Arrêt de bus: 2
Mardi 21 Novembre
J'ai pris mes écouteurs mais pas de livre. De toute façon il fait si noir que je ne pourrais même pas voir les lignes. Je suis fatiguée. Je me suis levée encore plus tôt que d'habitude car il faisait trop froid dans ma chambre, m'empêchant de dormir. Et comme je m'ennuyais je suis venue plus tôt ici. Je me demande ce qui s'est passé par ma tête. J'ai froid. Je somnole, l'arrière du crâne posé sur la vitre en verre de l'arrêt. Ma musique est forte dans mes oreilles mais ça ne m'empêche pas de fermer les yeux. Je suis plutôt mal à l'aise d'habitude lorsque j'ai mes écouteurs sur les deux oreilles, le volume sonore plutôt fort et les yeux fermés car je ne pourrais pas entendre en cas de danger ou tout simplement il se pourrait que je rate mon bus. Mais il est tôt je vais donc faire une exception. Mes paupières sont lourdes et le froid m'engourdit. J'ai l'impression que mes sens sont exacerbés. Je sens le goût du dentifrice sur ma langue humide et dans ma gorge. Je sens l'effluve caractéristique du froid, une odeur qui me piquote l'arrière de mes cavités nasales. Mes doigts caressent doucement les coudes de mon pull rouge (que j'ai remis) en laine. C'est doux. Ca me fait penser à maman.
Je reste quelques minutes les yeux fermés. Ou bien était-ce des heures? Non le bus n'est pas arrivé. Etrangement quelque chose me dit d'ouvrir les yeux. Un instinct primaire peut-être. Je lui fais confiance, c'est ce genre de chose qui nous permet de rester en vie. Alors j'obéis aux cris stridents que m'envoi désespérément cet instinct.
Je sursaute.
Quelqu'un s'est assit sur le banc pendant que j'avais les yeux fermés. Je ne l'ai pas entendu arriver. Je ne crois pas qu'il m'ai vu sursauter. Heureusement, sinon j'aurais eu l'air idiote. C'est un homme. Je ne sais pas s'il est grand étant donné qu'il est assis mais il est en tout cas plus grand que moi. Il porte un grand manteau noir d'hiver, le col remonté jusqu'au dessus de sa mâchoire. Il a des cheveux blonds bouclés coiffés sur le côté. Il a les jambes et mains croisées mais je crois discerner des gants de cuir. Son regard est froid je trouve, mais je ne sais pas si c'est son regard naturel ou si c'est ce regard qu'ont les gens lorsqu'ils ne veulent pas que des étrangers les approchent. Je ne l'ai jamais vu. Je suis assise à l'extrême droite du banc, lui à l'extrême gauche.
Je n'avais pas remarqué mais il a cessé de respirer lorsque je l'ai regardé, aucune buée ne sortait de sa bouche. Je pense qu'il est aussi mal à l'aise que moi d'être aussi "proche" d'un inconnu. Si ça se trouve il a l'habitude de venir ici et c'est la première fois qu'il voit quelqu'un. Mais je ne pense pas qu'il se sente aussi gêné que moi. Je veux dire...Je suis seule, je suis une femme et il n'y a que nous deux. Personne ne pourrait entendre mes cris si vous voyez ce que je veux dire. C'est fous ce que le cerveau peut devenir paranoïaque en quelques secondes. J'imagine déjà les pires scénarios. Je frissonne mais ce n'est pas à cause du froid. Est ce que je devrais prendre mon portable et faire semblant de parler avec quelqu'un? Je n'aime pas cette situation et puis si je le fais et qu'il veut m'attaquer, cela l'en dissuadera étant donné qu'il y aura un témoin. Je me pince l'arrête du nez entre deux doigts en poussant un soupir exaspéré. Mais à quoi je pense? Il n'a absolument rien de méchant! Je me sens stupide mais la paranoïa ça ne se contrôle pas.
Je tourne la tête et je l'évite. C'est ce que je fais avec chaque inconnu, mieux vaut ne pas avoir de contact visuel. C'est une sorte de protection j'imagine. Comme un chat sur le territoire d'un autre chat.
Je sens que l'attente va être longue.
Mercredi 22 Novembre
Je suis une nouvelle fois à l'arrêt du bus. C'est moi où la température ne cesse de baisser de jour en jour? J'ai dû mettre un manteau cette fois. Et des gants. Rouges bien entendu.
Ne riez pas, ce n'est pas de ma faute. Ma mère s'est faite une obsession de mon nom avec les nuances de rouge. Elle dit que ça me va bien et m'achète à chaque Noël des vêtements ou accessoires rouges. Et comme je n'ai pas d'argent...Et bien je ne refais pas ma garde-robe. D'ailleurs ce manteau est un peu grand. Je ressemble à un camion de pompier. Mais il est chaud, alors je peux lui pardonner.
L'homme d'hier est encore là. Cette fois je l'ai vu arrivé. Il est venu à l'exact opposé de moi, je suis venue par la droite lui par la gauche. On s'est assis exactement à la même place qu'hier. Très écartés l'un de l'autre, moi à l'extrême droite lui à l'extrême gauche. Il s'est assis et m'a jeté un regard du coin de l'œil avant de se concentrer sur un point quelque part dans les bois. Et nous sommes restés immobile. Le malaise est persistant mais je ne veux pas remettre mon écouteur. Je n'en garde qu'un. On ne sait jamais. D'habitude je fais ça au cas où quelqu'un voudrait me parler. Mais je n'ai pas l'intention de lui parler et je sais que lui non plus. Mais s'il bouge je veux l'entendre.
Il fait froid. Je suis glacée jusqu'aux os. Je tremble légèrement mais lorsque je regarde l'homme, lui semble totalement étranger à la basse température autour de nous. Mais c'est juste une apparence. Je vois bien ses joues se colorant de rouge sous la morsure du froid.
Je lève la tête et regarde le ciel d'un gris sale. J'entend les corbeaux croasser au loin. J'entend le vent dans les sapins. Je l'entend aussi gronder dans mes oreilles. Il est fort. Il y a quelque chose de lourd dans l'air comme avant un orage.
J'espère qu'il ne va pas neiger.
Merci pour ceux qui ont continué de lire :) c'est une histoire que j'ai imaginé juste avant de m'endormir et au départ je ne voulais pas la publier. Mais je me suis demandée ce qu'en penseraient les gens alors...voilà!
J'espère que cette étincelle d'idée vous plaira!
#Jabberwobbly
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