Chapitre douze :

                                                                                     - Zayn Malik. -


Sa cigarette entre ses lèvres, Zayn était encore installé dans sa voiture, au volant. D'une main légèrement tremblante, il retira la cigarette de sa bouche et recracha la fumée par la fenêtre ouverte. Cela devait bien faire une bonne demi-heure qu'il était là, assit, à réfléchir. Toute la nuit, voir pendant presque deux jours, il avait pesé le pour et le contre et cette solution s'avérait rester la meilleure de toutes celles qu'il avait pu établir. Il avait l'impression qu'en franchissant cette porte, il allait jouer avec sa propre vie, que sa décision aurait un impact sur son futur et sur le reste de son existence. Mais ce n'était même plus sa personne qui était remise en question, ce n'était pas à propre de lui-même qu'il se torturait l'esprit. Pourtant, après sa discussion avec Michael il n'avait pas hésité une seconde à suivre son plan, cependant se retrouver en face, en pleine situation, c'était tout autre chose que ce que l'on pouvait s'imaginer dans son esprit. Son coeur battait bien trop rapidement, son corps lui disait de partir, de faire demi-tour et de ne pas se mêler de la vie d'un garçon qu'il connaissait à peine. Et son cerveau lui criait de foncer, de prendre son courage à deux mains et d'aller tout lui avouer, lui montrer ses preuves, les clichés, lui raconter ce qu'il avait vu. Puis tant pis s'il était blessé au final, la raison était bonne. Il devait souffrir pour connaître le bonheur, une condition indispensable.

Harry ne pouvait pas continuer à vivre dans un tel mensonge, Maël ne pouvait pas continuer de profiter de la situation et de la naïveté du bouclé ainsi. Son jeu durait depuis trop longtemps. Dès le début, depuis qu'il avait croisé son regard à la fête, depuis qu'il était rentré dans cette cuisine pour venir chercher son copain, Zayn avait tout de suite eu une mauvaise impression du châtain. Comme si quelque chose de malsain, d'horrible se dégageait de lui. Son regard froid, son corps tendu et ses mots durs. Jamais il n'avait vu quelqu'un qui émanait autant de colère et de vulgarité. Et ses soupçons à son propres n'avaient fait que se renforcer quand il l'avait vu au bar. Là, plus aucun doute. Avec ses gestes, les photos qu'il avait prise et les propos du barman, il ne pouvait qu'être coupable d'adultère. Et il n'allait pas hésiter une seule seconde à le dénoncer, à lui en faire baver, parce qu'il le méritait, mais toutefois il hésitait. Pour Harry, pour ne pas le blesser, pour ne pas lui donner un plat en plus sur les épaules qui le ferait s'écrouler. D'habitude, le basané n'agissait jamais de manière égoïste, il faisait en sorte de toujours faire passer le bonheur des gens avant le sien, de les faire souffrir le moins possible, seulement là... Il n'avait pas le choix.

Après un certain temps d'attente, il jeta sa cigarette au sol et sortit de sa voiture, glissa pour vérifier que son portable était bien dans la poche de son jean avant de se mettre en route. Plus déterminé que jamais, il marcha vers la maison de Harry, du moins vers l'adresse que lui avait fourni Michael. Il se mordit la lèvre, souffla un bon coup en parcourant les derniers pas puis sonna. Ses mains étaient un peu moites, son coeur battait fort. Au début, aucun bruit. Quelques secondes passent. Puis des pas, un silence, et la porte qui s'entre-ouvre. Le bouclé était à la porte, il montra à peine son visage, la moitié et ses boucles folles. Son regard posé sur lui avant de descendre au sol, comme honteux ou incapable d'affronter le sien. Et il fallu un petit moment au métis avant qu'il ne prenne le courage de parler.


« Bonjour Harry, je... Je dois te parler. »
« Tu tombes mal là, je... Je suis occupé. »
« Ça ne peut pas attendre, en fait. »
« Zayn, je.... »
« S'il te plais Harry, c'est vraiment important. »


Le bouclé se mordit la lèvre et poussa un petit soupir après avoir réfléchit. Il se poussa finalement et lui ouvrit la porte, se reculant pour le laisser entrer à l'intérieur de sa demeure. Le métis avait déjà fait un grand pas, il le savait. Alors, sans attendre plus longtemps, il remercia le bouclé d'un sourire et entra. Le plus jeune semblait rester dans l'ombre, comme s'il n'osait pas affronter son regard, il gardait la tête baisée et se dirigea directement vers la cuisine. Il le suivit en observant les lieux autour de lui, tout était propre et bien rangé. La décoration simple et épurée. Il s'arrêta devant le bar de la cuisine et observa Harry sortir une tasse et mettre des grains de café dans la machine prévue à cet effet.


« Tu veux boire quelque chose ? Thé, café... ? »
« Non, merci. »


Puis le silence revient. Il pèse lourd. Aucun d'eux n'osait prendre la parole en premier. Et si tout dérapait ? Et s'ils se disputaient trop ? Et s'ils devenaient des inconnus par la suite ? Zayn ne pouvait pas se résigner à l'abandonner, à le laisser partir et reprendre sa vie alors qu'il s'était attaché à lui bien trop rapidement. Il voulait l'aider, le soigner, lui dire que tout irait bien, que ce n'était pas grave, qu'il trouverait mieux. Il voulait agir en tant qu'amis même s'il ne savait pas encore ce qu'ils étaient vraiment, s'ils étaient à ce stade ou s'ils n'étaient encore que des connaissances. Pourtant, ils avaient des tas de points en commun dont notamment l'art qui occupait tout de même une place importante dans leurs vies. Et, ils pouvaient encore se découvrir des caractéristiques semblables s'ils prenaient le temps et la peine de le faire, s'ils réglaient leurs problèmes maintenant. Pas une minute à perdre. Peut-être Maël allait-il rentrer du travail bientôt et alors son plan tomberait à l'eau. Le métis prit son courage à deux mains et inspira un coup avant de reprendre la parole, briser ce lourd silence.


« Avant tout, je voulais m'excuser pour... L'autre fois. Je n'aurai jamais dû te forcer à te retirer ton tee-shirt, seulement, je ne voulais pas que tu te brûles. Je me sens bête aussi... De n'avoir rien su dire ou te retenir. »
« Ce n'est pas grave. Murmura-t-il, ne s'étant toujours pas retourné. »
« Si, à mes yeux ça l'est. C'est assez... Intime tout de même. Tu n'as pas besoin qu'un garçon que tu connais à peine te fasse honte ainsi. Alors, je tenais à te présenter toutes mes excuses. Ce n'était pas mon intention. »
« Je sais, oui. J'ai compris Zayn. Ne t'excuse pas. »
« Harry... »
« Vraiment. Oublions ça. »
« D'accord, mais... Tu veux bien te retourner s'il te plais ? J'aimerai parler à autre chose que ton dos. »


Les muscles du bouclé se tendirent un peu, il ne bougea plus pendant quelques secondes. Comme si l'air, l'atmosphère et le temps s'étaient tous suspendus d'un coup. Comme s'il ne respirait même plus. Il tenait sa tasse de café encore fumante dans sa main droite, face au meuble de la cuisine. Le métis attendait une réaction, un geste ou un signe. Qu'il se retourne pour qu'il puisse enfin lui parler convenablement parce qu'il semblait le fuir depuis tout à l'heure. Sa voix avaient été douce et faible pourtant, ce n'était pas un ordre, simplement un besoin. Il ne voulait pas le brusquer, au contraire, il souhaitait avancer et non continuer de faire des pas en arrière et creuser plus encore ce faussé déjà bien trop grand entre eux. Il doit se rapprocher, resserrer les deux falaises et coudre les fissures pour faire disparaître le gouffre sous leurs pieds. Il doit lui montrer qu'il n'est pas là pour lui nuire, mais pour l'aider à se reconstruire s'il veut bien qu'on lui tend la main.


« Je ne te veux pas de mal Harry, simplement discuter. Je... Je dois te dire et te montrer des choses, mais je ne peux pas le faire si je m'adresse à tes boucles. Même si elles sont jolies. »


Il essayait de le faire sourire, de détendre l'atmosphère et purifier l'air avant de lancer la bombe. Ce n'était pas tellement quelque chose qu'il avait l'habitude de faire. Il était plutôt du genre à se taire, à écouter parler, à s'enfermer dans son atelier et retranscrire tout ce qu'il pouvait ressentir sur une toile, sur un carnet de dessin. Pour support, il n'avait pas les mots ou la parole, mais des couleurs, des tubes de gouaches, des crayons. Des explosions, des multitudes de nuances pour créer des contrastes, des paradoxes, des angoisses, des mélancolies, des peurs, des pleurs, des joies, des sourires... Tout un monde à l'aide d'un pinceau. Non pas qu'il n'était pas doué avec les mots, simplement il n'avait pas tellement l'habitude de les manier même s'il adorait lire des œuvres et ô combien il admire ces écrivains capables de passer des heures à coucher des sentiments sur un papier. Noir sur blanc. A l'aide d'une plume. Ou maintenant d'un clavier. Lui, son arme était tout autre chose. Mais chacun avec sa manière d'attaquer et de se défendre. Seulement là, il voulait rassurer, aider et réparer une injustice.


« Non... La voix du plus jeune tremblait un peu. »
« Écoute, on ne se connaît pas trop, mais tu dois savoir qu'avec moi tu n'as pas à avoir honte de quoique ce soit. Je ne te jugerai jamais. J'ai simplement besoin de te parler et ça ne peut pas attendre. Juste ça, et après je partirai si tu le souhaites. »
« Tu ne comprend pas.... »


Tandis que Zayn allait poser une question sur ce qu'il tentait de dire par cette dernière phrase, le bouclé posa sa tasse sur la table devant lui, le liquide tangua et il en renversa un peu sur le côté. Une petite flaque noire. Puis, il baissa la tête vers le sol quelques secondes, qui parurent des heures, avant de se retourner lentement. Autant qu'il le pouvait. Son regard toujours cloué en bas, avant qu'il n'ose le relever en même temps que son visage. Et ce que le métis y vit fit manquer plusieurs battements à son coeur. Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais rien ne voulait sortir. Rien ne pouvait sortir. Les mots ne parvenaient pas à franchir la barrière de ses lèvres, comme bloqués là. Juste sur sa langue. Le brun en face de lui le regardait avec angoisse et peine. Ses yeux, auparavant brillants et colorés, étaient ternes et humides. Il était sur le point de fondre en larmes, il voyait trouble, sa poitrine se levait bien trop rapidement pour que ce ne soit normal. La terre se dérobaient sur leurs pieds à tous les deux. Aucun ne savait quoi dire, qui devait prendre la parole en premier, quel geste faire. Tout était brouillé et figé. Statique. Tanguant. Ils tombaient ensemble. La chute était brutale et vertigineuse. Peut-être un mauvais rêve ? Oui, c'était sûrement cela. Ils se réveilleraient en sursaut, chacun dans leur lits, le corps couvert de sueur froide, des frissons. Mais simplement un cauchemar. Cependant, cette scène n'avait rien de plus vrai et de plus humain. Deux coeurs qui battaient la chamade. Deux regards qui se fixaient, qui ne se lâchaient plus. L'un criait un appel à l'aide et l'autre tendait la main. Ils ne restaient plus qu'à joindre les deux bouts.

Dimanche dernier, Zayn en avait vu des blessures, des coups sur le torse du bouclé et il avait deviné que ce n'était sûrement pas le seul endroit amoché. Seulement là... Ça dépassait tout ce qu'il aurait pu imaginer. Il avait du mal à ravaler cette boule dans sa gorge, ce goût âcre qui lui brûlait la trachée. Il avait du mal à contenir sa colère, sa peine, sa rage, son inquiétude. Et si ce n'était pas la première fois ? Et si ce n'était que le début ? Et s'il cachait bien pire ? Et si, Et si, Et si... Il avait du mal à réfléchir, à organiser ses idées et tout ce qui lui passait dans la tête. L'image de Maël en rage chez Luke, puis au bar avec cette blonde, le torse abîmé de son copain, la tristesse et la détresse dans ses pupilles. Qu'il pouvait encore y lire d'ailleurs. Elles ne les avaient jamais quitté, elles étaient simplement caché, enfoui tout au fond de son être derrière le masque qu'il portait toujours pour faire bonne figure. Je vais bien, ne vous en faîtes pas. Seulement, ce n'était qu'un mensonge. Un mensonge que le métis avait découvert par les blessures sur son torse mais aussi celles qui recouvraient maintenant son visage. Sa lèvre inférieur était fendue, comme une coupure. Et un bleu violacé, un peu jaune aussi, se trouvait sur sa joue, s'étendant de sa pommette au coin de son œil droit. En plus d'une égratignure sur son menton. Maintenant, il savait pourquoi le jeune homme ne s'était pas présenté à son travail durant plusieurs jours.


« Harry.... »


Ce fut tout ce qu'il parvint à prononcer pour le moment, dans un souffle à peine inaudible tellement l'air avait du mal à circuler dans ses poumons. Tout se rejoignait, tout s'assimilait. Plus de doutes. En plus de le tromper, Maël le maltraitait. Cela ne pouvait être que de son fait. Zayn secoua la tête et s'avança d'un pas vers le bouclé, il ne recula pas, alors il continua ses pas doucement jusqu'à arriver en face de lui. Et, bien qu'ils ne soient pas proches à ce point, il le regarda quelque secondes avant de passer le bout de doigts sur son bleu. Sous son contact, pourtant très doux et léger, il sentit le garçon frissonner. De partout. De l'électricité. Il pourrait bientôt sentir son coeur battre. Ses paupières se fermèrent sur ses yeux verts livides et il baissa la tête pour se dérober de cette caresses. Le métis l'observa, il se mordit la lèvre. Partagé entre deux sentiments forts que sont la rage et la tristesse. Il avait envie de le serrer dans ses bras, de le soigner, de guérir ses blessures et lui frotter le dos en le promettant que tout ira bientôt mieux. Il avait de le rendre fort parce qu'il semblait si faible et éreinté. Comme si la vie l'avait déjà abandonnée, un corps errant en liberté, mais sans aucune âme. Il avait envie de lui montrer qu'il serait là pour lui, demain, dans dix jours ou dans cinq ans. Même s'il ne pouvait pas le savoir et en être certain, il pouvait au moins le promettre. Parce que les promesses c'était ce qui faisaient tenir les gens un peu mieux debout, qu'ils soient moins bancals. Il avait envie de poser ses lèvres délicatement sur sa peau, l'adoucir, retirer ces hématomes et lui murmurer ensuite cette promesse chaude au creux de l'oreille. Ça va, je vais te sauver, tu ne crains plus rien. Seulement voilà, la réalité était bien plus brutale et écœurante. Il entendait Harry respirer fort, très fort et très vite. Il voyait ses mains tremblaient légèrement en même temps que sa lèvre inférieure. Les deux garçons étaient proches, leurs torses se touchaient presque.


« Je... Je ne voulais pas que tu vois ça. »
« Ce n'est pas grave. Enfin si, mais... Je veux dire, tu sais que je ne vais pas te laisser comme ça. »
« Tu devrais. Tu devrais partir. C'est... Sa voix était pleine de sanglot. Je le mérite, je n'ai pas agis correctement. »
« Personne ne mérites cela, Harry. »
« Mais je lui ai répondu. J'ai protesté, j'aurai dû... J'aurai dû le faire. »
« De quoi tu parles ? »
« C'est de ma faute. »
« Harry, explique moi.... Je t'en prie. Cette fois, il lui saisit les poignets et l'obligea à relever le regard vers lui. Tu peux me faire confiance, tu peux me le dire. »


Ses yeux étaient encore plus humides, ses lèvres rougies et il avait des cernes énormes. Comme s'il n'avait pas dormi depuis trois jours entiers. Puis, c'était peut-être le cas. Il semblait à bout de force, épuisé, abattu par la vie et la fatigue. Le basané hésitait à le prendre dans ses bras et le porter dans son lit, lui dire de se reposer. Mais il ne pouvait pas tout de suite car la conversation était lancée, le sujet était sur le tapis et il était trop tard pour reculer et repousser le moment. C'était maintenant ou jamais. Maintenant ou il serait bien trop tard. Seulement... Le bouclé ne semblait pas pouvoir répondre, il serrait ses lèvres entre-elles et secoua la tête en fermant brièvement les yeux.


« Dis moi... Est-ce que c'est lui qui t'as fait ça ? »


Aucune réponse. Deux secondes passent.


« Harry... J'ai besoin de savoir. »


Un silence lourd. Ses yeux toujours clos.


« Tu ne peux pas garder cela pour toi, tu le sais pas vrai ? »


Rien. Puis un murmure qui se voulait plus rassurant, plus chaleureux.


« S'il te plais, fais moi confiance.... »


Et là, au bout d'un certain temps, Harry ouvrit enfin les paupières et tourna son regard vers Zayn. Et là, il comprit immédiatement. Oui. Oui Maël le frappait. Oui Maël le maltraitait. Oui Maël lui infligeait tout ces coups et blessures. Oui Maël était la cause de cette monstruosité. En un contact visuel il avait saisit. Tout s'était connecté. Dans son cerveau mais aussi entre eux. Un lien fort et soudé. Tu m'as vu ? Dis moi que tu m'as vu... Je t'ai vu, je t'ai lu, tout entier. Ils se regardèrent un long moment. L'ambiance était redevenue lourde et pensante. Pas à cause d'eux, mais à cause d'un homme cruel qui les reliaient par un drame. Un silence les entouraient, ce n'était pourtant pas gênant. Cependant, le métis dû se résoudre à le briser pour continuer sur sa lancée. La bombe avait été placée dans la pièce, le minuteur réglée, il ne restait plus qu'à la déclencher et... Tic, toc. Tic, toc. Tic, toc. Le rythme de leurs coeurs en fusion.


« Je dois te parler de quelque chose... »
« Oui, je sais. »
« Ce ne sera sûrement pas facile, mais je ne pouvais pas faire semblant que tout allait pour le mieux en te regardant dans les yeux. Je ne veux pas te blesser encore plus, pourtant je suis obligé de le faire. »


Le bouclé fronça les sourcils et recula un peu contre le plan de travail pour le laisser parler. Il l'écoutait. Zayn cherchait, quand à lui, une manière correcte de lui dire. Être franc et direct ou bien subtile pour le préserver ? Là était la question. Encore une fois, il ne souhaitait pas blesser le garçon en face de lui, mais il n'avait peut-être plus beaucoup de temps à sa disposition et il devait faire vite. Les phrases défilaient dans sa tête. Rapidement. Trop rapidement. Rivière de mots.


« Ok, je... Vendredi soir, je suis allé dans un bar avec des amis. Au début, j'ai... J'ai entendu la voix d'un garçon, je ne pouvais pas le voir, mais je la reconnaissais. Je ne savais pas d'où, de quand. J'ai attendu qu'il soit plus loin pour voir son visage. Et... Je l'ai reconnu directement à ce moment là. C'était ton copain. J'en étais certain. Il était... Accompagné d'une femme blonde, un peu plus jeune que lui peut-être. Je ne sais pas trop. Une amie, j'ai pensé au début. Puis, je... Je les ai vu s'embrasser, se caresser pendant un long moment et s'éclipser ensuite dans les toilettes. Je... Je me sens idiot à te dire ça mais... J'ai pris des preuves, des clichés, pour que tu me crois sur paroles. »


Après cela, il marqua une pause pour fouiller dans sa poche et sortit son portable, il pianota dessus quelques secondes pour trouver les photos dans sa galerie qu'il avait gardé bien précieusement. Il lui tendit alors le cellulaire allumé sur la première image et, vu qu'Harry ne le prit pas tout de suite, le posa à côté de lui sur le plan de travail. Puis, il reprit.


« Libre à toi de les regarder ou non, c'est ton droit. Ce n'est pas facile je comprend. Toutefois... Pour être certain, j'ai demandé au barman. Il m'a dit que ce n'était pas la première fois qu'il venait, qu'il était même plutôt un habitué. Et qu'il... Il venait souvent avec des femmes différentes. Il marqua une pause, le bouclé ne vacillait pas. Le lendemain, je suis allé voir Michael au café, pour lui demander son avis. Il m'a bien confirmé que c'était ton copain... »


Harry ne réagit pas immédiatement, il regarda le basané qui attendait un signe, un geste, un mot. Puis, après quelques secondes, après un silence pesant, il prit le téléphone encore allumé sur le côté de la tablette de la cuisine et observa la première photo. Sa mâchoire se crispa et, d'un doigt légèrement tremblant, il fit défiler les autres clichés. Toujours silencieux, il verrouilla l'engin électronique et le tendit à Zayn. Il ne savait pas quoi dire, s'il devait ajouter quelque chose, changer de sujet, le rassurer tout de suite. La tension était palpable dans la pièce, l'ambiance était tombée encore plus bas. Il passa sa langue entre ses lèvres et s'apprête à reprendre la parole, mais le murmure doux et un peu brisé du bouclé résonne comme une masse.

« Tu sais, il a l'habitude de rentrer très tard. Il me dit que c'est à cause de son travail, qu'il a beaucoup de patient qui ont des urgences, des dossiers à remplir. Au début je le croyais, mais après... Je sentais un parfum différent sur lui, ce n'était pas l'odeur de mon Maël. C'était l'odeur d'une femme mélangé à celle du déodorant et du parfum Chanel. Quelque chose comme ça. Il sentait la femme, l'alcool et... Le sexe. Ses pupilles sont généralement dilatées, je sais que c'est à cause de la drogue et du nombre incalculable de verres qu'il consomme. Je sais ce qu'il fait le soir, quand il rentre en pleine nuit. »
« Harry... Je suis désolé... »
« Ce n'est pas toi qui doit l'être. C'est de ma faute, j'agis mal, je suis un mauvais copain, je... »
« Attends, ce n'est pas toi le coupable ! S'éleva la voix du basané cette fois-ci, il secoua la tête et s'avança vers lui. C'est lui, c'est lui le seul fautif. Dis moi, est-ce que tu l'as déjà insulté ? Est-ce que tu l'as déjà frappé à sang ? Est-ce qu'il a déjà eu des bleus, des blessures à cause de toi ? »


Le bouclé baissa la tête en poussant un soupir. Bien sur que non, lui n'avait jamais rien fait de mal ou du moins de telle envergure. Au point de battre à sang, de frapper son copain. L'homme qu'il était sensé aimer. Comment pouvait-on tomber amoureux d'une personne, l'aime de tout son fort, et être capable ensuite de lui infliger les pires souffrances ? Zayn ne comprenait pas. Il devait forcément avoir un élément déclencheur, un détonateur, quelque chose qui avait fait que la situation était ainsi aujourd'hui. Maintenant, était-ce seulement la faute du bouclé si tout cela avait pris cette tournure ? Il essayait de comprendre, de saisir ce qui avait bien pu se dégrader, ce qui s'était brisé au sol violemment. Son regard émeraude en disait long sur la situation. Il paraît que l'émotion se lit plus dans les pupilles que sur le visage et là, à cet instant précis, le métis en était convaincu. Tout passait et convergeait vers ces yeux dénudés de toute émotion. Ils étaient vides et profondément brisé. Comme tout son être. Il dégageait une telle souffrance et une telle douceur à la fois. La vie l'avait mis à terre, l'avait abattu, mais il avait encore le courage de sourire et de prétendre que tout allait parfaitement bien. Il souriait, avec des larmes douloureuses perlant aux coins de ses paupières.


« Qu'est-ce que tu aurais bien faire de mal hein ? Explique moi. Parce que là, c'est lui qui est totalement en tord. »
« Non Zayn, je... Je sais que ce n'est pas forcément bien ce qu'il fait mais.... »
« C'est carrément interdit oui, et inhumain ! »
« Mais c'est normal. J'ai mes erreurs aussi, mes points noirs, mes croix rouges. J'ai des moments où je n'ai pas agis correctement, tu comprends ? On ne marche pas tous droit. Parfois, on dérive du chemin. Ça arrive. Et j'ai besoin de changer, je dois m'améliorer. Pour qu'il comprenne que je suis capable d'être quelqu'un de bien. »
« Tu l'es, Harry. Tu es bien plus que ça même. Arrête de penser que tout cloche chez toi. »
« C'est le cas pourtant ! Il s'emporta à son tour en serrant les dents. Je ne suis pas assez bien, il faut que je change, que je prenne sur moi, que... Que je fasse tout pour qu'il m'aime comme avant. Quand tout fonctionnait. »


Zayn avait envie de le secouer, de lui mettre une claque, de lui donner un coup de jus pour lui montrer la réalité. Lui montrer que non, ce qui lui arrivait, ce qu'il subissait n'était pas normal. Et surtout, que son soit disant copain ne ressentait plus rien pour lui. On ne pouvait pas prétendre être amoureux de quelqu'un puis le briser, le rouer de coups, le rendre triste, faible et vulnérable. On ne pouvait pas prétendre être amoureux de quelqu'un et le tromper avec des personnes différentes depuis trop longtemps pour que ce ne soit qu'une erreur de parcours. Personne ne pouvait agir ainsi. Même un fou trouverait cela insensé. Harry était encore dans le déni, il refusait sûrement de voir la vérité en face. Mais le métis allait lui ouvrir les yeux, allait l'aider à voir les choses clairement, à réaliser que tout n'était pas perdu et qu'il suffisait parfois de regarder suffisamment pour comprendre.


« Non, non, tu te trompes là. Tu crois franchement qu'il va encore t'aimer après ça ? Après ce que je t'ai montré ? Il désigna son portable qu'il avait encore dans sa main. Arrête de le défendre ou de lui trouver des excuses, tu l'aimes peut-être encore, mais ce n'est pas une raison pour tout lui passer et accepter ce qu'il te fait ! Putain, tu comprend ça au moins ? Ce n'est pas bien. C'est lui qui n'est pas quelqu'un de bien. Il te frappe, il te trompe, il te ment et tu parviens encore à croire que c'est toi qui est la cause de tout ce qui t'arrive ? Comment tu peux en arriver là ? »
« Zayn.... Murmura le bouclé, la gorge serrée, tandis qu'il secouait la tête. »
« Ce n'est pas compliqué à comprendre pourtant. N'importe qui aurait été en colère, serait parti depuis longtemps. Il ne fait pas ça depuis une semaine, c'est un jeu qui dure depuis trop de temps, toi même tu le sais, Harry... »


En effet, le regard désespéré qu'il lui jeta lui fit comprendre que oui, le jeune homme savait que cela durait depuis des mois, que ça ne faisait que s'empirait, qu'il passait de moins en moins de temps ici. Et surtout, que leur amour, leur relation, était enterré sous un tas de poussières et de terre depuis sa première erreur d'adultère. Et même avant encore. Le bouclé tremblait, ses yeux étaient remplis de larmes à nouveau et de colère un peu. Contre qui ? Ca Zayn ne le savait pas, mais il espérait que ce ne soit pas contre lui. Certes, il s'était mêlé de sa vie privé, il venait lui parler d'une chose délicate, d'un sujet qui allait l'enfoncer dans son mal, mais ce n'était pas pour le faire souffrir. Simplement pour l'aider à guérir, à se relever et marcher correctement sur ses deux pieds. Doucement, lentement. Parce que se reconstruire est une affaire de temps.


« Je ne comprends pas, je ne comprend rien. Pourquoi tu restes ? Pourquoi tu perds ton temps ? Pour que tu le laisse te détruire ? Pourquoi tu ne pars pas ? Saisis ta chance, ta liberté. Il te détruit. Ne lui donne pas cette opportunité encore. »


Son souffle était saccadé, tremblant. Il secoua la tête à nouveau. Non. Non. Non. Il ne voulait pas de ça, pas maintenant. Il ne voulait pas que tout vole en éclat. Il était déjà brisé mais il ne voulait pas être broyé. Irréparable. Son coeur battait fort, vite. Ses jambes ne tenaient presque plus son corps lourd et lasse. Le métis s'avança vers lui pour tenir son visage en coupe, entre ses mains, sa peau était froide, gelée. Il n'osait même pas le regarder dans les yeux. Comme cette fois à l'atelier. La scène se rejouait. Mais en bien pire cette fois.


« Dis moi, pourquoi tu ne le quitte pas ? Il ne te fera plus de mal, c'est pour toi, pour ton bien Harry. »


Puis, il sent les muscles du bouclé se tendre, sa mâchoire se serrer, il ravala sa salive et le poussa d'un coup. Pas fort, pas violemment, mais simplement pour qu'il s'éloigne. Ce n'était pas brusque, pas violent, mais ça ne lui ressemblait pas pour autant. Lui qui avait pour habitude d'être si doux et calme, si rayonnant et souriant. Aujourd'hui, il semblait être quelqu'un d'autre, l'inverse de lui-même. Une sorte de jumeau maléfique qui prenait le dessus sur le Harry que tout le monde semblait connaître. Les vaisseaux sanguins de ses yeux ressortaient et contrastaient avec le blanc de sa sclérotique. Tout contrastait en lui. Il venait de repousser l'autre garçon et pourtant il se sentait mal de son geste.


« Il faut que tu arrêtes de te voiler la face, je... Je peux t'aider si tu veux. Je sais que je me suis assez investi dans ta vie privée, mais si tu as besoin d'aide, je suis là pour toi. Seulement, tu dois comprendre que tu dois mettre fin à ça. Tu aurais dû le faire il y a longtemps.... Tu ne dois pas avoir peur de lui. Des gens sont là pour toi. Pourquoi tu ne fais rien ? Pourquoi tu reste là à subir ? »
« Zayn, laisse moi.... »
« Non, non ce n'est pas moi qui te laisser ! Tu vas continuer à le regarder te frapper, te dégrader comme ça ? Tu comptes vivre toute ton existence ainsi ? Ou alors attendre que ce soit là qui te lâche comme un moins que rien parce qu'il aura trouver une femme plus importante ? Il n'est même pas capable d'assumer ce qu'il fait et tu le conforte dans l'idée que c'est de ta faute. Tu t'entends un peu parler parfois ? Non mais putain, Harry ! Fais quelque chose, vire le, crie lui dessus, dis lui s'en aller. »
« Je ne peux pas... Il murmura faiblement. »
« Pourquoi ? »

Aucune réponse. L'air était électrique. Le bouclé respirait mal, son souffle était éreinté, il regardait partout autour de lui, sauf le basané. Il l'évitait.


« Pourquoi Harry ? Pourquoi tu ne fais rien ? »


Ses yeux se remplissaient de larmes, les muscles tétanisés, il serra les poings et entre-ouvrit les lèvres. Rien n'en sortit tout de suite, il retenait l'air dans ses poumons. Tout s'écroulait sur ses pieds. Le dernier fil qui le maintenait encore en équilibre au dessus du gouffre.


« Qu'est-ce qui t'en empêches ? Tu... »
« Mais parce que je n'aurai plus rien merde ! Répondit le bouclé en criant presque, osant enfin affronter son regard. Il a tout. Cette maison lui appartient, il l'a acheté à son nom quand on a emménagé ensemble, tout les meubles sont à lui. Si je le quitte, s'il me quitte, je perds tout. Tout ce que j'ai, tu comprend ça ? A part mon travail, j'aurai rien. Je ne peux pas me payer un appartement avec mon salaire. Je ne peux pas ! Et je suis faible, je suis impuissant, je ne peux rien faire. Tu saisis ?! Voilà ce qui m'en empêche! Il m'a enfermé dans une putain de boite qui lui appartient, il la secoue, il n'arrête pas de la secouer mais il n'y a aucune issue pour en sortir. Je suis bloqué.... Il reprit son souffle, il venait de tout enchaîner. Il est tout ce qui me reste, tout ce que j'ai! Sans lui, sans cet appartement, sans son aide, je n'ai plus rien pour moi. Alors arrête, arrête de me dire quoi faire et sors d'ici ! Les veines de son cou ressortait tellement il s'emportait. Tu ne peux pas m'aider, personne ne peut le faire. C'est déjà mort pour moi, je suis déjà mort ! Laisse moi, retourne à ton atelier, trouve quelqu'un que tu peux sauver. Je n'en vaux putain ! Pourquoi tu t'obstines ? Pourquoi tu restes ? Tu n'as pas mieux à faire que venir sauver un moins que rien comme moi ? Il essuya une larme au coin de ses yeux et poussa le torse du basané qui ne voulait pas bouger. Va t'en ! Tu ne peux rien pour moi... Tu comprends ou pas, putain ? Pars ! »


La bombe s'affolait, les dernières secondes s'écoulait. Tic, tic, tic. Tic, tic, tic. Brusque. Précipitation. Tout allait trop vite, les battements de leurs coeurs dans leurs poitrines, le temps, le sang qui circulait dans leurs veines en fusion. Le décor tournait autour d'eux. Le bouclé avait le coeur au bord des lèvres, le souffle court, les larmes brûlantes sur ses joues. Le basané le regardait, incapable de savoir quoi pensait, la bile en travers de la gorge et un élan de rage montait en lui. Contre Maël. Contre tout ce qui faisait subir à ce garçon qui n'avait rien demandé d'autre qu'être aimé.

Tic...

La tension était montée d'un cran. Seulement quelques secondes étaient passées, à peine cinq, ils se regardaient dans le blanc des yeux. Leurs pupilles étaient connectées, le lien était noué, solide comme jamais. Le fil pouvait être réparait, il suffisait qu'Harry s'accroche aux deux morceaux brisés, qu'il garde espoir. Tout n'était pas mort ou terminé pour lui. Il y avait de la lumière au bout du tunnel.

Toc....

Puis, dans un dernier regard, dans une dernière seconde marquée par l'aiguille de l'horloge sur le mur de la cuisine, Zayn s'avança dans un élan qui lui était inconnu il posa une main sur la nuque du bouclé et ses lèvres sur les siennes.

Boom.

Un choc au début, des frissons ensuite et de la douceur. Aucun d'eux ne l'avait vu venir. La bombe, littéralement. Tandis que leurs bouches entraient en contact pour la première fois, le poids du corps du basané poussa celui du brun contre le plan de travail derrière lui. Il était coincé, il ne pouvait plus résister. D'abord, il ne réagit pas tout de suite au baiser, puis il posa finalement ses mains sur les hanches du métis. Ses larmes salées se mêlaient à leur échange. Leurs coeurs battaient forts, ensemble, à l'unisson. Ils se liaient plus encore. Leurs respirations se mélangeaient, leurs souffles se percutaient. C'était un peu en désordre, leurs dents s'entrechoquaient, leurs nez entraient en contact parfois. Cela faisait longtemps que Zayn n'avait pas embrassé ainsi et, même s'il ne s'y attendait pas, qu'il fut embrassé en retour. Avec autant de passion et d'envie. Comme s'ils se retenaient depuis trop longtemps. Une pulsion. Tant pis pour Maël, tant pis pour toutes les règles. Et quand leurs langues se mélangèrent, dansèrent ensemble un ballet interminable, le ventre de Zayn se tordit de plaisir. Une chaleur agréable montait dans son corps et lui procurait des frissons. Le baiser à le goût de la menthe, Harry a le goût de la menthe avec un soupçon de cerise en fond. C'était bouleversant. A couper le souffle. Un besoin, une nécessité. Une collision parce que la bombe venait d'être lancée. Ils gardaient les yeux clos, pour se dire que tout ça n'était peut-être qu'un rêve et que ce moment n'aurait plus jamais lieu. Un rêve dont ils ne voulaient pas se réveiller.

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