n'était même pas dans le but de l'exciter, mais seulement de lui faire du mal. Et Maël avait réussi. Il avait réussit à détruire Harry. Détruire toute l'estime qu'il avait de lui, détruire tout sa confiance en lui-même et ce qui le rendait heureux. Ce n'était pas que des simples marques, c'était des traces indélébiles de son existence, de toutes les erreurs qu'il avait commises jusqu'ici et depuis presque deux ans. Le métis ne savait pas quoi dire, il se sentait mal de l'avoir forcé à faire quelque chose contre son gré, mais c'était simplement dans l'optique de l'empêcher d'être gravement brûlé. Finalement, le bouclé referma ses bras autour de son propre corps et cligna plusieurs fois des paupières pour refouler ses larmes. La voix de Zayn s'éleva, pleine de peine et de regret, légèrement tremblante.


« Harry.... »
« Je t'avais dit d'arrêter. »
« Je... Je suis... »
« Je dois y aller. »


Et il prit son tee-shirt, le renfilant rapidement même s'il était couvert de café. Ses mains tremblaient encore, moites. Il fit le tour et saisit son sac et sa veste. Il devait sortir, rapidement, il allait craquer sinon. Il manquait d'air, il étouffait. Il devait s'enfuir, courir et s'isoler. Se perdre et ne plus être retrouvé. Peu importe. Tant qu'il pouvait respirer à nouveau. Sans perdre de temps, sans aucun regard en arrière, il quitta le bâtiment aussi vite que possible. Le basané était resté là, figé, bloqué, ne sachant quoi dire ou faire pour se rattraper. Sa gorge s'était nouée aussi à la vue de son corps abîmé, et il devait aisément que ce n'était pas le seul endroit endommagé, que ce n'était qu'une partie de l'horreur qu'il devait vivre. Il se sentait mal, il se sentait atteint et blessé, angoissé et coupable. En deux secondes, il avait tout gâché. Quel monstre pouvait bien faire subir un tel sort à un garçon aussi adorable et innocent ? Quelque chose clochait, il le savait, et ses doutes s'étaient bien confirmées en cet instant. Harry, au dehors, courrait jusqu'à ne plus savoir reprendre son souffle, il n'avait même pas remis sa veste. Il faisait froid, mais peu importe. Les larmes coulaient le long de ses joues, ses yeux piquaient, ses jambes semblaient pouvoir le lâcher à n'importe quel moment. Il s'effondrait, il tombait. Il tombait tellement bas que personne ne pouvait le rattraper.


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